Conférence d’économie de M ; STEVANT Fiche technique de Ronan JEGOU 16/04/2017 Structure et évolution récente des prélèvements obligatoires dans les pays de l’OCDE. Vade mecum … Trois sources : impôt sur le revenu, taxes sur les biens et services, cotisations sociales. Dans les Etats interventionnistes, poids relatif faible de l’impôt sur le revenu. Depuis 20 ans, réformes fiscales (OCDE) : baisse de l’impôt sur le revenu et des taxes sur biens et services. Politiques d’attractivité fiscale (impôts / sociétés et hauts revenus) : Irlande, R. U. (puis Allemagne, France). Harmonisation européenne : encadrement des taux (fixation de taux mini) et alignement des règles d’assiette (groupe de Primarolo, 1997). Le taux de prélèvements obligatoires est souvent mis en exergue comme l'indicateur du degré d'intervention de l'Etat et très régulièrement utilisé pour effectuer des comparaisons internationales en termes d’attractivité fiscale. L’efficacité de cet élément de comparaison semble cependant devoir être relativisée. En effet, les prélèvements obligatoires sont la somme des impôts et cotisations sociales perçus, sans contrepartie, au profit des administrations publiques. Donc, dès lors que les systèmes de protection sociale, notamment, ne sont pas basés sur les mêmes principes de solidarité, les différences constatées doivent être corrigées pour redonner un peu de pertinence aux comparaisons. Ainsi, si l'on tient compte des impôts et cotisations payés sur les prestations et des dépenses privées volontaires (assurance maladie ou fonds de pensions assurés par les entreprises à leurs salariés) les écarts affichés se réduisent de manière importante. L’étude de la politique fiscale des pays industrialisés et surtout de son évolution récente comparée donne néanmoins une image assez nette de la prise en compte par l’Etat des nécessités nées de la mondialisation de l’économie et des revendications des citoyens – contribuables. 1/ Eléments structurants de l’impôt dans les pays de l’OCDE A- Les trois grandes sources Si la politique fiscale est encore une prérogative centrale de la souveraineté des Etats, on discerne néanmoins d’importants éléments de comparaison entre les pays industrialisés quant à la structure de leurs prélèvements obligatoires. Dans l’ensemble de ces pays, quelle que soit l’histoire de leur politique économique et fiscale, les recettes proviennent de trois grandes sources que l’on peut identifier comme étant le revenu des personnes physiques (en France, l’IRPP), les taxes diverses sur les biens et services (par exemple la TVA) et enfin les cotisations sociales (comme la CSG ou la taxe professionnelle). A ce découpage vertical, se superpose un découpage horizontal distinguant les différents échelons politiques prélevant cet impôt. Dans les pays à organisation de type fédéral comme dans ceux ayant une organisation plus centralisée, on peut distinguer l’impôt prélevé par l’Etat de celui perçu par les collectivités locales au sens large (régions, Etats fédérés, etc …) et enfin des recettes fiscales destinées au financement de la protection sociale pour sa part non-étatique. Le poids respectif de ces différentes catégories d’impôt varie selon les pays et dans le temps. Dans ceux où l’Etat assume une politique économique et sociale active (assurance-chômage, retraites, services publics …), le poids des cotisations sociales et, pour leur assiette large, des taxes sur les biens et services, ont une part prépondérante dans les prélèvements. Dans les pays (essentiellement anglo-saxons, plus le Japon) ayant fait le choix d’un moindre interventionnisme étatique, on constate que le poids des prélèvements (habituellement rapporté au PIB) est plus faible (environ 30 à 35 % contre 40 à 45 % dans les autres pays) et que l’impôt sur le revenu y tient une part relative plus importante. Conférence d’économie de M ; STEVANT Fiche technique de Ronan JEGOU 16/04/2017 B- La réforme fiscale, figure imposée de tout programme politique. Soumis d’une part aux exigences de la compétition économique internationale, et d’autre part à une contestation croissante du poids de ces prélèvements obligatoires (extension des prérogatives sociales et économiques de l’Etat), les Etats de l’OCDE ont depuis une vingtaine d’années entrepris des réformes visant à diminuer la pression fiscale. Ce mouvement de réforme a été initié dans les pays anglo-saxons (Reagan et Thatcher) par la baisse simultanée de l’impôt sur le revenu et des impôts sur les sociétés. Ainsi, aux Etats-Unis, l’impôt fédéral sur le revenu a-t-il vu le taux de sa tranche supérieure ramené à 33 %. L’actuelle administration met en œuvre un plan décennal visant à réduire l’impôt sur le revenu et supprimer l’impôt sur les successions, pour un total évalué à 1350 milliards de dollars. Il faut noter que ces politiques, initiées par des administrations américaines et britanniques libérales, ont été également mises en œuvre dans des pays européens par des gouvernements tant conservateurs que socialdémocrates. Le gouvernement allemand de G. Schröder a ainsi lancé un plan quinquennal prévoyant de baisser à la fois l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu (taux marginal ramené de 51 à 42 %). En France, la baisse simultanée de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés a été affirmée comme objectif de la législature en cours. La réforme doit également concerner une particularité fiscale française, l’ISF, dont le poids et l’efficacité sont inversement proportionnels à l’importante charge symbolique. 