(K,K) d`une algèbre monômiale Enzo Sérandon

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A∞-structure sur la cogèbre T or•A(K, K) d’une
algèbre monômiale
Enzo Sérandon
Mémoire de M2 réalisé sous la direction de M. Estanislao Herscovich
1
Contents
1 Algèbres et cogèbres différentielles graduées
1.1 Modules gradués sur un anneau . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Produit tensoriel et Hom interne de modules gradués . .
1.3 Differentielles et augmentations sur les modules gradués
1.4 Homologie d’un module différentiel gradué . . . . . . . .
1.5 Algèbres et cogèbres différentielles graduées . . . . . . .
1.6 Algèbre tensorielle d’un module . . . . . . . . . . . . . .
1.7 Produit tensoriel tordu . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.8 Constructions Bar et Cobar . . . . . . . . . . . . . . . .
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2 Algèbre homologique sur les modules gradués
2.1 Foncteurs T or et Ext . . . . . . . . . . . . . .
2.2 Résolutions Bar et Cobar . . . . . . . . . . . .
2.3 Résolutions projectives minimales . . . . . . . .
2.4 Les articles de Bardzell et Sköldberg . . . . . .
2.5 Quelques calculs . . . . . . . . . . . . . . . . .
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3 A∞ -structures
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3.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.2 A∞ -structures et algèbre homologique . . . . . . . . . . . . . . . 39
4 Quelques exemples de calculs
43
2
Introduction
La théorie des A∞ -algèbres, développée initialement par J. Stasheff dans son
article Homotopy associativity of H-spaces au début des années 60, trouve ses
origines dans la topologie algébrique, domaine auquel elle sera plus ou moins
cantonnée jusque dans les années 90. Un exemple particulièrement simple où
cette notion s’est révélée pertinente est l’étude homotopique des espaces de
lacets. Néanmoins, certains travaux de Stasheff et de ses successeurs laissent
déjà entrevoir une ouverture vers d’autres domaines des mathématiques, c’est le
cas par exemple de la thèse d’A. Prouté, [P], qui met en évidence une relation
étroite entre A∞ -(co)algèbres et les constructions Bar et Cobar, constructions
d’inspiration topologiques mais centrales en algèbre homologique. Le tournant
pour cette notion se situe au début des années 90, quand la pertinence de cette
notion se fait de plus en plus manifeste dans diverses branches de l’algèbre, de
la géométrie ou encore de la physique mathématique. Parmis ses avocats les
plus notoires citons M. Kontsevich dont la conjecture de la symétrie miroir homologique fait intervenir en bonne place les A∞ -structures. Depuis lors, cette
notion à connu divers développements, notamment, et c’est ceux-ci qui nous
intéressent dans ce mémoire, en algèbre homologique, sous l’impulsion, en particulier, de B. Keller.
Pour résumer brièvement le contenu de ce mémoire, présentons rapidement de
quoi il s’agit : une A∞ -algèbre est un objet un peu plus général qu’une algèbre
différentielle graduée en cela qu’on affaiblit l’axiome d’associativité du produit
en ne demandant, non plus qu’on ait µA ◦ (µA ⊗ 1A ) = µA ◦ (1A ⊗ µA ), mais
seulement que ces deux termes soient homotopes en un sens fort décrit dans
la partie 3. On trouve d’ailleurs quelques fois dans la littérature la terminologie sha-algèbres pour désigner les A∞ -algèbres (pour strongly homotopically
associative, fortement homotopiquement associative). Pour se faire une idée
intuitive et illustrée de la notion d’A∞ -algèbre, je conseille la lecture des premières pages de l’introduction de [P]. Un théorème de Kadeishvili (théorème
3.5) nous assure qu’on peut munir l’homologie H(A) d’une K-algèbre différentielle graduée A d’une structure d’A∞ -algèbre. Parallèlement, on peut naïvement mais légitimement se demander si, étant donné l’homologie d’un certain
complexe M de modules sur une K-algèbre graduée, on peut reconstruire M à
quasi-isomorphisme près. Comme dans le cas général la réponse à cette question est négative, on se demande alors quelle structure mettre sur H(M ) pour
y répondre. Une réponse nous est donnée par un théorème annoncé par Keller
(théorème 3.6), et c’est précisément une structure d’A∞ -algèbre particulière,
unique à A∞ -isomorphisme près.
3
L’objectif de ce mémoire est de calculer pour quelques exemples A1 , A2 , . . . pris
dans une classe de K-algèbres différentielles graduées particulières
(les K-algèbres monômiales), les A∞ -structures dont on doit munir leurs algèbres de Yoneda (ou plus précisément leurs duals) pour reconstituer, à quasiisomorphismes près, une résolution projective minimale de K comme Ai -module.
Ces structures sont précisément celles données par le théorème 3.6 mais cette
condition est en revanche plus aisée à vérifier. Les résultats de ces calculs sont
exposés dans la partie 4. La première partie est consacrée à la présentation
des (co)algèbres différentielles graduées et aux constructions classiques qui leurs
sont associées, tandis que la partie 3 est consacrée à leurs généralisations, les
A∞ -(co)algèbres, et aux résultats principaux les concernant. La seconde partie quant à elle a pour objectif la mise en place d’une méthode pour calculer
explicitement l’algèbre de Yoneda d’une algèbre monômiale. Cette entreprise
culmine avec un théorème de Bardzell (théorème 2.2).
Enfin, je tiens à remercier mon directeur de stage, E. Herscovich, avec qui j’ai
eu plaisir à travailler sur ce sujet.
4
1
Algèbres et cogèbres différentielles graduées
Cette première partie présente les objets de base de ce mémoire. On s’appuiera
essentiellement sur les deux premiers chapitres de [P], dans lesquels pourront être trouvées toutes les démonstrations des résultats donnés ici sans leurs
preuves. Néanmoins nous n’adoptons pas les mêmes conventions de signes pour
être cohérent avec les articles étudiés les plus récents.
1.1
Modules gradués sur un anneau
Soit Λ un anneau commutatif unitaire.
Définition 1.1. On appelle Λ-module Z-gradué (ou simplement Λ-module gradué)
un Λ-module M• muni d’une famille de sous-modules (Mn )n∈Z de M• , tels que:
M
Mn = M•
n∈Z
Un élément x ∈ Mn est dit homogène de degré n, ce qu’on note |x| = n.
On confondra dans la suite M• et M , son A-module sous-jacent.
Définition 1.2. Un Λ-module gradué est dit gradué positivement (respectivement négativement) si Mp = 0 pour tout p < 0 (respectivement p > 0). Il est
dit borné si la famille des p tels que Mp 6= 0 est bornée.
Définition 1.3. Soient M et N deux Λ-modules gradués. Un morphisme homogène de degré p est une application Λ-linéaire :
f : M −→ N telle que f (Mn ) ⊂ Nn+p , pour tout n ∈ Z
On écrira alors |f | = p.
Pour un Λ-module gradué M , on notera 1 ou 1M l’identité de M . Remarquons que |1M | = 0.
On note modgr (Λ) la catégorie des Λ-modules gradués dont les flèches sont
les morphismes homogènes de degré 0. C’est une catégorie abélienne qui admet
des limites et des colimites arbitraires. On a des foncteurs
(·)[p] : modgr (Λ) −→ modgr (Λ)
définis par (M [p])n = Mn+p , pour tout p dans Z. On dit que M [1] est la suspension de M et (·)[1] sera parfois noté S dans la suite. On notera s l’isomorphisme
canonique M ' M [1].
On munit Λ d’une structure de Λ-module gradué Λ• en posant Λ0 = Λ et
Λn = 0 pour n 6= 0.
5
1.2
Produit tensoriel et Hom interne de modules gradués
Définition 1.4. Soient M et N deux Λ-modules gradués. On munit M ⊗Λ N
d’une structure de Λ-module gradué en posant :
(M ⊗Λ N )n =
M
(Mp ⊗Λ Nq ).
p+q=n
On adoptera dans la suite les conventions de signes de Koszul :
Pour deux morphismes homogènes f : M −→ M 0 et g : N −→ N 0 , on définit :
f ⊗ g : M ⊗Λ N −→ M 0 ⊗Λ N 0
en posant:
(f ⊗ g)(x ⊗ y) = (−1)|g||x| f (x) ⊗ g(y)
On note T : M ⊗Λ N −→ N ⊗Λ M l’application définie par :
T (x ⊗ y) = (−1)|x||y| y ⊗ x
Définition 1.5. Soient M et N deux Λ-modules gradués. On désigne par
Hom(M, N ) le Λ-module gradué défini par :
Hom(M, N )n =
M
HomΛ (Mp , Nn+p )
p∈Z
Autrement dit, les éléments de degré n de Hom(M, N ) sont les morphismes
homogènes de degré n de M dans N . Remarquons que Hom(M, N ) ne contient
en général pas toutes les applications Λ-linéaires de M dans N (i.e. HomΛ (M, N )),
celles-ci n’étant pas nécessairement des sommes finies de morphismes homogènes.
Les conventions de signes de Koszul pour Hom(·, ·) sont les suivantes :
pour deux morphismes homogènes f : M −→ M 0 et g : N −→ N 0 , on définit :
f ∗ : Hom(M 0 , N ) −→ Hom(M, N )
g∗ : Hom(M 0 , N ) −→ Hom(M 0 , N 0 )
en posant:
f ∗ (α) = (−1)|α||f | α ◦ f
g∗ (α) = g ◦ α
Notons que lorsque la composée g ◦ f est définie, on a :
(g ◦ f )∗ = (−1)|f ||g| f ∗ ◦ g ∗
(g ◦ f )∗ = g∗ ◦ f∗
On définit le dual d’un Λ-module gradué M comme le Λ-module gradué
Hom(M, Λ), et on le notera M # . Si M est gradué positivement, M # est gradué
négativement, et vice versa.
6
1.3
Differentielles et augmentations sur les modules gradués
Définition 1.6. Soit M un Λ-module gradué. Une différentielle sur M est un
morphisme homogène
∂M : M −→ M tel que |∂M | = 1 et ∂M ◦ ∂M = 0
Un Λ-module gradué muni d’une différentielle est appelé un Λ-module différentiel gradué ou DG-module. Remarquons qu’un DG-module (M• , ∂M ) peut
être vu comme un un complexe de Λ-modules
∂ −3
∂ −2
∂ −1
∂0
∂1
∂2
M
M
M
M
M
M
· · · −→
M−2 −→
M−1 −→
M0 −→
M1 −→
M2 −→
···
et vice versa.
Définition 1.7. Un morphisme de DG-modules f : M −→ N est un morphisme
homogène vérifiant :
∂N ◦ f = (−1)|f | f ◦ ∂M .
Définition 1.8. Soit M un DG-module sur l’anneau Λ. Une augmentation
(respectivement coaugmentation) de M est un morphisme de DG-modules
M : M −→ Λ avec |M | = 0.
(respectivement ηM : Λ −→ M avec |ηM | = 0).
