D’un point de vue conceptuel on peut s’amuser avec cette question mais je pense que c’est
superflu. Il y a une différence entre nous deux : tu t’occupes de textes et moi de réalité. Pour
moi, le judaïsme est une affaire de réalité, pas une affaire de textes !
La réalité du judaïsme c’est que la foi juive s’est maintenue sans aucun lien avec
l’intervention de Dieu dans le monde. Ceci est un fait. S’il est question de miracles et
d’interventions divines, cela n’ a jamais marché ni amené personne à la foi.
Vous connaissez bien évidemment l’histoire d’Elicha ben Abouya, comment il devint
l’ « autre ». Une fois qu’il se tient à côté d’un jardin, il en voit le propriétaire qui demande à
son fils de monter à un arbre pour recueillir les œufs d’un nid et renvoyer la mère des
oisillons, ce qui constitue la mitsva de « renvoi du nid » (chilouah’ ha qen) qui se trouve dans
la Torah (deut. 22, 6-7). L’enfant part accomplir ce que lui demande son père, réalisant là bien
entendu deux mitsvot à la fois : la mitsva de respecter son père et sa mère et la mitsva de
« renvoi du nid ». Or vous savez que c’est précisément et exclusivement ces deux mitsvot qui
sont accompagnées dans la Torah des justifications : « pour que tes jours s’allongent »
(Ex. 20, 12) et : « pour que tu en bénéficies et prolonges tes jours » (deut. 22,7). En allant
accomplir ces deux mitsvot, l’enfant tombe de l’arbre et meurt. Elicha ben Abouya qui connaît
bien la Torah et sait ce qu’elle promet mais d’un autre côté est bien obligé de constater que
cet enfant est mort alors qu’il allait accomplir ces deux mitsvot, devient « autre » et pour le
dire avec les mots de nos Sages « tourna mal
». Mais Elicha ben Abouya avait un grand ami,
Rabbi Aquiba, qui lui aussi connaissait bien la Torah et ces versets « plein de promesses »
mais ne s’affola pourtant pas le moins du monde de cette histoire.
De ce Rabbi Aquiba il est dit dans le midrach comment il interpréta le verset de la Torah « Et
tu aimeras l’Eternel ton Dieu de tout ton cœur, de toute ta vie et de tous tes moyens »
(Deut. 6, 5) en disant : « ‘de toute ta vie’ - même s’il te retire la vie ». Il s’agit de comprendre
qu’une foi qui dépend de l’intervention de Dieu dans le monde ne tient pas.
Par contre, il y a eu des propos qui se sont malgré tout réalisés, comme la Destruction du
Temple, toujours justifiée par des causes sans lesquelles le Temple n’aurait pas été détruit.
C’est effectivement ainsi que pensaient les Sages qui tranchèrent dans la halakh’a que si les
juifs n’avaient pas transgressé les interdictits de servir un culte étranger, de débauche et de
meurtre, s’il n’y avait pas entre eux de haine gratuite, le Temple n’aurait pas été détruit.
Tout le monde peut toujours dire « et si… » !
Mais il y a un fait incontestable, c’est que des Justes, des hommes droits et intègres ont
souffert et se sont fait tuer tout au long de l’histoire.
Il y a une différence énorme entre la foi dans la promesse de Dieu et la foi en Dieu, une
différence qui fait contraire.
Elicha ben Abouya croyait aux promesses divines, c’est la raison pour laquelle il perdit la foi.
Tatsa letarbout ra’a : « partit vers une mauvaise culture ».