2/ Les grands enjeux de la politique fiscale des pays de l’OCDE. Si l’impôt est une des prérogatives de la souveraineté des Etats, les nécessités de la compétition économique influencent fortement les politiques fiscales. A- Entre compétitivité et souveraineté, comment taxer les bases mobiles ? Dans un monde de globalisation économique, les pays industrialisés sont tentés de jouer de la « défiscalisation compétitive » afin d’attirer sur leur territoire le maximum d’entreprises. La méthode consiste à proposer aux investisseurs et résidents étrangers des conditions fiscales particulièrement compétitives, à l’image de la politique suivie par l’Irlande dans les années 1990 (baisse dans des proportions importantes de l’impôt sur les bénéfices et de celui sur les sociétés). Le succès de cette politique se mesure notamment au bond important qu’a opéré le revenu national irlandais depuis le début des années 1990. Le Royaume-Uni a également mené une telle politique, le gouvernement travailliste actuel ramenant le taux d’imposition des bénéfices à 30 % et offrant aux cadres expatriés un régime fiscal très favorable. En Allemagne, c’est suite à un rapport commandé par le Chancelier Kohl sur la compétitivité allemande que le gouvernement Schröder a opté pour une politique d’attractivité fiscale envers les entreprises. Pour nécessaires qu’elles soient, ces politiques n’ont pas toujours une grande pertinence économique. Elles ont tendance en effet à conduire à une spécialisation sectorielle induisant des coûts ultérieurs (notamment liés aux transports des biens). L’ Union Européenne a par conséquent entrepris, non sans difficultés liées à un certain « nationalisme » fiscal, d’harmoniser certains volets de ces politiques. B- La nécessaire harmonisation européenne. Visant à la fois à favoriser la compétitivité fiscale des économies européennes et à assurer une certaine égalité des citoyens et acteurs économiques européens devant l’impôt, l’Union Européenne engage les Etats membres à harmoniser leurs politiques fiscales. Cette orientation s’applique à l’ensemble des bases mobiles, en premier lieu à la taxation indirecte des biens et services (taux minimum de 5% fixé en 1991). Dans le domaine de la taxation des entreprises, le « groupe de Primarolo » a, en 1997, proposé un code de conduite visant à lutter contre la « concurrence fiscale dommageable » (66 pratiques recensées). Face à la grande variété des taux d’imposition des sociétés en Europe (taux facial de 10 % en Irlande, 36 % en France, 40 % en Italie), le groupe de Primarolo propose, plutôt que de prôner un hypothétique alignement, d’harmoniser les règles d’assiette, permettant à l’investisseur et à l’entrepreneur de faire un choix le plus rationnel possible. La réflexion a également porté sur la taxation de l’épargne (lutte contre la fraude et le dumping fiscal) et, récemment en France mais depuis une dizaine d’années ailleurs en Europe, sur la fiscalité des hauts revenus. Conférence d’économie de M ; STEVANT Fiche technique de Ronan JEGOU 16/04/2017 Quelques chiffres … Structure des prélèvements obligatoires (1999) PAYS Impôts sur le revenu et les bénéfices Sécurité sociale Impôts sur les salaires Impôts sur le patrimoine Impôts sur les biens et services Autres Total France 24,0 36,0 2,2 7,3 26,6 3,6 100 Allemagne (1) 29,8 39,3 - 2,5 28,0 0,0 100 Belgique 38,8 31,8 - 3,3 26,0 - 100 Danemark 58,9 4,2 0,6 3,6 32,4 0,0 100 Espagne 28,2 34,9 - 6,1 29,8 0,5 100 Grèce nc nc nc nc nc nc 100 Irlande 43,0 13,3 0,4 5,5 37,2 - 100 Italie 36,0 29,5 - 5,7 24,5 4,4 100 Luxembourg 36,1 25,8 - 9,1 27,6 1,2 100 Pays-Bas 25,1 39,6 - 5,1 28,5 0,5 100 Portugal 29,0 25,6 - 3,3 41,4 0,8 100 Royaume-Uni 39,0 17,1 - 11,3 32,0 0,0 100 Suède 41,1 25,6 7,6 3,5 21,7 0,1 100 Etats-Unis * 49,5 23,7 - 10,6 16,2 - 100 Japon 29,7 39,6 - 10,8 19,7 0,3 100 Moyenne UE 15 * 34,8 27,8 1,1 4,7 30,2 0,9 100 Ensemble OCDE * 36,3 24,7 0,9 5,4 31,3 1,2 100 * Données 1998 Taux de prélèvements obligatoires dans quelques pays de l’OCDE 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 Pays France 43,0 43,2 43,1 43,3 43,7 44,0 45,0 45,1 45,2 46,0 45,5 36,7 37,1 38,0 38,1 38,4 38,5 37,6 37,2 37,0 37,7 37,8 Irlande 33,6 34,2 34,5 34,5 35,7 33,1 33,2 32,8 32,2 31,9 31,5 Italie 38,9 39,3 41,7 43,4 41,4 41,2 42,9 44,4 42,7 43,0 42,3 Luxembourg 43,9 43,1 42,7 44,7 44,7 44,4 46,6 46,5 41,5 42,1 42,0 Pays-Bas 44,6 47,2 46,8 47,5 44,7 42,0 41,5 41,9 41,0 40,3 41,8 Royaume-Uni 36,3 35,9 35,3 33,8 34,5 35,2 35,1 35,4 37,2 36,6 Allemagne (1) Etats-Unis 27,6 27,8 27,6 27,9 28,4 28,8 29,2 29,7 28,9 19,9 Japon 30,9 30,3 28,8 28,7 27,8 28,4 28,2 28,8 28,4 27,7 37,7 (2) nc 27,1 Moyenne UE 15 40,3 40,5 40,9 40,9 41,1 40,5 41,1 41,5 41,3 nc nc Ensemble OCDE 35,6 36,1 36,3 36,8 36,8 36,5 36,9 37,2 37 nc (1) Allemagne unifiée à partir de 1991 (2) Non compris les impôts des administrations d'État et locales Source : Statistiques des recettes publiques des pays membres de l'OCDE 1965-1999 nc