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Les nombres parfaits
Frédéric Élie, septembre 2010
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supérieures, est INTERDITE. Seuls sont autorisés les extraits, pour exemple ou illustration, à la seule condition de mentionner
clairement l’auteur et la référence de l’article.
En arithmétique (théorie des nombres) l’étude des nombres parfaits ne présente pas
qu’un intérêt anecdotique. Elle offre l’occasion d’exploiter les propriétés sur les
diviseurs d’un nombre, les systèmes de numération (si importants par exemple en
informatique, cryptographie et codage des données), l’arithmétique modulaire (relations
de congruence et classes d’équivalence), etc. Malgré l’ancienneté de la découverte des
nombres parfaits (Euclide) des problèmes restent encore ouverts, notamment celui de
l’existence des nombres parfaits impairs (seuls sont connus aujourd’hui les nombres
parfaits pairs). Le présent article propose une présentation non exhaustive des nombres
parfaits ainsi que des autres objets de l’arithmétique auxquels ils sont liés (nombres de
Kaprekar, nombres de Mersenne, nombres à moyenne harmonique entière, etc.).
sommaire :
· invitation à l’infini
· définition des nombres parfaits
- Définition d’un nombre parfait
- Propriété fondamentale des nombres parfaits pairs (Euclide, Euler)
· les nombres parfaits pairs en tant que nombres de kaprekar
©Frédéric Élie, septembre 2010 - http://fred.elie.free.fr - page 1/25
· les nombres parfaits pairs en tant que nombres à moyenne harmonique entière
· les nombres parfaits impairs existent-ils ?
· ANNEXE 1 : Notions de nombres premiers et décomposition d’un entier en facteurs
premiers
· ANNEXE 2 : Somme des n premiers nombres entiers
· ANNEXE 3 : Démonstration de (4) : D(qr) = D(q)D(r)
· ANNEXE 4 : Somme des diviseurs de k m
où k est un nombre premier
· ANNEXE 5 : Nombres de Mersenne
· ANNEXE 6 : Théorème de Gauss
· ANNEXE 7 : Théorème de Bézout (ou de Bachet-Bézout)
· BIBLIOGRAPHIE
invitation à l’infini
Considérons un nombre entier naturel, n. L’ensemble des entiers naturels est noté N = {0, 1, 2,
3, …., n, … }, n pouvant être aussi grand que l’on veut, le nombre d’éléments de N, ou Card(N),
est l’infini dénombrable noté non pas « ¥ » mais par la première lettre de l’alphabet hébraïque
indicé de zéro, « Aleph zéro » À0. La notation ¥ est quant à elle, réservée pour la valeur de n
aussi grande que l’on veut : n = ¥.
Pour un ensemble quelconque E, de cardinal Card(E), les parties, ou sous-ensembles, que l’on
peut former avec ses éléments, forment aussi un ensemble noté P(E). Par exemple avec un
ensemble E = {a, b, c}, constitué de 3 éléments a, b, c, on peut former les sous-ensembles { Æ}
(l’ensemble vide), {a}, {b}, {c}, {a, b], {a, c}, {b, c}, {a, b, c} (l’ensemble E lui-même). L’ensemble
de ces sous-ensembles de E est P(E) : il possède 8 éléments. On a donc : Card (P(E)) = 8 = 23.
Or Card(E) = 3, on a donc Card(P(E)) = 2Card(E). Ce résultat est en fait général.
Les mathématiciens Cantor et Dedekind ont étendu ce résultat aux ensembles infinis (comme
N), ce qui leur permit d’introduire de nouveaux êtres mathématiques, les nombres transfinis.
Ainsi l’ensemble des parties de N, c’est-à-dire l’ensemble P(N) des sous-ensembles que l’on
peut former avec les nombres entiers naturels, possède un nombre d’éléments égal à 2À0. Ce
n’est pas un nombre ordinaire : il définit le premier infini non dénombrable, ou premier transfini,
noté À1 (Aleph 1), tandis que À0 est l’infini dénombrable. Qu’est-ce à dire ? N est dénombrable
parce que l’on peut compter successivement ses éléments aussi loin que possible. Plus
précisément on peut passer d’un nombre entier à un autre d’une manière bien déterminée en
un nombre fini d’opérations, comme le posent les axiomes de Zermelo. En revanche ce n’est
plus le cas dans l’ensemble des nombres réels R : il n’y a pas d’algorithme fini qui permette de
déterminer le successeur d’un nombre réel, comme par exemple p. Dans R il y a « infiniment
plus » d’éléments que dans N, même si N possède un nombre infini dénombrable d’éléments !
