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5.08.91
Professeur Leibovitz,
Je m'appelle Y. et j'ai 25 ans. Après avoir suivi un séminaire organisé par
Arakhim
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j'ai décidé d'accomplir les mitsvot au fur et à mesure de mon étude,
de mes recherches et approfondissements à leur sujet. Je continue à lire et de
plus en plus se renforce en moi le sentiment que la somme de connaissances
qu'il me reste à découvrir est immense. Et combien faudra-t-il encore que
j'approfondisse ! En outre, quel est vraiment le chemin juste ? Je n'aspire qu'à
une seule chose : accomplir la volonté de D., mais est la voie à suivre ?
Suivre les traces du sionisme religieux ? Celles des ultra-orthodoxes ? Il y a
tellement de ramifications différentes ! Par l'intermédiaire de cette lettre je
voudrais vous poser quelques questions et par la suite vous faire part de
quelques remarques au sujet de vos livres.
Si vous vivez selon les exigences de la halakha, comment avez-vous pu dire
à une femme désireuse d'accepter ces mêmes exigences :"ne modifiez pas vos
habitudes vestimentaires…" (cf. Israël et judaïsme, ma part de vérité, page
176). D'après la halakha, il y a oui une manière de s'habiller (pour une femme
tout au moins ). Soit on accomplit les mitsvot et on vit d'après la halakha, soit
non ! Quelle est donc la halakha quand à la tenue vestimentaire d'une femme
?
J'ai pris sur moi plusieurs engagements parmi lesquels le respect des règles
de cacherout, chabbat et de pureté familiale même si je ne puis encore
m'acquitter pleinement des lois de pureté relatives à la famille, puisqu'elle
n'existe pas encore. J'ai toutefois cesser d'avoir des relations intimes avec mon
ami. Il lui a été un peu difficile d'accepter les choses que j'imposais mais il
respecte mes choix.
Il m'est très difficile d'admettre ce que vous avancez au sujet de la prière
dans votre livre Judaïsme, peuple juif et état d'Israël. A qui adressez-vous
quotidiennement votre prière? Vous adressez une prière au créateur parce que
c'est une mitsva et c'est tout ?!
Je n'ai aucune idée de ce à quoi ressemble le monde futur, toute convaincue
que je soit de son existence. D'ailleurs, au séminaire, des preuves concrètes
nous ont été données : certaines personnes revenues à la vie suite à leur décès,
des photos
Professeur Leibovitz, quel est votre avis au sujet de ce qui a été dit jusqu'ici ?
Je vous en prie, ne retenez pas vos critiques. Serait-il possible de recevoir une
réponse assez rapidement, dans la mesure de vos disponibilités ?
Avec tout mon respect,
Y.
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Organisme israélien encourageant le retour au judaïsme de nombreux juifs.
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20.08.91
Y, Chalom,
Votre lettre, par les problèmes que vous y soulevez et les questions que
vous posez est le témoignage éclatant de la grande décision que vous avez
prise ainsi que le témoignage des efforts acceptés pour la concrétiser.
Votre décision relève du choix de votre propre conscience dans l'esprit du
verset des psaumes: "Quant à moi, la proximité de D. m'est bonne." Cette
décision exprime "l'acceptation du joug du royaume des cieux" et se
concrétise par "l'acceptation du joug de la Torah et des mitsvot" - est toute
la foi ! Celle-ci n'est pas une affaire de connaissances, c'est à -dire
d'informations que l'homme acquiert par le biais de livres ou d'autres
personnes mais elle procède d’un choix volontaire et autonome. L'homme de
foi n'accomplit pas les mitsvot pratiques (chabbat, cacherout, pureté familiale,
etc..) pour ce qui en découle ou parce qu'elles satisfont des intérêts ou des
besoins humains mais "pour la gloire du ciel", c'est-à-dire au nom de la
concrétisation de sa volonté de servir D. C’est celui qui s'efforce dans la
mesure de ses possibilités d'accomplir les mitsvot dans cet esprit qui
aspire à "la proximité de D.", qu'il ait ou non en lui la force de les accomplir
de la manière la plus parfaite; qu'il soit capable ou non de trouver des
réponses aux questions qui se posent à lui dans le domaine de la foi. Certes,
cet effort exige un héroïsme spirituel et psychologique. C'est la raison pour
laquelle les premiers mots du Choulkhan Aroukh sont : "Le matin l'homme se
dominera comme un lion pour accomplir le service de D." C'est pourquoi
j'estime et prends beaucoup à cœur votre intention d'avancer dans cette voie
là. Que vous puissiez trouver force et courage !
