Maillard dans l’organisme :
exemples de pathologies vasculaires et de
l’hémoglobine glyquée
chez les diabétiques.
Introduction.
La réaction de Maillard, connue dans le monde médical sous le nom de
glycation ou glycolysation non enzymatique des protéines, a d’abord été étudiée
dans le cadre du diabète grâce à l’hémoglobine glyquée, une variante de
l’hémoglobine due à des modifications engendrées par Maillard, qui sert
maintenant de marqueur à long terme de l’état diabétique des patients. Mais les
travaux de ces 20 dernières années ont montré que la glycation a des
conséquences dans tous l’organisme, et joue notamment un rôle important dans
certaines maladies telles les lésions cellulaires et tissulaires du diabète, le
vieillissement vasculaire et l’insuffisance rénale.
Il faut aussi noter que la glycation est indépendante du diabète mais la forte
proportion de sucres dans le cas de cette maladie favorise grandement les
réactions de Maillard et donc de la glycation car elle est, nous l’avons déjà dit,
ponctuelle et non-enzymatique.
Une réaction en trois étapes.
La glycation consistant en des réactions de Maillard, elle s’effectue suivant ses
trois étapes principales :
- la condensation de Maillard, qui est très dépendante du temps d’exposition au
sucre et de la concentration de celui-ci. Notons que l’ose mis en jeu est
majoritairement le glucose car c’est le plus présent dans les organismes vivants.
- le réarrangement d’Amadori qui obtient généralement un équilibre au bout de
quelques semaines dans l’organisme, et qui lui aussi est proportionnel à la
concentration en sucre.
Ces deux étapes aboutissent aux produits de glycation dits précoces et qui
caractérisent les protéines de demi-vie brèves ou intermédiaires, l’hémoglobine
étant considérée dans ce cas comme appartenant à cette catégorie.
- enfin, les autres réactions de Maillard aboutissent aux produits de Maillard
appelés produits terminaux de glycation (ou encore AGE pour Advenced
Glycation Endproducts), caractérisant les protéines structurales de durée de vie
prolongée. Le taux de formation de ces composés est cette fois indépendant de la
concentration en sucre mais dépend seulement de la durée de l’hyperglycémie et
du temps du renouvellement protéique.
Le point clé est que si les 2 premières étapes se stabilisent à un plateau et ont
une réversibilité potentielle suivant la glycémie, la 3e progresse à partir du
moment ou il y a présence de sucres avec lesquels réagir, et les AGEs ainsi
formés, étant très réactif, sont responsables de nombreuses complications. La
concentration des AGEs est ainsi proportionnel à la glycémie sur de longues
périodes de temps. De plus, les AGEs ne peuvent être détruits ni libérés de la
cellules dans laquelle ils ont étés formés, contrairement aux produits précoces.
En effet, les cellules sont dotées d’ un petit organite appelé protéasome qui est
chargé de détruire les protéines en les coupant en de nombreux peptides assez
petits (de 9 à 12 acides aminés) pour être inoffensifs. S’il peut ainsi rendre
inoffensif les produits précoces, le protéasome n’a aucun effet sur les AGEs et
ceux-ci s’entassent dans la cellule sans qu’elles puissent s’en débarrasser. Petit à
petit, ces protéines glyquées encrassent la cellule, entraînant un
disfonctionnement de son métabolisme et enfin sa mort.
La glycation : un effet négatif au niveau des vaisseaux sanguins.
Les conséquences de la glycation des protéines sont multiples car elles perdent
certaines de leurs propriétés. Nous allons d’abord exposer quelques exemples
qui aboutissent tous à des problèmes vasculaires, mais d’abord, étudions un
vaisseau sanguin sain.
Constitution d’un vaisseau sanguin.
Un vaisseau sanguin est constitué de trois épaisseurs jouant un rôle précis (du
centre vers l’extérieur) : l’intima, la média et l’adventice. Nous nous limiterons à
l’intima car c’est à ce niveau que l’essentiel de la glycation s’effectue et joue un
rôle important, car les sucres, ainsi que de nombreuses protéines et les AGEs,
voyagent au centre du vaisseau appelé lumière, et donc y réagissent. L’intima est
constituée d’un complexe endothélio-mésenchymateux, formé de cellules
épithéliales très aplaties, constituant l’épithélium, imperméable et maintenant le
milieu interne du vaisseau constant et liquide, et de cellules mésenchymateuses,
indifférenciées et qui par conséquent sont les cellules rénovatrices du vaisseau.
