Matrices `a coefficients dans un anneau commutatif.

Matrices `a coefficients dans
un anneau commutatif.
Pour ´eviter les lourdeurs, nous dirons “anneau” pour “anneau commutatif”.
Le but de ce texte est de produire une d´emonstration originale, sans utiliser le
d´eterminant, du r´esultat suivant :
Une matrice `a coefficients dans un anneau, qui a strictement plus de colonne que de
lignes, a ses colonnes li´ees.
Soit Aun anneau, n, p, q, r des entiers naturels non nuls. On note A(n, p) l’ensemble
des matrices `a nlignes et pcolonnes `a coefficient dans A. On rappelle que si
MA(p, q) et NA(q, r),le produit MN est bien d´efini et appartient `a A(p, r).
Les matrices de A(n, 1) seront des matrices colonnes, celles de A(1, n) des matrices
lignes.
Il est facile de voir que, pour ´etablir notre th´eor`eme, il suffit de d´emontrer que pour
tout anneau Aet tout entier naturel non nul n, et toute matrice MA(n, n + 1),
il existe CA(n+ 1,1) tel que :
C6= 0 et MC = 0
Si n= 1,
- si M= 0 A(1,2), le r´esultat est ´evident. Choisir C=1
16= 0.
- sinon M=a b A(1,2).Choisir C=b
a6= 0.
Supposons le r´esultat faux. Il existe donc au moins un triplet (A, k, M) o`u Aest un
anneau, kun entier naturel et MA(k, k + 1) et tel que les colonnes de Msont
libres i.e.
CA(k+ 1,1), MC = 0 C= 0.
Parmi tous les triplets possibles, choisissons-en un, (A, n, M0) de telle sorte que
l’entier nsoit minimum parmi les entiers kacceptables au sens ci-dessus. L’entier
nest certainement sup´erieur ou ´egal `a 2.
Ce qui pr´ec´ede veut dire que pour tout anneau B, toute matrice de B(n1, n) a
ses colonnes li´ees. Cette remarque sera tr`es importante dans la suite.
Supposons donn´e le triplet (A, n, M0),avec M0A(n, n + 1).Nous allons ´etablir
une contradiction avec le sch´ema suivant :
- On produit, `a partir de M0,une matrice MA(n, 2n) dont les colonnes sont
libres.
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25 d´ecembre 2014
Matrices `
a coefficients dans un anneau commutatif. Production de M
- On l’´ecrit sous la forme L1L2
M1M2,avec L1, L2A(1, n) (matrice ligne) et
M1, M2A(n1, n).Vu la d´efinition de n, les colonnes de M1sont li´ees. Soit
C1A(n, 1) tels que M1C1= 0 et C16= 0.
- On calcule L1
M1C1=t
0n1,avec tA, 0n1est la matrice colonne nulle
de A(n1,1).De plus, t6= 0 puisque les colonnes de Msont libres.
- Si tn’est pas un diviseur de 0 dans l’anneau A, On refait la mˆeme op´eration avec
L2
M2.Il existe C2A(n, 1), C26= 0,tel que L2
M2C2=s
0n1.Alors,
comme l’anneau Aest commutatif, on a :
MsC1
tC2=L1L2
M1M2sC1
tC2=st ts
0n1= 0
et tC26= 0,ce qui est la contradiction recherch´ee.
- Sinon on fait le mˆeme calcul modulo l’id´eal annulateur de t, qu’on note ann(t). On
verra dans le texte ce que cela veut dire de mani`ere ´el´ementaire et ... On retrouve
la mˆeme contradiction.
Il n’y a plus qu’`a y aller.
I. Production de M
Le triplet (A, n, M0) est fix´e comme ci-dessus, avec M0A(n, n + 1).
D’abord, une d´efinition utile :
D´efinition 1 (matrice injective)
Soit pet qdeux entiers naturels non nuls et XA(p, q).On dit que Xest une
matrice injective si :
CA(q, 1), XC = 0 C= 0,
en d’autres termes, si les colonnes de Xsont libres.
La matrice M0,par construction, est une matrice injective.
Il est facile de voir, vu l’associativit´e du produit matriciel, que si XA(p, q) et
YA(q, r) sont deux matrices injectives leur produit XY A(p, r) est une matrice
injective.
