anticorps spécifique de l`HbA1c fixés au tube à essais.

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Introduction à
la Réaction de
Maillard
Par
Pierre Slamich - Émile Leroy - Olivier Billard
1
Tout être vivant possède en lui de quoi faire un bon ragoût. Vous, moi, tout le monde. Nous
sommes tous potentiellement matière à éveiller les babines de l’autre. Pourtant, je ne sais pas
si vous avez déjà essayé de grignoter votre semblable, mais c’est passablement poilu et
totalement insipide. La pièce du chef ,elle, a beaucoup plus de goût, d’odeur et de couleurs :
c’est la réaction de Maillard. Comme toute grande découverte scientifique, c’est un peu par
hasard que Louis Camille Maillard, un chimiste français, a découvert que des acides aminés
en présence de sucres brunissaient en créant un composé semblable à l’humus et de
composition très voisine. Maillard, dont l’ambition secrète était de comprendre la structure
des protéines, avait remplacé le glycérol qui lui permettait de condenser ces dernières par des
sucres.
Il observe alors que la fonction réductrice des sucres (carbonyle : C=O) est beaucoup plus
réactive que la fonction hydroxyle (OH). Cette découverte, d’abord communiquée à
l’Académie des Sciences est ensuite reprise et développée de manière minutieuse par Maillard
dans "Genèse des matières humiques et des matières protéiques". Déçu de ne pas avoir
conclu sur les protéines, il a pourtant conscience des nombreuses applications possibles de sa
réaction. Malheureusement, elle tombe dans l’oubli et Louis Camille Maillard meurt sans
avoir pu voir sa découverte déclinée dans des domaines aussi divers que la cuisine, la lutte
contre le diabète, le vieillissement, les pétroles…
Ainsi, à travers notre exposé nous nous proposerons d’expliquer les principes fondamentaux
de cette réaction et de présenter quelques exemples d’applications de celle-ci dans deux
domaines aussi éloignés que la cuisine et la médecine.
2
I Mécanismes de la Réaction de Maillard
1) Branche principale et branche spécifique
Introduction
Redécouverte depuis une dizaine d'années, la Réaction de Maillard fait encore l'objet d'études
et n'a pas livré tous ses mystères. On se propose donc d'expliquer les mécanismes principaux
et bien connus de la réaction (voir schéma) .On se limitera à la voie spécifique de la réaction
de Maillard,les deux autres voies pouvant être observées dans des réactions autres que
Maillard.
La Condensation de Maillard
C étant électrophile et N au contraire nucléophile, ils vont avoir tendance à s’attirer.
Pour que N et C puissent se lier, le O transforme une de ses liaisons avec le carbone en
doublet non liant car O est plus électronégatif (tendance à attirer les électrons) que C : il
devient alors chargé négativement car est en excès d’électron. Le N de l'acide aminé va alors
transformer son doublet non liant pour se lier au carbone qui ne peut rester avec seulement 3
électrons en couche externe. Le N est alors en défaut d'électrons (il doit récupérer son doublet
non liant) et est chargé positivement. Il va alors, étant plus électronégatif que l'hydrogène,
transformer une des liaisons avec ses hydrogènes en doublet non liant, l’hydrogène libéré
allant se lier à l’oxygène qui avait créé un doublet non liant pour permettre à l’acide aminé de
se condenser avec le sucre. Ce processus réversible est appelé prototropie.
La molécule va alors se stabiliser, la fonction alcool située en début de chaîne va alors
se détacher, le O transformant sa liaison avec le reste de la molécule en doublet non liant.
Cela va libérer une possibilité de liaisons pour le C, et –la nature tendant à la stabilité- il va
utiliser l’électron libéré pour former une deuxième liaison avec l’azote de l’acide aminé qui
lui, pour pouvoir apporter un électron va casser une liaison avec un de ses deux H. L’ion OHet l’ion hydrogène vont alors se lier, créant une molécule d’eau. La molécule restante est
appelée base de Schiff mais est encore instable.
