Problème 1 : matrices d`ordre fini

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Université de Poitiers
M1 MEEF
Année 2015-2016
Composition d’algèbre
Mardi 9 mars 2016 à 8h30 – durée : cinq heure
Sujet proposé par Anne Moreau
Sources : deuxième composition de l’épreuve écrite du CAPES externe de Mathématiques, session 2014, et
deuxième composition de l’épreuve écrite du CAPES externe de Mathématiques, session 2010.
L’usage de documents, calculatrices ou matériels électroniques est interdit au cours de l’épreuve.
Les deux problèmes sont entièrement indépendants.
Problème 1 : matrices d’ordre fini
Notations et définitions
Dans tout le problème, n désigne un entier naturel supérieur ou égal à 1. On désigne par Mn (C)
(respectivement Mn (R), Mn (Z)) l’ensemble des matrices carrées à n lignes et n colonnes dont
les coefficients appartiennent à C (respectivement à R, à Z).
La matrice identité de taille n est notée In .
Soit A ∈ Mn (C). L’ensemble des valeurs propres de A est appelé spectre de A. On le note Sp(A).
On dit que A est d’ordre fini s’il existe k ∈ N∗ tel que Ak = In . Si A est d’ordre fini, le plus
petit entier strictement positif k tel que Ak = In est appelé l’ordre de A. Il est note o(A).
Partie A : préliminaires
1. Cette question consiste en des rappels de théorèmes du cours.
(a) Soit A ∈ Mn (R). On suppose qu’il existe P ∈ R[X], P 6= 0, tel que P (A) = 0.
i. Donner une condition suffisante sur P pour que A soit trigonalisable dans Mn (R).
ii. Donner une condition suffisante sur P pour que A soit diagonalisable dans Mn (R).
(b) Soit A ∈ Mn (C). On suppose qu’il existe P ∈ R[X], P 6= 0, tel que P (A) = 0. Que
deviennent les conditions précédentes lorsque l’on s’intéresse à la trigonalisation ou à
la diagonalisation de A dans Mn (C) ?
2. Soit B ∈ Mn (C) d’ordre fini. On pose b = o(B).
(a) Démontrer que B est inversible.
(b) Soit k ∈ Z. Démontrer que B k = In si et seulement si b divise k.
(Indication : on pourra écrire la division euclidienne de k par b.)
1
(c) Démontrer que les valeurs propres de B sont des racines b-ièmes de l’unité.
(d) Démontrer que B est diagonalisable dans Mn (C).
3. Soit C ∈ Mn (C). Ses valeurs propres sont notées λ1 , . . . , λn .
On suppose que C est diagonalisable et que pour tout entier i tel que 1 6 i 6 n, λi est
une ni -ième racine de l’unité pour un certain entier ni .
Pour tout entier i tel que 1 6 i 6 n, on note ki le plus petit entier strictement positif tel
que λki i = 1.
(a) Démontrer que C est d’ordre fini et que son ordre divise le PPCM de k1 , . . . , kn .
(b) Démontrer que o(C) est le PPCM de k1 , . . . , kn .
Partie B : matrices d’ordre fini à coefficients réels
Dans cette partie, on considère une matrice A ∈ M3 (R) d’ordre fini. Le but est de démontrer
que cette matrice est diagonalisable dans M3 (C) et de déterminer le spectre de A dans C.
1. Démontrer que si toutes les valeurs propres de A dans C sont réelles, alors Sp(A) ⊆ {−1, 1}.
2. On suppose que 1 est la seule valeur propre de A dans C.
(a) Justifier qu’il existe P ∈ M3 (R), inversible, et a, b, c éléments de R tels que


1 a b


−1
P AP = 0 1 c  .
0 0 1
(b) On pose B = P −1 AP . Démontrer que B est d’ordre fini.
(c) Démontrer par récurrence que pour tout k ∈ N :

1 ka

B k = 0 1
0 0
k(k−1)
ac
2

+ kb

.
kc
1
(d) En déduire que A = I3 .
3. Énoncer sans démonstration un résultat semblable lorsque −1 est la seule valeur propre
de A dans C.
4. On suppose que −1 est valeur propre simple de A et que 1 est valeur propre double de A.
(a) Justifier qu’il existe Q ∈ M3 (R), inversible, et a, b, c éléments de R tels que :


