Université Rennes I, M2 Maths F. Nier
Théorie spectrale et théorie de la diffusion Chap I
Opérateurs bornés sur un espace de Hilbert
1 Structure de C-algèbre
1.1 Définition
Hespace de Hilbert complexe, produit scalaire (,)antilinéaire à gauche et linéaire à droite et
k k la norme associée.
1) L’ensemble L(H)des applications linéaires continues sur Hmuni des opérations usuelles
est une algèbre involutive, l’involution étant définie par passage à l’adjoint. L’adjoint Ade
A∈ L(H)est défini via le théorème de représentation de Riesz par
(Aϕ , ψ) = (ϕ , ),ϕ, ψ ∈ H.
2) Au moins trois topologies naturelles sur L(H):
Topologie de la norme : kAk= supψ6=0
kk
kψkavec kAk2=kAAk.
Topologie forte : topologie la moins fine rendant les toutes les applications A
continues de L(H)dans (H,k k). La convergence d’une suite se note slimn→∞ An=A
et signifie limn→∞ Anψ=pour tout ψ∈ H (convergence simple).
Topologie faible : associée à la famille d’applications A(ϕ , )à valeurs dans Cet
paramétrée par (ϕ, ψ) H × H. La convergence se note wlimn→∞ An=Aet signifie
limn→∞(ϕ , Anψ) = (ϕ , )pour tout (ϕ, ψ) H × H. Avec l’identité de polarisation
(ϕ , ψ) = 1
4+k+ϕ+ψk2− k−ϕ+ψk2+ik++ψk2ik−+ψk2kk ,
adaptée en remplaçant hϕ , ψipar (ϕ , ), on peut ne considérer que les applications
A(ψ , ).
3) En vertu du théorème de l’application ouverte, si A∈ L(H)est une bijection alors A1
L(H).
Avec la topologie de la norme L(H)a une structure de C-algèbre (les autres topologies sont
liées à la structure de W-algèbre ou algèbre de Von Neumann évoquée plus loin).
1
1.2 C-algèbre, spectre.
Définition 1.1 On appelle C-algèbre une algèbre de Banach sur Cinvolutive, i.e. munie d’une
involution antilinéaire AAavec (AB)=BA, telle que kAk2=kAAk. Elle est dite
unitaire si elle contient une unité.
Exemples : C0([0,1]; C)muni des opérations usuelles et de la conjugaison complexe est une C-
algèbre commutative unitaire. Mn(C)est non commutative si n > 1. L’algèbre des fonctions
continues sur [0,1] s’annulant en 0est non unitaire.
Exercice : Vérifier que L(H)est bien une C-algèbre, en particulier que kAAk=kAk2.
1.3 Spectre
Les résultats de ce paragraphe ont un sens sur une algèbre de Banach quelconque, en particulier
L(E)Eest un espace de Banach.
Définition 1.2 Soit Aune algèbre de Banach unitaire et soit A∈ A. On appelle ensemble
résolvant de A
̺(A) = {zC,(zA)inversible dans A} .
Le spectre de Aen est le complémentaire :
σ(A) = C\̺(A) = {zC,(zA)non inversible dans A}
Pour un opérateur A∈ L(E),Eespace de Bananch, on rappelle que “(zA)1non inversible”
signifie “(zA)1non injectif ou “(zA)1non surjectif”.
Exemple : a) Si E=Cnmuni du produit scalaire usuel et A=L(Cn)∼ Mn(C)avec sa norme
kAk= maxx6=0 kAxk
kxk, le spectre de Aest l’ensemble de ses valeurs propres.
b) Si E=L2(R;C)muni du produit scalaire usuel, le spectre de l’opérateur qui à uL2(R;C)
associe Au donnée par Au(x) = x(1(0,1](2,3)(x))u(x)a pour spectre σ(A) = [0,1] [2,3] .
Proposition 1.3 ̺(A)est un ouvert de C.z(zA)1définit une application holomorphe
sur ̺(A)à valeur dans L(H). Pour z1, z2̺(A)on a
(z1A)1(z2A)1= (z2z1)(z1A)1(z2A)1
première formule de la résolvante
.(1.1)
Preuve : Pour z0̺(A),(z0A)1∈ A. On écrit
(zA) = (zz0) + (z0A) = (z0A)
|{z }
inversible
1 + (zz0)(z0A)1
|{z }
norme petite
2
où le deuxième facteur s’inverse par la série de Neumann (1 + ε)1=P
j=0(ε)jpour
|zz0|k(z0A)1k<1. La formule de la résolvante vient de
(z2A)1[z2A(z1A)] (z1A)1= (z2z1)(z1A)1(z2A)1.
Exercice : Autre écriture (z2A)1= [1 + (z2z1)(z1A)1]1(z1A)1.
Exercice : Vérifier que l’ensemble des éléments inversibles de Aest un ouvert.
Proposition 1.4 Pour A∈ A, on note r(A) = supλσ(A)|λ|le rayon spectral de A. On a :
1. r(A)≤ kAket σ(A)est compact.
2. r(A) = limk→∞
Ak
1/k.
Preuve : 1) Pour |z|>kAk, on écrit (zA) = z(1 1
zA)et on utilise la série de Neumann
avec
1
zA
<1.
2) L’application z(1 zA)1=z1(z1A)1est holomorphe dans D(0,1
r(A))avec
(1 zA)1=P
j=0(zA)j. On en écrit pour ε > 0
Ak=1
2ZΓr
(1 zA)1
zk+1 dz . avec Γ = |z|=1ε
r(A)
On obtient
Ak
Cεr(A)
1εkavec Cε= supzΓk(1 zA)1ket finalement
Ak
1/k C1/k
ε
r(A)
1ε.
