Chapitre 1 : Les fondements théoriques de l`intervention

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Introduction générale
L’Etat, et plus généralement la sphère publique est au centre d’un débat ouvert et initié
par les économistes et les évolutions d l’économie mondiale. Le rôle de l’Etat dans
l’économie est contesté, il a perdu sa légitimité. La critique de l’Etat en soi n’est pas nouvelle.
La place et le rôle de l’Etat sont discutés depuis longtemps mais les débats portaient sur les
principes. Ils ont été renouvelés aujourd’hui par des concepts, des outils et ont été formalisés.
Cependant, depuis une trentaine d’année, ce que l’on appelle la globalisation qui a commencé
par être une affaire financière, a affaibli les Etats au point qu’on a parlé d’une crise de l’Etat.
Ce ne sont plus seulement les principes qui sont invoqués, mais c’est la question de savoir si
les Etats peuvent être efficaces dans leurs missions économiques. Les Etats s’appauvrissent et
ont une baisse de leur capacité réelle à entreprendre leurs missions.
L’efficacité de l’intervention de l’Etat est en question. Ce constat a été établi par
Rosenvallon dans un ouvrage, paru en 1995, la crise de l’Etat providence. Il dressait le constat
d’une triple crise, financière, d’efficacité (dans la régulation de l’activité économique) et de
légitimité.
Il semble que les évolutions de l’économie depuis les années 80 n’ont fait que
renforcer cette pensée. Leur efficacité est de plus en plus discutable, et leur légitimité est
contestée par leurs bénéficiaires (comme l’école qui doit respecter l’égalité des chances). Que
peuvent les Etats face aux firmes globales, aux délocalisations, au chantage fiscal des
entreprises qui mettent en concurrence les Etats, qui poussent à un dumping fiscal. Y a-t-il
encore place pour un secteur qui échappe à la logique marchande ? Les services publics ne
sont-ils pas un concept déplacé, un luxe dont un pays comme la France ne peut plus se payer,
entraînant des prélèvements sur le revenu national (la moitié de la richesse française est gérée
par l’Etat) ?
Effectivement, la globalisation affaiblit le pouvoir d’action de l’Etat sur l’économie,
une partie croissante de l’activité des entreprises lui échappe, mais les problèmes globaux qui
accompagnent la mondialisation appellent des solutions publiques, qui mobilisent l’Etat,
quelque chose qui mobilise la puissance publique mondiale, sous la forme d’une coopération
internationale entre les puissances publiques. Il y a une opportunité à redéfinir les enjeux
d’une économie publique, dans l’horizon de la mondialisation des défis majeurs
L’Economie publique à l’épreuve du développement durable et de la mondialisation
Les fondements théoriques de l’intervention publique, sont un champ de l’analyse
économique très développé ; + défis auxquels cette intervention publique est aujourd’hui
confrontée à travers les questions de l’environnement, développement durable, ouverture
internationale, mondialisation.
La théorie économique reconnaît trois grandes fonctions de l’Etat (identifiées en 1959 par
Richard Musgrave)
- la fonction de régulation ou stabilisation du niveau et de l’organisation globale de
l’activité économique
- fonction de redistribution avec un objectif d’équité ;
- fonction d’allocation des ressources en présence de défaillance des marchés,
identifiées par trois cause,s les externalités, l’existence de biens publics, et la
constitution de monopoles naturels, qui conduisent à un échec de la régulation
marchande. L’Etat doit agir pour nous ramener à une situation de l’optimum.
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Les rapports de l’Etat aux entreprise,s aux marchés, sont au cœur des tensions du monde, et
on se pose des questions
- les Etats sont-ils réellement devenus trop pesants, réduisent-ils la compétitivité des
économies ?
- l’économie capitaliste est-elle malade d’un excès de l’Etat, inflation des dépenses et
des prélèvements publics ?
- ces critiques ne constituent-elles pas le symptôme d’une dérive libérale encourage par
une représentation discutable du fonctionnement de l’économie
- y a t-il encore une place pour une économie de la protection sociale dans une
économie mondialisée, ou faut-il abandonner la protection sociale au profit du système
de protection privée ?
- pourquoi les pays européens sont-ils aujourd’hui sommés de démanteler les
monopoles publics
- la mondialisation capitaliste ne révèle-t-elle pas les défaillances globales de marché,
qui nécessitent pour être traitées rationnellement, de concevoir ce qu’on appelle les
biens publics mondiaux, et une politique globale d’accès à ces ressources communes
et non marchandes (eau, qualité de l’air)
- pourquoi les théories classiques du commerce international (Ricardo) sont-elles
aujourd’hui impuissantes à rendre compte de l’évolution des échanges mondiaux t
quels aménagements amener à cette théorie pour pouvoir en donner une explication
satisfaisante ?
Question générale :
Que fait la mondialisation aux Etats et à l’analyse économique de l’intervention publique ?
- la mondialisation ou la globalisation, loin de délégitimer l’intervention publique
nécessite une redéfinition des enjeux de l’économie publique dans l’horizon de cette
mondialisation des défis majeurs que sont le réchauffement climatique, la perte de
biodiversité, la disparition de ressources renouvelables (maritimes), l’accès à l’énergie,
la connaissance, le droit à une sécurité sociale, l’aide au développement..