−1 a b


Q−1 AQ =  0 1 c  .
0 0 1
(b) On pose C = Q−1 AQ.
2
Démontrer qu’il existe trois suites de nombres réels (αk )k∈N , (βk )k∈N et (γk )k∈N telles
que pour tout entier naturel k :
(−1)k αk βk


Ck =  0
1 γk  .
0
0 1


On définira ces suites à l’aide de relations de récurrence.
(c) Donner une expression de γk pour tout k > 0.
(d) En déduire que c = 0.
(e) En déduire que C et A sont diagonalisables dans M3 (C).
5. Énoncer sans démonstration un résultat lorsque −1 est valeur propre double de A et 1 est
valeur propre simple de A.
6. On suppose que A admet dans C au moins une valeur propre non réelle.
(a) Démontrer qu’il existe θ ∈ 2πQ \ πZ tel que Sp(A) = {eiθ , e−iθ , 1} ou {eiθ , e−iθ , −1}.
(Indication : on pourra considérer le polynôme caractéristique de A.)
(b) Démontrer que A est diagonalisable dans M3 (C).
7. Soit A ∈ M3 (R). Démontrer que A est d’ordre fini si et seulement si A est diagonalisable
dans M3 (C) et il existe θ ∈ 2πQ tel que Sp(A) = {eiθ , e−iθ , 1} ou {eiθ , e−iθ , −1}.
Partie C : matrices d’ordre fini à coefficients entiers
Soit A ∈ M3 (Z) d’ordre fini. D’après la partie B, son spectre dans C est de la forme Sp(A) =
{eiθ , e−iθ , 1} ou {eiθ , e−iθ , −1}, où θ ∈ 2πQ.
1. Démontrer que 2 cos θ ∈ Z.
(Indication : on pourra considérer la trace de A.)
2. Donner les valeurs possibles pour θ.
3. Donner les différents spectres dans C possibles pour A puis démontrer que o(A) ∈ {1, 2, 3, 4, 6}.
4. On cherche maintenant à construire des matrices de M3 (Z) de chaque ordre.
(a) Donner des matrices de M3 (Z) d’ordre 1 et 2.
(b)
i. Soit (a, b, c) ∈ C3 . Calculer le polynôme caractéristique de :