[Remarque annexe : je ne comprends pas pourquoi (d'après vos propres mots)
"vous ne pouvez pas respecter pleinement les règles de pureté familiale". N'y
a-t-il pas de bain rituel à Beer-Cheva? Si vous preniez sur vous le respect des
lois de nida, des bains rituels et que vous ameniez votre ami à accepter la
situation vous auriez fait tous les deux une très grande chose.]
Je réponds à votre étrange question :"Quelle est la halakha en matière de
tenue vestimentaire pour une femme ?" Il n'y a pas de halakha à ce sujet car
il n'existe aucun "habit religieux", ni pour une femme ni pour un homme. La
façon de s'habiller est affaire de mode. Or la Torah ne s'intéresse pas à une
mode particulière, elle requiert la pudeur dans la tenue (et dans la vie en
général). La pudeur dépend du lieu l'on vit et du cours du temps, elle ne
s'expose pas à une définition fixe et formelle. Aux yeux de certaines
personnes, une femme habillée en minijupe, en pantalon ou en chemisier à
manches courtes est une débauchée ou une prostituée, et ces personnes croient
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affirmer de la sorte une position religieuse. En vérité leur position découle du
fait que leur grand-mère ne s'habillait pas comme cela et que pour eux la
mode de Mamie est une valeur religieuse. Or le fait est qu'une femme qui
respecte le chabbat, la cacherout et les règles de pureté familiale est une
femme juive religieuse même si, en conformité avec les habitudes
vestimentaires de notre époque, elle porte un pantalon. Il en va de même pour
un homme quant au port de la barbe. La Torah interdit de se raser avec un
rasoir mais il n'existe aucune obligation de se laisser pousser la barbe. La
barbe est une mode dans certains milieux juifs religieux. Un juif qui respecte
la Torah et les mitsvot n'est pas oblide prendre sur lui cette mode à
l'exclusion d'une autre. Mais il y a des imbéciles pour qui certains signes
extérieurs bien à la mode sont synonymes de religiosité.
Je tiens à réagir avec véhémence à vos propos se rapportant à la prière et
regrette, faute de temps, d'être obli à être bref il y aurait lieu de
s'étendre. Vous demandez :"Vous priez parce que c'est une mitsva, et c'est
tout ? !"."C'est tout" : Ces mots témoignent d'un manque de compréhension. Il
n'est rien de plus élevé que la prière d'un homme qui prie en ayant conscience
que tel est le service de D. Cette conscience est en elle-même le sens exact
de l'expression "conscience dans la prière
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" (que nos sages exprimeront dans
les termes suivants:"qu'il oriente son cœur vers les cieux"). C'est pourquoi,
oui, "c'est tout". Celui qui ajouterait quelque chose déprécierait l'ensemble.
Celui qui prie pour donner une expression aux émotions de son cœur s'exerce
dans un sport émotionnel, pas dans le service de D. Celui qui prie pour obtenir
quelque chose par le biais de sa prière ne s'oriente pas vers les cieux mais vers
son propre bien-être.
Je suis également obligé de ne pas engager le débat quant à vos propos sur la
Providence dans lesquels on devine que vous considérez D. comme un
vieillard siégeant au Ciel et tirant de -haut les ficelles du monde. Vous
voudriez qu'il les tire dans une direction qui vous est favorable. Il y aurait lieu
ici de s'étendre…
Je n'ai pas non plus le temps d'aborder la question du monde à venir, qui n'est
mentionné ni dans la Torah, ni dans les prophètes, ni dans la prière
quotidienne (qui constitue le service quotidien de Dieu.), ni à Roch Hachana
ou à Yom Kippour. Cependant, sachez que je regrette profondément que vous
soyez tombée dans le piège à mensonges et à superstitions des morts revenus à
la vie. Peut-être aurais-je l'occasion de revenir sur plusieurs points au sujets
desquels vous demandiez une réponse.