Le Réarrangement d'Amadori (ou réarrangement de Heyns)
En milieu acide, l’azote va se lier aux ions H+, caractéristique du milieu acide, grâce à
son doublet non liant, se chargeant ainsi positivement. Le C en 2e position va alors rompre sa
liaison avec l’hydrogène et libérer ainsi une possibilité de liaison avec l’autre C, provoquant
un dégagement d’ions H+ . Le Carbone 1, ne pouvant faire 5 liaisons va donner un électron à
l’azote, comblant ainsi son défaut d’électron(l’azote le transformera en doublet non liant). On
note d’ailleurs que l’acidité du milieu n’est pas modifiée car les ions H+ sont restitués au
milieu.
Au niveau de la 1ere fonction alcool, l’oxygène va provoquer un dégagement d’ions H+
en transformant en doublet sa liaison avec le H. Le carbone en 2e position va casser une de ses
2 liaisons avec le 1er carbone pour rétablir l’équilibre : le 1er C va capter l’ion H+, et le 2e va se
lier à l’O, comblant son défaut d’électron. On appelle cette transformation un équilibre cetoenolique car elle transforme un fonction alcool (énol) à en fonction cétone (ceto) et ceci dans
les deux sens bien que le passage -OH vers =O soit majoritaire.
Synthèse d'une réductone (voie de la déshydratation modérée)
L'oxygène va transformer une de ses deux liaisons avec le carbone 2 en doublet non liant.
Simultanément, le Carbone en 3ème position sur le squelette carbonée va transformer sa
liaison avec le H en liaison supplémentaire avec le Carbone 2. Il va alors y avoir dégagement
d'un ion H+ en défaut d'électron qui va se lier avec le doublet non liant de l’oxygène. Ce
processus est appelé énolisation car il crée une fonction alcool à partir d'une fonction cétone
3
et d'un atome hydrogène.Ici on parle de l'énolisation 2 (place du carbone auquel est liée la
fonction cétone), 3(place du carbone auquel est lié l'atome d'hydrogène)
Les ions OH-,caractéristique du milieu basique vont alors intervenir dans la réaction en tant
que catalyseur.Le H va transformer sa liaison avec le O en doublet non liant car le O, bien
qu’électronégatif, est déjà en excès d’électrons.L’ion H- libéré va alors créer une liaison avec
l’azote qui,pour l’accueillir va se séparer de la chaîne principale,abandonnant l’électron de sa
liaison avec le C. Au niveau de la chaîne carbonée principale,la double liaison entre les
carbones 2 et 3 va être transformée en liaison avec un des deux oxygène des fonctions
alcool,provoquant au passage un dégagement d’ion H-(pour les mêmes raisons que
précédemment) qui va alors se lier à l’ion O,recréant ainsi l’ion OH- (l’acidité du milieu est
ainsi préservée).Au niveau de la fonction alcool localisée sur le carbone 3,le O va transformer
sa liaison avec le H en liaison supplémentaire avec le C ,le stabilisant ainsi.Un ion H+ va alors
être dégagé,qui va se lier à l’ion C-.
Une deuxième énolisation (3,4) va alors avoir lieu:l'oxygène va transformer une de ses deux
liaisons avec le carbone 3 en doublet non liant. Simultanément, le Carbone en 4ème position
sur le squelette carbonée va transformer sa liaison avec le H en liaison avec le Carbone 3. Il
va alors y avoir dégagement d'un ion H+ en défaut d'électron. L'oxygène lié au carbone 3 va
alors transformer son doublet en excès en liaison avec l'ion H+ qui pallie donc son défaut
d'électron.
La molécule ainsi obtenue est appelée réductone(elle a perdu son acide aminé et possède
maintenant une fonction cétone).
Le C en 5ème position va transformer sa liaison avec le H en doublet non liant, libérant un ion
H+.Le carbone en 3ème position va transformer une de des deux liaisons avec le carbone 4 en
liaison avec l'ion H+ et le carbone 5 va enfin transformer son doublet non liant en une liaison
avec le Carbone 4 pour stabiliser l'ensemble.
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2) Facteurs influençant la réaction de Maillard
La vitesse de la réaction de Maillard est fortement influencée par de nombreux
facteurs. Ceux-ci agissent comme activateurs ou inhibiteurs de la réaction, ou encore font
privilégier l’une des trois voies de synthèse des arômes. Ce sont en grande partie ces facteurs
qui décident de la nature des composés formés.