Il est aussi facile de voir que si la matrice XA(n, n +k),est injective, alors la
matrice bloc Y=X0
0 1 A(n+ 1, n +k+ 1) est injective. On en d´eduit que
la matrice Z=XY A(n, n +k+ 1) est ´egalement injective.
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Matrices `
a coefficients dansun anneau commutatif. Si tn’est pas diviseur de 0
On produit, `a partir de M0,une liste (Mk)16k6n1de matrices injectives par la
formule :
Mk=Mk10
0 1 A(n+k1, n +k)
On pose alors M=M0M1...Mn1A(n, 2n).La matrice M, produit de matrices
injectives, est injective.
II. Si tn’est pas diviseur de 0
Alors, il n’y a rien `a ajouter au sch´ema. La commutativit´e de la multiplication dans
l’anneau joue un rˆole essentiel, ce qui nous pousse `a poser la question : et si l’anneau
n’est pas commutatif ? Il semble que le r´esultat annonc´e est faux.
III. Si test un diviseur de 0.
Alors l’ensemble J={xA|xt = 0}est un id´eal de A. Soit Bl’anneau quotient
A/J. Calculer dans B, c’est calculer dans A, modulo J. On consid`ere donc la
matrice M2comme ´etant dans B(n1, n) en rempla¸cant chacun de ses ´el´ements
par sa classe modulo J.
Il existe ainsi une matrice colonne C2non nulle dans B(i.e. tC26= 0) telle que
M2C2= 0 modulo J. La fin du calcul est identique.
Pour ceux qui ne sont pas familier du calcul modulo un id´eal dans un anneau, nous
consacrons le paragraphe qui suit.
IV. Anneau quotient.
Soit Aun anneau (commutatif) et Jun partie de A.
D´efinition 2 (Id´eal)
On dit que Jest un id´eal de Asi :
1. elle est un sous-groupe additif du groupe (A, +)
2. elle est absorbante pour la multiplication i.e.
(a, x)A×J, a.x J
Soit Jun id´eal de Aet xA. On note cl(x) = {x+t|tJ}qui est un ´el´ement
de l’ensemble P(A) des parties de AOn consid`ere l’ensemble B={cl(x)|xA}.
On a :
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Matrices `
a coefficients dansun anneau commutatif. Si An’est pas commutatif
Proposition 1 (Structure de B)
1. La relation efinie sur Apar xysi et seulement si xyJegalit´e
modulo J) est une relation d’´equivalence compatible avec l’addition et la
multiplication dans A, i.e.
(a, x, y)A3, x ya+xa+yet a.x a.y
2. L’ensemble B(de parties de A) est l’ensemble des classes d’´equivalence de
cette relation. Les lois de Ainduisent sur Bles lois :
cl(x) + cl(y) = cl(x+y) et cl(x).cl(y) = cl(x.y)
3. Muni de ces deux lois, Best un anneau commutatif. Le neutre pour l’ad-
dition est pr´ecis`ement J=cl(0).
D´emonstration : Nous laissons la d´emonstration au bon soin du lecteur.
Remarque : Calculer dans B, c’est calculer dans Amodulo J, comme on calcule
dans ZZ modulo un entier n, c’est-`a-dire modulo l’id´eal nZZ.
Remarque : Il ne reste plus qu’`a v´erifier que l’annulateur de test bien un id´eal, ce
qui est un exercice facile.
V. Si An’est pas commutatif
Il existe un anneau non commutatif Aet une matrice MA(1,2) dont les colonnes
sont libres `a gauche et `a droite. Il suffit qu’il existe dans l’anneau A, deux ´el´ements
aet bv´erifiant
(x, y)A2, ax 6=by et xa 6=yb
On prend alors M= (ab).
Un tel anneau existe : c’est ZZ[a, b],anneau des mots finis de l’alphabet {a, b}o`u la
multiplication est la concat´enation des mots. Dans cet anneau, tout mot commen¸cant
par a(resp. finissant par a) est diff´erent de tout mot commen¸cant par b(resp.
finissant par b)
VI. En guise de Conclusion
et pour rendre `a C´esar ce qui est `a C´esar, la d´emonstration est due `a Christophe
Chˆalons, le contre-exemple est dˆu `a Anatole Kh´elif. Qu’ils en soit ici publiquement
remerci´es.
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