Si M est muni d’une augmentation ou d’une coaugmentation, on notera
M+ = ker(M ) son idéal d’augmentation et M + = coker(ηM ) son idéal de
coaugmentation.
Définition 1.9. Un Λ-module différentiel gradué augmenté, ou DGA-module,
est un DG-module M, muni d’une augmentation M et d’une coaugmentation
ηM vérifiant :
M ◦ ηM = 1Λ
Définition 1.10. Un morphisme de DGA-module f : M −→ N est un morphisme de DG-module vérifiant :
N ◦ f = M et f ◦ ηM = ηN
Si (M, ∂M , M , ηM ) et (N, ∂N , N , ηN ) sont des DGA-modules, on peut munir
M ⊗Λ N et Hom(M, N ) de structures naturelles de DGA-modules en posant :
∂M ⊗N = ∂M ⊗ 1 + 1 ⊗ ∂N , M ⊗N = M ⊗ N , ηM ⊗N = ηM ⊗ ηN
et
∗
∗
∂H = ∂M ∗ − ∂N
, H = N ∗ ◦ ηM
, ηH = ηN ∗ ◦ ∗M
Définition 1.11. On dira qu’un DGA-module gradué positivement M est :
∼
1. connexe si |M0 : M0 −→ Λ,
∼
2. simplement connexe si |M0 : M0 −→ Λ et M1 = 0.
7
1.4
Homologie d’un module différentiel gradué
Définition 1.12. Soit M• un DG-module. On définit son homologie, H• (M ),
comme le module gradué :
H• (M ) = Ker(∂M (M• ))/Im(∂M (M•−1 )).
Proposition 1.1. Si
f
g
0 −→ M1 −→ M2 −→ M3 −→ 0
est une suite exacte courte de DG-modules avec f et g homogènes, alors on a
une suite exacte longue en homologie de modules gradués :
H• (M1 )
_
δ∗
/ H• (M2 )
f∗

H• (M3 )
g∗
Définition 1.13. Soient M, N deux DG-modules et f, g : M −→ N deux morphismes de DG-modules de même degré. Une homotopie de f à g est une application
h : M −→ N
telle que
|h| = |f | + 1 et g − f = ∂N ◦ h − (−1)|h| h ◦ ∂M .
S’il existe une homotopie de f à g, on dit que f et g sont homotopes, ce
qu’on note f ∼h g.
On dit que f : M −→ N est une équivalence d’homotopie s’il existe
g : N −→ M telle que g ◦ f ∼h 1M et f ◦ g ∼h 1N .
∼
Si f : M −→ N induit un isomorphisme H• (M ) −→ H• (N ), on dit que c’est
un quasi-isomorphisme.
Définition 1.14. On dira qu’un DGA-module gradué M est :
1. acyclique si H• (M ) = 0,
2. contractile si M : M −→ Λ est une équivalence d’homotopie.
8
1.5
Algèbres et cogèbres différentielles graduées
Définition 1.15. Une algèbre différentielle graduée associative, ou DGA-algèbre
associative, est un DGA-module (A, ∂A , A , ηA ), muni d’un morphisme de DGAmodules µA : A ⊗Λ A −→ A tel que les diagrammes
1. (Associativité)
A ⊗Λ A ⊗Λ A
1A ⊗µA
/ A ⊗Λ A
µA
µA ⊗1A
A ⊗Λ A
2. (Unitarité)
µA
ηA ⊗ 1 A
Λ ⊗Λ A
/A
1A ⊗ηA
/ A ⊗Λ A o
µA
'
A ⊗Λ Λ
'
& x
A
commutent.
A est dite commutative si de plus :
µA
/ A ⊗Λ A
T
A ⊗Λ A
!
A
}
µA
commute.
On dit alors que µA est le produit sur A et ηA l’unité de A. L’opérateur µA
sera parfois simplement noté . dans la suite.
Un morphisme de DGA-algèbres f : A −→ A0 est un morphisme de DGAmodules qui fait commuter :
A ⊗Λ A
f ⊗f
/ A0 ⊗ Λ A0
µA0
µA
A
/ A0
f
Pour deux DGA-Λ-algèbres A et A0 , on définit une structure de DGA-Λalgèbre sur A ⊗Λ A0 en définissant le produit sur A ⊗Λ A0 comme le morphisme
faisant commuter :
9
µA⊗
(A ⊗Λ A0 ) ⊗Λ (A ⊗Λ A0 )
0
ΛA
/ A ⊗Λ A0
:
µA ⊗µA0
1A ⊗T ⊗1A0
$
A ⊗Λ A ⊗Λ A0 ⊗Λ A0
Définition 1.16. Une dérivation d sur une DGA-Λ-algèbre A est une application Λ-linéaire homogène de degré 1 qui satisfait la règle de Leibniz graduée:
d(a.b) = d(a).b + (−1)|a| a.d(b)
∀a, b ∈ A.
Un DGA-A-module à gauche sur une DGA-Λ-algèbre A est un
DGA-Λ-module M muni d’une A-action à gauche :
eM : A ⊗Λ M −→ M
compatible avec le produit µA et l’unité ηA de A, dans le sens où :
1. Le diagramme suivant commute:
A ⊗Λ A ⊗Λ M
µA ⊗1M
1A ⊗eM
A ⊗Λ M

A ⊗Λ M
eM
M

ηA ⊗1M
∼
eM
e
M
2. La composée M −→ Λ ⊗Λ M −→ A ⊗Λ M −→
M est l’identité de M .
On définit de manière analogue les DGA-A-modules à droite.
On définit maintenant les notions duales de cogèbre différentielle graduée
coassociative et de DGA-comodule sur une DGA-cogèbre, en inversant le sens
des flèches dans les diagrammes précédents.
Définition 1.17. Une cogèbre différentielle graduée coassociative, ou DGAcogèbre coassociative, est un DGA-module (C, ∂C , C , ηC ), muni d’un morphisme
de DGA-modules ∆C : C −→ C ⊗Λ C tel que les diagrammes
1. (Coassociativité)
∆C
C
∆C ⊗1C
∆C
C ⊗Λ C
/ C ⊗Λ C
1C ⊗∆C
10
/ C ⊗Λ C ⊗Λ C
2. (Counitarité)
Λ ⊗Λ Cf o
C ⊗ 1C
1C ⊗C
C ⊗O Λ C
∆C
'
/ C ⊗Λ Λ
8
'
C
commutent.
C est dite commutative si de plus :
/ C ⊗Λ C
=
T
C ⊗Λ a C
∆C
∆C
C
commute.
On dit alors que ∆C est le coproduit sur C et C la counité de C. Pour c ∈ C,
on notera ∆C (c) = c(1) ⊗ c(2) l’action de ∆C sur c.
Un morphisme de DGA-cogèbres f : C −→ C 0 est un morphisme de DGAmodules qui fait commuter :
f
C
/ C0
∆C 0
∆C
C ⊗Λ C
f ⊗f
/ C 0 ⊗Λ C 0
Pour deux DGA-Λ-cogèbres C et C 0 , on définit une structure de DGA-Λcogèbre sur C ⊗Λ C 0 en définissant le coproduit sur C ⊗Λ C 0 comme le morphisme
faisant commuter :
∆C⊗
C ⊗Λ C 0
ΛC
0
/ (C ⊗Λ C 0 ) ⊗Λ (C ⊗Λ C 0 )
:
∆C ⊗∆C 0
1C ⊗T ⊗1C 0
$
C ⊗Λ C ⊗Λ C 0 ⊗Λ C 0
Définition 1.18. Une codérivation b sur une DGA-Λ-cogèbre C est une application Λ-linéaire homogène de degré 1 qui satisfait la co-règle de Leibniz graduée:
∆C ◦ b(c) = b(c(1) ) ⊗ c(2) + (−1)|c(1) | c(1) ⊗ b(c(2) )
11
∀c ∈ C.
Un DGA-C-comodule à gauche sur une DGA-Λ-cogèbre C est un DGA-Λmodule M muni d’une C-coaction à gauche:
@M : M −→ C ⊗Λ M
compatible avec le coproduit ∆C et la counité C de C, dans le sens où :
1. Le diagramme suivant commute :
M
@M
@M
C ⊗Λ M

C ⊗Λ M
∆C ⊗1M
1C ⊗@M

C ⊗Λ C ⊗Λ M
@
⊗1
∼
M
2. La composée M −→
C ⊗Λ M C−→M Λ ⊗Λ M −→ M est l’identité de M .
On définit de manière analogue les DGA-C-comodules à droite.
1.6
Algèbre tensorielle d’un module
Soit V un Λ-module. On définit le module tensorielle de V par :
T (V ) =
M
V ⊗i
i≥0
où V ⊗0 = Λ et V ⊗i = V ⊗Λ V ⊗Λ · · · ⊗Λ V est le produit tensoriel de i copies
de V pour i > 0. T (V ) a une structure naturelle de Λ-module gradué où la
graduation est donnée par les V ⊗i . Les morphismes naturels :
: T (V ) −→ Λ
η : Λ −→ T (V )
constituent une augmentation et une coaugmentation sur T (V ).
Les isomorphismes canoniques sur les facteurs directs:
∼
V ⊗i ⊗Λ V ⊗j −→ V ⊗(i+j)
induisent un produit d’algèbre µ sur T (V ), faisant de (T (V ), µ, η) une algèbre
graduée augmentée.
12
On peut également munir T (V ) d’une structure de cogèbre graduée augmentée en définissant un coproduit ∆ : T (V ) −→ T (V ) ⊗Λ T (V ) par:
∆(v1 ⊗ · · · ⊗ vn ) =
n
X
(v1 ⊗ · · · ⊗ vi ) ⊗ (vi+1 ⊗ · · · ⊗ vn ).
i=0
La cogèbre tensorielle de V, (T (V ), ∆, ), sera notée T c (V ).
Notons que µ et ∆ ne font a priori pas de T (V ) une algèbre de Hopf.
L’algèbre tensorielle T (V ) est caractérisée à unique isomorphisme près par
la propriété universelle suivante :
Pour toute Λ-algèbre unitaire associative A, pour toute application Λ-linéaire
f : V −→ A, il existe un unique morphisme d’algèbres f˜ : T (V ) −→ A qui
prolonge f à T (V ), i.e. le diagramme suivant commute:
ι
/ T (V )
V
∃!f˜
f
! A
Et on a le résultat dual :
Pour toute Λ-cogèbre unitaire coassociative C, pour toute application Λlinéaire f : C −→ V , il existe un unique morphisme de cogèbres f˜ : C −→ T c (V )
qui relève f sur T c (V ), i.e. le diagramme suivant commute:
π
V ao
T c (V )
O
f
∃!f˜
C
Lemme 1.1. Soit V un Λ-module gradué, T (V ) son algèbre tensorielle et
δ : V −→ T (V )
un morphisme Λ-linéaire de degré 1. Alors il existe une unique dérivation
d : T (V ) −→ T (V )
compatible avec le produit d’algèbre sur T (V ) et qui prolonge δ.