Autrement dit Card(R) > Card(N). On montre, en fait, que Card(R) = À1 = Card(P(N)) et que
c’est le premier transfini immédiatement supérieur à l’infini dénombrable À0 (il n’y a pas d’autre
transfini compris entre eux). On montre aussi (Dedekind) que n’importe quel nombre réel est
séparé d’un autre quelconque par un nombre transfini À1 de nombres réels. Par exemple dans
l’intervalle [0, 1] il y a « autant » d’infinité de nombres réels que sur tout R.
La démarche précédente se reconduit pour l’ensemble des parties de l’ensemble R : P(R). Le
nombre total des sous-ensembles de R définit le second transfini, lui-même supérieur au
premier transfini :
Card(P(R)) = 2Card(R) = 2À1 = À2
Le nombre de sous-ensembles de nombres réels que l’on peut former est infiniment plus grand
que l’ensemble des nombres réels R, donc infiniment de fois infiniment plus grand que
l’ensemble des nombres entiers. Et ainsi de suite...
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Un des nombreux mérites de la théorie des transfinis est de montrer ce qui, entre deux
ensembles de nombres, peut être ou non mis en correspondance biunivoque, ou relation
bijective. Deux ensembles E et E’, finis ou non, sont en relation bijective si un élément
quelconque x’ de E’ peut être associé à un et un seul élément x de E, et chaque élément x de E
est associé à un et un seul élément x’ de E. Autrement dit un élément x de E peut être
représenté par un autre élément x’ de E’. On montre alors que :
deux ensembles E et E’ en correspondance bijective ont même nombre d’éléments :
Card(E) = Card(E’).
réciproquement, une condition nécessaire pour que deux ensembles soient en
correspondance bijective est qu’ils aient même nombre d’éléments.
Il en découle que les nombres entiers N ne peuvent pas être en correspondances bijectives
avec les nombres réels R : un nombre réel ne pourra jamais être représenté par un nombre
entier. En revanche l’ensemble des parties de N, P(N), peut être en correspondance bijective
avec R : un nombre réel peut être représenté par un sous-ensemble de nombres entiers
naturels, et si ce nombre réel est un nombre irrationnel (c’est-à-dire qui ne peut pas s’écrire
comme une fraction de nombres entiers) le sous-ensemble des entiers avec qui il est en
correspondance bijective est un ensemble infini (dénombrable).
Pour les mêmes raisons, tout intervalle de nombres els, comme [0, 1], peut être en relation
bijective avec tout R (donc tout réel peut être représenté par un nombre compris dans cet
intervalle) puisque cet intervalle et R ont même nombre d’éléments (en l’occurrence À1). Ce
n’est évidemment pas le cas pour N : aucun de ses sous-ensembles ne peut être mis en
correspondance bijective avec tout l’ensemble N.
L’intérêt d’un tel résultat, tant sur le plan mathématique que sur les plans cognitifs et
informatiques, est dans la légitimité qu’il procure dans la recherche de la représentation d’un
nombre réel (le résultat d’une mesure par exemple) par un ensemble de nombres entiers d’une
population la plus grande possible (idéalement infinie dénombrable). Et comme les nombres
entiers se prêtent par nature aux processus algorithmiques dénombrables, on mesure combien
l’outil informatique permet une certaine performance dans l’observation des phénomènes et
les actions qui les exploitent, dès lors que, à chaque instant, on sache évaluer l’imprécision,
l’écart qu’il y a entre la représentation et les quantités réelles. Sans ce résultat, la
représentation du réel par un nombre fini de valeurs serait inopérante et aucune observation
quantitative, donc aucun savoir expérimental, ne serait ni possible ni autorisé dans notre
système cognitif humain !
Un exemple de représentation d’un nombre réel par un nombre fini d’entiers naturels est le
système de numération (binaire, octal, sexagésimal, etc.), et elle doit être utilisée en étant
toujours conscients des erreurs, des écarts, qu’il génère par rapport à la valeur réelle qu’il est
censé représenter (erreurs d’arrondis, de troncature, forme de la convergence numérique, etc.).
Réciproquement, on peut se demander, à la lumière de la théorie des nombres transfinis, si un
sous-ensemble de nombres entiers (donc un élément de P(N)) correspond bijectivement à un
nombre réel, puisque Card(P(N)) = Card(R) ?
Des sous-ensembles de N il y en a plein, une infinité non dénombrable même, comme on l’a vu
plus haut. Des branches entières de l’arithmétique en étudient des types différents : les
nombres premiers, les nombres de Kaprekar, nombres de Mersenne, etc., etc., et les nombres
parfaits que nous allons maintenant présenter.
définition des nombres parfaits
Définition d’un nombre parfait
Soit un nombre entier non nul positif : n > 0.