- la théorie libérale qui s’identifie à la théorie néo-classique de l’économie publique sera
au cœur du questionnement
Quatre parties :
Section 1 : les fondements théoriques de l’intervention publique
Section 2 : Economie des services publics et de la protection sociale
Section 3 : l’économie des biens publics mondiaux
Section 4 : l’économie politique internationale
I. En théorie néoclassique, l’intervention économique de l’Etat est justifiée par les
défaillances de marché. Ce sont toutes les situations qui empêchent le système des prix
concurrentiels, le procédé d’allocation des parités optimales des ressources ; les agents ne
peuvent s’opposer au refus de l’un d’entre eux de procéder à une modification ou réallocation
des ressources.
A l’origine de ces défaillances de marché, il y a quatre situations qui correspondent à des
concepts
- l’externalité : toutes les modifications d’utilité ou de bien-être des agents qui ne sont
pas liées à des transactions marchandes
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- Les biens publics sont des biens qui ne sont pas rivaux et non exclusifs : la
consommation par un agent de ce bien n’exclut pas la consommation par un autre
agent. C’est le fondement de la théorie des services publics
- Les rendements d’échelle croissants : les situations de rendements croissants existent,
et la concurrence n’est pas viable : elle s’autodétruit et conduit à la sélection d’un seul
producteur qui va être monopoleur, ce qui lui permet d’abuser d’un pouvoir. En
présence de rendements croissants, on parle de monopole naturel. On a longtemps
pensé que c’était lié aux économies autour des réseaux. En présence de réseaux, on
considère qu’on a des rendements croissants car la profitabilité de l’entreprise est liée
à la taille de son réseau : plus il est grand, plus elle peut diminuer ses prix, oblige les
autres entreprises à baisser à perte, ce qui cause leur disparition. Aujourd’hui, on casse
les monopoles publics pour les restituer à la concurrence. Quels sont les arguments qui
légitiment la mise sous tutelle de la livraison et la production de l’électricité (ou autres)
et les arguments opposés ?
- L’information incomplète, liée à la théorie néoclassique. Pour qu’un équilibre général
soit concevable (théorie de Arrow et Debreu), l’information doit être complète,
accessible à tous, et comme les agents sont rationnels, ils en tirent tous le même
enseignement. Or, cette situation n’est pas réalisée, il y a des informations cachées,
privées, qui permettent à certains agents de tirer un avantage qui nous éloigne de la
possibilité d’un équilibre général.
Quatre situations typiques qui amènent le marché à une situation d’échec par apport au cas
idéal d’un équilibre général par les taux optimaux. Toutes ces raisons-là montrent que
l’intervention publique est acceptée dans le camp néo-classique traditionnel (Samuelson
justifie l’intervention publique dans ces situations). L’Etat est légitimé à intervenir par les
correctifs, la taxation, la subvention, la réglementation (imposer des normes de production,
des prix minima, comme le SMIC, ou maxima).
Il y a un consensus entre les néoclassiques et les keynésiens jusque dans les années 60. Puis,
on assiste à un retour en force d’idées libérales défavorables à l’intervention publique. 1968 :
Friedman a pris la présidence de l’association américaine des économistes, et dans son
discours de présidence, il a donné une critique sévère de l’une des fonctions étatiques, celle de
régulation, ce qui a déclenché un programme de recherche néoclassique, à l’université de
Chicago pour dénoncer les interventions publiques.
Une conception nouvelle de l’économie publique s’est imposée dans les milieux universitaires
et auprès des décideurs. On assiste ainsi à une déconstruction traditionnelle de l’intervention
publique et des solutions aux défaillances de marché. On s’appuie sur les théories de trois
auteurs
- Coase
- Demsetz
- Posner
C’est sur ces théories que se sont appuyés les décideurs publics pour orchestrer la
privatisation des biens et services publics et l’organisation de nouveaux marchés sur lesquels
les agents s’échangent des droits transférables
II. Economie des services publics et de la protection sociale
Il y a une contrainte forte qui limite l’aptitude des Etats à remplir ses fonctions. La
place de l’Etat est contestée par l’extension de la logique marchande qui pousse toujours plus
en avant l’exigence d’efficacité, la parfaite mobilité internationale. La parfaite mobilité des
capitaux met les Etats en concurrence fiscale ( en Allemagne, l’entreprise Nokia ferme son
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site pour ouvrir le même en Roumanie, mêle si les experts ont dit que dans 5 ans, Nokia
devrait fermer le site et l’ouvrir encore plus à l’est). La protection sociale et les services
publics, derniers espaces d’une logique non marchande sont directement contestés aujourd’hui.
Au nom de l’efficacité, les rendements croissants, les monopoles naturels, les risques sociaux
ne semblent plus suffire à légitimer l’intervention publique. Il souffle aujourd’hui dans les
commissions internationales un esprit de système qui pousse à mettre les Etats en concurrence,
à libéraliser les services publics, comme on le voit pour le gaz, l’électricité, les transports
publics, l’enseignement supérieur et la recherche. Peut-on encore justifier par des fondements
économiques l’existence de services publics ou bien est-on condamné à abandonner la raison
économique au profit d’arguments idéologiques et politiques ?