13
Soit V un Λ-module gradué, T c (V ) sa cogèbre tensorielle et
6 : T c (V ) −→ V
un morphisme Λ-linéaire de degré 1. Alors il existe une unique codérivation
b : T c (V ) −→ T c (V )
compatible avec le coproduit sur T c (V ) et qui relève 6.
1.7
Produit tensoriel tordu
Soient A une DGA-Λ-algèbre et C une DGA-Λ-cogèbre.
Le cup produit · ^ · : Hom(C, A) ⊗Λ Hom(C, A) −→ Hom(C, A), défini par
la composée
C
∆C
/ C ⊗Λ C
α⊗β
/ A ⊗Λ A
µA
/7 A
α^β
est un produit d’algèbre sur le DGA-module Hom(C, A).
Définition 1.19. On appel cochaîne tordante (ou cochaîne de Brown) un élément τ ∈ Hom(C, A) de degré 1 qui satisfait l’équation de Maurer-Cartan :
∂A ◦ τ + τ ◦ ∂C + τ ^ τ = 0.
Soit M un DGA-C-comodule à droite, N un DGA-A-module à gauche, de
(co)actions respectives @M et eN , et τ : C −→ A une cochaîne tordante.
On définit ∂τ , la différentielle tordue le long de τ comme la somme de la différentielle sur M ⊗Λ N (comme DGA-Λ-module) et de la composée :
M ⊗Λ N
@M ⊗1N
/ M ⊗Λ C ⊗Λ N
1M ⊗τ ⊗1N
/ M ⊗Λ A ⊗Λ N
1M ⊗eN
/ M ⊗Λ N.
Lemme 1.2. ∂τ est une différentielle sur le Λ-module gradué M ⊗Λ N .
On dit que le DGA-module (M ⊗Λ N, ∂τ , N ⊗ M , ηN ⊗ ηM ) est le produit
tensoriel tordu de M et N le long de τ , et on le note M ⊗τ N .
Lemme 1.3. Soient
τ : C −→ A une cochaîne tordante
φ : A −→ A0 un morphisme de DGA-algèbres
ψ : C 0 −→ C un morphisme de DGA-cogèbres
14
Alors
φ ◦ τ : C −→ A0
τ ◦ ψ : C 0 −→ A
sont des cochaînes tordantes.
De plus, les flèches
1C ⊗ φ : C ⊗τ A −→ C ⊗φ◦τ A0
ψ ⊗ 1A : C 0 ⊗τ ◦ψ A −→ C ⊗τ A
sont des morphismes de DGA-modules.
1.8
Constructions Bar et Cobar
Soit A une DGA-algèbre.
On considère la catégorie CA dont les objets sont les couples (C, τ ), où C
est une DGA-cogèbre et τ : C −→ A une cochaîne tordante, et les flèches
ψ
(C, τ ) −→ (C 0 , τ 0 ) sont les diagrammes commutatifs :
τ
/A
C
D
ψ
τ0
C0
La catégorie CA a un objet final
τ
B(A) −→ A
qu’on appelle la construction bar de A.
Il suit immédiatement que B(A) est unique à isomorphisme près, et que
(B(A), τ ) est caractérisé par la propriété universelle suivante :
∀
/A
E
τC
C
∃!ψC
τ
B(A)
Encore une fois on a la notion duale:
15
Soit C une DGA-cogèbre.
On considère la catégorie CC dont les objets sont les couples (A, τ ), où A
est une DGA-algèbre et τ : C −→ A une cochaîne tordante, et les flèches
φ
(A, τ ) −→ (A0 , τ 0 ) sont les diagrammes commutatifs :
τ
/A
C
D
τ0
φ
A0
La catégorie CC a un objet initial
τ
C −→ Ω(C)
qu’on appelle la construction cobar de C.
Il suit immédiatement que Ω(C) est unique à isomorphisme près, et que
(Ω(C), τ ) est caractérisé par la propriété universelle suivante:
τ
C
/ Ω(C)
E
τA
∃!φA
∀
A
Les catégories CA /CC n’ont a priori pas nécessairement d’objet final/initial.
Le théorème suivant nous assure de leurs existences et nous en donne des constructions explicites.
Théorème 1.1. Soient A une DGA-algèbre et C une DGA-cogèbre.
Alors :
B(A) = T c (SA+ ),
Ω(C) = T (S −1 C+ ),
et les cochaînes tordantes universelles sont données par les composées
τ
τ
/A
B(A)
C
D
π
SA+
2
s−1
ι
π
/ A+
où toutes les flèches sont les flèches canoniques.
16
C+
s−1
/S
−1
/ Ω(C)
D
2 ι
C+
Voici maintenant quelques résultats qui nous seront utiles dans la partie 3.
Lemme 1.4. Les cochaînes tordantes τ : C −→ A sont en bijection avec les
morphismes de DG-algèbres fτ : Ω(C) −→ A via les relèvements :
C
τ
/ Ω(C)
fτ
/8 A
τ
Théorème 1.2. Les produits tensoriels tordus B(A) ⊗τ A et C ⊗τ Ω(C) sont
acycliques.
Théorème 1.3. Soit A une DGA-algèbre connexe. Le morphisme canonique
Φ : ΩB(A) −→ A est un quasi-isomorphisme.
Et le résultat dual:
Théorème 1.4. Soit C une DGA-cogèbre connexe. Le morphisme canonique
Ψ : C −→ BΩ(C) est un quasi-isomorphisme.
Mentionnons à titre informatif que ces derniers théorèmes nous disent que
les constructions Bar et Cobar sont des analogues algébriques respectivement
du classifiant et de l’espace de lacets en topologie algébrique. Les interactions
et analogies entre ces différentes notions ainsi que le berceau topologique des
concepts mis en place dans ces dernières sections constituent d’ailleurs la majeure partie du second chapitre de [P], qui pourrait intéresser le lecteur rebuté
par l’apparente aridité de ceux-ci.
17
2
Algèbre homologique sur les modules gradués
Cette seconde partie a des objectifs multiples : présenter l’algèbre homologique
dans la catégorie des modules gradués sur une DGA-algèbre, introduire les complexes Bar/Cobar, la notion de résolution projective minimale, d’exposer une
méthode de calculs explicite de celle-ci dans certains cas et bien sur, de mettre en évidence l’articulation entre ces différentes notions. La première section
de cette partie s’appuiera sur [Wei], la seconde sur [PolPos] chapitre 1.1, la
troisième sur [Ber] et enfin la quatrième sur [Ber], [Bardz], et [Skol]. La
cinquième et dernière section quant à elle est consacrée à l’exposition de calculs
pour quelques exemples concrets en vue de la partie 4.
2.1
Foncteurs T or et Ext
Soient Λ un anneau et M un Λ-module.
Une résolution projective de M , est une suite
d
d
d
3
2
1
· · · −→
P 2 −→
P 1 −→
P 0 −→ M −→ 0
de Λ-modules, exacte partout, et telle que chaque P i est projectif. On notera
en général P • → M → 0 une résolution projective de M . Il est bien connu que
tout Λ-module admet une résolution projective.
Soit maintenant N un Λ-module. On rappelle que les foncteurs HomΛ (_, N )
et _⊗Λ N sont exacts, respectivement à gauche et à droite. On peut alors définir
ExtiΛ (_, N ) = Ri HomΛ (_, N )
les foncteurs dérivés à droite de HomΛ (_, N ), et
T oriΛ (_, N ) = Li (_ ⊗Λ N )
les foncteurs dérivés à gauche de _ ⊗Λ N .
Par définition,
ExtiΛ (M, N ) = H i (HomΛ (P • , N ), dH )
T oriΛ (M, N ) = Hi (P • ⊗Λ N, d⊗ )
où P • → M → 0 est une résolution projective de M . Ces définitions sont bien
fondées et ne dépendent pas de la résolution projective de M choisie (voir par
exemple [Wei]).
18
2.2
Résolutions Bar et Cobar
A partir de maintenant on suppose, sauf mention contraire, que Λ = K, un corps
commutatif et A = K ⊕ A+ désignera une DGA-K-algèbre unitaire graduée
positivement. En particulier, l’augmentation A −→ K munie naturellement K
d’une structure de A-module à gauche et à droite graduée positivement.
Les résolutions Bar/Cobar présentées ici sont en fait des objets semblables
aux constructions Bar/Cobar de la partie 1.8 mais examinées du point de vue
de l’algèbre homologique.
Soit M un A-module à gauche. La résolution Bar réduite de M , notée
Bar•+ (A, M ) est la résolution libre
· · · −→ A ⊗ A+ ⊗ A+ ⊗ M −→ A ⊗ A+ ⊗ M −→ A ⊗ M −→ 0
où Bari+ (A, M ) = A ⊗ A⊗i
+ ⊗ M et où les différentielles sont données par :
∂i (a0 ⊗a1 ⊗· · ·⊗ai ⊗m) =
i
X
(−1)s a0 ⊗· · ·⊗as−1 as ⊗· · · ai ⊗m+(−1)i+1 a0 ⊗· · ·⊗ai m
s=0
L’homologie de la résolution Bar•+ (A, M ) est appelée l’homologie de Hochschild de M ,
notée HH• (A, M ).
La résolution Bar•+ (A, M ) est en particulier une résolution projective du
A-module M et on a donc
ExtiA (M, N ) = H i (HomA (Bar•+ (A, M ), N ))
T oriA (M, N ) = Hi (Bar•+ (A, M ) ⊗A N )
pour tout A-module N .
On se place maintenant dans la catégorie des modules gradués sur A, Modgr (A),
dont les objets sont les DG-A-modules et les morphismes
MM
M
HomA (M, N ) =
HomA (Mp , Nn+p ) =
HomA (M, N )n
n∈Z p∈Z
n∈Z
pour tous DG-A-modules M et N .
Remarquons d’abord qu’un A-module gradué P est projectif dans Modgr (A)
si, et seulement si, il l’est dans mod(A).
19
Le foncteur HomA (_, N ) est encore exact à gauche comme composition de
foncteurs exacts et exacts à gauche. On définit ses foncteurs dérivés à gauche :
ExtiA (_, N ) = Ri HomA (_, N )
i.e.
ExtiA (M, N ) = H i (HomA (P̄ • , N ))
où P̄ • est une résolution projective de M dans Modgr (A). De même on définit
T oriA (M, N ) = Hi (P̄ • ⊗A N )
mais comme P̄ • ⊗A N vu comme un A-module gradué est isomorphe à P̄ • ⊗A N
comme A-module, on a directement :
T oriA (M, N ) = T oriA (M, N ).
Comme A et M sont gradués, on a encore une graduation sur A ⊗ A⊗i
+ ⊗ M et
Bar•+ (A, M ) est encore une résolution projective de M dans Modgr (A).
