Le cyclotron - Société Française de Physique

publicité
Les cyclotrons
Proposition pour le site web
de l’Interdivision Accélérateurs de la SFP
Eric Baron, conseiller honoraire GANIL
Septembre 2006
582686834
1
I Les cyclotrons, quelques notions simples
Des accélérateurs de particules (et en particulier des cyclotrons) : pour quoi
faire ?
En 1919, le physicien britannique Ernest Rutherford réussit, en
bombardant des noyaux d’azote 14 avec des particules α (noyaux de l’atome
d’hélium), à les transmuter : certains noyaux devenaient de l’oxygène 17. Il
utilisait des projectiles α de quelques MeV produits dans la désintégration
naturelle de l’uranium. En utilisant d’autres radioéléments émetteurs d’α
d’énergies plus élevées, Rutherford élargit le champ des transmutations
possibles. Puis, il réussit à convaincre la communauté scientifique qu’il était
nécessaire d’inventer des machines accélérant des particules avec des intensités
beaucoup plus élevées que celle des sources naturelles, et jusqu’à des énergies
encore plus élevées, afin de poursuivre la recherche fondamentale sur la
physique des noyaux atomiques.
L’idée la plus simple : une haute tension continue
C’est ainsi que jaillissent entre la fin des
années 1920 et le début des années 30 une foule
de projets immédiatement suivis de réalisations.
Le phénomène physique de base est l’action
d’un champ électrique sur une particule
électriquement chargée (figure 1). L’énergie
cinétique ainsi acquise est simplement égale au
produit de la charge électrique de la particule
par la différence de potentiel traversée. Les
premiers accélérateurs : multiplicateur de
tension de Cockroft et Walton, appareil Van de
Graaf à peigne et courroie, génèrent des
différences de potentiel continues allant de 600
kV à 1,5 MV.
Figure 1
Malheureusement, ces machines électrostatiques causent bien des désagréments,
en particulier des claquages, qui limitent la valeur de la haute tension et donc
l’énergie des projectiles.
582686834
2
Le cyclotron : une variante enrichie de l’accélérateur linéaire
L’idée du cyclotron a été inspirée à l’Américain Ernest Lawrence par Rolf
Wideröe, un Norvégien travaillant à Aix-la-Chapelle. Pour obvier aux
inconvénients des très fortes différences de potentiel statiques, ce dernier avait
imaginé un accélérateur linéaire : les ions positifs subissent des petites
accélérations multiples par l’application d’une tension alternative à une série
d’électrodes cylindriques alignées. Mais, afin que les ions arrivent entre deux
électrodes au bon moment pour « voir » un champ électrique accélérateur, ces
électrodes tubulaires doivent être de plus en plus longues au fur et à mesure de
l’augmentation de la vitesse et, avec la technologie radiofréquence de l’époque,
on aboutissait rapidement à des dimensions olympiques.
Lawrence retint l’idée de l’accélération par étapes successives, mais en
superposant au système un champ magnétique qui aura pour vertu de courber la
trajectoire des ions, autorisant ainsi le fonctionnement avec UNE SEULE
électrode (figures 2a et 2b). Cette électrode aura la forme d’une boite à
camembert coupée selon un diamètre, dont les moitiés sont communément
appelées « dee » (lettre D majuscule, en anglais) et « antidee »
Figure 1
Figure 2a
Figure 2b
Pour séduisante qu’elle soit, l’idée n’est pas suffisante. Un développement
mathématique très simple permet d’établir l’unique équation réellement
nécessaire à la compréhension du fonctionnement du cyclotron : lorsqu’un corps
de masse m se déplace sur un cercle de rayon r à une vitesse tangentielle
constante v , il est soumis à une force centrifuge m v2 / r ( en choisissant un
582686834
3
référentiel à symétrie cylindrique r , , z ) . S’il reste sur ce cercle, c’est que cette
force est équilibrée à tout instant par une force égale dirigée en sens inverse ;
dans le cas d’une particule de charge électrique Q se déplaçant dans un champ
magnétique Bz perpendiculaire à sa vitesse, cette force dite de Laplace vaut
Q v B z .