III. Economie des biens publics mondiaux
La théorie néoclassique conçoit la nature comme un capital dont il convient
d’optimiser le rendement. Cette théorie énonce des conditions portant sur l’organisation des
marchés concurrentiels, l’évolution des prix, et elle spécifie des droits de propriété sur la
nature transférables sur les marchés pour parvenir à une gestion optimale de ces ressources, ce
qui conduit à leur épuisement définitif. La théorie économique se trouve confrontée à une
vieille question, qui est la problématique de la valeur : comment évaluer les biens
environnementaux ? Quelle valeur donner à la nature, à une eau claire ? La question de cette
valeur est reposée actuellement.
D’autre part, face à la montée des risques globaux, resurgissement des biens publics
mondiaux qui posent des problèmes inédits à la théorie économique puisqu’en l’absence d’un
gouvernement mondial, les Etats sont obligés de s’entendre et de coopérer pour produire et
préserver ces biens publics mondiaux. Comment définir et identifier ces biens publics
mondiaux, et est-ce que la coopération internationale n’est pas finalement le premier des biens
publics mondiaux aujourd’hui ?
IV. Economie politique internationale
Les caractéristiques du commerce international contemporain prennent à défaut la
théorie traditionnelle du commerce, des avantages comparatifs (Ricardo). Le commerce
international se développe de plus en plus entre nations de même niveau de développement,
aux dotations factorielles quasiment identiques (France et Allemagne pour les voitures) alors
que le modèle ricardien expliquait pourquoi l’Angleterre vendait des produits industriels au
Portugal et le Portugal des biens agricoles
Les échanges intra-branches se développent de plus en plus ; et les firmes
multinationales sont aujourd’hui les acteurs centraux de ce commerce, elles ont des stratégies
globales et du coup, les échanges sont de plus en plus internes aux firmes elles-mêmes, ce qui
échappe à la pure logique marchande puisqu’on n’est plus dans un échange concurrentiel mais
captif les firmes peuvent se faire des tarifs préférentiels, pour échapper à la taxation.
On invoque aujourd’hui les rendements croissants, au cœur de la structuration du
commerce international, ce qui redonne des marges de liberté aux acteurs, firmes, comme
Etats, pour prendre un avantage absolu. Les gains d’un pays correspondent aux pertes d’un
autre, ce qui est contraire à la théorie ricardienne.
Manuels :
- Samuelson
- Begg : la pensée économique moderne, guide des grands courants…
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Bibliographie de référence
- revue Economie publique deux fois par an, sur Internet.
- Bénard : Economie publique, Economica, 1986
- Généreux : l’économie publique, analyse économique des choix publics…. Larousse,
1996
- Muller : public choices, III, Cambridge University press,
- Mougeot: Economie du secteur public, Economica, 1989 (bien fait)
- Wolffesperger : Economie publique (bien fait), PUF, 1995
Chapitre 1 : Les fondements théoriques de l’intervention publique
Section 1 ; La sphère publique, définition, histoire et justification
Section 2 : les biens publics
Section 3 : les externalités
Section 4 : la régulation des marchés
I. La sphère publique, définition, histoire et justification
A. définition de la sphère publique
- Quand on aborde les relations entre Etat et économie, il ne faut pas confondre Etat et
sphère publique
- L’intervention publique déborde largement les seules actions de l’Etat. En
comptabilité nationale,on distingue trois administrations publiques qui toutes
interviennent dans l’économie et sur l’économie : l’Etat au sens propre, les
collectivités locales et les organismes de sécurité sociale. Chacune de ces
administrations a une histoire propre, des missions et des fonctions précises ainsi
qu’un budget particulier et des relations à la société particulières
- D’autre part, l’action de l’Etat recouvre une grande variété de modalités d’action : il y
a les acti
- ons réglementaires, économiques et sociales
o les actions réglementaires ont un impact souvent considérable sur l’économie
sans affecter les dépenses publiques la modification des modèles fiscaux, la
législation sur le salaire minimum
o les actions économiques au sens propre, comme le soutien aux entreprises,
programmes de développement d’infrastructures, subventions agricoles
o les actions sociales comme le financement d’allocations, la prise en charge du
RMI …
- l’Etat ne doit pas être confondu avec la nation. L’Etat représente la Nation mais il ne
se confond pas : l’augmentation de la dette publique ne signifie pas l’appauvrissement
de la France. Le déficit commercial de la France est différent du déficit de l’Etat.
- L’économie publique ne se limite pas à l’analyse économique de l’intervention de
l’Etat, même si elle se définit souvent comme l’ensemble des théories de l’intervention
de l’Etat. Elle constitue une branche de l’économie, théorie de la décision économique
appliquée au domaine public. L’économie publique, c’est l’ensemble des théories qui
analysent les processus de décisions publiques. On s’intéresse plutôt à la place de
l’économie publique dans la mondialisation.
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