Les cyclotrons Proposition pour le site web de l’Interdivision Accélérateurs de la SFP Eric Baron, conseiller honoraire GANIL Septembre 2006 582686834 1 I Les cyclotrons, quelques notions simples Des accélérateurs de particules (et en particulier des cyclotrons) : pour quoi faire ? En 1919, le physicien britannique Ernest Rutherford réussit, en bombardant des noyaux d’azote 14 avec des particules α (noyaux de l’atome d’hélium), à les transmuter : certains noyaux devenaient de l’oxygène 17. Il utilisait des projectiles α de quelques MeV produits dans la désintégration naturelle de l’uranium. En utilisant d’autres radioéléments émetteurs d’α d’énergies plus élevées, Rutherford élargit le champ des transmutations possibles. Puis, il réussit à convaincre la communauté scientifique qu’il était nécessaire d’inventer des machines accélérant des particules avec des intensités beaucoup plus élevées que celle des sources naturelles, et jusqu’à des énergies encore plus élevées, afin de poursuivre la recherche fondamentale sur la physique des noyaux atomiques. L’idée la plus simple : une haute tension continue C’est ainsi que jaillissent entre la fin des années 1920 et le début des années 30 une foule de projets immédiatement suivis de réalisations. Le phénomène physique de base est l’action d’un champ électrique sur une particule électriquement chargée (figure 1). L’énergie cinétique ainsi acquise est simplement égale au produit de la charge électrique de la particule par la différence de potentiel traversée. Les premiers accélérateurs : multiplicateur de tension de Cockroft et Walton, appareil Van de Graaf à peigne et courroie, génèrent des différences de potentiel continues allant de 600 kV à 1,5 MV. Figure 1 Malheureusement, ces machines électrostatiques causent bien des désagréments, en particulier des claquages, qui limitent la valeur de la haute tension et donc l’énergie des projectiles. 582686834 2 Le cyclotron : une variante enrichie de l’accélérateur linéaire L’idée du cyclotron a été inspirée à l’Américain Ernest Lawrence par Rolf Wideröe, un Norvégien travaillant à Aix-la-Chapelle. Pour obvier aux inconvénients des très fortes différences de potentiel statiques, ce dernier avait imaginé un accélérateur linéaire : les ions positifs subissent des petites accélérations multiples par l’application d’une tension alternative à une série d’électrodes cylindriques alignées. Mais, afin que les ions arrivent entre deux électrodes au bon moment pour « voir » un champ électrique accélérateur, ces électrodes tubulaires doivent être de plus en plus longues au fur et à mesure de l’augmentation de la vitesse et, avec la technologie radiofréquence de l’époque, on aboutissait rapidement à des dimensions olympiques. Lawrence retint l’idée de l’accélération par étapes successives, mais en superposant au système un champ magnétique qui aura pour vertu de courber la trajectoire des ions, autorisant ainsi le fonctionnement avec UNE SEULE électrode (figures 2a et 2b). Cette électrode aura la forme d’une boite à camembert coupée selon un diamètre, dont les moitiés sont communément appelées « dee » (lettre D majuscule, en anglais) et « antidee » Figure 1 Figure 2a Figure 2b Pour séduisante qu’elle soit, l’idée n’est pas suffisante. Un développement mathématique très simple permet d’établir l’unique équation réellement nécessaire à la compréhension du fonctionnement du cyclotron : lorsqu’un corps de masse m se déplace sur un cercle de rayon r à une vitesse tangentielle constante v , il est soumis à une force centrifuge m v2 / r ( en choisissant un 582686834 3 référentiel à symétrie cylindrique r , , z ) . S’il reste sur ce cercle, c’est que cette force est équilibrée à tout instant par une force égale dirigée en sens inverse ; dans le cas d’une particule de charge électrique Q se déplaçant dans un champ magnétique Bz perpendiculaire à sa vitesse, cette force dite de Laplace vaut Q v B z . Il suffit d’écrire l’égalité des deux forces : m v2 / r Q v Bz [1] pour en déduire la vitesse angulaire ω: v QBz d dt r m [2] Figure 3 Donc la fréquence de révolution: f rev ne dépend ni de la vitesse, 