LOPPOSITION TRADITIONNELLE ENTRE NATUREL ET CULTUREL
qDéterminants biologiques du comportement…
La sociobiologie est la discipline qui tente de prouver que les comportements indivi-
duels ou collectifs relèvent du patrimoine génétique de l’individu (ou du groupe biolo-
gique). Les domaines dapplication sont extrêmement variés : de la répartition sexuelle des
rôles aux capacités àvelopper des relations sociales, jusqu’aux « pdispositions » plus
fortes de certaines populations pour les activités sportives, la violence ou l’échec scolaire…
On comprend aiment que des publications comme celles de C. Murray et
R. Herrstein (La Courbe en cloche, 1994) soutenant qu’il existe une différence significa-
tive et stable de QI (quotient intellectuel) de l’ordre de 15 points entre Blancs et Noirs
aux États-Unis, puissent servir d’alibis « scientifiques » à des thèses extmistes, voire
conduire à des doctrines vantant leunisme.
Une version édulcoe de « linisme » se retrouve dans la théorie du don, selon
laquelle les talents sont distribués aux individus au hasard d’une loterie nétique. Il
revient alors à la soc de faire en sorte que chacun puisse faire fructifier ses talents,
sans que ses origines sociales ou ethniques nentrent en compte.
Cette thèse, fquemment répandue dans notre pays, est à la base de lélitisme répu-
blicain : la socié doit donner les mêmes chances à tous, à chaque niveau de sélection,
les plus doués sen sortiront et resteront dans la comtition pour lacs à l’élite, les
autres rentreront dans le rang, en ayant été au bout de leurs « possibilités ».
q… ou déterminants sociaux ?
La thèse selon laquelle lessentiel des comportements humains dépendrait de carac-
téristiques acquises au cours de la vie sociale peut être qualife denvironnementaliste.
En effet, défendue par des anthropologues, elle postule que c’est la culture acquise par
un individu qui influence son comportement.
Par exemple, plusieurs études centrées sur le QI denfants adops montrent que le
fait d’être élevé par des parents adoptifs à haut niveau socio-économique permet aux
enfants adoptés d’avoir un QI plus éle ou une réussite scolaire plus grande que ceux
adops par des familles à plus faible niveau socio-économique, y compris lorsque leur
milieu social de départ est identique.
Les analyses de Pierre Bourdieu (Les Héritiers, 1964; La Reproduction, éléments pour
une torie du sysme d’enseignement, 1976 ouvrages publiés aux éditions de Minuit)
sur lele du système éducatif sont baes sur les mêmes hypothèses, l’élitisme répu-
blicain devenant alors une sorte d’alambic à distiller des élites issues de l’élite!
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L’INNÉ ET L’ACQUIS
9
Le débat sur l’influence respective de l’inné et de l’acquis est récurrent dans les
dias, montrant ainsi l’intérêt de l’opinion publique pour cette question. Il
s’agit de savoir si les comportements humains (ou les inégalités entre les
hommes) s’expliquent par la biologie ou par l’influence de l’environnement social.
LES INTERACTIONS ENTRE NATURE ET CULTURE
qLenvironnement social influence l’évolution biologique…
Linfluence de lenvironnement social et
culturel sur les phénones naturels est
aisément repérable en relevant la surmor-
talité de certaines catégories sociales aux
âges « jeunes » du fait dune réticence à se
soigner correctement ou de ladoption dun
mode de vie plus risqué. Dans le même
registre, on peut invoquer la fécondité dif-
férentielle en fonction du niveau sociocul-
turel des couples. Il est aussi possible de
montrer que lhominisation, autrement dit
le long processus qui aboutit à lhomme tel
que nous le connaissons aujourd’hui, a é
le résultat dune interaction entre linné et
lacquis. Selon Yves Coppens, placés dans
des conditions de vie dangereuses dans la
savane, certains hominidés ont dû velop-
per des comtences nouvelles pour sur-
vivre (station debout, utilisation des
membres supérieurs pour autre chose que
la marche…) qui ont nécessité un dévelop-
pement du cerveau. De génération en
génération, la taille du cerveau a ainsi augmenté, permettant lapparition du langage et la
fabrication dobjets, lesquels ont accru la capaci à survivre et permis de nouvelles trans-
formations biologiques pour aboutir à l’Homo sapiens. De l’australopitque à l’homme
actuel, le volume crânien est ainsi passé de 600 cm3à 1 500 cm3.
q… et les contraintes naturelles entraînent une mutation culturelle
Un des arguments majeurs pour illustrer lidée que la nature peut être à la base de
comportements culturellement terminés nous est fourni par l’ethnologue Claude
Lévi-Strauss dans Les Structures élémentaires de la parenté (1949). Il y montre que la
prohibition de l’inceste, constante dans toutes les sociétés humaines, pousse des
groupes naturels issus de la procréation à s’échanger des femmes pour éviter les
unions consanguines sources d’appauvrissement du patrimoine nétique, donc pou-
vant conduire à l’extinction des groupes humains concernés.
Ainsi sont constitués des réseaux d’alliances qui forment les relations sociales à la
base de la paren. Dans leme ordre d’idées, lobligation de prendre femme à lexté-
rieur du clan (par exemple, chez les Indiens des plaines d’Amérique du Nord) et donc
d’entreprendre un long voyage pour trouver une épouse, obéissait à un double
impératif : renouveler le patrimoine génétique du clan et organiser une sélection pour
permettre aux hommes les plus aptes à survivre d’engendrer une progéniture suscep-
tible davoir les mes qualis (amélioration de lespèce).
27
La théorie de Darwin
appliquée aux sociétés
humaines
Selon Jared Diammond* […] c’est la
compétition pour la survie entre les dif-
rentes socs humaines qui assure
le succès de telle ou telle depuis le pa-
olithique supérieur. Les contraintes cli-
matiques ou ographiques orientent la
« compétition/sélection » sur le très
long terme. […] Cette compétition se-
rait le fondement même de toutes les
relations entre les sociétés humaines.
Dans tous les cas, les sociés qui sub-
juguent ou détruisent les autres sont le
fruit réussi d’une compétition sévère,
qui a sélectionné des traits culturels,
économiques et politiques performants.
Jean-Claude Ruano-Borbalan, Sciences humaines,
119, août 2001. *Jared Diammond,
De l’inéga-
liparmi les sociétés,
Gallimard, 2000.
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