Diagnostic et traitement des états de choc
par Christophe Denantes*, jean-Louis Pallot**
* Médecin-anesthésiste, Hôpital Avicenne, Bobigny, France.
** Médecin-réanimateur, Centre Hospitalier Intercommunal, Montreuil, France.
L'état de choc est un syndrome caractérisé par une diminution brutale de la perfusion
(circulation sanguine) 'de tissus de l'organisme compromettant l'apport d'oxygène au
niveau de ces tissus.
En fonction du mécanisme initial du choc, on distingue le choc cardiogénique, le
choc hypovolémique et le choc septique.
I. Physiopathologie des états de choc
À la phase initiale du choc, les perturbations circulatoires sont en rapport direct avec
la pathologie causale. A un stade plus tardif, la distinction entre les trois types de
choc disparaît et le patient décède dans un tableau d'incompétence myocardique
(insuffisance cardiaque) et le plus souvent d'hypovolémie.
1. Perturbations circulatoires
Le choc est caractérisé par une insuffisance du travail cardiaque par rapport aux
besoins des tissus en oxygène. Le travail cardiaque dépend de la précharge
fonction du retour veineux, de la postcharge fonction des résistances artérielles, et
de l'état contractile du myocarde.
On distingue plusieurs tableaux:
Le choc hypovolémique l'hypovolémie peut être réelle comme au cours des
hémorragies ou des déshydratations, ou relative comme au cours des états
septiques ou des accidents anaphylactiques. L'hypovolémie entraîne une baisse
brutale du retour veineux avec diminution secondaire du volume d'éjection
systolique et de la pression artérielle.
Le choc cardiogénique l'insuffisance cardiaque peut être due à un
effondrement de la contractilité du myocarde ou à un obstacle au remplissage des
ventricules comme dans l'embolie pulmonaire et la tamponnade péricardique.
Le choc septique par baisse des résistances périphériques secondaire à une
vasodilatation artérielle majeure et hypovolémie liée à une fuite plasmatique
associée à une séquestration vasculaire importante.
2. Perturbations microcirculatoires
À la phase précoce du choc cardiogénique et du choc hémorragique, le tonus
sympathique réglant le calibre des artères s'élève du fait de la libération de
catécholamines et d'angiotensine. Il existe une vasoconstriction périphérique
compensatrice. Dans le choc septique, il se produit une intense vasodilatation
artériolaire avec disparition de toute adaptation vasomotrice.
La pérennisation de l'ischémie, si elle dure, entraîne la libération de substances
vasoactives à l'origine d'une vasodilatation, d'une dépression myocardique et d'une
fuite plasmatique capillaire.
3. Retentissement du choc au niveau des organes
L'hypoxie tissulaire peut entraîner:
Une défaillance myocardique avec diminution de la contractilité des ventricules.
Une défaillance rénale revêtant l'aspect d'une insuffisance rénale fonctionnelle ou
d'une nécrose tubulaire aiguë, voire plus rarement d'une nécrose corticale avec
anurie définitive.
Une défaillance respiratoire avec augmentation de la fréquence respiratoire due à
une hypoxémie secondaire à un déséquilibre ventilation/perfusion avec ou sans
signe radiologique d'oedème pulmonaire lésionnel (SDRA). ,
Des perturbations neuropsychiques avec agitation, confusion, voire altération de
la conscience.
Un ictère s'inscrivant dans un contexte de foie ischémique aigu avec cytolyse
élevée s'accompagnant parfois de signes d'insuffisance hépatocellulaire.
Il. Diagnostic clinique de l'état de choc
1. Aspects cliniques et biologiques
a. Signes évocateurs
Le diagnostic clinique est, en règle, évident devant l'ensemble de signes évocateurs
suivant :
Pouls rapide, mal frappé, souvent perceptible au niveau des seuls troncs
carotidiens ou fémoraux, pression artérielle basse (inférieure à 90 mmHg) et
pincée qui peut manquer au début du fait de la réaction adrénergique.
