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Journée d’étude organisée par le Réseau des Jeunes chercheurs Santé Société et le
RT 19 de l’AFS (Santé, médecine, maladie et handicap)
La Santé aujourd’hui : affaire privée, affaire publique ?
Date : Mardi 23 octobre 2012
Organisateurs :
Sylvain Besle (doctorant en sociologie, Université Paris 4, GEMASS),
Lise Demailly (professeur émérite, Université Lille 1, CLERSE),
Marie Levif (Doctorante en sociologie, Université Bordeaux Segalen, Centre Émile
Durkheim),
Lionel Pourtau (sociologue, chargé de programmes en sciences sociales, Institut
Gustave Roussy),
Emmanuelle Zolesio (docteure en sociologie, ATER à l’Université Lille 3, Centre Max
Weber)
Argumentaire :
La santé a depuis longtemps en France un statut mixte : affaire privée, souci
de soi avec soi, partagé avec quelques professionnels choisis dans la plus grande
confidentialité, affaire publique depuis la lente et difficile construction du concept de
santé publique dans l’édification de la République, comme prise en charge étatique
des questions d'hygiène, bien plus difficile que le fut celle du concept d'instruction
publique, avec lequel il fut alors mis en parallèle. Il semble que, aujourd’hui, ces
deux façons d'appréhender le bien-être physique et mental se soient de plus en plus
mélangées. La santé publique devient une institution majeure de notre époque et
déprivatise les actes et les préoccupations de santé.
Le but de la journée d’étude sera d'explorer cette hypothèse, les multiples
facettes de cette possible évolution, ses contradictions, les constructions de
compromis auxquelles elle donne lieu. Il s'agira en particulier de décrire et d’analyser
les déplacements des limites entre actes de santé considérés comme publics et actes
considérés comme privés, ainsi que les tensions politiques entre approche publique
et approche privée du soin.
Plusieurs thèmes pourront être abordés, en particulier les suivants :
1) Les normalisations opérées par la santé publique sur les comportements
individuels
Le principe des campagnes de prévention est de modifier les comportements
de santé en agissant sur les connaissances, les attitudes et les croyances des individus
dans une société. La prévention primaire est une forme et une recherche d’influence
sur autrui. Mais elle se veut favorable à l’influencé. C’est pour son bien que l’on veut
qu’il change ses comportements et se montre responsable de sa santé. On peut voir
cette recherche de rationalisation des comportements comme participant à ce que
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Norbert Elias appelle un procès (au sens de processus) de civilisation et de
pacification (Elias, 1973), intégrant pour les individus civisme et sauvegarde d’eux-
mêmes et de leurs proches. On peut aussi estimer qu’il s’agit d’un nouvel épisode de
la médicalisation des corps et des consciences, tel que Michel Foucault l’imagine dans
ses analyses sur le biopouvoir (Foucault, 2004), ce type de pouvoir public qui s'exerce
sur la vie : la vie des corps et celle de la population. A une échelle temporelle et
explicative plus réduite, on peut y voir la montée en puissance du paradigme de
l’intervention dans les métiers relationnels et les politiques publiques (Demailly, 2008)
ou un effet de l’institutionnalisation de la santé publique.
Les processus sont paradoxaux. D’un côté la société intervient de plus en plus
dans le détail des comportements vitaux (concernant l’alimentation, l’usage du corps,
l’usage des médicaments et des substances psychoactives), d’un autre, l‘individu
devrait être responsable de sa santé. D’un côté, les pratiques médicales sont de plus
en plus encadrées et consulter un médecin ou un psychothérapeute n’est plus une
affaire privée. De l’autre, on voit s’opérer la socialisation de toute une série de
dépenses de santé et l’encouragement à l’assurance privée des risques.
2) Les effets de la gestion publique des soins sur les comportements individuels de
santé
Il s’agira aussi d’interroger la manière dont les politiques économiques visant
à limiter les dépenses de soins influencent les comportements individuels de santé.