Nature des sucre réducteur et acide aminé
La vitesse de la réaction dépend
d’abord de la nature des réactifs. Plus le
sucre réducteur est gros et plus la
réaction se réalise difficilement. Les
pentoses comme le Ribose sont donc
plus réactifs que les hexoses comme le
glucose, le galactose ou le fructose. Les
sucres composés comme le maltose ou le
lactose sont un assemblage de deux
molécules de sucre ou plus et sont donc
moins réactifs que les sucres simples, et
à fortiori l’amidon, composé de
nombreuses molécules de glucose. Enfin
rappelons que le saccharose n’est pas un
sucre réducteur et ne donne donc pas
lieu à une réaction de Maillard.
Pour l’acide aminé, plusieurs facteurs entre en ligne de compte. La lysine, qui possède deux
fonctions amino, est plus réactive que les autres acides aminés. Pour les autres, plus la
fonction amino est éloignée de la fonction acide carboxylique et plus l’acide aminé est réactif.
Par exemple, pour les acides aminés suivant, l’ordre de réactivité est le suivant : la lysine est
plus réactive que l’arginine, plus réactive que l’acide glutamique, plus réactif que la proline.
Le pH
Toutes les réactions intervenant dans la
réaction de Maillard sont dépendantes du pH.
En particulier le réarrangement d’Amadori
nécessite un pH acide et la synthèse des
réductones un pH basique. Le pH optimal se
situe donc entre 6 et 10. La nature des
composés formés est également dépendante du
pH. Les pH basiques privilégieront plutôt des
réactions de rétroaldolisation alors que les pH
acide privilégieront les déshydratations.
La teneur en eau du milieu
L'eau est indispensable à certaines
étapes de la réaction mais elle en est aussi l’un
des produits. Donc si l’eau est en trop grande
quantité dans le milieu, les réactions de
déshydratation sont inhibées. Le mieux est une
proportion de 30 à 60% d’eau dans le milieu.
5
La température
Les réactions de Maillard se déroulent à presque toutes les températures ; mais elles
sont très ralenties quand la température s’abaisse. En règle générale, plus la température
augmente, plus la vitesse de la réaction est importante.
D’autres facteurs peuvent également intervenir dans le déroulement et la vitesse de la
réaction : ions métalliques, composés souffrés … Comme chacun d’eux n’inhibe pas toutes
les réactions, donc toutes les voies par lesquelles se développe la réaction, ce sont eux qui
déterminent la voie privilégiée dans chaque cas.
6
II Les Applications de la Réaction
1) Du côté de la cuisine (Alimentation)
- les jambons crus
Tous les jours, nous assistons sans nous en douter à de très nombreuses réactions de
Maillard. Depuis le grillé du rôti jusqu'au bon goût du pain, celle-ci est en effet présentes dans
presque toutes les préparations culinaires, en particulier dans les viandes cuites. La chaleur du
four ou de la plaque électrique augmente alors beaucoup la rapidité des transformations et
c’est pourquoi nous pouvons voir notre steak passer de « saignant » à « bien cuit » en
quelques minutes. C’est l’exemple le plus courrant de réaction de Maillard en cuisine, que
l’on pourrait qualifier de réaction « à chaud ». C’est aussi la plus facilement observable grâce
au brunissement rapide de la viande produit par les mélanoïdines. Mais il existe aussi des
exemples de réaction « à froid » qui ont lieu sans nécessiter de chauffage, donc en dehors de
toute cuisson.
C’est le cas par exemple pour les jambons crus d’Espagne, des jambons au goût si
spécial que l’union Européenne leur a accordé une appellation d’origine contrôlée. Cette
saveur se forme au cours de la fabrication grâce à des réactions spontanées produisant des
arômes.
Selon le procédé traditionnel, les porcs destinés à la fabrication de jambons doivent
être élevés en liberté et être nourris de glands et d’herbe. Apres l’abattage,
la viande est conservée à 0°c pendant deux jours puis frottée
avec du sel et du salpêtre. Elle est ensuite placée
pendant une semaine sur un lit de sel à 3°c environ.
Lors de cette phase, les protéines se décomposent et
libèrent des acides aminés. Les jambons sont ensuite
conservés sans sel pendant deux ou trois mois, toujours à
basse température. Progressivement on augmente alors la
température jusqu’à 18°c, et après un mois et demi à
température ambiante, vient la maturation finale. Celle-ci
s’effectue dans une cave pendant 14 à 22 mois. La fabrication
complète dure près de deux ans après quoi les jambons sont près à être mangés. Ils ont pris
une couleur foncée qui trahit la présence de composés colorés, dont les mélanoïdines.
