Travail/ travailler :
I) Étymologie :
Le mot « travail » vient du bas latin au VIème siècle
tripalium / trepalium» qui signifie tourment, souffrance, instrument de torture à trois pieux
puisque « tri » signifie trois, « pag » : enfoncer et « palus » : le pieux.
*tripaliare qui signifie contraindre.
Le mot « travail » fait parti du registre courant, mot d'origine populaire ( latin populaire).
On peut trouver différentes orthographes : traveil, traval , traveaul.
II) Les différents sens du mot « travail/travailler » en ancien français :
Il existe plusieurs sens au mot travail :
- machine qui permet de maîtriser un animal tel que le cheval, le bœuf afin de ferrer ou
d'opérer l'animal.
- poutre (XVème siècle)
Travail/travailler
- Effort difficile, pénible
- notion de souffrance : torturer avec le tripalium
- contraindre
- exécuter un ouvrage (1680)
Jusqu'au XVIème siècle, le travail et travailler sont des termes qui qualifient quelque chose de très
péjoratif.( souffrance, contraindre, torture...). Cependant il faut nuancer car l'idée d'effort peut être
vu de manière positive puisqu'elle peut être vu comme une qualité.Et à partir de la fin du XVIIième
siècle, le fait d 'exécuter un ouvrage n'a rien de péjoratif.
III) Sens du français moderne :
Il y a une certaine variation du sens du mot travail/ travailler. La notion du travail comme
souffrance, torture a aujourd'hui disparu. Le travail comme machine pour les chevaux n'est plus très
utilisé non plus.
Le sens de travail comme « contrainte » a évolué. En effet, si aujourd'hui le travail peut paraître
comme une contrainte , ce n'est pas dans le même sens que la contrainte au XIIème siècle.
Par contre, nous trouvons aujourd'hui comme définition du mot travail :Activité d'un homme ou
d'un groupe d'homme déployé en vue d'un résultat utile ; définition qui peut rejoindre le sens de
1608 qui est le fait de travailler comme exécuter un ouvrage. Ce n'est donc pas une définition
contemporaine. Synonyme d'emploi ou de profession aujourd'hui.
On trouve également comme définition aujourd'hui : ( dans trois domaines différents)
-travailler quelque chose : lui donner une forme.
- exercer un métier
-préparation à l'accouchement. Où la salle de travail remotive l'idée de souffrance déjà présente au
Moyen Age.
IV) Paradigme morphologique :
Nom masculin.
Des variation du mot travail encore utilisés actuellement :
en ancien français : travaillos = pénible, fatiguant ; travaillé : las, lassé, peiné
-travail => travailler : verbe : fait de travailler.
-travaux : nom, pluriel de travail
-travaillable => adjectif : qui est fatiguant, pénible.
-travaillisme => nom masculin : doctrine du parti travailliste
-travailleur/euse => nom, personne qui fait l'action de travailler, d'exercer une activité.
mais peut aussi être un adjectif : peut qualifier quelqu'un qui aime bien travailler.
-travailloter => verbe, travailler sans se fatiguer.
V) Paradigme sémantique :
en ancien français, autour de l'idée de douleur : dueil, doloir, soffrir, soffrance ; autour de
l'idée d'emploi, d'activité : mestier, oeuvre
* les synonymes :
-langage familier : bosser, trimer
* antonyme : chômage ' en opposition au fait d'exercer un métier), loisir ( dans le sens où le loisir
fait plaisir : notion positif qui s'oppose au travail dans le sens travail pénible), amusement (pareil
que loisir), paresse( s'oppose à travail dans le sens où le travail demande un effort et la paresse est
justement la fait de ne rien faire, ne ne faire aucun effort).
VI) Sens en contexte médiéval :
Exemple 1 :
Adenet le Roi, Berte aus grans piés ( composé entre 1269 et 1285), pubié en 1923 première
édition, p86 :
Et tint de par sa fenme la terre de Saumur, [126 v°]
Puis fu mors en bataille outre mer devant Sur,
Ou de gens sarrazines ot estour molt tres sur.
Ne croi qu'il eüst dame de la dusqu'a Delfur
Qui de si grant afaire fust a tel meseür;
1005
Damedieus par sa grace li renvoit bon eür,
Car de tres fin cuer l'aime, de vrai et de meür.
De paine et de travail dort si fort et si dur,
Desouz un arbrissel, lez un viés petit mur,
Que on ne l'esveillast pas dou son d'un tabur.
Ici le terme travail est employé de manière négative. Il signifie l'effort, la peine mais dans le sens
plus médiévale du mot par rapport à aujourd'hui. Les adjectifs qui l'accompagnent, appuient dans
ce sens : si fort et si dur.
Exemple 2 :
Chrétien de Troyes, Conte du Graal (Perceval), écrit en 1181, Romans de Chrétien de Troyes,
publié en 1972-1973, p56
Lors s'est la pucele avant trete,
cele qui premiers fu venue,
et mon seignor Gauvain salue
et dit: «Ma dame vos anvoie
7700
a vestir, ainz qu'ele vos voie,
ceste robe, que ele cuide,
come cele qui n'est pas vuide
de corteisie ne de san,
que grant travail et grant ahan
et grant enui eü avez.
Mes vestez la, si l'assaiez
Ici, le mot travail signifie effort, résultat d'une transformation. Sens renforcé par l'adjectif « grant »
( grand) qui se trouve juste devant le mot travail.
Exemple 3 : Chrétien de Troyes, Cligès (composé vers 1170), Romans de Chrétien de Troyes,
Tome II,publié en 1957, p6 :
I60Et cil est a son avoir sers
Qui toz jorz l'amasse et acroist.
Biau pere, tant com il me loist
Los conquerre, se je tant vail,
I64I vuel metre poinne et travail.»
Ici le mot « travail » signifie, se consacrer à uneche . Dans le contexte de la phrase, on peut
rattacher au mot travail la notion d'effort et de volonté. Attribution d'une certaine dignité dans ce
terme. Terme employer de manière positive dans ce contexte. Le narrateur veut « travailler pour la
gloire ».
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