Pour |z|k> r(Ak), on multiplie l’identité Akzk= (Az)[Pk1
j=0 )Ajzk1j]par
(Akzk)1et on voit que (Az)est inversible, i.e. z̺(A). Ainsi r(A)kr(Ak)
Ak
.
On en déduit
ε > 0,Cε>0,kN, r(A)
Ak
1/k C1/k
ε
r(A)
1ε.
On encadre les limites sup et inf quand k→ ∞ puis on montre l’égalité avec ε0.
Exercice : Pour kentier, comparer les quantités, r(A)k,r(Ak),
Ak
et kAkk. Démontrer les
relations ou donner des exemples (avec des matrices) pour les relations strictes.
1.4 Spectre d’un élément auto-adjoint ou normal
On travaille maintenant dans une C-algèbre unitaire A.
3
Définition 1.5 Soit Aune C-algèbre. On dit que A∈ A est auto-adjoint si A=A. On dit
que Aest normal s’il commute avec son adjoint, AA=AA.
On commence par un résultat sur le rayon spectral.
Proposition 1.6 Le rayon spectral d’un élément normal Ade Aest égal à sa norme :
r(A) = kAksi AA=AA .
Preuve : 1) Considérons d’abord le cas auto-adjoint A=A. Pour un entier n2, les
relations kBk2=kBBket A=Adonnent
A2n
2n=
A2n1A2n1
2n
= (
A2n1
2)2n=
A2n1
2(n1)
.
On en déduit
nN,
A2n
2n=kAk.
La formule du rayon spectral de la Proposition 1.4-2) donne
r(A) = lim
k→∞
Ak
1/k = lim
n→∞
A2n
2n=kAk.
2) Si Aest normal. On écrit pour nN
A2n
2n=
(A)2nA2n
2n1
=
(AA)2n
2n1.
Comme AAest auto-adjoint, on en déduit
r(A) = lim
n→∞
A2n
2n= lim
n→∞
(AA)2n
2n1=r(AA)1/2=kAAk1/2
et on conclut encore avec kAAk=kAk2.
D’une façon générale σ(A) = σ(A). En particulier si Aest auto-adjoint σ(A)doit être symé-
trique par rapport à l’axe réel. En fait il est réel.
Proposition 1.7 Le spectre d’un élément auto-adjoint de Aest réel :
σ(A)Rsi A=A .
Preuve : Tout d’abord pour A∈ A et zC, la série PnN
(zA)n
n!converge et définit ezA. On
vérifie e(z1+z2)A=ez1Aez2Aet les deux premiers termes donnent zezA =AezA.
Considérons maintenant un élément auto-adjoint A=A. L’identité
(eitA)=X
nN
[(itA)n]
n!=eitA
4
conduit à
eitA
2=
(eitA)eitA
=k1k= 1 .(k1k= 1 vient de k1k2=k1k)
Pour zCtel que Imz > 0, l’application teit(Az)est continue sur Ret vérifie
eit(Az)
=
eitAeitz
etImz. On voit alors que
i(Az)Z+
0
eit(Az)dt = 1
et (Az)est inversible. Ainsi σ(A)⊂ {zC,Imz0}et par symétrie σ(A)R.
Exercice : Que donne la comparaison des quantités, r(A)k,r(Ak),
Ak
et kAkk, dans une
C-algèbre commutative ?
1.5 Calcul fonctionnel continu
Théorème 1.8 Soit Aun C-algèbre et soit Aun élément normal de A, (AA=AA). Il
existe un unique morphisme de C-algèbres unitaires Φ : C0(σ(A); C)→ A tel que Φ(1) = 1
Φ(z) = A. De plus ce morphisme est une isométrie, kΦ(f)k= maxzσ(A)|f(z, ¯z)|et pour tout
f∈ C0(σ(A)) on a σ(f(A)) = f(λ, ¯
λ), λ σ(A)(On note z:zzl’application identité sur
σ(A),P(z)un polynôme holomorphe et P(z, z)un polynôme des variables (z, z)).
Remarque : Une fonction continue sur Cou une partie de Cest une fonction des deux variables
réelles xet yavec z=x+iy. Ici il est plus commode d’utiliser la notation f(z, ¯z)qui prolonge
l’écriture des polynômes P(z, ¯z) = Pα+βncα,βzα¯zβ. La notation f(z)comme P(z)est réservée
pour les fonctions ou polynômes holomorphes. Ainsi la conjugaison sur C0(σ(A); C)est donnée
par f(z, z) = f(z, z)comme pour les polynômes et coïncide avec la définition g(x, y) = g(x, y)
dans l’écriture avec les coordonnées réelles.
Corollaire 1.9 Dans une C-algèbre unitaire A, pour tout élément normal A∈ A,AA=AA,
la sous-C-algèbre engendrée par {A, 1}est isomorphe à C0(σ(A); C).
Définition 1.10 L’image de la fonction fpar le morphisme Φdu théorème sera simplement
notée Φ(f) = f(A).
Lemme 1.11 a) Tout morphisme de C-algèbres unitaires ˜
Φ : B → Btel que ˜
Φ(1) = 1 est
une contraction
B∈ B,
˜
Φ(B)
≤ kBk.
b) De plus si ˜
Φest injectif alors ˜
Φest une isométrie, son image est fermée dans Bet isomorphe
àB.
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