A partir de 1990, des scientifiques espagnols ont commencé à s’intéresser à la fabrication de
ces jambons. Ils ont montré que des acides aminés libérés lors du salage étaient dégradés
pendant la longue période de maturation qui suivait, entre autre par la réaction de Maillard.
Celle ci produit de nombreux composés, qui s’accumulent dans la viande. La quantité de ces
produits croit avec la durée de la maturation, ce qui explique la longueur de celle-ci, qui
permet d’obtenir plus de composés, donc plus de goût. En outre, la réaction de Maillard
produit des mélanoïdines, qui seraient responsable de la couleur des jambons. Mais d’autres
réactions interviennent également dans la formation de composés aromatiques. L’alimentation
des porcs avec des glands produit par exemple des alcanes ramifiés. La dégradation de
Strecker intervient aussi en dehors de la réaction de Maillard.
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Dégradation de Strecker
C étant électrophile et N au contraire nucléophile, ils vont avoir tendance à s'attirer. Le O de
la fonction cétone en 3ème position transforme alors sa double liaison avec le carbone en 2
doublets non liants et se détache de la molécule sous la forme O2-.Le N va alors faire de même
avec les deux liaisons avec ses hydrogènes qui vont se retrouver en défaut d’électrons dans le
milieu (H+). Les deux ions H+ en défaut d’électrons vont alors se lier au O2- qui lui est
excédentaire, formant une molécule d’eau. Le N va alors transformer ses deux doublets non
liants en double liaison avec le C.
Le O plus électronégatif va rompre la liaison avec le H dont il prend l’électron. Ce H va se
lier à l’oxygène de la branche principale, qui aura rompu une de ses liaisons avec le carbone
pour l’accueillir. Le O, va se séparer ensuite du C par le même procédé, emportant là encore
les deux électrons de la liaison. Mais la perte d’électrons n’est pas finie pour le C car
l’oxygène avec qui il formait une double liaison va emporter les deux électrons de celui ci en
cassant les deux doubles liaisons. Enfin, le C auquel il restait lié va lui aussi se servir et
prendre en plus le dernier électrons qui lui restait sur sa couche externe. Heureusement pour
lui, deux oxygènes libérés par les réactions successives et excédentaires chacun de deux
électrons vont se lier à lui, formant ainsi du dioxyde de carbone stable à l’état gazeux.
Une molécule d’eau, nécessaire à la dégradation, va se décomposer en ion H+ et OH-. Le H+
va se lier à l’azote par l’intermédiaire de son doublet non liant, et l’azote pour récupérer sa
stabilité électronique va transformer une de ses liaisons avec le Carbone de l’acide aminé en
doublet non liant. L’ion OH- resté dans le milieu va alors se décomposer selon le schéma
classique en ion H+ et O2-(car l’oxygène est plus électronégatif que le H).L’ion O2- va créer
une première liaison avec le carbone de l’acide aminé, l’ion H+ va se lier au doublet de l’azote
qui selon le procédé que l’on vient d’évoquer, provoquant une scission pour récupérer son
doublet. Le O- va alors transformer son dernier doublet excédentaire en liaison avec le C.
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Cette réaction, qui intervient lors de la troisième étape de Maillard, peut aussi se réaliser entre
un acide aminé et un acide gras. Elle donne naissance à des composés aromatiques, des
aldéhydes. Cela justifie le fait que l’appellation d’origine soit accordée aux jambons
provenant de porcs de race ibérique, dont la chair est riche en acides gras.
Cependant, si la réaction de Maillard se révèle bien utile en cuisine pour rendre nos
aliments plus savoureux, elle peut être gênante en particulier lors du séchage des pâtes
alimentaires. A la fin de leur fabrication, celles ci sont en effet chauffées pour éliminer l’eau
qu’elles contiennent. A la fin du processus, des réactions de Maillard peuvent se développer,
donnant aux pâtes une couleur rougeâtre peu appétissante. La même réaction pourrait
d’ailleurs avoir des conséquences plus graves. Elle formerait en effet des composés comme
les carbolines, des amines hétérocycles dérivées du tryptophane. Ces composés semblent à
hautes doses avoir des effets destructeurs sur le fonctionnement des récepteurs cellulaires
(adrénalines,…) et les sites actifs des enzymes. Cependant, la toxicité de ces composés n’est
pas prouvée car on les trouve aussi dans des aliments inoffensifs comme les reines-claudes ou
les bananes.