Les échanges entre le plasma et la milieu extérieur s’effectuent à travers les
espaces intercellulaires pour les plus petites molécules (diamètre 25 Å = 25 x
10-10 m) ou par l’intermédiaire de vésicules adéquats qui les font passer à travers
les cellules par un phénomène de pinocytose pour les plus grosses. Enfin,
l’intima est entourée d’une lame basale qui joue le rôle de philtre et empêche les
molécules dont le diamètre est 60Å de passer. La matrice extra-cellulaire est
constituée de protéines fibreuses, notamment des fibrines de collagène. Enfin,
les protéoglycannes sont des protéines dont le rôle consiste à contrôler le trafic
intermoléculaire, et donc, dans ce cas, régulent les échanges entre le sang
circulant dans les capillaires et les cellules.
Problèmes vasculaires ayant pour origine la glycation.
- la glycation altère les activités enzymatique de plusieurs façons :
au niveau de l’enzyme, un résidu d’acide aminé glyqué au voisinage du
site actif peut gêner l’association site actif-substrat et ainsi gêner la
réaction chimique.
des modifications de la conformation de l’enzyme par exemple à cause de
la formation de liaisons entre les atomes, ce qui est un phénomène de
réticulation, peut provoquer une modification du site actif et par
conséquent supprimer les actions de l’enzyme.
la glycation de certaines protéines des parois vasculaires leur fait perdre
une partie de leurs propriétés mécaniques et les rendent ainsi résistantes
aux enzymes. Par exemple, la résistance aux enzymes nécessaires au
remodelage de la parois contribue à l’irréversibilité de l’épaississement de
la paroi artérielle à l’origine de vasoconstriction (diminution du diamètre
des vaisseaux sanguins) et de thrombose (formation de caillots dans les
vaisseaux), ce qui diminue la fluidité à l’intérieur des vaisseaux.
- les phénomènes de réticulation touche aussi les autres protéines, ce qui aboutit
à la formation d’agrégats :
par exemple, la formation de liaisons croisées entre les fibrines de
collagène les rend rigides et moins dégradables et elles s’accumulent ainsi
au niveau des membranes basales, entraînant l’augmentation des espaces
intermoléculaires du collagène constitutif des membranes, ce qui est
responsable de la mauvaise fonctionnalité des membranes basales et donc
d’hyper perméabilité vasculaire.
réaction chimique entre des AGEs très réactifs et certaines protéines, ce
qui explique les dépôts de ces protéines dans les parois artérielles,
l’épaississant et obstruant plus ou moins les espaces intercellulaires, mais
aussi au niveau de la membrane basale, ce qui empêche les échanges inter-
cellulaires.
- les modifications structurales au niveau de la membrane basale peuvent
masquer les sites de reconnaissance des protéoglycannes qui contrôlent la
perméabilité des lames basales. Ainsi, la glycation dérègle le contrôle des
échanges entre les vaisseaux et les cellules.
-l’assemblage plurimoléculaire de la membrane basale est perturbée par la
glycation, ce qui fragilise cette dernière et entraîne donc des fuites vasculaires.
- la glycation réduit la susceptibilité de l’hydrolyse des protéines, par exemple
celle du collagène constitutif des membranes basales, ce qui contribue à
l’épaississement irréversible des membranes basales et donc de problèmes
d’échanges intermoléculaires.
-suite à la liaison d’AGEs sur des récepteurs spécifiques des macrophages
appelés RAGE (Réceptor of Advenced Glycation Endproducts), ceux-ci
sécrètent des messagers chimiques, les cytokines, et des facteurs de croissance,
ce qui entraîne la prolifération des cellules endothéliales et la destruction accrue
des protéoglycannes, induisant d’une part des vasoconstriction et des
thromboses, et d’autre part une hyper-perméabilité vasculaire. En principe,
l’insuline a tendance à inhiber ce récepteur et le Tumor Necrosis Factor, ou
TNF, qui est une protéine sécrétée par les macrophages pour tuer des cellules, a
tendance à l’activer.
Ainsi, la glycation dans les vaisseaux sanguins est l’un des responsables de
l’altération des vaisseaux appelée angiopathie diabétique et du vieillissement
vasculaire.
L’hémoglobine glyquée.
L’HbA1c : une hémoglobine glyquée particulière.
Il existe de nombreuses variantes de l’hémoglobine glyquée, mais la plus
représentative et la plus commune est l’HbA1c, aussi nous la prendrons pour
exemple. Ce terme est réservé aux molécules d’hémoglobine ayant une molécule
de glucose fixée sur l’extrémité d’une ou des deux chaînes β de la protéine.