Des signes cutanés, liés à la vasoconstriction périphérique: marbrures précoces
apparaissant au niveau des genoux et s'étendant progressivement, cyanose des
extrémités avec froideur des téguments, allongement du temps de recoloration au
niveau des ongles ou des lobules de l'oreille.
Augmentation de la fréquence respiratoire.
Agitation, angoisse ou obnubilation, confusion.
Réduction de la diurèse, mieux appréciée après la pose d'une sonde vésicale.
b. Bilan clinique complet
Parallèlement à la mise en oeuvre des premiers éléments de la thérapeutique, il
s'efforce de préciser à la fois la gravité et la cause du choc.
L'interrogatoire précise les circonstances et le mode d'installation, la durée du choc.
On note la température, les rythmes cardiaques et respiratoires, les signes
d'insuffisance ventriculaire droite ou gauche, l'état des veines périphériques, l'état
neurologique et l'état cutanéo-muqueux. L'auscultation pulmonaire et l'examen de
l'abdomen sont systématiques.
c. Examens biologiques
On complète les données cliniques par des examens complémentaires orientés
selon les possibilités: groupe sanguin, numération formule sanguine, ionogramme
sanguin, gaz du sang, enzymes (CPK, LDH, transaminases), lactacidémie artérielle,
bilan d'hémostase de base, radiographie pulmonaire (RP), électrocardiogramme
(ECG), examens directs de prélèvements, recherche de toxiques.
d. Au terme du bilan clinique et biologique, parfois la cause et la nature ne font
pas de doute et le traitement est institué sans attendre, parfois ils sont difficiles à
déterminer et le diagnostic étiologique repose alors sur une étude hémodynamique
permettant de préciser le mécanisme de choc.
2. Étude hémodynamique
La pression veineuse centrale (PVC)
Elle se mesure après avoir introduit un cathéter dans un gros tronc veineux
intrathoracique.
Sa mesure est possible par un simple manomètre à eau.
Elle reflète la pression de remplissage du ventricule droit et apprécie la volémie. La
pression veineuse centrale peut différer de la pression de remplissage du ventricule
droit; elle est majorée par les anomalies de l'orifice tricuspidien (régurgitation ou
obstacle) et l'augmentation de la pression intrathoracique.
La valeur normale de la pression veineuse centrale est entre 3 et 8 cm d'eau si l'on
se réfère au plan horizontal passant les 2/5 antérieurs du thorax (0 de référence)
chez un sujet en décubitus dorsal. Le dispositif de mesure est illustré par le schéma
précédent.
Le cathétérisme cardiaque droit est servé à des structures hospitalières
lourdes
Le cathéter à ballonnet de Swan-Ganz mis en place dans une artère pulmonaire
permet:
La mesure des pressions dans les cavités cardiaques droites, l'artère pulmonaire
et le capillaire pulmonaire.
Le prélèvement de sang veineux mêlé dans l'artère pulmonaire permettant le
calcul du shunt pulmonaire.
La mesure du débit cardiaque nécessaire au calcul d'autres paramètres
hémodynamiques: résistances vasculaires et travail ventriculaire.
L'échographie cardiaque
Elle permet de dépister rapidement et sans cathéter une hypovolémie persistante ou
une incompétence myocardique.
III. Les différents types de choc
1. Choc hypovolémique
Le choc hypovolémique résulte d'une diminution de la masse sanguine circulante
entraînant une baisse du retour veineux et du débit cardiaque. On distingue deux
types d'hypovolémie: l'hypovolémie vraie, conséquence d'une hémorragie, d'une fuite
liquidienne ou d'une fuite plasmatique et l'hypovolémie relative secondaire à une
intense vasodilatation, augmentant le contenant sans modification du contenu,
parfois associée à une fuite plasmatique par augmentation de la perméabilité
capillaire comme dans le choc allergique et septique.
a. Physiopathologie
Le choc hypovolémique survient pour une diminution du volume sanguin circulant de
l'ordre de 40 à 50 % chez un sujet jeune et bien portant. La réponse à l'hypovolémie
se traduit par une vasoconstriction mise en jeu par voie réflexe (baro- et
chémorécepteurs) et hormonale (adrénaline, système rénine-angiotensine, ADH).
