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L’amélioration rapide de la profitabilité des entreprises lors des récessions est clairement le signe que
le marché du travail américain est resté très flexible. Malheureusement, cette flexibilité est
asymétrique : les bienfaits attendus de l'accord institutionnel américain ne se sont pas vérifiés,
puisque le point le plus bas du taux de chômage en 2007 était de 0,5 point supérieur à celui de 2000 ;
aujourd’hui, il est de 2,8 points supérieur à son point bas de 2007 ! Cette persistance du chômage
donne un coup dans l’aile à l’orthodoxie du tout flexible.
Quel est en effet l’intérêt d’avoir un marché du travail flexible s’il ne sert qu’à accélérer le
rétablissement de la productivité / profitabilité des entreprises, sans que ces dernières n’investissent
par la suite et donc créent des emplois ? Une flexibilité du marché de l’emploi asymétrique entraîne
des effets de cliquet si, comme on l’observe, les profits ne font pas l’investissement.
La question à se poser à ce stade est de savoir si la permanence du chômage s’explique par l’excès
de flexibilité ou si, au contraire, elle ne reflète que des paramètres structurels qui ne doivent pas
remettre en cause le dogme.
Confusion entre chômage structurel et chômage de long terme
Avant de rechercher les causes d’une possible hausse du taux de chômage structurel, encore faut-il
prouver son existence. Le consensus est introuvable sur cette question, du fait en particulier de la
confusion fréquente entre le chômage structurel et le chômage de long terme.
Ce dernier a considérablement augmenté après la Grande récession amorcée en 2008, mais le débat
fait rage pour savoir si son augmentation provient d'une dérive haussière du chômage structurel
(également nommé "naturel"), d'une insuffisance de la demande - comme le répète la Réserve
fédérale -, ou encore, point trop souvent oublié, d'une extension de la période d’ajustement et de
transition après les chocs qui ont affecté l’économie.
S'il ne fait aucun doute que la demande est insuffisante, la distinction entre chômage de long terme et
structurel est stérile et nuisible : comme l’a encore récemment rappelé la Réserve fédérale, le taux de
chômage structurel est en partie conjoncturel.
Les frictions géographiques ou sectorielles qui accompagnent les crises entraînent souvent une
déconnexion entre le nombre d’emplois vacants et le taux de chômage. Les mouvements de ce qu’on
appelle la courbe de Beveridge sont souvent utilisés pour jauger le chômage structurel. Pourtant,
plusieurs facteurs à l’origine de ses fluctuations récentes sont temporaires, et non structurels : par
exemple le house lock (baisse du prix des maisons qui limite la mobilité géographique), l’extension
temporaire des prestations chômage par Obama qui peut avoir réduit l’incitation à trouver du travail,
l’effondrement du secteur de la construction, l’impossibilité pour de nombreux travailleurs de trouver
un débouché dans le secteur de la santé, ou encore la crise des collectivités locales.