PANIQUE A DROITE… Auteur : Etienne PUYMIRAT, Cardiologie, HEGP Spécialité : cardiologie Sous-spécialité : interventionnel Présentation Un homme de 52 ans ayant pour antécédent un infarctus du myocarde inférieur (2001) et latéral (2004) traités par angioplasties, est hospitalisé pour récidive d’angor. La coronarographie réalisée retrouve des lésions significatives, non calcifiées, du premier segment de la coronaire droite et de l’artère circonflexe proximale [Figure 1]. L’IRM cardiaque (réalisée compte tenu de ses antécédents) retrouve une viabilité des territoires concernés. Une double angioplastie est donc décidée. Figure 1 : La coronarographie retrouve des lésions significatives, non calcifiées, du premier segment de la coronaire droite et de l’artère circonflexe proximale. L’angioplastie de la circonflexe proximale (avec implantation d’un stent nu) est réalisée en premier avec succès [Figure 2]. Figure 2 : L’angioplastie de la circonflexe proximale (avec implantation d’un stent nu) est réalisée avec succès. Pour aborder la lésion de la coronaire droite, une sonde classique d’angioplastie est choisie [6-French Judkins 4 right (JR) guiding catheter (SCIMED, Minnesota, USA)]. Il est alors difficile de cathétériser l’ostium de la coronaire droite. Une fois le guiding en place un guide standard d’angioplastie est utilisé [0.014 BMW wire (Guidant, Menlo Park, CA)] mais celui-ci a malheureusement pris immédiatement un faux chenal. L’angiographie a alors montré une dissection de l’ostium de la coronaire droite et le patient a signalé l’apparition de douleurs thoraciques. La dissection coronaire s’est ensuite étendue en antérograde et en rétrograde (dans le sinus de Valsalva). Après plusieurs tentatives infructueuses de positionner un 2ème guide pour réaliser l’angioplastie il est décidé d’arrêter la procédure [Figure 3]. Figure 3 : Après l’échec de plusieurs tentatives de mettre un deuxième guide pour réaliser l’angioplastie, la procédure est arrêtée.. L’échocardiographie réalisée immédiatement (en salle de coronarographie) n’a pas retrouvé d’épanchement péricardique et un scanner de l’aorte thoracique a mis en évidence une dissection [Figure 4] Figure 4 : Un scanner de l’aorte thoracique met en évidence une dissection. Le patient a ensuite été transféré en soins intensifs de cardiologie pour surveillance. Devant la stabilité hémodynamique un traitement conservateur avec surveillance régulière par échocardiographie est envisagé. Le scanner thoracique de contrôle réalisé juste avant la sortie ne retrouve pas les images de dissection [Figure 5]. L’évolution a ensuite été favorable. Figure 5 : Le scanner thoracique de contrôle n’a pas retrouvé les images de dissection. Ce qu’il faut savoir La dissection aortique est une complication rare pouvant survenir au cours d’une coronarographie ou d’une angioplastie. La plupart des cas décrits surviennent lors d’une procédure sur la coronaire droite (80% des cas); beaucoup plus rarement sur réseau gauche. Il s’agit d’une complication potentiellement grave pouvant résulter soit directement d’un traumatisme sur l’ostium d’une coronaire (ou sur l’aorte) soit indirectement à partir d’une extension rétrograde d’une dissection d’une coronaire. Dans notre cas, nous pensons que la dissection a été provoquée par une manipulation un peu trop brutal du cathéter guide (plus que par le guide d’angioplastie lui-même au niveau de l’intima). L’extension antérogarde et rétrogarde de la dissection a ensuite été favorisé par les injections de produit de contraste. Le choix de notre cathéter guide est par ailleurs critiquable. En revoyant l’angiographie, la naissance de la coronaire droite laisse suggérer qu’un cathéter guide de type Amplatz Right-1 (AR) or Internal mammary (IM) auraient probablement été plus approprié. Peu de cas de dissection aortocoronarienne ont été rapportés. Dans la majorité des cas il n’y a pas d’extension de la dissection et une surveillance médicale (sans stenting, ni chirurgie) peut suffire. Un stenting au niveau de la porte d’entrée de la dissection peut aussi être proposé en cas de dissection peu étendue. Une analyse récente des cas de dissection aortique iatrogène survenue en cours de procédure rapporte que le stenting immédiat de l’ostium (au niveau de la dissection) est très efficace et devrait être réalisé à chaque fois que cela est possible. Enfin, quelques cas de patients instables (en raison de l'extension de la dissection aortique dans l'aorte descendante et / ou de régurgitation aortique sévère) traités chirurgicalement sont décrits. Le taux de mortalité est alors très élevé (plus de 90%). Pour ces patients, l’utilisation d’un ballon de contre pulsion intra aortique (BCPIA) pourrait aider à stabiliser l’état hémodynamique avant la chirurgie. Le pronostic reste cependant catastrophique. En conclusion La prise en charge des dissections aortocoronariennes au cours des procédures d’angiographie ou d’angioplastie n’est pas à ce jour clairement établie. Les options thérapeutiques sont avant tout dictées par l’état hémodynamique du patient, l’origine et l’étendue de la dissection et la capacité de restaurer la circulation coronaire native. Dans tous les cas le patient doit être surveillé en soins intensifs avec des contrôles échocardiographiques et scannographiques répétés. Si le point d’entrée de la dissection est situé dans l’artère coronaire un stenting peut être réalisé. L’intervention chirurgicale est à réserver aux patients instables en dernier recours. Le pronostic est alors le plus souvent catastrophique. Enfin, le choix du cathéter guide et la manipulation douce du matériel est essentielle pour éviter ce type de complication.