Il suffit d’écrire l’égalité des deux forces :
m v2 / r  Q v Bz
[1]
pour en déduire la vitesse angulaire ω:

v
QBz
d


dt
r
m
[2]
Figure 3
Donc la fréquence de révolution: f rev 

ne dépend ni de la vitesse,
2
ni du rayon de giration, au moins tant que la masse n’augmente pas par effet
relativiste1. Le mouvement est isochrone. La formule [1] résume tout (enfin,
presque) le cyclotron. Il suffit ensuite d’appliquer entre les deux électrodes de la
figure 2 une tension sinusoïdale dont la fréquence f HF est égale à f rev , de
façon que l’ion arrive toujours dans l’intervalle d’accélération au sommet de la
sinusoïde (ou au moins dans la partie positive) .
Que nous dit encore la formule [1] ? On peut l’écrire aussi :
Q Bz r
: pour un type d’ion donné, à tout rayon r dans le cyclotron
v 
m
correspond une vitesse v . Le rayon grandit au fur et à mesure que la vitesse
s’accroît : la trajectoire d’un ion accéléré ressemble donc fortement à une
spirale. Enfin, cette même équation [1] peut encore s’écrire en isolant les termes
mv
relatifs à l’ion : B r 
(en ignorant les indices) ; cette quantité est appelée
Q
rigidité magnétique.
La figure 4 montre comment ça marche . On supposera pour l’instant
qu’il existe au centre du cyclotron une « source d’ions » placée dans l’intervalle
accélérateur. Les ions en sont extraits et décrivent un demi-cercle de rayon
C’est pour cette raison que le cyclotron ne peut pas être un accélérateur d’électrons. Dès 5 keV, la masse de
l’électron est augmentée de 1%. Pour ces particules, on utilise des accélérateurs linéaires ou bien des
synchrotrons (voir ces rubriques).
1
582686834
4
correspondant à leur vitesse ; croisant à nouveau l’intervalle accélérateur dans
l’autre sens, leur vitesse s’accroît , ainsi que le rayon de courbure, et ainsi de
suite.
Dans la réalité, l’une des deux électrodes est à la masse et réduite à une sorte de
moignon. On verra un peu plus loin qu’il existe des formes plus compliquées.
Figure 4
Le champ magnétique
Pour un cyclotron comme celui de la figure 2b, le champ magnétique est créé
par deux bobines parcourues par un fort courant, entourant chacune un pôle
circulaire en fer doux.
Les lignes de flux sont, en première
approximation, perpendiculaires à la
surface des pôles Nord et Sud, assurant
ainsi dans tout l’entrefer un champ
constant, du centre jusqu’à la périphérie.
Les ions se meuvent dans le plan de
symétrie des pôles, ou au voisinage très
proche de celui-ci. Le flux magnétique
de retour est canalisé par une culasse de
fer qui est souvent la partie la plus
voyante du cyclotron (figure 5).
Figure 5 (Cyclotron CIME, GANIL)
582686834
5
En réalité, pour des questions de focalisation du faisceau d’ions, les pôles ne
sont pas de simples cylindres à section plane : afin que ce faisceau reste confiné
verticalement au voisinage du plan de symétrie, le champ magnétique doit être
divisé en secteurs comme sur la figure 6. Tout comme une série de lentilles
optiques focalisantes (comme dans un périscope), les bords de ces secteurs
constituent une suite de lentilles magnétiques dont l’effet sur le faisceau est
convergent.
Figure 6
De plus, si l’énergie des ions est affectée par l’effet relativiste d’augmentation
de la masse, on doit rajouter sur les secteurs des bobines dites d’isochronisme
qui réalisent l’augmentation adéquate de la loi du champ magnétique en fonction
du rayon (figure 7a).
Enfin, l’effet des secteurs purement radiaux peut s’avérer insuffisant pour
assurer la focalisation verticale ; on est alors amené pour des raisons que nous ne
développerons pas ici, à donner à ces secteurs des bords en forme de spirale
(figure 7b).
Figure 7a
582686834
Figure 7b. Cyclotron injecteur GANIL
6
L’accélération haute fréquence (HF)
Sur la figure 4, on voit que l’accélération agit deux fois par tour : à l’entrée et à
la sortie du « dee ». On a pris soin, au préalable, de grouper les ions extraits de
la source en paquets courts, avec la même fréquence que la HF et synchronisés
de telle sorte que chaque paquet arrive dans les intervalles accélérateurs au
sommet de l’onde. La tension appliquée au dee est générée dans la plupart des
cas par une cavité résonnante pilotée par un oscillateur ; l’éventail des valeurs
crête s’étend de 50 à 800 kV selon les cyclotrons, et la fréquence peut être
rendue variable par modification de la capacité de la cavité (panneaux mobiles),
soit de la longueur de la ligne de couplage (court-circuit mobile).
