« Le libre-échange est une théorie sans réalité, et le protectionnisme une réalité sans
théorie. »
Les enseignements de l’histoire économique et de l’actualité permettent-ils de valider
cette citation de Paul Bairoch ?
Introduction :
Accroche A (paradoxe théorique)
Le « débat » libre-échange – protectionnisme naît véritablement au début du 19ème siècle avec l’opposition
entre des pratiques protectionnistes pratiquement systématiques à cette période, quelles que soient les
nations, et l’affirmation de théories économiques prônant l’efficacité de l’ouverture commerciale et de la
spécialisation dans la voie ouverte par Adam Smith et formalisée par David Ricardo.
L’opinion largement dominante parmi les économistes est celle de l’efficacité du libre-échange alors que
celui est rarement et difficilement mis en place de manière généralisée. De son coté, le protectionnisme,
quelque soient ses formes, reste présent et les périodes de crises majeures voient fréquemment réappa-
raître les principes protectionnistes dans les discours comme dans les politiques, la crise actuelle ne fai-
sant pas exception à la règle.
Accroche B (actualité)
La période actuelle est riche d'interrogations et de contradictions en matière de commerce international :
à la forte logique libérale initiée dans les années 90, succède la tentation de politiques de type protection-
nistes depuis 2008 ; à la volonté d'approfondir et développer le libre-échange à partir de traités commer-
ciaux de type nouveau, allant plus loin que la simple réduction des droits de douane, tels que le TTP, le
CETA et le TAFTA, s'opposent des réactions sociales et politiques fortes exprimant des doutes sur l'effica-
cité et la légitimité de la libéralisation des échanges internationaux.
Ces situations montrent la complexité des débats théoriques entre libre échange et protectionnisme mais
également la difficulté à caractériser de manière simple et univoque les caractéristiques des politiques
commerciales actuelles.
Est-il alors possible d’accepter l’analyse de Paul Bairoch selon laquelle « le libre échange [serait] une théo-
rie sans réalité », dont l’impact concernerait essentiellement la sphère académique avec une place limitée
dans les échanges internationaux alors que « le protectionnisme [serait] une réalité sans théorie », souli-
gnant le caractère effectif de la pratique et son ancrage dans les politiques ?
Si la dynamique du capitalisme depuis la Révolution Industrielle permet de souligner l’existence de cette
tension entre des pratiques protectionnistes et des analyses théoriques qui privilégient le libre-échange,
cette opposition ne doit pas prise au pied de la lettre et les modalités de l’articulation entre protection-
nisme et libre-échange, entre réflexion théorique et politiques commerciales sont plus complexes.
A- La dynamique de l'économie internationale semble marquée par la domination
des principes du libre échange et la persistance des politiques protectionnistes…
1- L’émergence des théories libre-échangistes…
réflexions libre-échangistes se construisent plutôt contre la logique mercantiliste que contre le pro-
tectionnisme (apparition du terme dans les années 1840)
affirmation des gains réciproques à l’échange par la spécialisation des économies (gain provient es-
sentiellement de la possibilité d’importer)
logique libre-échangiste s’inscrit dans le cadre global de l’efficacité marchande (formalisation dans
le cadre de la théorie néo-classique par Hecksher – Ohlin et Samuelson)