Bonne année,
Yechayahou Leibovitz.
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Kavana batefila : conscience, intention dans la prière. La kavana désigne la concentration, la
compréhension et l'engagement de la personne dans la mitsva. Dans la prière, en matière de kavana, la
halakha requiert attention aux mots et/ou conscience du "face à face avec Dieu."
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6 av 5752
Professeur Leibovitz,
Il y a environ un an je vous ai écris une lettre à laquelle vous avez
répondu. Vous aviez qualifié ma question: "quelle est la halakha en matière de
tenue vestimentaire pour une femme ?" d' "étrange". Vous m'aviez répondu
qu' "il n'y a pas de halakha à ce sujet." Pourtant d'après la Torah orale une
femme doit "porter un vêtement qui ne dévoile pas son corps et couvre ses
jambes jusqu'en dessous du genou. Les manches doivent couvrir les bras
jusqu'après le coude. Une femme mariée est obligée de se couvrir la tête"
(p.267 du livre Chaaré halakha rédigé par Zeev Grunwald). Il ne fait pas de
doute que la Torah -qui est une Torah de vie - s'interroge jusqu'aux détails de
la tenue vestimentaire descente d'une femme. Qui décide que tel vêtement est
décent et pas tel autre ?
[La lettre abordait d'autres sujets qui ne sont pas rapportés ici.]
Y.
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17.08.92
Y., bonjour,
Ta lettre est l'expression par excellence du tempérament d'un être humain
qui a pris la grande décision d'accepter le joug du royaume des cieux ainsi que
celui de la Torah et des mitsvot. C'est cette même décision qui t'incite à
soulever des questions dont le fait même qu'elles soient soulevées est un
témoignage de foi. C'est pourquoi ta lettre m'inspire une grande estime et un
profond respect. Aussi, il s'impose à moi de m'efforcer de répondre à tes
critiques.
Ta première objection est halakhique : la pudeur (tu entends par pudeur
vestimentaire), obligation religieuse, est une mitsva de la Torah. Mais la
pudeur, le sens-même du concept, ne se prête à aucune définition formelle.
Son essence réside précisément dans ce qui est convenu et accepté comme
correct dans la réalité socio-culturelle dans le cadre de laquelle vit l'homme.
[Remarque: Je ne sais pas si tu connais le sens du concept de "mouscamot"
dans la pensée religieuse.]
Au sujet de la pudeur selon cette acception -elle n'en connaît pas d'autre- on
pourrait dire que "Ces choses sont affaire de goût, elles ne relèvent pas d'un
décret divin" (Rambam, Ichout 25,2) : elles regardent l'endroit, lpoque et le
contexte. L'auteur que tu cites pense innocemment (ou dans une fausse
innocence) que la mode qui existe (ou qui existait) de son temps, dans sa
communauté, exprime la pudeur "de la Torah". Il ignore le fait que pour
d'autres générations de juifs convenables [cachers] et pour d'autres
communautés convenables la mode est différente. Comme il est ridicule de
dire que "d'après la Torah" une robe doit couvrir les jambes jusqu'en dessous
du genou : moi-même, avec tous les gens de mon âge, nous nous souvenons
encore qu'à l'époque de notre jeunesse les revers de la robe de toute femme
correcte, juive ou non juive, descendaient jusquses chevilles tout près du
sol ; il n'y avait qu'une prostituée pour la relever jusqu'aux dessous du genou !
trouves-tu aujourd’hui une telle femme, juive ou non juive ? Qu'est-ce qui
a chanaujourd'hui, durant les 70 ou 80 dernières années ? La mode ou la
Torah ?
Ce sens-de l’obligation de pudeur - qui n'en a pas d'autre - est différent du
sens d'autres mitsvot ayant pour vocation, dès le départ, d’être un « signe »
religieux dans le cadre d’une réalité profane, et qui par conséquent ne sont
pas corrélative avec cette réalité et lui sont même étrangers : par exemple la
bénédiction « hamotsi » avant l’alimentation, ou les règles de pureté dans la
vie conjugale, ou le fait de ne pas allumer de cigarette le jour du chabbat.
Avec ma bénédiction
Yechayahou Leibovitz
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