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On désigne par s(n) la somme des diviseurs stricts de n, c’est-à-dire de tous ses sous-multiples
autres que lui-même. Ces sous-multiples peuvent néanmoins être multiples l’un de l’autre,
autrement dit on ne considère pas uniquement les diviseurs premiers de n. On appelle parties
aliquotes entières de n ces sous-multiples et leur somme est s(n).
Exemple : n = 28 est divisible par 1, 2, 4, 7, 14 ensemble qui forme ses parties aliquotes. On
observe que parmi ses diviseurs, certains sont multiples l’un de l’autre ; il s’agit de :
4 qui a pour diviseurs 2 et 1,
14 qui a pour diviseurs 2, 7 et 1
tandis que 1, 2, 7 n’ont aucun diviseur strict : ils sont des nombres premiers, et en la
circonstance ce sont les diviseurs premiers de 28. Ainsi 28 se décompose comme le produit de
puissances de nombres premiers :
28 = 1 x 22 x 7
et cette décomposition est unique. Ce résultat est général (voir Annexe 1).
On dit qu’un nombre entier positif est un nombre parfait s’il est égal à la somme de ses parties
aliquotes, autrement dit :
Dans le cas de n = 28, on a n = 28 = 1 + 2 + 4 + 7 + 14 = s(28).
n = 28 est donc un nombre parfait.
En décomposant ses diviseurs non premiers, à savoir 4 et 14, la somme précédente s’écrit
encore : 28 = 1 + 2 + 22 + 7 + 2 x 7. En remarquant que 7 = 23 1, l’expression précédente
devient :
28 = 2 + 22 + 23 + 2 x (23 – 1)
en cherchant à factoriser, on cherche un facteur A tel que cette expression s’écrive : 2 + 22 + 23
+ 2 x (23 1) = A x (23 1), et on obtient A = 22. Ainsi 28 se décompose comme il se doit
suivant :
28 = 22 x (23 – 1) = 4 x 7
Dans cette décomposition, un nombre premier de la forme (2a – 1) apparaît.
Tout nombre de cette forme, avec a entier non nul, est par définition un nombre de Mersenne
Ma = 2a – 1 (voir Annexe 5).
Dans l’exemple de n = 28, l’exposant est a = 3, donc 7 = M3 et en remarquant que 22 = (M3 +
1)/2 on voit que :
où le nombre de Mersenne M3 est un nombre premier.
En outre, on sait que la somme des N premiers nombres entiers, SN = 1 + 2 + ... + (N 1) + N
est égale à SN = N (N + 1)/2 (voir Annexe 2). L’expression précédente montre alors que 28 est
la somme des M3 = 7 premiers nombres entiers (on l’on a ici N = M3) :
Ce qui vient d’être constaté dans cet exemple correspond en fait à un résultat général :
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Un nombre parfait pair est obtenu par la multiplication d’un nombre de Mersenne premier, MP et
de 2P-1 :
Cette propriété a été conjecturée par Euclide (3ème siècle avant notre ère), plus précisément
Euclide a démontré la condition suffisante : pour qu’un nombre pair soit parfait il suffit qu’il
vérifie (3). Deux mille ans plus tard, Leonhard Euler a démontré la condition nécessaire : tout
nombre parfait pair vérifie (3).
Ce sont ces deux conditions, nécessaire et suffisante, que nous allons démontrer dans le
paragraphe suivant.
Propriété fondamentale des nombres parfaits pairs (Euclide, Euler)
Condition suffisante de (3) : énoncé d’Euclide
PROPOSITION 1 : Soit P un nombre entier strictement positif (P > 0), alors le nombre n =
2P-1(2P – 1) est un nombre parfait.
DEMONSTRATION :
Désignons par D(n) la somme des diviseurs de n y compris n lui-même. Il ne doit pas être
confondu avec la somme de ses parties aliquotes s(n), et l’on a bien entendu :
D(n) = s(n) + n
D’autre part on sait que lorsque deux nombres q et r sont premiers entre eux, la somme des
diviseurs de leur produit est le produit de leurs sommes de diviseurs :
D(qr) = D(q)D(r) (4)
(voir démonstration de (4) en Annexe 3). Appliquons (4) au produit n = 2P-1(2P – 1) :
D(n) = D(2P-1)D(2P – 1)
Or (2P 1) est premier par hypothèse. Or un nombre premier k a pour seuls diviseurs 1 et lui-
même, il s’ensuit : D(k) = 1 + k. Par conséquent :
D(2P – 1) = 1 + (2P – 1) = 2P
Quant à D(2P-1) on a besoin de la propriété suivante, dont la démonstration est donnée en
Annexe 4 :
Pour tout nombre premier k, et pour un nombre entier m > 0 quelconque, la somme des
diviseurs de km est égale à :
Appliquons (5) à k = 2 (2 est un nombre premier) et m = P – 1, on obtient :
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