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Les Modèles DSGE au FMI: Applications et
Développements Récents
Dennis Botman, Philippe Karam et Douglas Laxton
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I. INTRODUCTION
Cet article fournit une vue d'ensemble non technique de deux modèles dynamiques
stochastiques d'équilibre néral (DSGE) de grande taille qui ont été développés au Fonds
Monétaire International (FMI) pour la recherche et l'évaluation des politiques économiques.
Il actualise un travail précédent de Bayoumi (2004), qui décrit le Modèle Economique
Global (Global Economy Model, GEM), qui est le premier modèle multinational DSGE du
FMI.
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Il présente aussi un autre modèle DSGE auquel le FMI a attribué le nom de Modèle
Fiscal Global (Global Fiscal Model, GFM).
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GEM était l'un des premiers modèles multinationaux DSGE de grande taille, reposant sur des
bases micro-économiques, qui a été développé par une institution ayant pour responsabilité
de formuler des politiques économiques.
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Il repose largement sur la littérature récente que
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Dennis Botman (Départment des Finances Publiques), Philippe Karam (Institut du FMI), et Douglas Laxton
(Départment des Études), Fonds Monétaire International. Les auteurs voudraient remercier Jean-Pierre
Laffargue de son examen exceptionnel et méticuleux de cet article en français et de ses commentaires
substantifs et rôle éditorial.
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Voir Bayoumi (2004) pour un résumé non technique de GEM et de quelques applications préliminaires. Doug
Laxton (FMI, département de recherches) et Paolo Pesenti (Banque de Réserves Fédérale de New York, détaché
au FMI au moment du veloppement de GEM), sont les premiers constructeurs de GEM (voir Laxton et
Pesenti (2003)). Ultérieurement un certain nombre de personnes ont été impliquées dans des projets GEM, et un
petit réseau de recherches GEM a été créé pour échanger des idées et des outils. Une grande partie du
développement de GEM au cours des trois dernières années a été rendu possible par les contributions de Dirk
Muir, qui a passé les trois années de congé que lui a accordé la Banque du Canada à se consacrer à plein temps
au développement de GEM. Après son retour à la Banque du Canada il a continué à développer GEM à
distance dans le cadre d’une collaboration entre la Banque du Canada, le FMI, et la Fed de New York. Il y a eu
un grand nombre d'autres personnes, à l'intérieur et en dehors du FMI , qui ont contribué au développement de
GEM ou aux applications qui ont utilisé ce modèle.
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Le modèle fiscal global (GFM) a été développé par Botman et alii (2006). Il a été employé intensivement à
l'intérieur du FMI pour examiner les questions fiscales à moyen et long terme.
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Voir The Economist (2006) pour une discussion de l'histoire récente du développement des modèles
appliqués, ayant des fondements microéconomiques. L'article suggère que le Modèle Trimestriel de Pvision
(MTP ou QPM) de la Banque du Canada, qui a été développé au milieu des années 90, a été le premier modèle
appliqué ayant de telles fondations et développé par une institution ayant des responsabilités de politique
économique. Cependant, bien que QPM, et d'autres modèles semblables, aient représenté un progrès important
dans les modèles de banque centrale, la plupart de ses équations dynamiques étaient largement des formulations
ad hoc motivées plus par des résultats empiriques que par une théorie macrodynamique rigoureuse.
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l’on qualifie de nouveau paradigme de la macro-économie ouverte (NOEM).
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Le
développement des modèles DSGE, comme GEM, a permis aux chercheurs de prendre en
compte les facteurs essentiels qui déterminent les effets qualitatifs et quantitatifs des
politiques macro-économiques, en proposant un cadre qui inclut des consommateurs et des
producteurs optimisateurs, ainsi que des rigidités nominales et réelles. Ces rigidités
permettent à des modèles comme GEM de générer des dynamiques réalistes et de remplacer
la génération précédente de modèles qui recouraient à des dynamiques ad hoc.
