LES INTERACTIONS ENTRE NATURE ET CULTURE
qL’environnement social influence l’évolution biologique…
L’influence de l’environnement social et
culturel sur les phénomènes naturels est
aisément repérable en relevant la surmor-
talité de certaines catégories sociales aux
âges « jeunes » du fait d’une réticence à se
soigner correctement ou de l’adoption d’un
mode de vie plus risqué. Dans le même
registre, on peut invoquer la fécondité dif-
férentielle en fonction du niveau sociocul-
turel des couples. Il est aussi possible de
montrer que l’hominisation, autrement dit
le long processus qui aboutit à l’homme tel
que nous le connaissons aujourd’hui, a été
le résultat d’une interaction entre l’inné et
l’acquis. Selon Yves Coppens, placés dans
des conditions de vie dangereuses dans la
savane, certains hominidés ont dû dévelop-
per des compétences nouvelles pour sur-
vivre (station debout, utilisation des
membres supérieurs pour autre chose que
la marche…) qui ont nécessité un dévelop-
pement du cerveau. De génération en
génération, la taille du cerveau a ainsi augmenté, permettant l’apparition du langage et la
fabrication d’objets, lesquels ont accru la capacité à survivre et permis de nouvelles trans-
formations biologiques pour aboutir à l’Homo sapiens. De l’australopithèque à l’homme
actuel, le volume crânien est ainsi passé de 600 cm3à 1 500 cm3.
q… et les contraintes naturelles entraînent une mutation culturelle
Un des arguments majeurs pour illustrer l’idée que la nature peut être à la base de
comportements culturellement déterminés nous est fourni par l’ethnologue Claude
Lévi-Strauss dans Les Structures élémentaires de la parenté (1949). Il y montre que la
prohibition de l’inceste, constante dans toutes les sociétés humaines, pousse des
groupes naturels issus de la procréation à s’échanger des femmes pour éviter les
unions consanguines sources d’appauvrissement du patrimoine génétique, donc pou-
vant conduire à l’extinction des groupes humains concernés.
Ainsi sont constitués des réseaux d’alliances qui forment les relations sociales à la
base de la parenté. Dans le même ordre d’idées, l’obligation de prendre femme à l’exté-
rieur du clan (par exemple, chez les Indiens des plaines d’Amérique du Nord) et donc
d’entreprendre un long voyage pour trouver une épouse, obéissait à un double
impératif : renouveler le patrimoine génétique du clan et organiser une sélection pour
permettre aux hommes les plus aptes à survivre d’engendrer une progéniture suscep-
tible d’avoir les mêmes qualités (amélioration de l’espèce).
27
La théorie de Darwin
appliquée aux sociétés
humaines
Selon Jared Diammond* […] c’est la
compétition pour la survie entre les dif-
férentes sociétés humaines qui assure
le succès de telle ou telle depuis le pa-
léolithique supérieur. Les contraintes cli-
matiques ou géographiques orientent la
« compétition/sélection » sur le très
long terme. […] Cette compétition se-
rait le fondement même de toutes les
relations entre les sociétés humaines.
Dans tous les cas, les sociétés qui sub-
juguent ou détruisent les autres sont le
fruit réussi d’une compétition sévère,
qui a sélectionné des traits culturels,
économiques et politiques performants.
Jean-Claude Ruano-Borbalan, Sciences humaines,
n° 119, août 2001. *Jared Diammond,
De l’inéga-
lité parmi les sociétés,
Gallimard, 2000.