Optique Les capes d’invisibilité et l’optique transformationnelle
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Maxwell proprement dites et d’autre part les équations,
dites relations constitutives, caractérisant le milieu matériel.
Les premières sont purement topologiques, c’est-à-dire
indépendantes du milieu matériel et de toute considéra-
tion métrique, autrement dit de toute notion de distance
et d’angle. Les secondes, quant à elles, codent entièrement
les propriétés du milieu ainsi que les propriétés métriques.
La conséquence immédiate est que si on déforme l’es-
pace de façon continue, les équations de Maxwell restent
inchangées alors que les équations constitutives prennent
en charge entièrement la déformation. La dernière étape
conceptuelle consiste à considérer que toute déformation
de l’espace peut-être incorporée dans des propriétés phy-
siques équivalentes du milieu (permittivité diélectrique,
perméabilité magnétique et donc indice de réfraction). Tel
est le principe de base de l’optique de transformation : à
partir d’un milieu initial, par exemple l’espace libre, on
considère une déformation de l’espace qui peut transfor-
mer le trajet initial de la lumière pour le faire correspondre
au trajet désiré et cette transformation conduit, par des for-
mules simples, aux relations constitutives nécessaires à la
réalisation de la fonction optique que l’on souhaite.
Encadré 1 Géométrie différentielle et équations de Maxwell
Parler du champ électrique en un point n’a pas de sens
physique ! Cette grandeur est inaccessible car les capteurs
qui servent aux mesures ont toujours une extension finie.
Les seules grandeurs mesurables sont donc des grandeurs
globales qui sont des valeurs scalaires associées à des objets
géométriques finis, c’est-à-dire non ponctuels, même s’ils
peuvent être très petits. Dans le cas du champ électrique E,
cet objet géométrique est une courbe g qui symbolise par
exemple un fil conducteur utilisé pour mesurer la force élec-
tromotrice (f.é.m.) U exprimée en volts. Cette f.é.m. U est
l’intégrale curviligne de E le long de g, ce que nous notons
U = < E, g >. Le champ électrique est donc par nature l’in-
tégrande d’une intégrale curviligne, ce que l’on appelle
une 1-forme différentielle. Une autre grandeur globale, le
flux magnétique Φ, est l’intégrale de flux de l’induction B
à travers une surface Σ, ce que nous notons Φ = < B, Σ >.
L’induction magnétique est donc par nature l’intégrande
d’une intégrale de flux, ce que l’on appelle une 2-forme diffé-
rentielle. Si l’on considère ∂Σ, la courbe qui borde Σ (prendre
le bord ∂Σ d’une surface est une opération topologique), la
loi de Faraday (qui est une des équations de Maxwell) s’écrit
< E, ∂Σ > = –∂t < B, Σ >. Citons encore comme grandeur
globale la charge électrique Q, exprimée en coulombs, qui
est l’intégrale sur un volumeV de la densité volumique de
charge r, une 3-forme différentielle.
Les grandeurs globales U, Φ, Q… sont construites de
manière à être indépendantes du système de coordonnées
et donc insensibles aux déformations de l’espace : la loi de
transformation du champ physique, la forme différentielle,
compense la loi de transformation du capteur, le domaine
géométrique d’intégration, de manière à ce que l’intégrale
soit invariante. On peut ainsi montrer que les équations (aux
dérivées partielles) de Maxwell qui expriment, indépendam-
ment des milieux matériels sous-jacents, des relations entre
grandeurs globales à l’aide de formes différentielles sont
insensibles aux déformations de l’espace.
Si l’on considère maintenant les relations constitutives
qui décrivent les milieux comme par exemple la relation
diélectrique du vide D = εoE, on remarque que cette der-
nière relie de façon algébrique le déplacement électrique D
(exprimé en coulombs/m2, une 2-forme dont la dimension
est celle d’une grandeur globale, la charge électrique, divisée
par une aire) et le champ électrique E (exprimé en volts/m,
une 1-forme dont la dimension est celle d’une grandeur
globale, la f.é.m., divisée par une longueur). Ne pouvant être
indépendante de l’unité de longueur, cette relation contient
donc par nature une information géométrique : c’est la notion
de métrique qui permet de calculer les distances et les angles.
En géométrie différentielle, la métrique est encodée dans un
opérateur algébrique – appelé opérateur de Hodge – qui éta-
blit une relation linéaire entre les 1-formes (par exemple E)
et les 2-formes (par exemple D).
Nous pouvons donc maintenant remarquer que les pro-
priétés matérielles et les déformations de l’espace (décrites
par une transformation de coordonnées) sont encodées
ensemble grâce à cet opérateur métrique qui n’intervient
pas dans les équations de Maxwell mais qui est indispen-
sable pour exprimer toute relation constitutive donnant les
propriétés électromagnétiques d’un milieu. Ainsi, une défor-
mation de l’espace peut être traduite sous forme de relations
constitutives de milieux équivalents !
Étant donné des coordonnées cartésiennes x, on peut
décrire localement une déformation de l’espace en introdui-
sant des coordonnées x’, a priori arbitraires, et en mettant
ces coordonnées en correspondance par l’expression de x
en fonction de x’ soit x(x’ ). Si un système électromagnétique
est décrit dans les coordonnées x par sa permittivité diélec-
trique
et sa perméabilité magnétique
(qui sont des
champs de tenseurs, les milieux pouvant être anisotropes), le
système équivalent en coordonnées x’ est décrit par les pro-
priétés matérielles équivalentes :
′′ ′′
′′
−−
εε
µ
()=()(())()(()),
()=
1
xxxx
x
JJJ
Tdet
JJJJ
−−
′′
1()(( )) () (( )).xxxx x
µ
Tdet (1)
où J=(
∂∂
′
est la matrice jacobienne de la transforma-
tion et J–T la transposée de son inverse J–1. Ici, « équivalent »
signifie que la solution de ce nouveau problème (la résolu-
tion des équations de Maxwell comme si on était toujours
en coordonnées cartésiennes mais avec les propriétés maté-
rielles équivalentes) permet de retrouver les champs électro-
magnétiques qui sont les solutions du problème initial et,
surtout, signifie que les grandeurs globales sont conservées. Par
exemple, la f.é.m. U = < E, g > conserve la même valeur si on
l’évalue dans le système équivalent avec le champ électrique
correspondant E’ et l’image g’ de la courbe par la déforma-
tion de l’espace.