Le profil hémodynamique est caractérisé par une diminution du débit cardiaque et
des pressions de remplissage des ventricules, une augmentation des résistances
artérielles systémiques. L'hypotension est un signe de gravité car elle témoigne de
l'inefficacité des mécanismes compensateurs vasoconstricteurs.
b. Diagnostic clinique et étiologique
- Les chocs hypovolémiques vrais
Le volume sanguin est constitué par la masse globulaire et la masse plasmatique.
L'hypovolémie peut être due à une diminution de la masse sanguine dans son
ensemble ou à celle de l'un de ses constituants. La diminution de la masse sanguine
dans son ensemble est le fait des chocs hémorragiques, la diminution isolée de la
masse globulaire caractérise les chocs hémolytiques (destruction brutale des
hématies). La diminution de la masse plasmatique par perte liquidienne (digestive,
rénale, séquestration 3esecteur) ou plasmatique (brûlure étendue) entraîne un choc
par déshydratation.
Chocs hémorragiques et traumatiques au décours d'une hémorragie extériorisée,
d'une hémorragie digestive, d'une rupture de grossesse extra-utérine, d'un
anévrisme fissuré, d'un polytraumatisme avec lésion thoracique, intrapéritonéale
(rate et foie), rétropéritonéale (bassin, rachis lombaire, rein).
Chocs hémolytiques des accidents transfusionnels et des accès pernicieux à
Plasmodium falciparum.
Chocs survenant chez des sujets dont les pertes hydrosodées sont augmentées
et qui ne peuvent satisfaire leur soif: vieillards, nourrissons, sujets dans le coma.
- Les chocs par hypovolémie relative (vasodilatation)
Chocs anaphylactiques provoqués par de nombreux produits anergisants ou
allergènes, qui provoquent la libération de médiateurs à l'origine d'une vasodilatation.
On classe les allergènes en quatre groupes: les allergènes médicamenteux
(antibiotiques dont bêtalactamines, antalgiques dont la glafénine, produits iodés,
anesthésiques et curares, produits de remplissage type dextran), les venins
d'hyménoptères (guêpes), de nombreux aliments (blancs d'oeuf, poissons, fraises,
noix, arachides), les allergènes microbiens et parasitaires.
Choc neurogénique lors de section médulaire haute responsable d'une abolition
du contrôle sympathique sur le calibre des vaisseaux.
Causes médicamenteuses (barbituriques).
c. Évolution
Elle est fonction de la rapidité du traitement symptomatique et de l'efficacité du
traitement de la cause. L'évolution est favorable si l'hypovolémie est corrigée
rapidement. Elle est défavorable dans le cas contraire avec survenue de
complications rénales (anurie), digestives (ictère, hémorragie digestive), de troubles
de la coagulation avec leurs risques hémorragiques dans un contexte soit d ,
insuffisance hépato-cellulaire soit de coagulation intravasculaire disséminée.
2. Choc cardiogénique
Il est à une défaillance aiguë de la pompe cardiaque associée à une
vasoconstriction périphérique secondaire à la chute du débit cardiaque.
a. Physiopathologie
La défaillance myocardique peut résulter d'une altération de la contractilité (infarctus
du myocarde), de lésions mécaniques (insuffisance valvulaire, anévrisme pariétal),
de troubles du rythme et de conduction, d'un obstacle au remplissage (tamponnade
péricardique, embolie pulmonaire massive). La défaillance myocardique entraîne
une chute du débit cardiaque qui s'accompagne d'une hypotension, d'une stase
veineuse d'amont. Les mécanismes compensateurs (adrénergiques) provoquent
une tachycardie et une vasoconstriction, mais peuvent parfois entretenir la
défaillance cardiaque (par augmentation de la précharge et de la postcharge).
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