Développer de meilleurs cadres d’analyse qui intègrent les facteurs d'offre et de demande
d'une manière qui permette de rendre compte de l'interdépendance croissante des économies
globales, est devenu une priorité importante du FMI. Le développement de GEM a fourni une
articulation plus riche des interactions dynamiques entre les pays, et a permis une
meilleure interprétation et analyse des questions de politique économique. En termes très
pratiques ce mole a permis aux économistes du Fonds d'employer une approche plus
structurée pour évaluer les retomes sur les autres nations et la situation rale
mondiale, des politiques mises en oeuvre au niveau dun pays.
La premre version de GEM a été velope pour fournir une repsentation initiale
satisfaisante des interdépendances macro-économiques internationales, en laissant
ouverts de nombreux aspects de léconomie à des développements ultérieurs. En
particulier, les aspects fiscaux et financiers du modèle ont été très simplifiés pour
réduire le risque que le modèle soit considéré comme une boîte noire. Le
développement ultérieur du modèle a gardé cet objectif, et a été conçu de telle fon
que des couches supplémentaires puissent être facilement ajoutées par des utilisateurs,
qui pourront dautant mieux remplir cette tache quils disposent dun modèle simple de
rérence. Ainsi le mole GEM devait être transparent avec des propriétés facilement
interprétables en termes théoriques.
Un choix prioritaire a été demployer le modèle pour aborder des problèmes concrets de
politique économique et dès le début de sa construction la décision a été prise de
consacrer un certain temps à fournir périodiquement un résumé non technique du
modèle et de ses applications, pour qu'une assistance large soit associée à son
développement. Nous pouvons citer par exemple des simulations de GEM effectuées au
FMI et résumées par Bayoumi (2004), des évaluations des effets nationaux des politiques de
réforme structurelle et de leurs transmissions aux économies des pays tiers (Bayoumi,
Laxton, et Pesenti, 2004), des calculs des effets des hausses de prix du pétrole (Hunt, 2005),
des évaluations de l'efficacité de règles alternatives de politique monétaire dans les pays
émergents et industrialis (Laxton et Pesenti, 2003). Des économistes, à l'intérieur comme
5
Un projet similaire est en cours dans la Division de Finance Internationale (Conseil des gouverneurs du
Système fédéral de réserve), voir par exemple Erceg, Gust et Guerrieri (2005). Il y a un certain nombre de
projets en cours dans les banques centrales des modèles de DSGE sont développés pour remplacer la
génération précédente des modèles qui juxtaposent sur un noyau cohérent des dynamiques qui ne sont pas
déduites de comportements d’optimisation. Il reste à voir combien de modèles DSGE devront être encore
développés avant que les institutions responsables de la formulation de la politique économique abandonnent
leurs modèles existants pour leur substituer des modèles DSGE, pour effectuer leurs prévisions centrales et leurs
variantes.
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en dehors du FMI, ont développé des extensions et des variantes de GEM, par exemple en
augmentant le nombre de ses pays, pour traiter des sujets plus vastes et variés que ceux qui
peuvent l’être avec le modèle original.
Le reste de l’article est organisé de la façon suivante. La section II fournit une présentation
résumée de GEM et de ses applications. Nous regroupons les diverses applications de GEM
en cinq catégories qui sont : les règles de politique monétaire, les réformes structurelles (des
marchés du travail ou des biens), les déséquilibres de la balance des comptes courants, la
volatilité du prix du pétrole, et les questions commerciales. La section III donne alors une
présentation résumée du Modèle Fiscal Global (GFM) qui a été conçu explicitement pour
étudier les implications à moyen et long terme de politiques fiscales alternatives. La section
IV conclut en décrivant les limites principales des deux modèles et en fournissant quelques
propositions.
II. LE MODELE ECONOMIQUE GLOBAL (GEM) : STRUCTURE ET APPLICATIONS
L’idée de développer une nouvelle génération des modèles basés sur le paradigme de la
nouvelle macroéconomie ouverte (NOEM), afin de mieux formuler les politiques
économiques, est devenue extrêmement populaire ces dernières années. GEM est une version
de grande taille de ces modèles, qui juxtapose plusieurs mécanismes qui avaient été
développés dans des modèles plus petits. En un mot, GEM combine des fondations micro-
économiques et une batterie de rigidités nominales et réelles qui sont conçues pour
reproduire une dynamique de court terme réaliste. La production, la consommation, les
rigidités nominales, le commerce, et les marchés financiers internationaux sont intégrés
dans une structure théorique logique permettant l'analyse des interdépendances
internationales et reposant sur des mécanismes de transmission parfaitement cohérents.