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2) Santé : Maillard dans l’organisme : exemples de pathologies vasculaires et de
l’hémoglobine glyquée chez les diabétiques.
Introduction.
La réaction de Maillard, connue dans le monde médical sous le nom de glycation ou
glycolysation non enzymatique des protéines, a d’abord été étudiée dans le cadre du diabète
grâce à l’hémoglobine glyquée, une variante de l’hémoglobine due à des modifications
engendrées par Maillard, qui sert maintenant de marqueur à long terme de l’état diabétique
des patients. Mais les travaux de ces 20 dernières années ont aussi montré que la glycation a
des conséquences dans tous l’organisme, et joue notamment un rôle important dans certaines
maladies telles les lésions cellulaires et tissulaires du diabète, le vieillissement vasculaire et
l’insuffisance rénale.
Il faut aussi noter que la glycation est indépendante du diabète mais la forte proportion de
sucres dans le cas de cette maladie favorise grandement les réactions de Maillard et donc de la
glycation car dans l’organisme, elle est ponctuelle et non enzymatique.
Une réaction en deux étapes.
La condensation de Maillard et le réarrangement d’Amadori aboutissent aux produits de
glycation dits précoces et qui caractérisent les protéines de demi-vie brèves ou intermédiaires,
l’hémoglobine étant considérée dans ce cas comme appartenant à cette catégorie. Mais si l’on
considère la suite de la réaction de Maillard, on obtient des produits de Maillard aussi appelés
produits terminaux de glycation (ou encore AGE pour Advanced Glycation Endproduct),
caractérisant les protéines structurales de durée de vie prolongée. Le taux de formation de ces
composés est, contrairement aux précédents, indépendant de la concentration en sucre mais
dépend seulement de la durée de l’hyperglycémie et du temps du renouvellement protéique.
Le point clef est que si les 2 premières étapes se stabilisent à un plateau et ont une
réversibilité potentielle suivant la glycémie, la 3e progresse à partir du moment où il y a
présence de sucres avec lesquels réagir, et les AGEs ainsi formés, étant très réactif, sont
responsables de nombreuses complications. La concentration des AGEs est ainsi
proportionnelle à la glycémie sur de longues périodes de temps. De plus, les AGEs ne peuvent
être détruits ni libérés des cellules dans laquelle ils ont été formés, contrairement aux produits
précoces. En effet, les cellules sont dotées d’un petit organite appelé protéasome qui est
chargé de détruire les protéines en les coupant en de nombreux peptides assez petits (de 9 à 12
acides aminés) pour être inoffensifs. S’il peut ainsi rendre inoffensif les produits précoces, le
protéasome n’a aucun effet sur les AGEs et ceux-ci s’entassent dans la cellule sans qu’elles
puissent s’en débarrasser. Petit à petit, ces protéines glyquées encrassent la cellule, entraînant
un disfonctionnement de son métabolisme et enfin sa mort.
La glycation : un effet négatif au niveau des vaisseaux sanguins.
Les conséquences de la glycation des protéines sont multiples car elles perdent certaines de
leurs propriétés. Nous allons d’abord exposer quelques exemples qui aboutissent tous à des
problèmes vasculaires, mais d’abord, étudions un vaisseau sanguin sain.
Constitution d’un vaisseau sanguin.
Un vaisseau sanguin est constitué de trois épaisseurs jouant un rôle précis (du centre vers
l’extérieur) : l’intima, la média et l’adventice. Nous nous limiterons à l’intima car c’est à ce
niveau que l’essentiel de la glycation s’effectue et joue un rôle important, car les sucres, ainsi
que de nombreuses protéines et les AGEs, voyagent au centre du vaisseau appelé lumière, et
donc y réagissent. L’intima est constituée d’un complexe endothélio-mésenchymateux,
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formé de cellules épithéliales très aplaties, constituant l’épithélium, imperméable et
maintenant le milieu interne du vaisseau constant et liquide, et de cellules mésenchymateuses,
indifférenciées et qui par conséquent sont les cellules rénovatrices du vaisseau. Les échanges
entre le plasma et le milieu extérieur s’effectuent à travers les espaces intercellulaires pour les
plus petites molécules (diamètre  25 Å = 25 x 10-10 m) ou par l’intermédiaire de vésicules
adéquats qui les font passer à travers les cellules par un phénomène de pinocytose pour les
plus grosses. Enfin, l’intima est entourée d’une lame basale qui joue le rôle de philtre et
empêche les molécules dont le diamètre est  60 Å de passer. La matrice extracellulaire est
constituée de protéines fibreuses, notamment des fibrines de collagène. Enfin, les
protéoglycannes sont des protéines dont le rôle consiste à contrôler le trafic intermoléculaire,
et donc, dans ce cas, régulent les échanges entre le sang circulant dans les capillaires et les
cellules.
