C A S C L I N I Q U E Dissection coronaire spontanée responsable d’une nécrose myocardique au décours d’une rixe ● Dr J. Mouallem et coll. L‘ athérosclérose est la cause la plus fréquente d’insuffisance coronaire. Cependant, celle-ci peut avoir de nombreuses autres causes, dont certaines sont rares, telle la dissection coronaire spontanée (DCS), décrite pour la première fois par Pretty en 1931 et dont une centaine de cas ont été rapportés depuis dans la littérature. Un homme de 43 ans, sans antécédent notable, ayant comme seul facteur de risque cardiovasculaire un tabagisme modéré, a été hospitalisé en urgence, à la suite d’une rixe, pour plusieurs plaies par arme blanche, touchant en particulier la région basithoracique gauche. Peu de temps après son admission, il a présenté une douleur thoracique rétrosternale constrictive prolongée, irradiant dans le bras gauche. ter tout rapport anatomique direct entre la plaie, qui s’est révélée peu profonde, et la lésion cardiaque. Une coronarographie réalisée en urgence (contre-indication à la thrombolyse) a mis en évidence un réseau coronaire gauche tout à fait normal, mais une coronaire droite occluse avec un aspect en “queue de radis” évoquant une dissection. Une tentative de désobstruction s’est soldée par un échec (figures 1 et 2). Après la phase initiale marquée par trois épisodes de fibrillation ventriculaire, l’évolution secondaire était favorable et le patient a repris ses activités antérieures. Une scintigraphie myocardique au thallium retrouvait une cicatrice d’infarctus inférieur sans ischémie résiduelle. L’examen clinique restait pauvre, mais l’électrocardiogramme rattachait cette douleur à une nécrose myocardique en voie de constitution dans le territoire inférieur. L’examen échocardiographique ayant permis d’éliminer un épanchement péricardique (traumatisme), l’exploration chirurgicale de la plaie, complétée d’une imagerie par résonance magnétique, a, elle, permis d’écar- L’intérêt de cette observation est de rappeler que la dissection coronaire spontanée est une cause possible d’insuffisance coronaire aiguë. Les signes cliniques sont tout à fait similaires à ceux de l’insuffisance coronaire par athérosclérose, prenant souvent l’aspect d’une insuffisance coronaire aiguë avec constitution d’une nécrose dans la majorité des cas (1). Cependant la population concernée se caractérise par : Figure 1. Figure 2. La Lettre du Cardiologue - n° 303 - novembre 1998 15 C A S C L I N I Q U E – le jeune âge des sujets : 70 % des patients ont entre 30 et 55 ans ; – une prédominance féminine marquée (58 %) : le post-partum est une période favorisante du fait de la modification du statut hormonal et d’une augmentation des estrogènes. Le pic de fréquence se situe dans le premier mois qui suit l’accouchement (33 % des femmes atteintes) (2) ; – l’absence ou la modestie des facteurs de risque cardiovasculaires (il existe un petit tabagisme dans notre observation). Le diagnostic a longtemps été établi par l’autopsie. Il est actuellement assuré par la coronarographie. Les autres examens paracliniques ne sont d’aucune aide, car leurs résultats ne diffèrent en rien de ceux obtenus dans la pathologie coronarienne aiguë habituelle. Seule l’échographie transœsophagienne pourrait mettre en évidence une dissection coronaire proximale (tout au moins sur le tronc commun coronaire gauche). L’aspect angiographique le plus caractéristique est un voile intimal formant un liseré radiotransparent séparant deux chenaux. L’origine de cette affection est une fragilisation acquise ou congénitale de la média, favorisant la constitution d’un hématome disséquant la paroi artérielle (3, 4). Les causes congénitales sont essentiellement les maladies du tissu élastique (maladie de Marfan) et les artérites inflammatoires. Les causes acquises sont surtout l’imprégnation estrogénique, notamment au cours du post-partum, et la rupture d’une plaque d’athérome coronarien, qui pourrait créer une rupture intimale entraînant une dissection de la paroi. La majorité des auteurs pensent que ces modifications de la paroi artérielle ne suffisent pas à elles seules à expliquer la survenue de la dissection coronaire. Un facteur déclenchant paraît indispensable, qui pourrait être d’origine inflammatoire, infectieuse ou traumatique, comme dans notre observation. Le stress et les phénomènes spastiques sont également des facteurs favorisants. Malgré un tableau clinique souvent grave à la phase aiguë (absence de circulation collatérale), l’évolution ultérieure semble favorable avec stabilisation ou régression des images angiographiques (5). Drs J. Mouallem*, A. Marrilliet*, B. Kuijsters**, Ph. Escudier*, Ph. Thilleul*, M. Martelet* * Service de cardiologie, ** Service des urgences, Centre Hospitalier, 10, rue de la Charité, 52200 Langres Remerciements à l’équipe du CHU de Dijon pour l’iconographie. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Mark D.B., Kong Y., Whalen R.E. Variant angina and spontaneous coronary artery dissection. Am J Cardiol 1985 ; 56 : 485-6. 2. Shaver P.J., Carrig T.F., Baker W.P. Postpartum coronary artery dissection. Br Heart J 1978 ; 40 : 83. 3. Bonnet J., Aumailley M., Thomas D., Grosgogeat Y., Broustet J.P., Bricaud H. Spontaneous coronary artery dissection : case report and evidence for a defect in collagen metabolism. Eur Heart J 1986 ; 7 : 904-9. 4. Cohen M., Cottin Y., Morelon P., André F., Brenot R., Wolf J.E., Louis P. Dissection coronaire spontanée. A propos de deux cas. Ann Cardiol Angeiol 1993 ; 42 (5) : 277-80. 5. Vicari R., Eybel C., Monson D. Survival following spontaneous coronary artery dissection : surgical repair by extrusion of intramural hematoma. Am Heart J 1986 ; 111 : 593-4. Annonceurs BAYER PHARMA (Staltor), p. 19 . BYK FRANCE SA (Eupressyl), p. 5 ; HOECHST HOUDÉ (Corvasal), p. 32 ; PRODUITS ROCHE SA (Rapilysin), p. 11 ; 16 RIOM (Unicordium), p. 31 ; SERVIER (Hyperium et Vastarel), p. 6 et p. 20 ; TAKEDA (Kenzen), p. 2. La Lettre du Cardiologue - n° 303 - novembre 1998