Définition 2.1. Soient M et N deux A-modules gradués. On définit le complexe
Cobar de M et N au dessus de A par:
Cob• (A, M, N ) = HomA (Bar•+ (A, M ), N )
Définition 2.2. Soient L un A-module à gauche gradué et R un A-module à
droite gradué. On définit le complexe Bar de L et R au dessus de A par:
Bar• (R, A, L) = R ⊗A Bar•+ (A, L)
On a donc
ExtiA (M, N ) = H i (Cob• (A, M, N ))
T oriA (L, R) = Hi (Bar• (R, A, L))
On note Bar• (A) = Bar• (K, A, K). Dans les parties 2.3 et 2.4 on s’intéressera
au calcul, pour certains A, de T oriA (K, K) = Hi (Bar• (A)) qu’il est difficile de
calculer directement à partir du complexe Bar• (A). Avant,
on fait quelques
L
remarques générales sur la structure de T or•A (K, K) = i≥0 T oriA (K, K).
Bari (A) = A⊗i
+ étant muni d’une structure naturelle de K-espace vectoriel, il
en va de même pour Hi (Bar• (A)) = T oriA (K, K), qui fait donc de T or•A (K, K)
un K-espace vectoriel gradué positivement. De plus, les déconcaténations
0
00
⊗i
⊗i
A+
−→ A⊗i
+ ⊗ K A+ ,
i = i0 + i00
induisent des morphismes de K-espaces vectoriels
¯ : T oriA (K, K) −→ T oriA0 (K, K) ⊗K T oriA00 (K, K)
∆
qui munissent T or•A (K, K) d’un coproduit
∆ : T or•A (K, K) −→ T or•A (K, K) ⊗K T or•A (K, K)
faisant ainsi de T or•A (K, K) une K-cogèbre graduée.
20
On peut, par une construction duale, définir un produit sur Ext•A (K, K), le
produit de Yoneda, qui munit Ext•A (K, K) d’une structure de K-algèbre graduée.
Notons enfin qu’on a un isomorphisme canonique d’espaces vectoriels gradués
Ext•A (K, K) ' T or•A (K, K)#
qui nous vient de l’isomorphisme naturel en complexe de chaines induit par
l’adjonction classique
HomA (P • , K) ' HomK (K, HomA (P • , K)) ' HomK (K ⊗A P • , K)
pour P • −→ K une résolution projective de K. On remarque qu’on a alors
Ext•A (K, K) ' Ext•A (K, K). Plus généralement, pour deux DG-A-modules M
et N , les conditions pour qu’ils satisfassent Ext•A (M, N ) ' Ext•A (M, N ) sont
détaillées dans [Ber].
2.3
Résolutions projectives minimales
Dans cette partie on se place dans la catégorie Modgr (A) définie en 2.2 où A
est toujours une DGA-K-algèbre graduée positivement. On expose ici quelques
résultats essentiels de l’algèbre homologique dans cette catégorie sans leurs démonstrations qui peuvent être trouvées dans [Ber].
Soient M et M 0 deux A-modules gradués.
Définition 2.3. On dit qu’un morphisme f : M −→ M 0 est surjectif essentiel
si tout morphisme φ : X −→ M de A-modules gradués tel que f ◦ φ est surjectif,
est surjectif.
C’est équivalent à dire que la restriction de f à un sous-objet strict de M
n’est jamais surjective.
Définition 2.4. Une couverture projective de M est un couple (P, f ) où P est
un A-module gradué projectif et f : P −→ M un morphisme surjectif essentiel.
Théorème 2.1. Soit M un A-module gradué, borné inférieurement. Alors M
possède une couverture projective. De plus, pour toute couverture projective
(P, f ) de M , P est borné inférieurement.
Définition 2.5. Une résolution projective minimale de M est une résolution
P • −→ M tel que chaque morphisme P i −→ im(di ) est surjectif essentiel.
Le théorème 2.1 nous assure l’existence d’une résolution projective minimale
pour tout A-module gradué borné inférieurement. La terminologie minimale est
motivée par le résultat suivant:
21
Proposition 2.1. Soient P • et Q• des résolutions projectives de M , avec
P • minimale. Soient
f • : P • −→ Q•
g • : Q• −→ P •
des morphismes de résolutions. Alors f • est injectif, g • est surjectif, et
Q• = im(f • ) ⊕ ker(g • )
De plus, ker(g • ) est acyclique.
Autrement dit, toute résolution projective de M s’écrit comme la somme
directe d’une résolution projective minimale et d’un complexe acyclique.
Proposition 2.2. Soit M un A-module gradué borné inférieurement. Soient
P • et Q• deux résolutions minimales projectives de M . Alors tout morphisme
de résolutions
f • : P • −→ Q•
est un isomorphisme.
Soit P • la résolution projective minimale de M , un A-module à droite gradué
positivement. Par définition, T oriA (M, K) = Hi (P • ⊗A K, dP ⊗ 1K ).
Proposition 2.3. Le complexe P • ⊗A K est à différentielle nulle.
On en déduit immédiatement que T oriA (M, K) ' P i ⊗A K. De plus, en
remarquant que pour tout K-espace vectoriel gradué E, l’application K-linéaire
E −→ (E ⊗K A) ⊗A K
v 7−→ (v ⊗ 1) ⊗ 1
est un isomorphisme, il vient rapidement P i ' T oriA (M, K) ⊗K A.
En particulier, pour M = K, muni d’une structure de A-module à droite
gradué positivement par l’augmentation A −→ K, la résolution projective minimale de K est donnée à isomorphisme près par T or•A (K, K)⊗K A et réciproquement, si P • est la résolution projective minimale de K, T oriA (K, K) ' P i ⊗A K.
Enfin, notons que l’on peut faire un raisonnement analogue pour M , un
A-module à gauche gradué positivement. En particulier pour K vu comme
A-module à gauche, si on note P • sa résolution projective minimale, on a :
P i ' A ⊗K T oriA (K, K),
T oriA (K, K) ' K ⊗A P i .
22
2.4
Les articles de Bardzell et Sköldberg
On cherche maintenant à calculer explicitement, pour certaines classes de
K-algèbres graduées positivement, la résolution projective minimale de K vu
comme A-module. Plus précisément, on s’intéresse au cas où A est une
K-algèbre monômiale, c’est à dire une K-algèbre de la forme
Khx1 , . . . , xn i/(m1 , . . . , mr )
où Khx1 , . . . , xn i désigne l’algèbre libre des mots engendrés par les symboles
x1 , . . . , xn et où chacun des mi est un monôme, i.e. un mot de la forme
xi1 xi2 . . . xik avec k ∈ N et il ≤ n pour tout l ≤ k.
L’article de Bardzell, [Bardz], fournit dans le cadre plus général des algèbres des chemins sur un carquois quotientées par des relations monômiales
une méthode pour calculer explicitement une résolution projective minimale de
l’algèbre en question, A, vue comme module à droite sur son algèbre enveloppante, Ae = A ⊗K Aop dont le produit d’algèbre est défini par :
(a ⊗ b) · (c ⊗ d) = ac ⊗ db.
On dira qu’un groupe abélien M est un A-bimodule s’il est muni de structures
de A-modules à gauche et à droite compatibles, dans le sens où :
(a · m) · b = a · (m · b) et λ · m = m · λ
∀m ∈ M, ∀a, b ∈ A, ∀λ ∈ K.
Tout A-bimodule M peut être vu comme un Ae -module à gauche (respectivement à droite) à travers l’identification :
(a ⊗ b).m = a · m · b
(resp. m.(a ⊗ b) = b · m · a)
On a donc des isomorphismes naturels entre les catégories des A-bimodules,
des Ae -modules à gauche, et des Ae -modules à droite, qu’on identifiera sans le
spécifier dans la suite.
Pour un carquois ∆ donné, on notera l’ensemble de ses points ∆0 , ∆1 l’ensemble
de ses flèches, et plus généralement ∆n ses n-chemins orientés. On notera K∆
l’algèbre des chemins sur ∆.
Remarquons tout d’abord que la K-algèbre libre Khx1 , . . . , xn i n’est rien
d’autre que la K-algèbre engendrée par les chemins sur le carquois Θn :
x2
x3
x1
·
···
xn
xn−1
23
Ensuite, notons que si on a une résolution projective minimale de A comme
Ae -module à droite,
φn
φn−1
π
· · · −→ P n −→ P n−1 −→ · · · −→ P 0 −→ A −→ 0
dont l’existence nous est assurée par le théorème 2.1, la résolution de K (comme
A-module à gauche) en A-modules projectifs
ψn
ψn−1
· · · −→ P n ⊗A K −→ P n−1 ⊗A K −→ · · · −→ P 0 ⊗A K −→ K −→ 0
où ψn = φn ⊗ 1K , est encore minimale : en effet, d’après [Ber] (section 2,
exercice 3, corrigé), pour tout A-module gradué borné inferieurement M , une
résolution projective R• de M est minimale si, et seulement si, le complexe
K⊗A R• est à différentielle nulle. Comme K⊗A (P • ⊗A K) = (K⊗A P • )⊗A K et
comme P • est minimale i.e. (K⊗A P • ) est a différentielle nulle, K⊗A (P • ⊗A K)
est aussi à différentielle nulle et donc P • ⊗A K est une résolution projective
minimale de K.
Dans l’article [Skol], Sköldberg donne une description commode des générateurs des modules de la résolution de Bardzell : à une algèbre sur un carquois
quotientée par des relations monomiales, K∆/(V ), on associe un graphe orienté
ΓA = (N, M ) construit de la manière suivante :
N = ∆0 ∪ ∆1 ∪ { u | ∃ v ∈ V tel que u est un facteur propre à droite de v }
M = M1 ∪ M2 , où
M1 = { e −→ a | e ∈ ∆0 , a ∈ ∆1 , e = o(a) }
M2 = { u −→ v | t(u) = o(v), uv ∈ (V ), w ∈
/ (V ) pour tout facteur propre à gauche w de uv }.
En particulier, pour le cas qui nous intéresse plus spécifiquement, A = KΘn /(V ),
les mailles de ΓA sont décrites par :
M = { · −→ xi }i≤n ∪ { u −→ v | uv ∈ (V ), w ∈
/ (V ) pour tout facteur propre à gauche w de uv }.
On appelle i-chaîne un élément de K∆ de la forme w = v−1 v0 v1 . . . vi pour
lequel il existe un chemin orienté dans ΓA , v−1 −→ v0 −→ v1 −→ . . . −→ vi où
v−1 ∈ ∆0 , et on note V (i) l’ensemble des i-chaînes. En particulier, V (−1) = ∆0 ,
V (0) = ∆1 , et V (1) = V .
G
G
On peut aussi définir un graphe dual ΓG
A = (N , M ) par
N G = ∆0 ∪ ∆1 ∪ { u | ∃ v ∈ V tel que u est un facteur propre à gauche de v }
M G = M1G ∪ M2G , où
M1G = { a −→ e | e ∈ ∆0 , a ∈ ∆1 , e = o(a) }
M2 = { u −→ v | t(u) = o(v), uv ∈ (V ), w ∈
/ (V ) pour tout facteur propre à droite w de uv }.