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L’hypothèse de consommateurs et de producteurs optimisateurs que fait GEM, est bien
adaptée pour analyser l'impact des changements structurels qui modifient les comportements,
et rend le modèle moins vulnérable à la « critique de Lucas ».
GEM est partie intégrante de la littérature qui fonde les formulations de la politique
économique sur des modèles d'équilibre général stochastiques et dynamiques. Il est
profondément enraciné dans le paradigme de la NOEM. Le FMI a commencé par développer
une version à un pays, puis à étendu celle-ci au cas de plusieurs pays en interaction. Cet
article présente une vue d'ensemble des caractéristiques principales et des résultats de
politique économique de GEM, tout en évitant les détails techniques. Le lecteur
intéressé peut se référer aux divers articles qui expliquent en plus grands détails les
aspects techniques du modèle et les algorithmes employés dans les simulations.
Le modèle comporte des firmes qui produisent des marchandises, desnages qui
consomment et fournissent le travail et le capital aux firmes, et un gouvernement qui
perçoit des impôts et effectue des dépenses.
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La modélisation de la consommation et de
6
Voir Lane (2001) pour un aperçu détaillé.
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Laxton et Pesenti (2003) fournissent une description détaillée de GEM.
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la production repose sur des fonctions dutilité standards à élasticités de substitution
constantes (CES) et sur de fonctions de production, qui permettent une agrégation
simple des consommateurs et des entreprises. Un grand nombre de petites entreprises
produisent chacune une marchandise différenciée en recourant à une même fonction de
production (CES) qui utilise comme inputs du travail, du capital, et des biens
interdiaires (composants ou matières premières). Comme les marchandises sont
différenciées, leurs producteurs disposent dun pouvoir de marché et limitent leur
production pour accroître leurs profits. Cette spécification permet de prendre en
compte des effets de marges dans la fixation des prix. Ceux-ci jouent un rôle
important dans le modèle fiscal, et influencent le degré distorsionaire des différents
impôts. Les biens déquipements et intermédiaires peuvent être produits et échans
internationalement. La main-d’œuvre dans chaque pays est fixe, et les travailleurs
choisissent la répartition de leur temps entre le travail et les loisirs. Les travailleurs
disposent aussi dun pouvoir de marché et en conséquence limitent leur offre de travail
pour augmenter leur salaire réel. Les travailleurs sont les propriétaires des entreprises de
leur pays, et en conquence leur revenu est composé de salaires et de profits. Ce revenu
est ensuite dépensé en l’achat de marchandises domestiques et étrangères selon une
répartition déduite dune fonction dutilité CES.
Un dispositif novateur de GEM, comparativement à la plupart des modèles de politique
économique, est sa structure flexible. Les utilisateurs peuvent inclure ou exclure des
modules portant par exemple sur les biens non échangeables internationalement, le secteur
de la distribution, ou le commerce dans les matières premières ou autres biens intermédiaires.
En outre, le modèle peut être calibré pour un nombre arbitraire de pays, et la plupart des
travaux récents ont comporté des blocs multirégionaux.
La Figure 1 illustre une version à deux pays de GEM. La production est formalisée en deux
étapes. Dans la première étape, le travail, le capital, et (probablement) la terre sont utilisés
pour créer les biens intermédiaires qui peuvent être échangés internationalement, par
exemple le pétrole ou les composantes employées par l’industrie manufacturière. Ces biens
intermédiaires sont ensuite combinés avec du travail et du capital pour produire les
marchandises finales.
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Une deuxième caractéristique est la répartition des marchandises
finales entre celles qui sont échangeables internationalement et celles qui sont non
échangeables. Cette différentiation est centrale pour un certain nombre de questions de
macro-économie internationale. Notamment, laugmentation plus rapide de la
productivité dans le secteur échangeable que dans le secteur non échangeable permet
d’expliquer pourquoi les taux de change réels tendent à apprécier dans les pays qui se
développent rapidement, ce qui est habituellement appelé l'effet Balassa-Samuelson.