2 ni du rayon de giration, au moins tant que la masse n’augmente pas par effet relativiste1. Le mouvement est isochrone. La formule [1] résume tout (enfin, presque) le cyclotron. Il suffit ensuite d’appliquer entre les deux électrodes de la figure 2 une tension sinusoïdale dont la fréquence f HF est égale à f rev , de façon que l’ion arrive toujours dans l’intervalle d’accélération au sommet de la sinusoïde (ou au moins dans la partie positive) . Que nous dit encore la formule [1] ? On peut l’écrire aussi : Q Bz r : pour un type d’ion donné, à tout rayon r dans le cyclotron v m correspond une vitesse v . Le rayon grandit au fur et à mesure que la vitesse s’accroît : la trajectoire d’un ion accéléré ressemble donc fortement à une spirale. Enfin, cette même équation [1] peut encore s’écrire en isolant les termes mv relatifs à l’ion : B r (en ignorant les indices) ; cette quantité est appelée Q rigidité magnétique. La figure 4 montre comment ça marche . On supposera pour l’instant qu’il existe au centre du cyclotron une « source d’ions » placée dans l’intervalle accélérateur. Les ions en sont extraits et décrivent un demi-cercle de rayon C’est pour cette raison que le cyclotron ne peut pas être un accélérateur d’électrons. Dès 5 keV, la masse de l’électron est augmentée de 1%. Pour ces particules, on utilise des accélérateurs linéaires ou bien des synchrotrons (voir ces rubriques). 1 582686834 4 correspondant à leur vitesse ; croisant à nouveau l’intervalle accélérateur dans l’autre sens, leur vitesse s’accroît , ainsi que le rayon de courbure, et ainsi de suite. Dans la réalité, l’une des deux électrodes est à la masse et réduite à une sorte de moignon. On verra un peu plus loin qu’il existe des formes plus compliquées. Figure 4 Le champ magnétique Pour un cyclotron comme celui de la figure 2b, le champ magnétique est créé par deux bobines parcourues par un fort courant, entourant chacune un pôle circulaire en fer doux. Les lignes de flux sont, en première approximation, perpendiculaires à la surface des pôles Nord et Sud, assurant ainsi dans tout l’entrefer un champ constant, du centre jusqu’à la périphérie. Les ions se meuvent dans le plan de symétrie des pôles, ou au voisinage très proche de celui-ci. Le flux magnétique de retour est canalisé par une culasse de fer qui est souvent la partie la plus voyante du cyclotron (figure 5). Figure 5 (Cyclotron CIME, GANIL) 582686834 5 En réalité, pour des questions de focalisation du faisceau d’ions, les pôles ne sont pas de simples cylindres à section plane : afin que ce faisceau reste confiné verticalement au voisinage du plan de symétrie, le champ magnétique doit être divisé en secteurs comme sur la figure 6. Tout comme une série de lentilles optiques focalisantes (comme dans un périscope), les bords de ces secteurs constituent une suite de lentilles magnétiques dont l’effet sur le faisceau est convergent. Figure 6 De plus, si l’énergie des ions est affectée par l’effet relativiste d’augmentation de la masse, on doit rajouter sur les secteurs des bobines dites d’isochronisme qui réalisent l’augmentation adéquate de la loi du champ magnétique en fonction du rayon (figure 7a). Enfin, l’effet des secteurs purement radiaux peut s’avérer insuffisant pour assurer la focalisation verticale ; on est alors amené pour des raisons que nous ne développerons pas ici, à donner à ces secteurs des bords en forme de spirale (figure 7b). Figure 7a 582686834 Figure 7b. Cyclotron injecteur GANIL 6 L’accélération haute fréquence (HF) Sur la figure 4, on voit que l’accélération agit deux fois par tour : à l’entrée et à la sortie du « dee ». On a pris soin, au préalable, de grouper les ions extraits de la source en paquets courts, avec la même fréquence que la HF et synchronisés de telle sorte que chaque paquet arrive dans les intervalles accélérateurs au sommet de l’onde. La tension appliquée au dee est générée dans la plupart des cas par une cavité résonnante pilotée par un oscillateur ; l’éventail des valeurs crête s’étend de 50 à 800 kV selon les cyclotrons, et la fréquence peut être rendue variable par modification de la capacité de la