24
et on définit alors les iG -chaînes comme les éléments w = ui ui−1 . . . u−1 ∈ K∆
pour lesquels il existe un chemin orienté dans ΓG
A , ui −→ ui−1 −→ . . . −→ u−1 ,
u−1 ∈ ∆0 .
Lemme 2.1. Un élément w ∈ K∆ est une i-chaîne si, et seulement si, c’est
une iG -chaîne.
Preuve. [Skol], lemme 1.
On se référera donc dans la suite à un w ∈ V (i) soit comme à une i-chaîne
v−1 v0 v1 . . . vi , soit comme à une iG -chaîne, ui ui−1 . . . u0 u−1 .
Pour w = v−1 v0 v1 . . . vi = ui ui−1 . . . u0 u−1 ∈ V (i) on définit
hG (w) = ui ,
hD (w) = vi ,
tG (w) = ui−1 . . . u−1 ,
tD (w) = v−1 . . . vi−1 .
On note KV (i) le K-espace vectoriel engendré par les i-chaînes.
Théorème 2.2 (Bardzell). Soit A = K∆/(V ) où ∆ désigne un carquois fini,
et V une collection de monômes engendrés par ∆. Alors une Ae -résolution
projective minimale de A comme Ae -module à droite
φn
φn−1
π
· · · −→ P n −→ P n−1 −→ · · · −→ P 0 −→ A −→ 0
est donnée par P n = A ⊗K∆0 KV (n−1) ⊗K∆0 A, et

hG (v) ⊗ tG (v) ⊗ 1 − 1 ⊗ tD (v) ⊗ hD (v),





X
φn (1 ⊗ v ⊗ 1) =
v 1 ⊗ v 2 ⊗ v3 ,


v
,v
,v
∈∆

1 2 3
•

v1 v2 v3 =v

n impair
n pair
v2 ∈V (n−2)
Ainsi, lorsque ∆0 = {·}, d’après ce qui a été dit précédemment, une résolution
projective minimale de K comme A-module à gauche est donnée par
Q• = P • ⊗A K = (A ⊗K KV (•−1) ⊗K A) ⊗A K ' A ⊗K KV (•−1)
et on a alors
T oriA (K, K) ' K ⊗A Qi ' KV (i−1) .
Les différentielles du complexe Q• sont quant à elles données par :
X
ψn (p ⊗ v) =
pv1 ⊗ v2 .
v1 ,v2 ∈∆•
v1 v2 =v
v2 ∈V (n−2)
25
Enfin, remarquons que le début de cette résolution projective minimale est
· · · −→ A ⊗K KhV i −→ A ⊗K K∆1 −→ A −→ K −→ 0.
Ln
En particulier, lorsque ∆ = Θn , K∆1 n’est rien d’autre que i=1 K.xi .
26
2.5
Quelques calculs
A = Khx, yi/(x2 y 2 , yxy 3 )
x
xy 2
y
xy 3
·
T or0A (K, K) = K
T or1A (K, K) = K.x ⊕ K.y
T or2A (K, K) = K.x2 y 2 ⊕ K.yxy 3
T or3A (K, K) = K.x2 y 2 xy 3
T ornA (K, K) = 0, ∀n ≥ 4.
27
A = Khx, y, z, t, ui/(xyz, yzt, tu)
·
x
yz
y
zt
z
t
u
T or0A (K, K) = K
T or1A (K, K) = K.x ⊕ K.y ⊕ K.z ⊕ K.t ⊕ K.u
T or2A (K, K) = K.xyz ⊕ K.yzt ⊕ K.tu
T or3A (K, K) = K.xyzt ⊕ K.yztu
T or4A (K, K) = K.xyztu
T ornA (K, K) = 0, ∀n ≥ 5.
28
A = Kha, b, c, d, ei/(abab, abc, cde)
bab
ab
a
bc
b
·
c
de
d
e
T or0A (K, K) = K
T or1A (K, K) = K.a ⊕ K.b ⊕ K.c ⊕ K.d ⊕ K.e
T or2A (K, K) = K.abab ⊕ K.abc ⊕ K.cde
T or3A (K, K) = K.ababc ⊕ K.abcde ⊕ K.ababab
T or4A (K, K) = K.ababcde ⊕ K.abababc
T or5A (K, K) = K.abababcde
T ornA (K, K) = 0, ∀n ≥ 6.
29
A = Khx, yi/(x3 y, y 2 xy 2 , xyxyxy)
x2 y
x
yxyxy
·
y
xyxy
xy
yxy 2
T or0A (K, K) = K
T or1A (K, K) = K.x ⊕ K.y
T or2A (K, K) = Kx3 y ⊕ K.y 2 xy 2 ⊕ K.xyxyxy
T or3A (K, K) = K.x3 y 2 xy 2 ⊕ K.x3 yxyxy ⊕ K.xyxyxyxy ⊕ K.xyxyxyxy 2 xy 2
T or4A (K, K) = K.x3 yxyxy 2 xy 2 ⊕ K.xyxyxyxy 2 xy 2
T ornA (K, K) = 0, ∀n ≥ 5.
30
A∞ -structures
3
Dans cette partie, qui se situe dans la continuité de la première, on présente dans
un premier temps les A∞ -(co)algèbres qui généralisent les DGA-(co)algèbres et
on généralise certaines des constructions de la partie 1 dans ce nouveau contexte.
Dans un second temps, on expose certains résultats fondamentaux qui lient la
théorie des A∞ -structures à des problèmes d’algèbre homologique dans l’espoir
de convaincre le lecteur du bien fondé cette généralisation. On s’appuiera pêlemêle sur [He13], [He15], [Kel01], [KLH], et [P].
3.1
Définitions
Soit K un corps.
Une A∞ -algèbre sur K est un K-espace vectoriel Z-gradué
M
A=
An
n∈Z
muni d’une collection d’applications
mi : A⊗i −→ A
i>0
qui vérifient les conditions suivantes:
(i) Les mi conservent le degré interne, i.e.
|mi (a1 ⊗ · · · ⊗ ai )| = |a1 ⊗ · · · ⊗ ai | = |a1 | + · · · + |ai |.
On dit aussi que les mi sont gradués.
(ii) Les mi sont de degré 2 − i, i.e.
M
i
O
q1 +···+qi =n+2−i
r=1
mi :
Aqr −→ An .
(iii) Les mi satisfont les identités de Stasheff :
X
⊗t
SI(n) :
(−1)r+st mr+1+t ◦ (1⊗r
A ⊗ ms ⊗ 1A ) = 0,
r+s+t=n
s>0
pour tout n ∈ N.
31
Remarquons que les premières relations de Stasheff s’écrivent :
m1 ◦ m1 = 0 (1)
−m2 ◦ (m1 ⊗ 1 + 1 ⊗ m1 ) + m1 ◦ m2 = 0 (2)
m3 ◦ (m1 ⊗ 1 ⊗ 1 + 1 ⊗ m1 ⊗ 1 + 1 ⊗ 1 ⊗ m1 ) − m2 ◦ (m2 ⊗ 1 − 1 ⊗ m2 ) + m1 ◦ m3 = 0 (3)
Autrement dit, m1 est une différentielle sur A, et m2 un produit respectant la
différentielle. La troisième relation nous dit que m2 est associatif à homotopie
près. On peut donc parler de l’homologie de A relative à m1 . Nous verrons plus
tard que cette homologie peut également être munie d’une A∞ -structure.
Si m1 = 0, A est dite minimale.
Remarquons enfin que si A est une DGA-K-algèbre associative, on peut la
munir canoniquement d’une structure d’A∞ -algèbre en posant
m1 = ∂A
m2 = µA
mi≥3 = 0,
et que, réciproquement, une A∞ -algèbre qui satisfait mi≥3 = 0 est une DGAK-algèbre associative.
Morphismes
Si A et B sont deux A∞ -algèbres, on définit un morphisme d’A∞ -algèbres ou
A∞ -morphisme, f : A −→ B comme une famille
fn : A⊗n −→ B
de morphismes gradués de degré 1 − n satisfaisant:
X
X
⊗t
A
(−1)r+st fr+1+t ◦(1⊗r
(−1)v mB
u ◦(fi1 ⊗· · ·⊗fiu )
A ⊗ms ⊗1A ) =
r+s+t=n
s>0
1≤u≤n
i1 +···+iu =n
où v = (u − 1)(i1 − 1) + (u − 2)(i2 − 2) + · · · + 2(iu−2 − 1) + (iu−1 − 1).
La composée de deux A∞ -morphismes f : B −→ C et g : A −→ B est définie
par:
X
(f ◦ g)n :=
(−1)v fu ◦ (gi1 ⊗ · · · ⊗ giu )
1≤u≤n
i1 +···+iu =n
où v est le même signe que précédemment.
Remarquons que l’équation (∗) pour n = 1, 2 nous dit que f1 est un morphisme
B
de complexe entre (A, mA
1 ) et (B, m1 ) qui est, à l’homotopie donnée par f2
32
(∗)
près, compatible avec m2 . En particulier, f1 induit un morphisme d’algèbres
graduées:
H• (A) −→ H• (B)
On dira qu’un A∞ -morphisme f : A −→ B est un A∞ -quasi-isomorphisme si
f1 est un quasi-isomorphisme (i.e. f1 induit un isomorphisme en homologie) et
que c’est un A∞ -isomorphisme si f1 est un isomorphisme de complexes.
Augmentation
Une A∞ -algèbre A est dite augmentée si elle est munie :
(i) d’une application η : K −→ A de degré 0 telle que
⊗t
mi ◦ (1⊗r
A ⊗ η ⊗ 1A )
où r, t ≥ 0 et r + 1 + t = i
s’annule pour tout i 6= 2, et
m2 ◦ (1A ⊗ η) = 1A = m2 ◦ (η ⊗ 1A ).
(ii) d’une application : A −→ K de degré 0 telle que ◦η = 1K , ◦m2 = ⊗,
et ◦ mi = 0 pour tout i 6= 2.
A∞ -cogèbre
A la notion d’A∞ -algèbre, correspond la notion duale d’A∞ -cogèbre, définie
comme suit:
Une A∞ -cogèbre sur K est un K-espace vectoriel Z-gradué
M
C=
Cn
n∈Z
muni d’une collection d’applications
∆i : C −→ C ⊗i
i>0
localement finies, qui vérifient les conditions suivantes:
(i) Les ∆i conservent le degré interne.
(ii) Les ∆i sont de degré i − 2, i.e.
M
i
O
q1 +···+qi =n+i−2
r=1
∆i : Cn −→
33
Cqr
(iii) Les ∆i satisfont les identités de Stasheff :
X
⊗t
(−1)rs+t (1⊗r
SI(n) :
C ⊗ ∆s ⊗ 1C ) ◦ ∆r+1+t = 0
r+s+t=n
s>0
pour tout n ∈ N.