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Problèmes vasculaires ayant pour origine la glycation.
- la glycation altère l’activité enzymatique de plusieurs façons :
 au niveau de l’enzyme, un résidu d’acide aminé glyqué au voisinage du site actif peut
gêner l’association site actif-substrat et ainsi gêner la réaction chimique (1).
 des modifications de la conformation de l’enzyme par exemple à cause de la formation
de liaisons entre les atomes, ce qui est un phénomène de réticulation, peut provoquer
une modification du site actif et par conséquent supprimer les actions de l’enzyme (2).
 la glycation de certaines protéines des parois vasculaires leur fait perdre une partie de
leurs propriétés mécaniques et les rendent ainsi résistantes aux enzymes (3). Par
exemple, la résistance aux enzymes nécessaires au remodelage de la parois contribue à
l’irréversibilité de l’épaississement de la paroi artérielle à l’origine de vasoconstriction
(diminution du diamètre des vaisseaux sanguins) et de thrombose (formation de caillots
dans les vaisseaux), ce qui diminue la fluidité à l’intérieur des vaisseaux (I).
- les phénomènes de réticulation touche aussi les autres protéines, ce qui aboutit à la
formation d’agrégats :
 par exemple, réaction chimique entre des AGEs très réactifs et certaines protéines ont
lieues, ce qui explique les dépôts de ces protéines dans les parois artérielles,
l’épaississant et obstruant plus ou moins les espaces intercellulaires, mais aussi ceux au
niveau de la membrane basale, ce qui empêche les échanges intercellulaires (II).
- les modifications structurales au niveau de la membrane basale peuvent masquer les sites de
reconnaissance des protéoglycannes qui contrôlent la perméabilité des lames basales. Ainsi,
la glycation dérègle le contrôle des échanges entre les vaisseaux et les cellules (III).
-l’assemblage plurimoléculaire de la membrane basale est perturbée par la glycation, ce qui
fragilise cette dernière et entraîne donc des fuites vasculaires (IV).
- la glycation réduit la susceptibilité de l’hydrolyse des protéines, par exemple celle du
12
collagène constitutif des membranes basales, ce qui contribue à l’épaississement irréversible
des membranes basales et donc de problèmes d’échanges intermoléculaires (V).
-suite à la liaison d’AGEs sur des récepteurs spécifiques des macrophages appelés RAGE
(Receptor of Advanced Glycation Endproducts), ceux-ci sécrètent des messagers chimiques,
les cytokines, et des facteurs de croissance, ce qui entraîne la prolifération des cellules
endothéliales et la destruction accrue des protéoglycannes, induisant d’une part des
vasoconstriction et des thromboses, et d’autre part une hyperperméabilité vasculaire (VI). En
principe, l’insuline a tendance à inhiber ce récepteur et le Tumor Necrosis Factor, ou TNF,
qui est une protéine sécrétée par les macrophages pour tuer des cellules, a tendance à l’activer.
13
Canneaux bouchés
A insérer ici et en place de cette page
14
Ainsi, la glycation dans les vaisseaux sanguins est l’un des responsables de l’altération des
vaisseaux appelée angiopathie diabétique et du vieillissement vasculaire.
L’hémoglobine glyquée.
L’HbA1c : une hémoglobine glyquée particulière.