L’électrode n’est pas nécessairement unique : il existe des cyclotrons à deux ou
trois électrodes et on a alors 4 ou 6 accélérations par tour. La figure 8 montre
une des deux cavités du cyclotron CIME et la figure 9, les deux cavités d’une
version ancienne de l’injecteur du GANIL.
Figure 8
Figure 9
Le vide
Sous peine de pertes d’ions par collision élastique ou par échange de charge
avec les atomes de la chambre d’accélération, il est nécessaire d’évacuer ces
atomes par pompage, de façon à minimiser ces pertes. On est ainsi amené à
atteindre des pressions aussi basses que 10 -6 à 10-8 mbar. En outre, ces faibles
pressions sont aussi exigées pour éviter les effluves ou claquages entre la
masse et les composants portés à des hautes tensions: l’obtention de champs
électriques atteignant souvent 100 à 150 kV/cm serait impossible à la pression
atmosphérique. Pour autant, un étuvage de l’enceinte n’est pas nécessaire, mais
il faut choisir des matériaux à faible taux de dégazage ( acier inox, cuivre).
Les enceintes à vide, souvent de grande taille, doivent être suffisamment
robustes pour supporter une différence de pression de 105 Pascal sur de grandes
surfaces: l’épaisseur des parois est souvent de l’ordre de 2 cm d’acier, ce qui par
ailleurs procure une atténuation non négligeable des flux de rayonnements issus
de réactions nucléaires internes.
La figure 10 permet d’imaginer qu’une chambre à vide (ici, celle d’un cyclotron
à secteurs séparés du GANIL) est un ensemble dont la conception met en jeu des
582686834
7
codes de mécanique très complexes. Ici, le diamètre est de 9,60 m et le poids de
57 tonnes.
Figure 10
Vue générale d’un cyclotron
La figure 5 montre un cyclotron compact (CIME) assemblé. La figure 10 est
une vue éclatée d’un des deux cyclotrons à secteurs séparés ( CSS) de GANIL.
Les 4 secteurs magnétiques pèsent chacun 430 tonnes. L’enceinte à vide (en
gris) comporte de nombreuses ouvertures pour le pompage, l’entrée et la sortie
du faisceau, ainsi que l’introduction des deux cavités HF (en jaune). Le diamètre
moyen de cette machine est de 13 m.
Figure 11
582686834
8
L’énergie finale
De l’équation [1], on tire facilement l’expression de l’énergie cinétique acquise
par un ion (Q,m) au rayon r dans un champ magnétique B, dans l’approximation
1
1 Q B r 2
2
T  mv 
non-relativiste :
2
2
m
En pratique, on exprime plus communément l’énergie en MeV/nucléon ; si A et
q sont respectivement le nombre de nucléons et le nombre de charges électriques
q
de l’ion, on écrit plutôt :
[3]
W ( MeV / n )  ( B r )2 ( )2
A
Remarquons d’abord que la tension d’accélération n’intervient pas : quel que
soit le nombre de tours, on parvient toujours à la même énergie au rayon
d’éjection.
Le découplage des caractéristiques de l’aimant et de celles de l’ion dans cette
formule met en évidence leur influence respective sur l’énergie maximale du
cyclotron :
- l’énergie étant proportionnelle au carré de la charge électrique Q, il est
intéressant de concevoir des sources d’ions qui « épluchent » l’ion au
maximum, ce qui est aisé pour l’atome d’hydrogène, mais impossible
dans l’état actuel de la discipline, pour l’uranium.
- l’énergie est proportionnelle au carré du rayon : on serait donc tenté de
faire des cyclotrons de grand diamètre, mais on est vite freiné par le poids
de l’aimant, qui croît grosso modo comme le cube du rayon.
- l’énergie est proportionnelle au carré du champ magnétique, mais la
valeur maximale de B est limitée par la saturation du fer : elle est
d’environ 2 Teslas pour un cyclotron compact et 1 Tesla pour un CSS.
Pour ce dernier point, on peut augmenter la valeur de B jusqu’à 5 Teslas avec
des bobines supraconductrices, mais les forces colossales mises en jeu limitent
alors le rayon maximum des machines compactes à environ 1 m. Quelques
cyclotrons ont été basés sur cette technique .
