restèrent comme aveugles : parce qu'ils n'avaient pas pu interagir avec le monde
extérieur, ils ne pouvaient donner du sens à leurs perceptions visuelles. Comme
l'explique Francisco Varela dans L'inscription corporelle de l'esprit :"voir des
objets ne consiste pas à en extraire des traits visuels, mais à guider visuellement
l'action dirigée vers eux."
Un autre exemple particulièrement éclairant est issu des recherches d'Umberto
Castiello (.pdf), professeur de psychologie à l'université de Padoue. Celui-ci a
démontré que nous avons tendance à esquisser les gestes de préhension d'un
objet situé dans notre champ visuel, même si nous n'avons pas l'intention de le
prendre dans nos mains. Pour cela, l'équipe de recherche a examiné la manière
dont on prend une cerise sur une table, puis ensuite comment on prend une
pomme. De façon évidente, l'écart entre les doigts de la main est plus large
lorsqu'on saisit la pomme que la cerise ! Mais là où les choses deviennent
bizarres, c'est lorsque la pomme et la cerise se trouvent toutes les deux sur une
table et qu'on demande au sujet de prendre la cerise. L'écart entre ses doigts
sera alors plus large que nécessaire, comme si la seule présence de la pomme
obligeait les doigts à s'écarter. Comme l'explique Chris Frith dans son livre
Making up the Mind: "l'action nécessaire pour saisir la cerise interfère avec mon
action d'attraper la pomme."
Les exemples de ce genre sont multiples. Ils suffisent à montrer que la
différence entre les "entrées" et les "sorties" est loin d'être aussi claire qu'on
pourrait le penser. Dans l'expérience des chatons, la "sortie" (l'action musculaire)
détermine "l'entrée" (la vision). Dans le second cas, "l'entrée" perturbe la "sortie"
(le mouvement des doigts).
Ces constats ouvrent la porte à de nouvelles méthodes d'éducation. Selon le
Boston Globe, Susan Goldin-Meadow, professeur de psychologie à l'université
de Chicago, a découvert que les enfants ayant des problèmes mathématiques
s'en tiraient mieux s'ils réfléchissaient en gesticulant. De même, un acteur se
remémorera mieux le texte qu'il doit apprendre s'il le fait en bougeant. Aristote,
qui enseignait la philosophie en marchant, avait-il déjà entrevu l'existence de ce
rapport entre le corps et l'esprit ?
Comme Angeline Lillard, professeur de psychologie à l'université de Virginie, l'a
expliqué au Boston Globe, un tel type de recherche validerait les méthodes
d'une pédagogue comme Maria Montessori, où les enfants apprennent la