De même, ∆1 est une différentielle sur C, et ∆2 un coproduit compatible avec
∆1 . Si ∆1 est nulle, C sera dite minimale.
Un morphisme d’A∞ -cogèbres f : C −→ D est défini comme une famille de
morphismes gradués
fn : C −→ D⊗n
de degrés n − 1, vérifiant:
X
⊗t
D
(−1)rs+t (1⊗r
D ⊗∆s ⊗1D )◦fr+1+t =
r+s+t=n
s>0
X
(−1)w (fi1 ⊗· · ·⊗fiu )◦∆C
u
1≤u≤n
i1 +···+iu =n
où w = (u − 1)(in − 1) + (u − 2)(in−1 − 2) + · · · + 2(iu+2 − 1) + (iu+1 − 1),
et on définit alors la composition de manière évidente. On appliquera aux
A∞ -morphismes d’A∞ -cogèbres la même terminologie que celle explicitée pour
les A∞ -morphismes d’A∞ -algèbres.
Une A∞ -cogèbre C est dite coaugmentée si elle est munie :
(i) d’une application : C −→ K de degré 0 telle que
⊗t
(1⊗r
C ⊗ ⊗ 1C ) ◦ ∆i
où r, t ≥ 0 et r + 1 + t = i
s’annule pour tout i 6= 2, et
(1C ⊗ ) ◦ ∆2 = 1C = (η ⊗ 1C ) ◦ ∆2 .
(ii) d’une application η : K −→ C de degré 0 telle que ◦ η = 1K ,
∆2 ◦ η(1) = η(1) ⊗ η(1), et ∆i ◦ η(1) = 0 pour tout i 6= 2.
Constructions Bar et Cobar pour les A∞ -structures
Pour une A∞ -K-algèbre augmentée A (respectivement une A∞ K–cogèbre coaugmentée C), on note sa construction Bar, B(A) (resp. sa construction Cobar,
Ω(C)) construite sur l’espace vectoriel sous-jacent comme dans le théorème 1.1.
Les cochaînes tordantes universelles dans le contexte des DGA-(co)algèbres,
B(A) −→ A et C −→ Ω(C), notées respectivement τ A et τ C (ou simplement
τ et τ quand il n’y aura pas d’ambiguité), sont, rappelons le, données par les
composées:
34
π
/A
D
τ
B(A)
SA+
s−1
2
/ A+
τ
C
ι
π
C+
s−1
/ Ω(C)
D
2 ι
/ S −1 C+
On verra dans le paragraphe suivant que ces cochaînes resteront tordantes et
universelles dans le contexte A∞ .
On aimerait munir B(A) (resp. Ω(C)) d’une structure de DGA-cogèbre (resp.
DGA-algèbre) mais malheureusement, si dans le cas des constructions (Co)Bar
pour les DGA-(co)algèbres l’existence d’une différentielle sur B(A) (resp. Ω(C))
nous est assurée par la fonctorialité de la définition, ce n’est plus le cas ici.
Prenons le problème à l’envers :
Soit A une K-algèbre graduée augmentée et (mi )i≥1 une famille de morphismes
gradués
mi : A⊗i −→ A,
i≥1
de degré 2 − i. Pour tout i ≥ 1, nous définissons une bijection
HomA (A⊗i , A) −→ HomA ((SA)⊗i , SA)
7−→
mi
bi
en définissant les bi par les relations
bi = −s ◦ mi ◦ (s−1 )⊗i .
Remarquons que les bi sont tous de degré 1. Le morphisme
M
(SA)⊗i −→ SA
i≥1
dont les composantes sont les bi est encore de degré 1 et se relève, d’après le
lemme 1.1, en une unique codérivation b sur T c (SA+ ) = B(A).
Lemme 3.1 (Stasheff ). Les propositions suivantes sont équivalentes :
(i) Les mi définissent une structure d’A∞ -algèbre sur A.
(ii) Pour tout n ≥ 1, l’équation suivante est vérifiée :
X
⊗l
bi ◦ (1⊗j
SA ⊗ bk ⊗ 1SA ) = 0.
j+k+l=n
j+1+l=i
(iii) La codérivation b est une différentielle sur B(A), i.e. b ◦ b = 0.
Preuve. [KLH], Lemme 1.2.2.1.
35
Ainsi, si A est une A∞ -algèbre augmentée, il existe une unique différentielle bA
sur B(A) qui relève les (mA
i )i≥1 . On peut alors définir la construction Bar de
A, B(A), comme la DGA-cogèbre (T c (SA+ ), bA ) munie de sa cochaîne tordante
universelle. Par une construction duale, on peut munir la construction Cobar
d’une A∞ -cogèbre coaugmentée C d’une unique structure de DGA-algèbre compatible avec les (∆C
i )i≥1 (voir par exemple [KLH], section 1.2). Notons que,
si A est une DGA-algèbre, la construction Bar de A vue comme A∞ -algèbre
correspond exactement à la construction Bar de A comme DGA-algèbre et que
de même, si C est une DGA-cogèbre, la construction Cobar de C vue comme
A∞ -cogèbre correspond exactement à la construction Cobar de C comme DGAcogèbre.
Mentionnons à titre informatif que les constructions Bar et Cobar pour
les A∞ -structures induisent des isomorphismes de catégories entre d’une part,
les A∞ -algèbres augmentées et les DGA-cogèbres libres, et d’autre part, les
A∞ -cogèbres augmentées et les DGA-algèbres libres ([P], [KLH]).
Torsions d’A∞ -structures
Fixons maintenant C une A∞ -K-cogèbre coaugmentée et A une DGA-K-algèbre.
Une cochaîne tordante (parfois aussi appelée cochaîne tordante cogénéralisée ou
γ-cochaîne) dans ce contexte, est un morphisme de K-espaces vectoriels gradués
τ : C −→ A homogène de degré 1 tel que les composées A ◦τ et τ ◦ηC s’annulent,
et qui de plus satisfait l’équation de Maurer-Cartan cogénéralisée:
X
(n)
∂A ◦ τ +
(−1)n(n−1)/2 µA ◦ τ ⊗n ◦ ∆C
n = 0,
n≥0
(n)
où µA désigne la (n − 1)-ième itération du produit d’algèbre sur A.
On définit alors le produit tensoriel tordu C ⊗τ A comme le K-espace vectoriel
gradué C ⊗K A muni de la différentielle tordue définie par:
X
(i+1)
∂τ = ∆1 ⊗ 1A +
(−1)i(i−1)/2 (1C ⊗ µA ) ◦ (1C ⊗ τ ⊗i ⊗ 1A ) ◦ (∆i+1 ⊗ 1A ).
i≥1
Théorème 3.1. Soit C une une A∞ -cogèbre coaugmentée. Alors τ est une
γ-cochaîne et C ⊗τ Ω(C) est acyclique. De plus, les γ-cochaînes τ : C −→ A
sont en bijection avec les morphismes de DG-algèbres fτ : Ω(C) −→ A via les
relèvements :
τ
fτ
/ Ω(C)
/8 A
C
τ
36
Preuve. [P], Th. 3.19, Lemme 3.17.
Lemme 3.2. Soient f : C −→ C 0 un A∞ -morphisme d’A∞ -K-cogèbres coaugmentées et τ : C 0 −→ A une γ-cochaîne. Alors la composée τ ◦ f : C −→ A
définie par
X (i)
τ ◦f =
µA ◦ τ ⊗i ◦ fi
i≥1
est encore une γ-cochaîne.
Preuve. [P], Lemme 3.22.
Théorème 3.2. Soient f : C −→ C 0 un A∞ -morphisme d’A∞ -K-cogèbres
coaugmentées et τ : C 0 −→ A une γ-cochaîne. Alors la flèche
f ⊗τ 1A : C ⊗τ ◦f A −→ C 0 ⊗τ A
définie par :
f ⊗τ 1A =
X
(i)
(1C 0 ⊗ µA ) ◦ (1C 0 ⊗ τ ⊗(i−1) ⊗ 1A ) ◦ (fi ⊗ 1A )
i≥1
est un morphisme de DGA-modules.
Preuve. [P], Th. 3.23.
Inversement, pour A une A∞ -K-algèbre augmentée, C une DGA-K-cogèbre,
une cochaîne tordante, ou β-cochaîne, est définie comme une application
τ : C −→ A, K-linéaire, homogène de degré 1, et qui satisfait l’équation de
Maurer-Cartan généralisée:
X
(n)
⊗n
τ ◦ ∂A +
(−1)n(n−1)/2 mA
◦ ∆C = 0.
n ◦τ
n≥0
On peut encore définir le produit tensoriel tordu C ⊗τ A comme le K-espace
vectoriel gradué C ⊗K A muni de la différentielle tordue définie cette fois par:
X
∂τ = 1C ⊗ m1 +
(−1)i(i−1)/2 (1C ⊗ mi+1 ) ◦ (1C ⊗ τ ⊗i ⊗ 1A ) ◦ (∆(i+1) ⊗ 1A ).
i≥1
Théorème 3.3. Soit A une une A∞ -algèbre augmentée. Alors τ est une
β-cochaîne et B(A) ⊗τ A est acyclique. De plus, les β-cochaînes τ : C −→ A
sont en bijection avec les morphismes de DG-cogèbres f τ : C −→ B(A) via les
relèvements :
fτ
τ
/ B(A)
/8 A
C
τ
37
Preuve. [P], Th. 3.19, Lemme 3.17.
Si A et A0 sont deux A∞ -K-algèbres coaugmentées, f : A −→ A0 un
A∞ -morphisme, et τ : C −→ A une β-cochaîne, on définit la cochaîne composée f ◦ τ : C −→ A0 par
X
(i)
f ◦τ =
fi ◦ τ ⊗i ◦ ∆C ,
i≥1
et alors, f ◦ τ est encore une β-cochaîne, et la flèche
1C ⊗τ f : C ⊗τ A −→ C ⊗f ◦τ A0
définie par
1C ⊗τ f =
X
(i)
(1C ⊗ fi ) ◦ (1C ⊗ τ ⊗(i−1) ⊗ 1A ) ◦ (∆C ⊗ 1A )
i≥1
est un morphisme de DGA-modules ([P], Lemme 3.22 et Th. 3.23).
Nous aurons besoin pour la suite d’un résultat supplémentaire donné par le
théorème suivant :
Théorème 3.4. Soit f : A −→ A0 un morphisme d’A∞ -algèbres où A et A0
sont supposées connexes. Alors les proposition suivantes sont équivalentes:
(i) f1 est un quasi-isomorphisme.
(ii) B(f ) : B(A) −→ B(A0 ) est un quasi-isomorphisme.
(iii) Le produit tensoriel tordu B(A) ⊗f ◦τ A0 est acyclique.
Preuve. [P], Th. 3.25.