L’énergie finale d’un cyclotron n’est pas nécessairement figée : à condition
d’adapter la fréquence HF de façon à respecter le synchronisme entre le passage
des ions et la crête de l’onde, le choix d’un autre état de charge Q permet
d’obtenir une autre énergie. Toujours sous la même condition, on peut changer
le niveau de champ magnétique. Enfin, on peut croiser les deux méthodes, de
sorte que le domaine d’énergies accessible est assez large.
582686834
9
Sources et injection du faisceau
Le principe et la constitution des sources d’ions sortent du cadre de cet exposé.
Qu’il suffise de dire ici que les ions sont crées à partir d’atomes neutres injectés
dans une petite chambre à plasma : les électrons rapides de ce plasma arrachent
un ou plusieurs électrons aux atomes. Les ions sont extraits de cette chambre par
une différence de potentiel, on choisit l’espèce ionique (Q, m) à accélérer par tri
magnétique, puis ces ions sont placés sur l’orbite de départ au cœur du cyclotron.
Historiquement, la source d’ions se présentait sous la forme d’un petit cylindre
placé au centre du cyclotron (par exemple, sources PIG, figure 12). Les ions sont
extraits à travers une fente latérale par la tension du dee. La qualité du faisceau
n’est pas très bonne mais, malgré la perte importante dans la région centrale, ce
genre de dispositif existe toujours sur certains cyclotrons quand la source délivre
suffisamment d’intensité. Il s’agit presque uniquement de faisceaux de protons.
Vers la fin des années 60 sont apparues des sources offrant de meilleures
performances, s’agissant de délivrer des états de charge Q plus élevés
conduisant à des énergies plus grandes (Cf. formule [3]). Mais ces sources (par
exemple de type ECR, figure 13), sont bien trop volumineuses pour être placées
à l’intérieur d’un cyclotron, car le confinement magnétique du plasma nécessite
de volumineuses bobines. Les ions extraits sont introduits dans le cyclotron par
un canal creusé à travers la culasse, dans l’axe de symétrie d’un pôle ; ils sont
ensuite guidés vers le plan médian par un miroir électrostatique de forme
hélicoïdale appelé inflecteur.
Figure 12 (source type PIG)
Figure 13 (source type ECR)
Ejection
Lorsque le faisceau a atteint l’orbite la plus externe autorisée par le rayon du dee,
on le soustrait à l’emprise du champ magnétique par un champ électrique radial
engendré par une tension continue appliquée entre deux électrodes
concentriques. L’électrode interne (une lame métallique mince appelée septum)
est à la masse de façon que son potentiel ne perturbe pas les orbites internes ;
582686834
10
l’électrode externe est alimentée par une tension souvent de l’ordre de 50 à 100
kV (Figure 14).
Signalons que, dans certains cas particuliers, l’extraction se fait par épluchage.
Par exemple, s’il s’agit d’ions H-, on interpose sur leur passage une feuille de
carbone très mince qui arrache les deux électrons, générant ainsi un faisceau de
protons dont le centre de courbure est évidemment à l’opposé du centre du
cyclotron. On élimine ainsi un élément électrostatique haute tension, souvent
générateur de problèmes de claquages.
Figure 14
582686834
11
II. Quelques applications des cyclotrons
On a vu que l’invention du cyclotron (et plus généralement, des accélérateurs) a
été motivée en premier lieu par les besoins de la physique du noyau atomique.
Cependant, dès les années 1930, une utilisation médicale était entrevue. Depuis
ce temps, ce champ s’est considérablement développé, ainsi que d’autres dans
des domaines très variés comme l’analyse des matériaux (usure, corrosion),
l’étude des dommages causés par les rayonnements (sur les matériaux de
réacteurs, les aimants permanents et les semi-conducteurs), ou la fabrication de
micro-filtre calibrés. Nous donnons ci-après quelques exemples.
Traitement des cancers par les rayonnements.
En 1936, peu après la mise en marche des
premiers cyclotrons à Berkeley, John Lawrence,
médecin et frère de l’inventeur, fait les
premiers essais de traitement de cancers par des
neutrons issus du bombardement d’une cible de
béryllium par les deutons de 8 MeV issus d’un
cyclotron (figure 15).
Figure 15
De 1954 à 1957, toujours à Berkeley, une variante du cyclotron, le
synchrocyclotron, est utilisée pour produire des faisceaux de protons et de
particules α dans le but de détruire les tumeurs localisées. L’intérêt de cette
technique, déjà proposée en 1946 par Robert Wilson, repose sur une particularité
du ralentissement des ions dans la matière : l’énergie perdue présente un
maximum de densité en fin de parcours (pic de Bragg), minimisant ainsi les
dommages causées aux cellules saines situées en amont, à l’opposé des
traitements par X ou neutrons (figures 16a et 16b).