0 0 −a


1 0 −b  .
0 1 −c
ii. Construire une matrice de M3 (Z) dont les valeurs propres sont 1, e
Démonter que cette matrice est d’ordre 3.
iii. Construire des matrices de M3 (Z) d’ordre 4 et d’ordre 6.
3
2iπ
3
et e−
2iπ
3
.
Problème 2 : séries génératrices et suites
Dans tout le problème, K désigne R ou C. L’ensemble des suites d’éléments de K est noté
KN . Une suite (an )n∈N d’éléments de K sera notée plus simplement (an ). On note (0) la suite
constante dont tous les termes sont nuls et on rappelle que deux suites (an ) et (bn ) sont égales
si et seulement si pour tout entier k ∈ N on a ak = bk .
• Soient (an ) et (bn ) deux éléments de KN . On définit leur somme (an ) + (bn ), leur produit
(an ) × (bn ) et le produit d’une suite (an ) par un élément λ ∈ K respectivement par :
(an ) + (bn ) = (an + bn ),
(an ) × (bn ) = (cn ) où, pour tout entier n ∈ N : cn =
n
X
ak bn−k ,
k=0
λ · (an ) = (λan ).
• On admet que (KN , +) est un groupe commutatif d’élément nul (0).
• Pour tout p ∈ N, on notera X p la suite (xn ) ∈ KN définie par :
(
xp = 1
xn = 0 si n 6= p.
On écrira aussi X 0 et X 1 respectivement pour 1 et X.
• Pour tout (k, n) ∈ N2 tel que 0 6 k 6 n, le coefficient binomial
n
k
!
est égal à
n!
.
k!(n − k)!
NB : les notions d’«anneau», d’«anneau commutatif», d’«anneau intègre» et de «K-espace vectoriel» sont rappelées en annexe à la fin du sujet.
Partie A : série génératrice d’une suite (an )
1. Propriétés algébriques
(a) Montrer que (KN , +, ×) est un anneau commutatif dont on précisera l’élément neutre.
(b) Montrer que l’anneau (KN , +, ×) est intègre.
(Indication : si (an ) est un élément non nul de KN , on pourra considérer le plus petit
entier k tel que ak 6= 0.)
(c) Montrer qu’un élément (an ) de KN est inversible dans KN si et seulement si a0 6= 0.
(d) Montrer que (KN , +, ·) est un K-espace vectoriel.
Les résultats précédents montrent que toute suite (an ) ∈ KN peut s’écrire formellement
P
P
P
sous la forme n>0 an X n . Lorsqu’on note A(X) = n>0 an X n , ou A = n>0 an X n , alors
A(X) ou A sera appelée série génératrice de la suite (an ). On remarque que par
définition du produit des suites on a
X p × X q = X p+q
pour tout
4
(p, q) ∈ N2 .
D’autre part, si A est une série génératrice, pour tout entier k > 2, Ak désigne le produit
A
× ·{z
· · × A}.
|
k facteurs
On remarquera aussi que s’il existe un entier p tel que ap 6= 0 et tel que pour tout entier
n > p on a an = 0 alors la série génératrice de la suite (an ) n’est autre qu’un polynôme de
P
degré p qu’on notera pn=0 an X n .
P
D’après la question A.1(c) ci-dessus, la série génératrice n>0 an X n est inversible si et
seulement ment si a0 6= 0. Dans toute la suite, si la série génératrice A(X) est inversible,
1
on écrira son inverse sous la forme
. Plus généralement, si la série génératrice A(X)
A(X)
1
est inversible et si B(X) est une série génératrice quelconque, le produit B(X) ×
A(X)
B(X)
sera noté
. Si de plus B(X) et A(X) sont des séries génératrices sous la forme de
A(X)
B(X)
polynômes alors
peut être assimilée à une fraction rationnelle sur K et on admet que
A(X)
B(X)
les techniques de décomposition en éléments simples sur K restent valables pour
.
A(X)
2. Éléments inversibles
(a) Montrer que la série génératrice inversible n>0 X n a pour inverse 1 − X, c’est-à-dire
que :
X
1
X n.
=
1−X
n>0
P
(b) Soit a ∈ K \ {0}. Montrer que :
X
1
an X n .
=
1 − aX
n>0
(c) Soit a ∈ K \ {0}, b ∈ K \ {0} avec a 6= b. Montrer que :
1
=
(1 − aX) × (1 − bX)
a
a−b
1
+
1 − aX
b
b−a
1
.
1 − bX
3. L’opérateur de dérivation
L’opérateur de dérivation, D : KN → KN est défini par :
D: A =
X
an X n 7→ D(A) =
n>0
X
nan X n−1 =
n>1
X
(n + 1)an+1 X n .
n>0
(a) Montrer que D est en endomorphisme du K-espace vectoriel KN .
(b) Soient A et B deux séries génératrices. Montrer que :
i. D(A × B) = D(A) × B + A × D(B).
ii. Si B est inversible,
A
D
B
=
D(A) × B − A × D(B)
.
B2
(Indication : on pourra remarquer que D(A) = D(B ×
1
En particulier, on a : D
B
=−
5
D(B)
.
B2
A
) et utiliser (i).)
B
4. Quelques exemples
Montrer que la suite (an )n∈N dont la série génératrice est :
A(X) =
1
(1 − X)2
est définie pour tout entier n par an = n + 1.
Plus généralement, pour tout p ∈ N∗ , la suite (ap,n )n∈N dont la série génératrice est
Ap (X) =
1
(1 − X)p
est définie pour tout entier n par :
!
n+p−1
.
n
ap,n =
Nous admettrons ce résultat.
Partie B : séries génératrices et suites récurrentes
1. On considère la suite (an )n∈N définie par :
(
a0 = 0
.
∀ n ∈ N, an+1 = 2an + n.
On se propose de déterminer la formule explicite de an en fonction de n. On note A(X) la
série génératrice de la suite (an )n∈N .
(a) Montrer que :
A(X) = 2X × A(X) + X 2 ×
X
(n + 1)X n .
n>0
(Indication : observer que A(X) =
P
n>0 an X
n
=
P
n>0 an+1 X
n+1 .)
(b) Déterminer la décomposition en éléments simples sur K de la fraction rationnelle
X2
.
(1 − X)2 × (1 − 2X)
(c) En déduire l’expression de an en fonction de n.
2. On considère la suite de Fibonacci (Fn )n∈N définie par :