Il existe de nombreuses variantes de l’hémoglobine glyquée, mais la plus représentative et la
plus commune est l’HbA1c, aussi nous la prendrons pour exemple. Ce terme est réservé aux
molécules d’hémoglobine ayant une molécule de glucose fixée sur l’extrémité d’une ou des
deux chaînes β de la protéine. Ainsi les variantes d’hémoglobine glyquée peuvent
correspondre à la différence de nature de l’ose, de son emplacement sur la chaîne
d’hémoglobine, le nombre d’oses fixés…
La glycation de l’hémoglobine.
L’hémoglobine, ou Hb, est une protéine de demi-vie brève, ainsi elle subira la condensation et
le réarrangement d’Amadori pour former un produit de glycation précoce : l’hémoglobine
glyquée. Ces deux étapes étant dépendantes de la glycémie, le taux d’HbA1c sera plus ou
moins important suivant le niveau du diabète et la réversibilité potentielle de ces produits
suivant l’évolution de la glycémie nous fournit un indicateur de l’évolution du diabète. Ainsi,
en mesurant le taux d’HbA1c entre deux dates, on peut en déduire l’évolution du diabète. De
plus, la durée de vie dans l’organisme de l’Hb glyquée étant comprise entre 1 et 2 mois, on a
coutume d’analyser le taux d’HbA1c par intervalle de 4 à 8 semaines, ainsi les protéines
glyquées l’ont été durant cet intervalle de temps car les protéines déjà modifiées ont été
dégradées entre temps. Ainsi, le taux d’HbA1c constitue un reflet de la glycémie moyenne des
4 à 8 semaines précédant le dosage, ce qui constitue le marqueur de l’équilibre diabétique le
plus employé à l’heure actuelle.
Le rôle de l’Hba1c.
On l’utilise le plus souvent pour évaluer de façon rétrospective l’efficacité d’un traitement, en
complément des dosages de la glycémie instantanée réalisée quotidiennement car le résultats
de telles analyses dépendent fortement du contexte glycémique récent (repas, jeûne, efforts…)
alors que la glycémie est indépendant du régime alimentaire et de l'exercice physique, ainsi
que de l'état de jeûne (même si des recherches ont démontrées une légère augmentation de
l'HbA1c avec l'âge et de variations saisonnières). Chez le patient diabétique, le but est
d'obtenir un taux d'HbA1c aussi proche que possible des chiffres caractérisant un bon
équilibre de la glycémie. Ainsi, la valeur de référence chez les sujets sains est de 6 % d’Hba1c
par rapport à la concentration de l'hémoglobine totale (hémoglobines glyquées ou saines). En
règle générale, on considère que l'équilibre glycémique est correct si la valeur d'HbA1c est
inférieure à 6,5 %. Pourtant, l’interprétation des résultats est parfois délicate, car de nombreux
facteurs peuvent fausser les résultats, tels les variantes de diabète et d’Hb glyquées. Ainsi, ces
analyses doivent être analysées avec des facteurs cliniques et biologiques relatifs à chaque
patient.
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Dosage.
Les méthodes de dosages spécifiques de l’HbA1c sont fort simples car elles exploitent soit les
caractéristiques physico-chimiques de la molécule (chromatographie, électrophorèse) soit ces
caractéristiques immunologiques, ce qui est très utilisées à l’heure actuelle.
Un dosage immunochimique consiste à verser le prélèvement sanguin dans un tube à essais
dont les parois sont recouvertes d’anticorps (1+2) se liant avec une partie de l’HbA1c. En
vidant le tube on ne récupère ainsi que l’HbA1c, fixée au tube par l’intermédiaire des
anticorps (3). Enfin, en versant un autre type d’anticorps spécifiques qui se fixeront un à un
sur l’HbA1c (4+5+6) et dont on sait évaluer le nombre précis par des techniques diverses, on
pourra déduire le nombre de molécules d’HbA1c (7).
Insérer ici et en remplacement de ce texte le schéma sur le dosage
----- anticorps spécifique de l’HbA1c fixés au tube à essais.
: . : HbA1c.
Échantillon de sang
2e anticorps spécifique de l’HbA1c dont on sait mesurer le nombre exact.
Exemple : test d’un traitement contre le diabète.
Prenons un individu atteint de diabète. On lui fait une prise de sang et on lui donne des
médicaments pour améliorer sa maladie. Deux mois plus tard on lui refait une prise de sang,
trois cas sont possibles :
1ère prise de sang : taux d’HbA1c = X.