Figure 16a
582686834
Figure 16b
12
Aujourd’hui, l’optimisation de la taille, de la fiabilité et de la simplicité des
cyclotrons à énergie fixe, a permis de mettre en service de telles machines dans
les centres hospitaliers. L’énergie des faisceaux (protons) doit être de l’ordre de
200 à 250 MeV de façon à pouvoir atteindre les tumeurs profondes dans le corps
humain. La figure 17 montre le cyclotron C235 (société IBA) au centre MGH de
Boston (USA) et la figure 18, le cyclotron COMET à bobines supraconductrices
(société ACCEL) récemment mis en service au centre PSI de Zurich (Suisse).
Figure 17
C 235 (IBA)
Figure 18
COMET (ACCEL)
Production de radio-isotopes.
Les cyclotrons ont pris une place prépondérante dans la production de
radio-isotopes pour l’imagerie médicale aussi bien que pour la radio
immunothérapie.
Pour l’imagerie médicale, il s’agit de produire en quantités importantes
des isotopes émetteurs β+ (positron) à vie courte. Ces radioéléments marqueurs
sont injectés au patient, et la désintégration du β+ en deux γ émis à 180° permet
à une caméra (tomographe) de reconstituer l’image de l’organe surveillé. Un des
isotopes les plus connus est le fluor 18, de période 110 minutes, produit par
bombardement d’une cible d’oxygène 18 par des protons. Pour produire les
isotopes d’usage courant, on a besoin de faisceaux de protons de 10 à 18 MeV,
ou de deutons de 5 à 9 MeV avec des intensités de plusieurs dizaines de µA.
Comme indiqué au paragraphe « Ejection », beaucoup de ces machines
accélèrent des ions négatifs ( H-, D-), de sorte que l’éjection par épluchage
simplifie encore le fonctionnement. Il existe aujourd’hui plus de 200 cyclotrons
construits par l’industrie et dotés de ces caractéristiques spécifiques. Ce sont des
machines presse-bouton, peu encombrantes et ne nécessitant pas de personnel
spécialisé. Les figures 19 et 20 donnent une idée de leur compacité.
582686834
13
Figure 19
Cyclone 10/5, 10 MeV H-, 5 MeV D- (IBA)
Figure 20
TR 19, 10-19 MeV H- (EBCO)
La radio immunothérapie, illustrée par la figure 21, consiste à injecter au
patient une molécule anticorps anti-tumeur porteuse d’un radioélément émettant
un rayonnement toxique dans un rayon de quelques dizaines de µm (particules
α) à un cm (électrons). Elle nécessite des méthodes de production efficace de
nombreux radioéléments, ce qui implique l’obtention de faisceaux de protons de
30 à 70 MeV avec des intensités de 50 à 400 µA.
Figure 21
Un exemple d’une telle machine est actuellement en cours de construction pour
le compte du centre hospitalier de Nantes et du laboratoire
SUBATECH (cyclotron ARRONAX); elle doit produire des faisceaux de
protons ainsi que des α .
Production en grandes séries de micro-filtres calibrés
L’irradiation de films minces de polymères par des ions lourds de 1 à
quelques MeV/nucléon a pour effet de modifier durablement le matériau le long
des traces. Après attaque chimique, celles-ci deviennent des pores qui, selon
582686834
14
l’énergie et la nature des ions incidents, ont un diamètre très précis, dans une
gamme variant de 0,05 à 15 µm. Pour l’irradiation, les films, qui peuvent
mesurer un mètre de large, défilent à grande vitesse devant le faisceau qui doit
balayer de façon uniforme, aussi bien en largeur qu’en longueur. Ici, le
challenge pour le cyclotron consiste à délivrer les faisceaux avec une intensité
très constante dans le temps, de façon à ce que la densité de pores soit homogène
sur toute la surface. Les applications de ces filtres sont nombreuses en biologie,
contrôles en ligne de flux, analyse ou diffusion contrôlée.
La figure 22 illustre l’utilisation pour
la filtration des hématies selon leur
déformabilité . Elles ont la forme de
disques de 7 à 8 µm de diamètre et
doivent parfois traverser des tubes de
2 à 3 µm. Un globule rouge malade
perd sa souplesse 2 et sera bloqué à
l’entrée du pore, alors qu’un globule
sain s’y glissera aisément.