Inclure des marchandises non échangeables est également utile pour beaucoup de
questions pertinentes pour les pays industrialisés, telles que le degré auquel les
8
L'introduction de biens intermédiaires dans le modèle permet à celui-ci d'examiner des questions qui sont
particulièrement importantes pour les pays en développement. Celles-ci incluent les problèmes de politique
économique qui se posent aux pays qui fournissent des composantes à faible valeur ajoutée aux nations
industrialisé, qui les combinent ensuite avec des composants à haute technologie qu’elles ont elles-mêmes
produites, pour obtenir un produit final qui sera pour partie exporté.
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augmentations effectives (et prévues) de la productivité provenant du développement des
technologies de l'information, aident à expliquer la forte appréciation du dollar au cours
des années 90 (Hunt et Rebucci, 2005). Une autre caractéristique importante du modèle
est le secteur de la distribution. Les études microéconomiquesmontrent de fon
convaincante quune même marchandise est vendue à des prix différents dans les
différents pays. Une façon d'incorporer cette observation dans le mole est d'y inclure
un secteur de distribution (Corsetti et Dedola, 2002). Toutes les marchandises
domestiques et étrangères doivent passer par ce secteur avant de pouvoir être achetées.
Comme on suppose que les inputs du secteur de distribution sont des marchandises non
échangeables, ceci signifie que les prix finaux de tous les biens incluent les prix de ces
inputs. Ainsi, les prix des biens importés ne répercutent pas intégralement les
changements du taux de change réel (même dans le long terme).
A. Choix des valeurs numériques des paramètres de GEM
Les réponses quantitatives du modèle dépendent évidemment des valeurs des paramètres.
L’étalonnage a été effectué de façon très pragmatique. L'idée fondamentale a été de choisir
des valeurs raisonnables pour les coefficients, en se fondant sur les connaissances théoriques
et empiriques de l’économie, et puis d’examiner la sensibilité des propriétés du modèle à ces
choix. Le choix des valeurs de la plupart des paramètres importants, ceux qui définissent les
réactions de long terme des entreprises et des consommateurs, par exemple des heures
travaillées aux changements de salaires réels, ou les élasticités de substitution entre les
différents types de biens, a reposé sur les résultats détudes micro-économiques.
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D'autres
coefficients ont été choisis afin de reproduire les caractéristiques principales de
l'environnement économique, telles que la taille relative des pays, leurs niveaux de
commerce, et leurs rapports capital-production. Les valeurs des paramètres représentant les
coûts d'ajustement et la persistance des habitudes ont été choisies pour reproduire des
réponses dynamiques réalistes.
À quel degré un modèle de politique économique comme GEM ussit-il à reproduire les
dynamiques qui s’observent dans les données ? GEM comporte des cts d'ajustement
pour les variables réelles et nominales, qui introduisent une inertie dans les ponses aux
chocs et empêchent la consommation et la production de sauter immédiatement sur leur
nouvel équilibre de long terme à la suite d’une nouvelle information.
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Les coûts
d’ajustement réels freinent l'ajustement du stock du capital et du niveau des
importations, alors que la persistance des habitudes introduit une inertie dans les
réponses de la consommation et des heures travaillées. Les rigidités nominales sont
modélisées en introduisant des coûts d'ajustement dans les prix des marchandises
domestiques et des importations ainsi que dans les salaires. Les modélisations de ces
9
Voir Bayoumi (2004), Box 2.1, sur l’estimation des paramètres dans GEM.
10
Les valeurs des paramètres principaux concernant les rigidités nominales et les coûts réels d'ajustement, sont
choisies en se fondant sur les résultats que donne la littérature économique et sur notre propre travail empirique.
Par exemple la valeur du paramètre intervenant dans les coûts quadratiques d'ajustements des prix est cohérente
avec la durée des contrats obtenue dans le modèle de Calvo.
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