cavité (panneaux mobiles), soit de la longueur de la ligne de couplage (court-circuit mobile). L’électrode n’est pas nécessairement unique : il existe des cyclotrons à deux ou trois électrodes et on a alors 4 ou 6 accélérations par tour. La figure 8 montre une des deux cavités du cyclotron CIME et la figure 9, les deux cavités d’une version ancienne de l’injecteur du GANIL. Figure 8 Figure 9 Le vide Sous peine de pertes d’ions par collision élastique ou par échange de charge avec les atomes de la chambre d’accélération, il est nécessaire d’évacuer ces atomes par pompage, de façon à minimiser ces pertes. On est ainsi amené à atteindre des pressions aussi basses que 10 -6 à 10-8 mbar. En outre, ces faibles pressions sont aussi exigées pour éviter les effluves ou claquages entre la masse et les composants portés à des hautes tensions: l’obtention de champs électriques atteignant souvent 100 à 150 kV/cm serait impossible à la pression atmosphérique. Pour autant, un étuvage de l’enceinte n’est pas nécessaire, mais il faut choisir des matériaux à faible taux de dégazage ( acier inox, cuivre). Les enceintes à vide, souvent de grande taille, doivent être suffisamment robustes pour supporter une différence de pression de 105 Pascal sur de grandes surfaces: l’épaisseur des parois est souvent de l’ordre de 2 cm d’acier, ce qui par ailleurs procure une atténuation non négligeable des flux de rayonnements issus de réactions nucléaires internes. La figure 10 permet d’imaginer qu’une chambre à vide (ici, celle d’un cyclotron à secteurs séparés du GANIL) est un ensemble dont la conception met en jeu des 582686834 7 codes de mécanique très complexes. Ici, le diamètre est de 9,60 m et le poids de 57 tonnes. Figure 10 Vue générale d’un cyclotron La figure 5 montre un cyclotron compact (CIME) assemblé. La figure 10 est une vue éclatée d’un des deux cyclotrons à secteurs séparés ( CSS) de GANIL. Les 4 secteurs magnétiques pèsent chacun 430 tonnes. L’enceinte à vide (en gris) comporte de nombreuses ouvertures pour le pompage, l’entrée et la sortie du faisceau, ainsi que l’introduction des deux cavités HF (en jaune). Le diamètre moyen de cette machine est de 13 m. Figure 11 582686834 8 L’énergie finale De l’équation [1], on tire facilement l’expression de l’énergie cinétique acquise par un ion (Q,m) au rayon r dans un champ magnétique B, dans l’approximation 1 1 Q B r 2 2 T mv non-relativiste : 2 2 m En pratique, on exprime plus communément l’énergie en MeV/nucléon ; si A et q sont respectivement le nombre de nucléons et le nombre de charges électriques q de l’ion, on écrit plutôt : [3] W ( MeV / n ) ( B r )2 ( )2 A Remarquons d’abord que la tension d’accélération n’intervient pas : quel que soit le nombre de tours, on parvient toujours à la même énergie au rayon d’éjection. Le découplage des caractéristiques de l’aimant et de celles de l’ion dans cette formule met en évidence leur influence respective sur l’énergie maximale du cyclotron : - l’énergie étant proportionnelle au carré de la charge électrique Q, il est intéressant de concevoir des sources d’ions qui « épluchent » l’ion au maximum, ce qui est aisé pour l’atome d’hydrogène, mais impossible dans l’état actuel de la discipline, pour l’uranium. - l’énergie est proportionnelle au carré du rayon : on serait donc tenté de faire des cyclotrons de grand diamètre, mais on est vite freiné par le poids de l’aimant, qui croît grosso modo comme le cube du rayon. - l’énergie est proportionnelle au carré du champ magnétique, mais la valeur maximale de B est limitée par la saturation du fer : elle est d’environ 2 Teslas pour un cyclotron compact et 1 Tesla pour un CSS. Pour ce dernier point, on peut augmenter la valeur de B jusqu’à 5 Teslas avec des bobines supraconductrices, mais les forces colossales mises en jeu limitent alors le rayon maximum des machines compactes à environ 1 m. Quelques cyclotrons ont été basés sur cette technique . L’énergie finale d’un cyclotron n’est pas nécessairement figée : à condition d’adapter la fréquence HF de façon à respecter le synchronisme entre le passage des ions et la crête de l’onde, le choix d’un autre état de charge Q permet d’obtenir une autre énergie. Toujours sous la même condition, on peut changer le niveau de champ magnétique. Enfin, on peut croiser les deux méthodes, de sorte que le domaine d’énergies accessible est assez large. 