Enfin, remarquons que nous n’avons pas envisagé le cas où C est une A∞ -cogèbre
et A une A∞ -algèbre. Donner une définition cohérente de cochaîne tordante
τ : C −→ A est dans ce cas là, d’après [P], un problème équivalent à celui
de définir l’(A∞ )-produit tensoriel de deux A∞ -algèbres, non encore résolu à ce
jour.
38
3.2
A∞ -structures et algèbre homologique
On aborde maintenant deux résultats centraux de ce mémoire qui font le lien
entre les parties 2 et 3.1.
Théorème 3.5 (Kadeishvili). Soit A une DG-K-algèbre. Alors H• (A) admet
une structure d’A∞ -algèbre telle que:
1. m1 = 0 et m2 est induite par mA
2.
2. Il existe un A∞ -quasi-isomorphisme H• (A) −→ A qui induit l’identité en
homologie.
De plus, cette structure est unique à A∞ -isomorphisme (non unique) près.
Preuve. Rappelons tout d’abord qu’on peut munir canoniquement la DG-algèbre
A
A
A d’une structure d’A∞ -algèbre en posant mA
1 = ∂A , m2 = µA et mi≥3 = 0.
Dans la suite mA
2 sera notée · ou par la simple juxtaposition des termes.
On va construire inductivement une structure d’A∞ -algèbre sur H• (A) :
imposons m1 = 0 et m2 définie par la multiplication induite sur H• (A) par
µA . Ensuite, choisissons une application linéaire f1 : H• (A) −→ A qui à une
classe d’homologie associe un cycle dans celle-ci. En particulier, f1 est un quasiisomorphisme. Etant donnés a1 , a2 ∈ A, soit Ψ2 définie par
Ψ2 (a1 ⊗ a2 ) = f1 (a1 a2 ) − f1 (a1 )f1 (a2 ).
Comme f1 (a1 a2 ) est par définition un cycle représentant la classe d’homologie
contenant f1 (a1 )f1 (a2 ), Ψ2 (a1 ⊗ a2 ) est un bord i.e. Ψ2 (a1 ⊗ a2 ) = ∂A w, pour
un certain w ∈ A. Soit f2 une application linéaire qui à a1 ⊗ a2 associe w: on a
alors Ψ2 = ∂A ◦ f2 .
Soit maintenant n > 2. Pour a1 , . . . , an ∈ A on définit
Ψn (a1 ⊗ . . . ⊗ an ) =
n−1
X
(−1)1 (a1 ,...,an ,s) fs (a1 ⊗ . . . ⊗ as ) · fn−s (as+1 ⊗ . . . ⊗ an )+
s=1
n−1
X n−j
X
(−1)2 (a1 ,...,an ,k,j) fn−j+1 (a1 ⊗. . .⊗ak ⊗mj (ak+1 , . . . , ak+j )⊗ak+j+1 ⊗. . .⊗an )
j=2 k=0
où les expressions
1 (a1 , . . . , an , s) = s + (n − s + 1)(|a1 | + . . . + |as |)
2 (a1 , . . . , an , j, k) = k + j(n − k − j + |a1 | + . . . + |ak |)
sont les signes dans (∗), la condition que doivent satisfaire les fn pour répondre à la définition d’A∞ -morphisme (p.31). L’expression Ψn n’est en fait rien
39
d’autre que (∗) où font défaut les termes f1 ◦ mn et fn ◦ m1 . Pour compléter
l’induction, on doit mettre en évidence de bons termes mn et fn de sorte que
l’expression (∗) soit satisfaite. Un calcul direct mais fastidieux met en évidence
que Ψn (a1 ⊗ . . . ⊗ an ) est un cycle et on définit alors
mn (a1 , . . . an ) = [Ψn (a1 ⊗ . . . ⊗ an )] ∈ H• (A).
S’ensuit alors que, comme f1 (mn (a1 , . . . , an )) et Ψn (a1 ⊗ . . . ⊗ an ) sont dans la
même classe d’homologie, il y a un w ∈ A vérifiant
f1 (mn (a1 , . . . , an )) − Ψn (Ψn (a1 ⊗ . . . ⊗ an )) = ∂A w.
Une application linéaire fn qui envoie Ψn (a1 ⊗ . . . ⊗ an ) sur w satisfait alors
Ψn = ∂ A ◦ f n ,
et ainsi, mn et fn constituent bien les composantes, respectivement, d’une
A∞ -algèbre et d’un A∞ -morphisme.
[KLH], Cor. 1.4.1.4 généralise ce résultat au cas où A est une A∞ -algèbre.
Le théorème qui suit a été annoncé sans démonstration par Keller au X ICRA,
Toronto (Canada, 2002). Nous suivons la preuve donnée dans [He13].
Théorème 3.6 (Keller). Soient C une A∞ -K-cogèbre coaugmentée minimale
et A une K-algèbre connexe graduée positivement. Alors, sont équivalents:
(i) Il existe un A∞ -quasi-isomorphisme d’A∞ -algèbres augmentées minimales
Ext•A (K, K) −→ C #
(ii) Il existe une γ-cochaîne τ : C −→ A telle que le produit tensoriel tordu
C ⊗τ A est une résolution projective minimale de K, vu comme A-module
à droite.
Preuve. (i) ⇒ (ii): Soit f : Ext•A (K, K) −→ C # un A∞ -quasi-isomorphisme
d’A∞ -algèbres augmentées minimales. Comme A est une K-algèbre graduée
positivement, sa résolution Bar, Bar• (A), est munie naturellement d’une structure de DGA-cogèbre qui s’identifie à la construction Bar de A, B(A). On
confondra dans la suite Bar• (A) et B(A). Le dual de B(A), B(A)# , est à son
tour muni d’une structure de DG-algèbre augmentée qu’on verra ici comme une
A∞ -algèbre augmentée. Comme Ext•A (K, K) = H • (B(A)) ' H• (B(A))# '
H• (B(A)# ), on a un quasi-isomorphisme canonique B(A)# −→ Ext•A (K, K) qui
envoie un élément sur sa classe d’homologie, qui se prolonge trivialement en un
A∞ -quasi-isomorphisme, et qui, composé avec f , nous procure un
A∞ -quasi-isomorphisme d’A∞ -algèbres augmentées g : B(A)# −→ C # . La
composée de la flèche duale g # : C −→ B(A) avec la cochaîne tordante universelle τ : B(A) −→ A est alors une γ-cochaîne qu’on appellera τ . D’après le
40
théorème 3.2,
g # ⊗τ 1A : C ⊗τ A −→ B(A) ⊗τ A
est un morphisme de DGA-modules. [P], Th. 2.8 (i) nous assure que c’est en
fait un quasi-isomorphisme. Mais d’après le théorème 1.2, B(A) ⊗τ A est toujours acyclique. Ainsi C ⊗τ A est acyclique. Sa différentielle est alors restreinte
à ∆1 ⊗ 1A = 0 par minimalité de C et donc le complexe K ⊗A (C ⊗τ A) est à
différentielle nulle. Comme C ⊗τ A est quasi-isomorphe à T or•A (K, K) ⊗K A qui
est une résolution projective de K comme A-module à droite d’après la section
2.3, C ⊗τ A est encore une résolution projective de K et l’annulation de la
différentielle de K ⊗A (C ⊗τ A) nous assure, d’après [Ber] (section 2 exercice
3, corrigé), que C ⊗τ A est bien minimale.
(ii) ⇒ (i): Notons tout d’abord que d’après le théorème 3.1 on a un morphisme
de DGA-algèbres :
fτ : Ω(C) −→ A
qui a son tour induit un morphisme de DGA-cogèbres :
B(fτ ) : B(Ω(C)) −→ B(A).
Le théorème 3.4 nous assure que fτ est un quasi-isomorphisme si, et seulement
si, B(fτ ) est un quasi-isomorphisme si, et seulement si, B(Ω(C)) ⊗fτ ◦τ Ω(C) A est
acyclique. En utilisant le quasi-isomorphisme d’adjonction ψ : C −→ B(Ω(C))
défini dans [KLH] Lemme 1.3.2.3 c. on déduit que C ⊗τ A est quasi-isomorphe
à B(Ω(C)) ⊗fτ ◦τ Ω(C) A. Ainsi, l’hypothèse que C ⊗τ A est acyclique induit que
B(fτ ) : B(Ω(C)) −→ B(A) est un quasi-isomorphisme de DGA-cogèbres. Si
on considère la composition des quasi-isomorphismes de DGA-cogèbres, vues
comme A∞ -cogèbres coaugmentées, ψ : C −→ B(Ω(C)) et B(fτ ), on a un
A∞ -quasi-isomorphisme d’A∞ -cogèbres coaugmentées C −→ B(A) qui, à son
tour,
induit un A∞ -quasi-isomorphisme d’A∞ -algèbres augmentées
B(A)# −→ C # . Composé avec l’ A∞ -quasi-isomorphisme d’A∞ -algèbres augmentées :
Ext•A (K, K) −→ B(A)#
induit par le théorème de Kadeishvili, on a bien l’A∞ -quasi-isomorphisme
d’A∞ -algèbres augmentées attendu.
41
Nous arrivons au terme de ce mémoire et allons pouvoir accomplir notre
objectif premier : pour une algèbre connexe graduée positivement donnée A, le
théorème précédent nous dit qu’on peut, en dualisant la flèche donnée par la condition (i), munir le dual de son algèbre de Yoneda d’une structure
d’A∞ -cogèbre minimale unique à A∞ -quasi-isomorphisme près, et nous donne
une condition nécéssaire et suffisante pour vérifier si celle si convient. On se
propose d’essayer de calculer cette structure sur quelques exemples.
Concrètement, on se donne une algèbre monômiale A et on en calcul dans un
premier temps, à l’aide des résultats de la partie 2, la résolution projective minimale donnée par Bardzell, ainsi que les T oriA (K, K). Ensuite
L on met Aà la main
une structure d’A∞ -cogèbre minimale sur T or•A (K, K) =
i≥0 T ori (K, K) :
les conditions sur les degrés internes et homologiques sont alors des restrictions
relativement fortes. Viens alors une étape un peu fastidieuse, la vérification
des identités de Stasheff. Enfin, on calcule la différentielle du produit tensoriel
tordu comme définie à la fin de la section 3.1,
X
(i+1)
∂τ =
(−1)i(i−1)/2 (1C ⊗ µA ) ◦ (1C ⊗ τ ⊗i ⊗ 1A ) ◦ (∆i+1 ⊗ 1A )
i≥1
où τ : T or•A (K, K) −→ A est donnée par la projection canonique sur l’espace
des mots de longueur 1 et on vérifie qu’on retrouve bien, à quasi-isomorphisme
près, la résolution de Bardzell.