Un sondage Obea/Infraforces, réalisé fin 2011, montre que 19% des Français
interrogés ont « restreint » leurs dépenses de santé faute de moyens. Les sondés qui
disent avoir diminué leurs frais médicaux expliquent pour la majorité d’entre eux
(74%) consulter moins souvent un médecin ou encore choisir des médecins
conventionnés (74%). Si les effets globaux sur les inégalités de santé sont assez bien
connus (Aïach, 2010), la variabilité des stratégies mises en place pour faire face au
coût croissant de la santé l’est beaucoup moins. Pour réduire les déficits, l’Etat a
procédé à plusieurs vagues de déremboursements de médicaments et de produits de
santé, augmentant ainsi la part laissée à la charge des complémentaires et donc des
patients. La participation financière peut venir limiter la surconsommation de soins
et créer une segmentation de l’offre de soins comme de la clientèle (Benamouzig,
2005). Mais cet argument peut aussi jouer sur l'accès aux soins des plus modestes. Il a
par exemple été montré que le ticket modérateur, tel qu'il est appliqué en France, a
des effets contre-productifs (Geoffard, 2004). Son effet de responsabilisation est faible
et il pénalise les patients les plus fragiles. Au-delà de la seule question des
déremboursements, les effets du contrôle accru des consommateurs de soins
(médecin traitant, parcours de soin…) sur leurs comportements sont mal connus et
mériteraient d’être davantage investigués.
Les professionnels de santé adaptent eux aussi leur pratique à ce contexte
économique et peuvent être amenés à mettre en œuvre des processus de sélection de
populations solvables. Les positionnements des professionnels vis-à-vis des patients
bénéficiant de la CMU sont ainsi très variables. On pourra aussi s’interroger sur la
difficulté de ces derniers à prescrire des médicaments génériques (Nouguez, 2009).
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3) La médiatisation comme facteur de publicisation de la santé
Au sein du processus de la publicisation de la santé privée, il s’agit ici
d’interroger les dispositifs de médiatisation au travers desquels les affaires de santé
privées peuvent acquérir un caractère public. Que ce soit sous la forme de
l’engagement associatif, des usages des nouvelles technologies de l’information et de
communication (NTIC) (Romeyer, 2008) ou de la saisie des médias ou du tribunal
pour exposer en quoi l’on a été une victime du système de soins, on pourra se
demander comment les patients sont conduits à rendre publics leur cas. A ce propos,
les associations de patients constituent un cas intéressant de confrontation
d’expériences singulières qui amène précisément à une certaine -singularisation
des cas individuels (Paterson, Barral, 1994 ; Carricaburu, 1999 ; Callon, Rabeharisoa,
2002).
Du côté de l’« e-santé », la création des « communautés virtuelles » mobilise de
nouveaux canaux de communication entre internautes. La multiplication des portails
ou sites internet dédiés à la santé, à l’instar de Doctissimo, qui proposent des forums
et chats les internautes peuvent faire état de leur expérience de la maladie en
atteste.
Mais la publicisation de la santé privée se pose également à travers les bats
médiatiques ou à travers le devenir judiciaire de certaines affaires privées de santé. Il
s’agira moins de s’interroger sur la façon dont se construisent les problèmes publics
(Gilbert, Henry, 2010 ; Henry, 2007 ; Fillion, 2009), que sur cette première étape du
processus des patients exposent sur la place publique que ce soit via les médias
et/ou le tribunal leurs problèmes de santé. Les récentes affaires du Mediator® ou
des prothèses mammaires PIP constituent des illustrations exemplaires de cette
publicisation de la santé privée en cours.
À travers la constitution de ces espaces publics communs se profile la
configuration d’un modèle de patient inédit. Actif, susceptible d’avoir un avis sur sa
maladie et sur son traitement, désireux de participer au processus cisionnel, ce
patient mobilise des savoirs de forme et de statut divers, ancrés sur le partage
d'expériences plurielles, parfois en rivalité avec le savoir médical. Ainsi, dans un va-
et-vient constant entre sphère individuelle et collective, ces dispositifs de
médiatisation ont également une influence sur les pratiques des professionnels de la
santé, leur collaboration avec les institutions, mais également leurs interactions avec
leurs patientèles.
De l’expérience individuelle à la dimension collective de la maladie, la
frontière semble ainsi ténue. Tout ceci interroge le processus de publicisation de la
santé privée, appelant à l’analyse des usages situés et l’examen des pratiques
effectives des patients en la matière. Selon quelles modalités sont-ils amenés à avoir
recours à de telles pratiques de médiatisation et selon quelles propriétés sociales ?
Quel contexte sociétal favorise ce genre de démarches ? Autrement dit, à quelle(s)
condition(s) est-on conduit à publiciser son état de santé ?
Les propositions de communication, d’une taille d’environ 2500 caractères et portant
mention de l’adresse professionnelle, du statut et de l’adresse électronique de leur(s) auteur(s)
sont à adresser à [email protected] et [email protected] pour le 15 juin
2012 au plus tard. La sélection des propositions et l’organisation de la journée seront rendues
publiques le 29 juin. Une publication ultérieure dans une revue est envisagée.
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