Figure 22
Autres applications (hors physique atomique et nucléaire)
Très nombreuses, on ne fera que les citer ici :
- analyse des matériaux par activation en couche mince : mesures d’usure,
de corrosion de pièces mécaniques en mouvement (roulements à billes,
roues de chemin de fer, pistons de moteurs à explosion, prothèses
médicales mobiles)
- production de neutrons pour la détection d’explosifs dans les bagages
d’aéroports ou pour les prototypes de systèmes pilotés par accélérateur en
vue de la transmutation de certains déchets radio-actifs.
- études de dommages causés par les rayonnements sur les matériaux des
réacteurs de fusion, les semi-conducteurs (en particulier pour les vols dans
l’espace), les verres optiques, les matériaux supraconducteurs, les aimants
permanents
- mesures de proportions d’impuretés dans les matériaux.
- études de radiobiologie : effets des rayonnements sur les cellules vivantes.
Note finale
En 75 ans, le cyclotron, précurseur de tous les grands accélérateurs circulaires
modernes, a apporté une contribution fondamentale non seulement à la physique
2
Drépanocytose
582686834
15
du noyau et de l’atome, mais aussi à une demande sociale d’amélioration de la
santé ainsi qu’à certains problèmes de technologie .
III Quelques cyclotrons
Figure 23
Reconstitution d’une partie du
cyclotron de 4 pouces de
Lawrence et Livingston à
Berkeley : chambre à vide,
« dee », filament (permettant
l’ionisation d’atomes injectés au
centre) et déflecteur
électrostatique. Noter que
l’étanchéité au vide est assurée
par de la cire à cacheter (en
rouge).
Figure 24
Figure 25
Un petit cyclotron à pôles plats délivrant 50 à 75 µA de deutons pour la
production d’oxygène 15 (Société IBA). Il s’ouvre comme une armoire.
Figure 26
Cyclotron de 50 MeV deutons pour la
neutronthérapie (Harper Hospital,
Boston, USA) . Le cyclotron peut
tourner de 360° autour du patient.
582686834
16
Figure 27
Le cyclotron de 60 pouces d’Argonne
en 1952.
En traversant une fenêtre d’aluminium,
le faisceau de deutons de 21 MeV sort
dans l’air.
Figure 28
Le cyclotron à secteurs séparés de PSI
(Villigen, Suisse). Le faisceau de
protons de 590 MeV sort avec une
intensité de 2 milliampères, soit une
puissance supérieure à un mégawatt .
Figure 29
Coupe schématique du premier
cyclotron à bobines
supraconductrices (Chalk River,
Canada) . Le champ magnétique
dans l’entrefer des secteurs est de 6
Teslas.
582686834
17
Bibliographie
- Vraiment très simple, sans mathématiques : Les accélérateurs de particules,
Pierre Lapostolle, Bilan de la science, Fayard , 1966, 150 petites pages.
- Document concis (110 pages), très bien fait et en français : Introduction aux
accélérateurs de particules, Pierre Germain , rapport CERN 89-07, accessible
sur le net à : http://cdsweb.cern.ch
- Cours, en français (du Québec), de F.G. Moisan et L. Barriault : Les
accélérateurs de particules , accessible à l’adresse :
http://feynman.phy.ulaval.ca/Marleau/04accelerateurs, 39 pages.
- Idem, cours de DEA de Johann Collot (Rhône-Alpes 2001), en français :
Accélérateurs de particules, accessible à :
http://isnwww.in2p3.fr/atlas/cours/accélérateurs, 48 pages.
- Encyclopedia of Physics, Vol 1 , article “Cyclotron », 6 pages, D. Judd et E.
Baron. Ed. R.G. Lerner et G.L. Trigg. Pub. WILEY-VCH.
Ouvrages plus approfondis:
- Manuel profondément documenté sur toutes les caractéristiques de la majorité
des accélérateurs existants : Particle accelerators and their uses, Waldemar
Scharf, Harwood academic publishers (1986)
- Un fantastique exemple de pédagogie : Principles of cyclic particle
accelerators, John J. Livingood, Van Nostrand Co, 1960. Bien sûr, il n’y a pas
la supraconductivité. Difficile à se procurer car n’est plus édité.
-Uniquement théorique mais pas trop compliqué, en français: Accélérateurs
circulaires de particules , H. Bruck, PUF (1966)
- Cours du CERN (CAS: CERN Accelerator School), par 23 experts: Cyclotrons,
linacs and their applications, rapport CERN 96-02.
582686834
18
Téléchargement