42
4
Quelques exemples de calculs
A = khx, yi/(x2 y 2 , yxy 3 )
C = T or•A (k, k) =
M
i≥0
T oriA (k, k) = |{z}
k ⊕ (k.x ⊕ k.y) ⊕ (k.x2 y 2 ⊕ k.yxy 3 ) ⊕ k.x2 y 2 xy 3
| {z } |
{z
} | {z }
T0
T1
Structure d’A∞ -cogèbre sur C:
∆1
∆2
∆3
∀
C
u
→ C
7
→
0
∀
C
u
→
C ⊗C
7→ 1 ⊗ u + u ⊗ 1
∀
C
u
→ C ⊗C ⊗C
7→
0
:
:
:
∆4
:
C
1, x, y
x2 y 2
yxy 3
2 2
x y xy 3
→
7→
7→
7→
7→
C ⊗C ⊗C ⊗C
0
−x ⊗ x ⊗ y ⊗ y ‘
0
−x ⊗ x ⊗ y ⊗ yxy 3
∆5
:
C
1, x, y
x2 y 2
yxy 3
2 2
x y xy 3
→
7→
7→
7→
7→
C ⊗C ⊗C ⊗C ⊗C
0
0
y⊗x⊗y⊗y⊗y
x2 y 2 ⊗ x ⊗ y ⊗ y ⊗ y
:
→ C ⊗n≥6
7→
0
∆n≥6
∀
C
u
43
T2
T3
A = khx, y, z, t, ui/(xyz, yzt, tu)
C = T or•A (k, k) =
M
T oriA (k, k)
i≥0
C = |{z}
k ⊕ (k.x ⊕ k.y ⊕ k.z ⊕ k.t ⊕ k.u) ⊕ (k.xyz ⊕ k.yzt ⊕ k.tu) ⊕ (k.xyzt ⊕ k.yztu) ⊕ k.xyztu
|
{z
} |
{z
} |
{z
} | {z }
T0
T1
T2
T3
T4
Structure d’A∞ -cogèbre sur C:
∆1
:
∀
→ C
7
→
0
C
u
∆2
:
C
σ = x, y, z, t, u
η = xyz, yzt
tu
xyzt
yztu
xyztu
→
7
→
7
→
7
→
7→
7→
7→
∆3
:
C
σ = x, y, z, t, u
xyz
yzt
tu
xyzt
yztu
xyztu
→ C ⊗C ⊗C
7→
0
7→ −x ⊗ y ⊗ z
7→ −y ⊗ z ⊗ t
7→
0
7→
0
7→ −y ⊗ z ⊗ tu
7→
0
∆n≥4
:
∀
C
σ
C ⊗C
1⊗σ+σ⊗1
1⊗η+η⊗1
1 ⊗ tu + tu ⊗ 1 + t ⊗ u
1 ⊗ xyzt + xyzt ⊗ 1 − xyz ⊗ t + x ⊗ yzt
1 ⊗ yztu + yztu ⊗ 1 + yzt ⊗ u
1 ⊗ xyztu + xyztu ⊗ 1 + xyzt ⊗ u − xyz ⊗ tu + x ⊗ yztu
→ C ⊗n≥4
7→
0
44
A = kha, b, c, d, ei/(abab, abc, cde)
C = T or•A (k, k) =
M
T oriA (k, k)
i≥0
C = |{z}
k ⊕ (k.a ⊕ k.b ⊕ k.c ⊕ k.d ⊕ k.e) ⊕ (k.abab ⊕ k.abc ⊕ k.cde) ⊕ (k.ababc ⊕ k.abcde ⊕ k.ababab)
|
{z
} |
{z
} |
{z
}
T0
T1
T2
T3
⊕ (k.ababcde ⊕ k.abababc) ⊕ k.abababcde
{z
}
|
{z
} |
T5
T4
Structure d’A∞ -cogèbre sur C:
∆1
:
∀
→ C
7
→
0
C
u
∆2
:
C
σ = a, b, c, d, e
η = abab, abc, cde
ababc
λ = abcde, ababab
ababcde
abababc
abababcde
∆3
:
C
a, b, c, d, e
abab
abc
cde
ababc
abcde
ababab
ababcde
abababc
abababcde
∆4
:
∀
∆n≥5
→
7→
7→
7→
7→
7→
7→
7→
7→
7→
7→
→
7→
7→
7→
7→
7→
7→
7→
C ⊗C
1⊗σ+σ⊗1
1⊗η+η⊗1
1 ⊗ ababc + ababc ⊗ 1 − abab ⊗ c
1⊗λ+λ⊗1
1 ⊗ abcde + abcde ⊗ 1 − abab ⊗ cde
1 ⊗ abababc + abababc ⊗ 1 − ababab ⊗ c − abab ⊗ abc
1 ⊗ abababcde + abababcde ⊗ 1 − ababab ⊗ cde − abab ⊗ abcde
C ⊗C ⊗C
0
0
−a ⊗ b ⊗ c
−c ⊗ d ⊗ e
−a ⊗ b ⊗ abc
−a ⊗ b ⊗ cde − abc ⊗ d ⊗ e
−a ⊗ b ⊗ abab + abab ⊗ a ⊗ b
−a ⊗ b ⊗ abcde + ababc ⊗ d ⊗ e
−a ⊗ b ⊗ ababc
−a ⊗ b ⊗ ababcde − abababc ⊗ d ⊗ e
C
→ C ⊗C ⊗C ⊗C
u 6= abab 7→
0
abab
7→ −a ⊗ b ⊗ a ⊗ b
:
∀
C
u
→ C ⊗n≥5
7→
0
45
A = khx, yi/(x3 y, y 2 xy 2 , xyxyxy)
C = T or•A (k, k) =
M
T oriA (k, k)
i≥0
C = |{z}
k ⊕ (k.x ⊕ k.y) ⊕ (k.x3 y ⊕ k.y 2 xy 2 ⊕ k.xyxyxy)
{z
}
| {z } |
T0
T1
T2
⊕ (k.x3 y 2 xy 2 ⊕ k.x3 yxyxy ⊕ k.xyxyxyxy ⊕ k.xyxyxyxy 2 xy 2 )
|
{z
}
T3
⊕ (k.x3 yxyxy 2 xy 2 ⊕ k.xyxyxyxy 2 xy 2 )
|
{z
}
T4
Structure d’A∞ -cogèbre sur C:
∆1
∆2
∀
C
u
→ C
7
→
0
∀
C
u
→
C ⊗C
7→ 1 ⊗ u + u ⊗ 1
:
:
∆3
:
C
x, y
x3 y, y 2 xy 2 , xyxyxy
x3 y 2 xy 2
x3 yxyxy
xyxyxyxy
xyxyxy 2 xy 2
x3 yxyxy 2 xy 2
xyxyxyxy 2 xy 2
∆4
:
C
x, y
x3 y
2
2
y xy , xyxyxy
x3 y 2 xy 2
x3 yxyxy
xyxyxyxy
xyxyxy 2 xy 2
x3 yxyxy 2 xy 2
xyxyxyxy 2 xy 2
→
7→
7→
7→
7→
7→
7→
7→
7→
7→
→
7→
7→
7→
7
→
7
→
7→
7→
7→
C ⊗C ⊗C
0
0
0
−x ⊗ x ⊗ xyxyxy
−x ⊗ y ⊗ xyxyxy + xyxyxy ⊗ x ⊗ y
0
−x ⊗ x ⊗ xyxyxy 2 xy 2
−x ⊗ y ⊗ xyxyxy 2 xy 2 + xyxyxy ⊗ x ⊗ y 2 xy 2
C ⊗C ⊗C ⊗C
0
−x ⊗ x ⊗ x ⊗ y
0
−x ⊗ x ⊗ x ⊗ y 2 xy 2
0
0
0
0
0
46
∆5
:
C
x, y
y 2 xy 2
3
x y, xyxyxy
x3 y 2 xy 2
x3 yxyxy
xyxyxyxy
xyxyxy 2 xy 2
x3 yxyxy 2 xy 2
xyxyxyxy 2 xy 2
→
C ⊗C ⊗C ⊗C ⊗C
7→
0
7→
y⊗y⊗x⊗y⊗y
7→
0
7→
x3 y ⊗ y ⊗ x ⊗ y ⊗ y
7→
x3 y ⊗ x ⊗ y ⊗ x ⊗ y
7→
0
7→
xyxyxy ⊗ y ⊗ x ⊗ y ⊗ y
7→ x3 yxyxy ⊗ y ⊗ x ⊗ y ⊗ y − x3 y ⊗ x ⊗ y ⊗ x ⊗ y 2 xy 2
7→
xyxyxyxy ⊗ y ⊗ x ⊗ y ⊗ y
∆6
:
C
x, y
xyxyxy
x3 y, x2 yxy 2
x3 y 2 xy 2
x3 yxyxy
xyxyxyxy
xyxyxy 2 xy 2
x3 yxyxy 2 xy 2
xyxyxyxy 2 xy 2
→ C ⊗C ⊗C ⊗C ⊗C ⊗C
7→
0
7→
x⊗y⊗x⊗y⊗x⊗y
7→
0
7→
0
7→
0
7→
0
7→ x ⊗ y ⊗ x ⊗ y ⊗ x ⊗ y 2 xy 2
7→
0
7→
0
∆n≥7
:
∀
C
u
→ C ⊗n≥7
7
→
0
47
Références :
[Bardz] Michael J. Bardzell, The alternating syzygy behavior of monomial algebras,
J. Algebra 188 (1997), no. 1, 69-89.
[Ber] Roland Berger, La catégorie des modules gradués sur une algèbre graduée
(nouvelle version du chapitre 5 d’un cours de Master 2 à Lyon 1), disponible
à l’adresse webperso.univ-st-etienne.fr/~rberger/M2ch5.ps.
[He13] Estanislao Herscovich, On the multi-Koszul property for connected algebras, Documenta Mathematica 18 (2013), 1301-1347.
[He15] Estanislao Herscovich, Hochschild (co)homology and Koszul duality, (2015),
disponible à l’adresse http://arxiv.org/pdf/1405.2247v2.pdf.
[Kel01] Bernhard Keller, Introduction to A-infinity algebras and modules, (2001),
disponible à l’adresse https://arxiv.org/pdf/math/9910179v2.pdf.
[KLH] Kenji Lefèvre-Hasegawa, Sur les A∞ -catégories, thèse de doctorat, (2003),
disponible à l’adresse https://webusers.imj-prg.fr/~bernhard.keller/
lefevre/TheseFinale/tel-00007761.pdf.
[PolPos] Alexander Polishchuk et Leonid Positselski, Quadratic Algebras, University Lecture Series, vol. 37, American Mathematical Society, Providence,
RI, 2005.
[P] Alain Prouté, A∞ -structures. Modèles minimaux de Baues-Lemaire et
Kadeishvili et homologie des fibrations, thèse de doctorat, (1986), disponible
à l’adresse http://www.logique.jussieu.fr/~alp/these_A_Proute-TAC.
pdf.
[Skol] Emil Sköldberg, A contracting homotopy for Bardzell’s resolution, Math.
Proc. Royal Irish Academy 108 (2008), no. 2, 111-117.
[Wei] Charles A. Weibel, An introduction to Homological Algebra, Cambridges
Studies in Advanced Mathematics, vol. 38, Cambridge University Press,
Cambridge,1994.
48
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