2e prise de sang :
-Taux d’HbA1c  X auquel cas la glycémie a augmentée car l’HbA1c a augmentée : le
diabète a empiré et la thérapie n’a aucun effet : il faut donc la changer.
-Taux d’HbA1c = X, ainsi la thérapie marche moyennement car le diabète s’est stabilisé
mais n’a pas pour autant diminué. On peut alors envisager une autre thérapie suivant
l’importance du diabète, en effet, si le diabète est minime on peut se contenter de le bloquer,
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alors que s’il est très avancé, même en l’ayant stabilisé les risques de complications peuvent
être grands et il faut envisager une autre thérapie.
-Taux d’HbA1c  X ainsi la thérapie est efficace et il faut la continuer.
Note.
Il ne faut pas croire que l’hémoglobine glyquée n’a pas d’effets négatifs sur l’organisme.
Ainsi, il a été démontré que l’HbA1c avait une affinité pour l’oxygène plus importante que
celle de l’Hb ce qui en théorie favorise la mauvaise distribution de celui-ci dans l’organisme,
mais les effets restent minimes in vivo.
Conclusion
La glycation est un des facteurs de vieillissement accéléré des tissus. Les produits de Maillard
ou AGEs issus de la glycation sont hautement dangereux pour l’organisme et s’accumulent
avec l’âge et plus particulièrement lors du diabète. Les AGEs participent ainsi au
développement de plusieurs maladies, telles que l’artériosclérose, l’insuffisance rénale, la
maladie d’Alzheimer et la cataracte. Ce sont ces mêmes AGEs qui sont pour la plupart
responsables des complications du diabète (principalement des complications micro
vasculaires). Mais la glycation peut avoir des effets bénéfiques pour le traitement de certaines
maladie comme pour le diabète où l’HbA1c est un marqueur de l’évolution de la maladie et
permet ainsi de mieux la suivre et donc de la traiter.
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Conclusion
On peut réellement parler de révolution d’un point de vue agro-alimentaire principalement.
Car avec la compréhension au moins globale de la réaction de Maillard, on explique une
multitude de processus utilisés quotidiennement et dont la maîtrise a permis des progrès loin
d’être négligeables. Contrôler la réaction non enzymatique de Maillard, c’est contrôler en fait
la conservation des produits, leur goût, leur aspect. Autant de critères qui déterminent le choix
d’un produit. Ainsi, en faisant varier de manière infime les paramètres environnementaux, on
modifie le processus réactionnel (la cinétique) et les différences de résultats peuvent être
impressionnantes. Une variation peut rendre la réaction agréable ou indésirable. On passe du
jambon aux arômes délicats au goût de brûlé dans un yaourt. De même en médecine,on passe
de l’ennemi des vaisseaux ou des yeux pour les diabétiques au bon samaritain quand il s’agit
de permettre un suivi de ces mêmes diabétiques. Un brin schizophrène, cette réaction a quand
même le mérite de donner saveur et goût à nos vies !
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Bibliographie et Remerciements
Des ouvrages, personnes, sites sans lesquels ce T.P.E aurait pu quand même avoir lieu grâce à
notre génie mais que nous tenons à remercier quand même ;-)
Sources
Bibliographie
Liens Web
-Nutranews
http://www.nutranews.org/fra/index.php?articleid=938
-Site de l'Association Louis Camille Maillard
http://www.lc-maillard.org/
-Cours sur la Réaction de Maillard par Elsa Messines et Julie Montès
http://www.ens-lyon.fr/DSM/magistere/projets_biblio/2001/emessine/
Magazines
Manger Tue N°Spécial de Courrier International
Revue du Palais de la Découverte, No spécial sur l’alimentation (octobre 2003)
Remerciements
-Mme de Enden pour son aide précieuse et son enthousiasme communicatif!
-Mme Macaire pour son aide précieuse et ses documents bienvenus
-Guillaume Lefèvre pour ses conseils et explications sur la glycation et ses propositions
judicieuses.
-Hervé This, pour son lobbying médiatique précieux en faveur de cette réaction fascinante.
-Les nombreux aliments sacrifiés sur l'autel de l'expérimentation par Emile,Olivier et Pierre
-Tous ceux qui aiment recevoir des remerciements
-Tous ceux que j'ai oubliés et qui nous ont pourtant vraiment aidé
et bien sur Louis Camille Maillard pour sa savoureuse découverte!
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