 F0 = 0


F1 = 1
∀ n ∈ N, Fn+2 = Fn+1 + Fn .
et on note F (X) la série génératrice de la suite (Fn )n∈N .
X
(a) Montrer que F (X) =
.
1 − X − X2
(Indication : on pourra commencer par établir que F (X) = X + (X + X 2 )F (X).)
6
(b) En déduire que
1
F (X) = √
5
où
√
1+ 5
α1 =
2
1
1
−
1 − α1 X
1 − α2 X
√
1− 5
α2 =
.
2
et
(c) En déduire l’expression de Fn en fonction de n.
3. Suites récurrentes linéaires d’ordre k (k > 1)
Soit (a1 , . . . , ak ) ∈ Ck , avec ak 6= 0. On considère l’ensemble U des suites complexes (un )
définies par la donnée de (u0 , . . . , uk−1 ) ∈ Ck et par la relation de récurrence :
∀ n > k,
un = a1 un−1 + a2 un−2 + · · · + ak un−k .
(On utilisera, sans le démontrer, le fait que (U , +, ·) est un C-espace vectoriel.)
Soit (un ) ∈ U . On note S la série génératrice de (un ), et (E) l’équation caractéristique de
(un ) :
z k = a1 z k−1 + a2 z k−2 + · · · + ak
(E).
(a) Montrer que φ : (un ) ∈ U 7→ (u0 , u1 , . . . , uk−1 ) est un isomorphisme de U dans Ck .
En déduire la dimension de U .
(b) On pose Q(X) = 1 − a1 X − · · · − ak X k et P (X) = Q(X) × S(X). Montrer que P (X)
est un polynôme de degré au plus k − 1, à coefficients dans C.
(c) On note z1 , . . . , zp les racines dans C de l’équation (E) et α1 , . . . , αp les ordres de
multiplicité respectifs de z1 , . . . , zp .
Montrer qu’il existe des nombres complexes bi,j , 1 6 i 6 p, 1 6 j 6 αi , tels que :
p


α
i
P (X) X X
bi,j
.
=
Q(X) i=1 j=1 (X − z1 )j
i
(d) Montrer alors qu’il existe des polynômes R1 , . . . , Rp tels que pour tout n
un =
p
X
Ri (n)zin
où
∀ i,
deg(Ri ) < αi .
i=1
(e) On note V l’ensemble des suites (vn ) dont le terme général s’écrit vn =
p
X
Pi (n)zin
i=1
où pour tout i ∈ {1, 2, . . . , p}, Pi est un polynôme tel que deg(Pi ) < αi .
Démontrer que (V , +, ·) est un C-espace vectoriel dont la dimension vérifie l’inégalité
dim V 6 k. En déduire que V = U .
• • • Fin du sujet • • •
7
Annexe : quelques définitions de structures
Soit A un ensemble muni de deux loi de composition interne notées + et ×.
• On dit que A est un anneau si
— (A, +) est un groupe commutatif,
— × est associative,
— × est distributive sur +,
— A admet un neutre, noté 1 ou 1A , pour ×.
• On dit que A est un anneau commutatif si A est un anneau et si × est commutative.
• On dit que A est un anneau intègre si A est un anneau commutatif non nul (i.e., A 6= {0}
où 0 est le neutre pour la loi +) et A n’admet aucun diviseur de zéro, i.e.,
∀ a, b ∈ A,
(a × b = 0) ⇒ (a = 0 ou b = 0).
• Supposons de plus que A est muni d’une loi externe, notée ·,
K×A → A
(λ, x) 7→ λ · x.
On dit que (A, +, ·) est un K-espace vectoriel si
— (A, +) est un groupe commutatif,
— 1) ∀(λ, µ) ∈ K2 , ∀x ∈ E, (λ + µ) · x = λ · x + µ · x,
2) ∀λ ∈ K, ∀(x, y) ∈ E 2 , λ · (x + y) = λ · x + λ · y,
3) ∀(λ, µ) ∈ K2 , ∀x ∈ E, λ · (µ · x) = (λµ) · x,
4) ∀x ∈ E, 1 · x = x.
8
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