Ainsi les variantes d’hémoglobine glyquée peuvent correspondre à la différence
de nature de l’ose, de son emplacement sur la chaîne d’hémoglobine, le nombre
d’oses fixés…
La glycation de l’hémoglobine.
L’hémoglobine, ou Hb, est une protéine de demi-vie brève, ainsi elle subira la
condensation et le réarrangement d’Amadori pour former un produit de
glycation précoce : l’hémoglobine glyquée. Ces deux étapes étant dépendantes
de la glycémie, le taux d’HbA1c sera plus ou moins important suivant le niveau
du diabète et la réversibilité potentielle de ces produits suivant l’évolution de la
glycémie nous fournit un indicateur de l’évolution du diabète. Ainsi, en
mesurant le taux d’HbA1c entre deux dates, on peut en déduire l’évolution du
diabète. De plus, la durée de vie dans l’organisme de l’Hb glyquée étant
comprise entre 1 et 2 mois, on a coutume d’analyser le taux d’HbA1c par
intervalle de 4 à 8 semaines, ainsi les protéines glyquées l’ont été durant cet
intervalle de temps car les protéines déjà modifiées ont été dégradées entre
temps. Ainsi, le taux d’HbA1c constitue un reflet de la glycémie moyenne des 4
à 8 semaines précédant le dosage, ce qui constitue le marqueur de l’équilibre
diabétique le plus employé à l’heure actuelle.
Le rôle de l’Hba1c.
On l’utilise le plus souvent pour évaluer de façon rétrospective l’efficacité d’un
traitement, en complément des dosages de la glycémie instantanée réalisée
quotidiennement car le résultats de telles analyses dépendent fortement du
contexte glycémique récent (repas, jeûne, efforts…) alors que la glycémie est
indépendant du régime alimentaire et de l'exercice physique, ainsi que de l'état
de jeûne (même si des recherches ont démontrées une légère augmentation de
l'HbA1c avec l'âge et de variations saisonnières). Chez le patient diabétique, le
but est d'obtenir un taux d'HbA1c aussi proche que possible des chiffres
caractérisant un bon équilibre de la glycémie. Ainsi, la valeur de référence chez
les sujets sains est de 6 % d’Hba1c par rapport à la concentration de
l'hémoglobine totale (hémoglobines glyquées ou saines). En règle générale, on
considère que l'équilibre glycémique est correct si la valeur d'HbA1c est
inférieure à 6,5 %. Pourtant, l’interprétation des résultats est parfois délicates,
car de nombreux facteurs peuvent fausser les résultats, tels les variantes de
diabète et d’Hb glyquées. Ainsi, ces analyses doivent être analysées avec des
facteurs cliniques et biologiques relatifs à chaque patient.
Dosage.
Les méthodes de dosages spécifiques de l’HbA1c sont forts simples car elles
exploitent soit les caractéristiques physico-chimiques de la
molécule(chromatographie, électrophorèse) soit ces caractéristiques
immunologiques, ce qui est très utilisées à l’heure actuelle.
Un dosage immunochimique consiste à verser le prélèvement sanguin dans un
tube à essais dont les parois sont recouvertes d’anticorps se liant avec une partie
de l’HbA1c. En vidant le tube on ne récupère ainsi que l’HbA1c, fixée au tube
par l’intermédiaire des anticorps. Enfin, en versant un autre type d’anticorps
spécifiques qui se fixeront un à un sur l’HbA1c et dont on sait évaluer le
nombre précis par des techniques diverses, on pourra déduire le nombre de
molécules d’HbA1c.
Exemple : test d’un traitement contre le diabète.
Prenons un individus atteint de diabète. On lui fait une prise de sang et on lui
donne des médicaments pour améliorer sa maladie. Deux mois plus tard on lui
refait une prise de sang, trois cas sont possibles :
1ère prise de sang : taux d’HbA1c = X.
2e prise de sang :
-Taux d’HbA1c X auquel cas la glycémie a augmentée car l’HbA1c a
augmentée : le diabète a empiré et la thérapie n’a aucun effet : il faut donc la
changer.
-Taux d’HbA1c = X, ainsi la thérapie marche moyennement car le diabète
s’est stabilisé mais n’a pas pour autant diminué. On peut alors envisager une
autre thérapie suivant l’importance du diabète, en effet, si le diabète est minime
on peut se contenter de le bloquer, alors que s’il est très avancé, même en
l’ayant stabilisé les risques de complications peuvent être grands et il faut
envisager une autre thérapie.
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