582686834 9 Sources et injection du faisceau Le principe et la constitution des sources d’ions sortent du cadre de cet exposé. Qu’il suffise de dire ici que les ions sont crées à partir d’atomes neutres injectés dans une petite chambre à plasma : les électrons rapides de ce plasma arrachent un ou plusieurs électrons aux atomes. Les ions sont extraits de cette chambre par une différence de potentiel, on choisit l’espèce ionique (Q, m) à accélérer par tri magnétique, puis ces ions sont placés sur l’orbite de départ au cœur du cyclotron. Historiquement, la source d’ions se présentait sous la forme d’un petit cylindre placé au centre du cyclotron (par exemple, sources PIG, figure 12). Les ions sont extraits à travers une fente latérale par la tension du dee. La qualité du faisceau n’est pas très bonne mais, malgré la perte importante dans la région centrale, ce genre de dispositif existe toujours sur certains cyclotrons quand la source délivre suffisamment d’intensité. Il s’agit presque uniquement de faisceaux de protons. Vers la fin des années 60 sont apparues des sources offrant de meilleures performances, s’agissant de délivrer des états de charge Q plus élevés conduisant à des énergies plus grandes (Cf. formule [3]). Mais ces sources (par exemple de type ECR, figure 13), sont bien trop volumineuses pour être placées à l’intérieur d’un cyclotron, car le confinement magnétique du plasma nécessite de volumineuses bobines. Les ions extraits sont introduits dans le cyclotron par un canal creusé à travers la culasse, dans l’axe de symétrie d’un pôle ; ils sont ensuite guidés vers le plan médian par un miroir électrostatique de forme hélicoïdale appelé inflecteur. Figure 12 (source type PIG) Figure 13 (source type ECR) Ejection Lorsque le faisceau a atteint l’orbite la plus externe autorisée par le rayon du dee, on le soustrait à l’emprise du champ magnétique par un champ électrique radial engendré par une tension continue appliquée entre deux électrodes concentriques. L’électrode interne (une lame métallique mince appelée septum) est à la masse de façon que son potentiel ne perturbe pas les orbites internes ; 582686834 10 l’électrode externe est alimentée par une tension souvent de l’ordre de 50 à 100 kV (Figure 14). Signalons que, dans certains cas particuliers, l’extraction se fait par épluchage. Par exemple, s’il s’agit d’ions H-, on interpose sur leur passage une feuille de carbone très mince qui arrache les deux électrons, générant ainsi un faisceau de protons dont le centre de courbure est évidemment à l’opposé du centre du cyclotron. On élimine ainsi un élément électrostatique haute tension, souvent générateur de problèmes de claquages. Figure 14 582686834 11 II. Quelques applications des cyclotrons On a vu que l’invention du cyclotron (et plus généralement, des accélérateurs) a été motivée en premier lieu par les besoins de la physique du noyau atomique. Cependant, dès les années 1930, une utilisation médicale était entrevue. Depuis ce temps, ce champ s’est considérablement développé, ainsi que d’autres dans des domaines très variés comme l’analyse des matériaux (usure, corrosion), l’étude des dommages causés par les rayonnements (sur les matériaux de réacteurs, les aimants permanents et les semi-conducteurs), ou la fabrication de micro-filtre calibrés. Nous donnons ci-après quelques exemples. Traitement des cancers par les rayonnements. En 1936, peu après la mise en marche des premiers cyclotrons à Berkeley, John Lawrence, médecin et frère de l’inventeur, fait les premiers essais de traitement de cancers par des neutrons issus du bombardement d’une cible de béryllium par les deutons de 8 MeV issus d’un cyclotron (figure 15). Figure 15 De 1954 à 1957, toujours à Berkeley, une variante du cyclotron, le synchrocyclotron, est utilisée pour produire des faisceaux de protons et de particules α dans le but de détruire les tumeurs