INNÉ Un nouveau-né naît-il pédophile ? Ou tout au moins avec une prédisposition nette à le devenir. Cette orientation est-elle innée ? Ou acquise ? Quelques propos de campagne électorale ont remis dans les mémoires ce couple de notions qu’on oppose souvent. C’est un vrai débat philosophique et bien sûr, on n’a pas le temps de l’ouvrir ici ; mais pourtant on peut apporter quelques précisions sur les deux mots. Il s’agit de deux adjectifs, qu’on utilise comme des noms : ce qui est inné ; ce qui est acquis. Le sens du mot « inné » se devine rien qu’en examinant le mot : l’inné, c’est ce avec quoi on naît. Beaucoup de caractéristiques physiques sont donc innées. Et il arrive que des enfants naissent avec ce qu’on peut appeler des anomalies, des malformations, ou même des maladies qu’ils ont dès la naissance. Parle-t-on d’inné dans ces cas-là ? En général non : on préfère parler de maladies congénitales, de problèmes congénitaux. Leur origine date d’avant la naissance, ils étaient déjà présents pendant la période de grossesse maternelle. On parle également de maladies héréditaires ; est-ce que c’est exactement la même chose ? Non ! Les maladies héréditaires sont héritées des parents, transmises par le père ou la mère. Alors que les maladies congénitales se déclarent in utero, avant la venue au monde, sans pour autant qu’elles aient un rapport avec la structure physique des parents. Alors évidemment, il est toujours très difficile de déceler ce qui peut être inné, à part des caractéristiques physiques. Et de toute façon, l’inné est amené à se développer, à être nourri par l’histoire de chacun : l’inné, au fil de la vie, se compliquera ou s’enrichira d’acquis successifs. Mais de toute façon, le mot est le plus souvent utilisé dans un sens figuré et non scientifique. Et il est alors un peu synonyme de « naturel ». On parle de gentillesse innée de quelqu’un pour souligner que ce n’est pas de la gentillesse due à une éducation, à des principes, mais qu’elle fait partie du noyau même de la personne en question : en dehors de toute histoire personnelle, c’est quelqu’un de gentil. Et puis ce mot d’ « inné » est également assez proche d’une idée vague d’ « intuition » : on peut couramment dire de quelqu’un qu’il a un sens inné du commerce. Sans avoir appris, sans réfléchir, il sait ce qu’il faut dire, comment présenter les choses. De même on peut parler d’un sens inné de la discussion, du rapport de force, ou même du rythme. Quelque chose qui peut s’affiner avec l’expérience, mais qui est déjà là au départ, avant toute expérience. La plupart du temps, on emploie donc le mot dans un contexte positif : on aura plus tendance à parler de « qualités innées » que de « défauts innés ». Et ces sens « innés » ne sont pas très loin de ce qu’on peut appeler un don : un don pour le calcul mental, comme une disposition innée. Mais bien entendu, il est possible d’employer le mot en référence à des défauts ou des caractéristiques négatives Et par rapport à cela, l’acquis est tout ce qui s’est construit en fonction de l’histoire d’une vie, tout ce qui est lié à une personnalité qui est une somme d’expériences successives. L’acquis est donc une sorte de résultat de ce que la vie a proposé, ce qu’on en a obtenu, puisque le mot est au départ une forme du verbe acquérir, qui signifie plus ou moins obtenir, amasser.