localisées. L’intérêt de cette technique, déjà proposée en 1946 par Robert Wilson, repose sur une particularité du ralentissement des ions dans la matière : l’énergie perdue présente un maximum de densité en fin de parcours (pic de Bragg), minimisant ainsi les dommages causées aux cellules saines situées en amont, à l’opposé des traitements par X ou neutrons (figures 16a et 16b). Figure 16a 582686834 Figure 16b 12 Aujourd’hui, l’optimisation de la taille, de la fiabilité et de la simplicité des cyclotrons à énergie fixe, a permis de mettre en service de telles machines dans les centres hospitaliers. L’énergie des faisceaux (protons) doit être de l’ordre de 200 à 250 MeV de façon à pouvoir atteindre les tumeurs profondes dans le corps humain. La figure 17 montre le cyclotron C235 (société IBA) au centre MGH de Boston (USA) et la figure 18, le cyclotron COMET à bobines supraconductrices (société ACCEL) récemment mis en service au centre PSI de Zurich (Suisse). Figure 17 C 235 (IBA) Figure 18 COMET (ACCEL) Production de radio-isotopes. Les cyclotrons ont pris une place prépondérante dans la production de radio-isotopes pour l’imagerie médicale aussi bien que pour la radio immunothérapie. Pour l’imagerie médicale, il s’agit de produire en quantités importantes des isotopes émetteurs β+ (positron) à vie courte. Ces radioéléments marqueurs sont injectés au patient, et la désintégration du β+ en deux γ émis à 180° permet à une caméra (tomographe) de reconstituer l’image de l’organe surveillé. Un des isotopes les plus connus est le fluor 18, de période 110 minutes, produit par bombardement d’une cible d’oxygène 18 par des protons. Pour produire les isotopes d’usage courant, on a besoin de faisceaux de protons de 10 à 18 MeV, ou de deutons de 5 à 9 MeV avec des intensités de plusieurs dizaines de µA. Comme indiqué au paragraphe « Ejection », beaucoup de ces machines accélèrent des ions négatifs ( H-, D-), de sorte que l’éjection par épluchage simplifie encore le fonctionnement. Il existe aujourd’hui plus de 200 cyclotrons construits par l’industrie et dotés de ces caractéristiques spécifiques. Ce sont des machines presse-bouton, peu encombrantes et ne nécessitant pas de personnel spécialisé. Les figures 19 et 20 donnent une idée de leur compacité. 582686834 13 Figure 19 Cyclone 10/5, 10 MeV H-, 5 MeV D- (IBA) Figure 20 TR 19, 10-19 MeV H- (EBCO) La radio immunothérapie, illustrée par la figure 21, consiste à injecter au patient une molécule anticorps anti-tumeur porteuse d’un radioélément émettant un rayonnement toxique dans un rayon de quelques dizaines de µm (particules α) à un cm (électrons). Elle nécessite des méthodes de production efficace de nombreux radioéléments, ce qui implique l’obtention de faisceaux de protons de 30 à 70 MeV avec des intensités de 50 à 400 µA. Figure 21 Un exemple d’une telle machine est actuellement en cours de construction pour le compte du centre hospitalier de Nantes et du laboratoire SUBATECH (cyclotron ARRONAX); elle doit produire des faisceaux de protons ainsi que des α . Production en grandes séries de micro-filtres calibrés L’irradiation de films minces de polymères par des ions lourds de 1 à quelques MeV/nucléon a pour effet de modifier durablement le matériau le long des traces. Après attaque chimique, celles-ci deviennent des pores qui, selon 582686834 14 l’énergie et la nature des ions incidents, ont un diamètre très précis, dans une gamme variant de 0,05 à 15 µm. Pour l’irradiation, les films, qui peuvent mesurer un mètre de large, défilent à grande vitesse devant le faisceau qui doit balayer de façon uniforme, aussi bien en largeur qu’en longueur. Ici, le challenge pour le cyclotron consiste à délivrer les faisceaux avec une intensité très constante dans le temps, de façon à ce que la densité de pores soit homogène sur toute la surface. Les applications de ces filtres sont nombreuses en biologie, contrôles en ligne de flux, analyse ou diffusion contrôlée. La figure 22 illustre l’utilisation pour la filtration des hématies selon leur déformabilité . Elles ont la forme de disques de 7 à 8 µm de diamètre et doivent parfois traverser des tubes de 2 à 3 µm. Un globule rouge malade perd sa souplesse 2 et sera bloqué à l’entrée du pore, alors qu’un globule sain s’y glissera aisément. Figure 22 Autres applications (hors physique atomique et nucléaire) Très nombreuses, on ne fera que les citer ici : - analyse des matériaux par activation en couche mince : mesures d’usure, de corrosion de pièces mécaniques en mouvement (roulements à billes, roues de chemin de fer, pistons de moteurs à explosion, prothèses médicales mobiles) - production de neutrons pour la détection d’explosifs dans les bagages d’aéroports ou pour les prototypes de systèmes pilotés par accélérateur en vue de la transmutation de certains déchets radio-actifs. - études de dommages causés par les rayonnements sur les matériaux des réacteurs de fusion, les semi-conducteurs (en particulier pour les vols dans l’espace), les verres optiques, les matériaux supraconducteurs, les aimants permanents - mesures de proportions d’impuretés dans les matériaux. - études de radiobiologie : effets des rayonnements sur les cellules vivantes. Note finale En 75 ans, le cyclotron, précurseur de tous les grands accélérateurs circulaires modernes, a apporté une contribution fondamentale non seulement à la physique 2 Drépanocytose 582686834 15 du noyau et de l’atome, mais aussi à une demande sociale d’amélioration de la santé ainsi qu’à certains problèmes de technologie . III Quelques cyclotrons Figure 23 Reconstitution d’une partie du cyclotron de 4 pouces de Lawrence et Livingston à Berkeley : chambre à vide, « dee », filament (permettant l’ionisation d’atomes injectés au centre) et déflecteur électrostatique. Noter que l’étanchéité au vide est assurée par de la cire à cacheter (en rouge). Figure 24 Figure 25 Un petit cyclotron à pôles plats délivrant 50 à 75 µA de deutons pour la production d’oxygène 15 (Société IBA). Il s’ouvre comme une armoire. Figure 26 Cyclotron de 50 MeV deutons pour la neutronthérapie (Harper Hospital, Boston, USA) . Le cyclotron peut tourner de 360° autour du patient. 582686834 16 Figure 27 Le cyclotron de 60 pouces d’Argonne en 1952. En traversant une fenêtre d’aluminium, le faisceau de deutons de 21 MeV sort dans l’air. Figure 28 Le cyclotron à secteurs séparés de PSI (Villigen, Suisse). Le faisceau de protons de 590 MeV sort avec une intensité de 2 milliampères, soit une puissance supérieure à un mégawatt . Figure 29 Coupe schématique du premier cyclotron à bobines supraconductrices (Chalk River, Canada) . Le champ magnétique dans l’entrefer des secteurs est de 6 Teslas. 582686834 17 Bibliographie - Vraiment très simple, sans mathématiques : Les accélérateurs de particules, Pierre Lapostolle, Bilan de la science, Fayard , 1966, 150 petites pages. - Document concis (110 pages), très bien fait et en français : Introduction aux accélérateurs de particules, Pierre Germain , rapport CERN 89-07, accessible sur le net à : http://cdsweb.cern.ch - Cours, en français (du Québec), de F.G. Moisan et L. Barriault : Les accélérateurs de particules , accessible à l’adresse : http://feynman.phy.ulaval.ca/Marleau/04accelerateurs, 39 pages. - Idem, cours de DEA de Johann Collot (Rhône-Alpes 2001), en français : Accélérateurs de particules, accessible à : http://isnwww.in2p3.fr/atlas/cours/accélérateurs, 48 pages. - Encyclopedia of Physics, Vol 1 , article “Cyclotron », 6 pages, D. Judd et E. Baron. Ed. R.G. Lerner et G.L. Trigg. Pub. WILEY-VCH. Ouvrages plus approfondis: - Manuel profondément documenté sur toutes les caractéristiques de la majorité des accélérateurs existants : Particle accelerators and their uses, Waldemar Scharf, Harwood academic publishers (1986) - Un fantastique exemple de pédagogie : Principles of cyclic particle accelerators, John J. Livingood, Van Nostrand Co, 1960. Bien sûr, il n’y a pas la supraconductivité. Difficile à se procurer car n’est plus édité. -Uniquement théorique mais pas trop compliqué, en français: Accélérateurs circulaires de particules , H. Bruck, PUF (1966) - Cours du CERN (CAS: CERN Accelerator School), par 23 experts: Cyclotrons, linacs and their applications, rapport CERN 96-02. 582686834 18