Dr VOS.pub - CHU de Charleroi

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Article de synthèse
Inhibiteurs de l’angiogenèse dans le cancer colo-rectal :
Quel est l’impact réel ?
Bertrand VOS, Raphaël MARÉCHAL, Brahim RAMDANI
Service de Gastro-entérologie et d’Oncologie digestive
CHU de Charleroi
Mots-clés : angiogenèse, cancer, colon
INTRODUCTION
C
et article reprend les indications de l’utilisation des inhibiteurs de l’angiogenèse dans
la stratégie thérapeutique du cancer colo-rectal.
Les nouvelles molécules ciblant cette voie sont également présentées.
ARTICLE
ABSTRACT
L
e cancer colo-rectal représente plus de 8000 nouveaux cas par an en Belgique et
représente le troisième cancer le plus fréquent.
L’angiogenèse est un processus de croissance vasculaire pathologique et anarchique au
sein des tumeurs favorisant son développement.
Les inhibiteurs de l’angiogenèse font partie de l’arsenal thérapeutique dans le cancer
colo-rectal métastatique depuis 2004 en association à une chimiothérapie cytotoxique.
L
’utilisation du Bevacizumab, anticorps monoclonal humanisé ciblant le VEGF-A, en
association à une chimiothérapie montre une augmentation de la survie sans progression
et de la survie globale en première et deuxième ligne métastatique comparé à une
chimiothérapie seule. Il augmente également le taux de résécabilité dans la maladie
métastatique potentiellement résécable.
Le Bevacizumab n’a, par contre, aucune activité en situation adjuvante.
Le Bevacizumab peut aussi être utilisé chez le patient âgé de plus de 70 ans avec un
bénéfice préservé.
Une attention particulière doit cependant être portée aux patients âgés présentant une
pathologie cardio-vasculaire ou un antécédent vasculaire cérébral.
RMC-20 13 41
Article de synthèse
D’autres inhibiteurs de l’angiogenèse sont en cours de développement dans le traitement
du cancer colo-rectal métastatique comme l’Aflibercept, protéine de fusion recombinante
de VEGFR-1 et-2, en association au FOLFIRI (5FU-Acide Folinique, -Irinotécan) en
deuxième ligne ou le Regorafenib, en monothérapie, après progression sous toutes les
lignes de traitements connues et montrent tous deux des résultats encourageants.
INTRODUCTION
L
e cancer colo-rectal est un problème de santé majeure, avec plus de 800 000
nouveaux cas diagnostiqués par an, dans le monde, chaque année, dont 8000 nouveaux
cas par an en Belgique.
Il représente le troisième cancer le plus fréquent chez l’homme et chez la femme
L
a mortalité liée au cancer colo-rectal a significativement diminué sur les trois dernières
décades, résultant d’un diagnostic plus précoce et d’une amélioration des traitements.
Au cours de cette dernière décennie, la meilleure compréhension des mécanismes de
carcinogenèse a permis de développer des nouvelles molécules appelées thérapies
ciblées. Le terme thérapie ciblée fait référence aux molécules agissant de manière
sélective dans une voie de signalisation spécifique impliquée dans la tumorogenèse ou la
progression tumorale.
Bien que les chimiothérapies cytotoxiques traditionnelles aient un certain degré de
sélectivité sur les cellules cancéreuses en cours de division, elles ne sont pas considérées comme ciblées puisqu’elles interagissent dans des voies de signalisation commune
au tissu normal et cancéreux (1).
Au niveau du cancer colorectal, le Bevacizumab, le Cetuximab, et Panitumumab sont
enregistrés comme thérapie ciblée par la Food and Drug Administration (FDA) aux
Etats-Unis et par l’European Medicines Agency (EMEA) en Europe.
Le Bevacizumab cible le facteur de croissance vasculaire VEGF (Vascular Endothelial
Growth Factor) impliqué dans l’angiogenèse alors que le Cetuximab et le Panitumumab
ciblent tous deux un récepteur de croissance appelé EGFR (epidermal growth factor
receptor).
D’autres thérapies ciblées visant à inhiber l’angiogenèse sont également en cours de
développement avec des résultats prometteurs, comme l’Aflibercept ou le Regorafenib et
devraient venir compléter l’arsenal thérapeutique dirigé contre le cancer colo-rectal
métastatique.
Cet article de revue s’intéresse aux thérapies ciblant l’angiogenèse et
aux nouvelles thérapies ciblant cette voie, en cours d’investigation clinique.
La Table 1 reprend les différents inhibiteurs de l’angiogenèse, les taux de réponses
attendus, les survies sans progression et survie globale ainsi que le bénéfice potentiel
attendu.
RMC-20 13 42
Article de synthèse
UTILISATION DES ANTIANGIOGENIQUES
1ère ligne avec Iri
avec Oxali
2e ligne
Bevacizumab
Aflibercept
Regorafenib
Taux de
Survie sans
Survie globale
réponse (%) progression (mois)
(mois)
45 (vs 35 avec
11 (vs 6 avec
20 (vs 16 Iri seul)
Iri seul)
Iri seul)
38 (38 avec 9,4 (vs 8 avec Oxali
Oxali seul)
seul)
20 (vs 20 Oxali seul)
7,3 (vs 4,7 avec
12,9 (vs 10,8 mois
Oxali seul)
Oxali seul)
Bénéfice
global
Indication
Important
Remboursé
présent
Remboursé
présent
Enregistré
Néoadjuvant
cfr 1ère ligne
(métastases
résécables)
Adjuvant
(colon)
non significatif
2e ligne - avec
Iri
19,8 (vs 11,1
avec Iri seul)
1ère ligne
?
1,6 (vs 0,4 pour
3e ligne
le placebo)
(après échec de toutes les
thérapies standard)
non significatif
non significatif
6,9 (vs 4,67 avec Iri 13,5 (vs 12 avec Iri
seul)
seul)
?
?
6,4 (vs 5 pour le
placebo)
1,9 (vs 1,7 pour le
placebo)
aucun
présent
?
non
En cours
d'enregistrement
non
En cours
d'enregistrement
LES INHIBITEURS DE L’ANGIOGENÈSE DANS LE TRAITEMENT
DU CANCER COLO
COLO--RECTAL
L
’angiogenèse est un terme qui fait référence à la génération de nouveaux vaisseaux
sanguins qui survient dans un contexte physiologique de réparation de blessure, de
renouvellement tissulaire (comme les règles) ou d’inflammation. Le terme est aussi utilisé
pour caractériser la croissance vasculaire pathologique et anarchique au sein des
tumeurs (2).
L’angiogenèse est un processus se faisant en plusieurs étapes qui impliquent la vasodilation, avec une augmentation de la perméabilité vasculaire, une dégradation du stroma, la
prolifération des cellules endothéliales dont la migration qui s'ensuit impliquée dans la
formation et la prolongation de nouveaux capillaires. Au sein d’une tumeur, ce processus
provoque un phénomène d'hypoxie, qui stimule davantage l’angiogenèse. Le processus
d'angiogenèse est régulé par un certain nombre de facteurs de croissance et leurs
récepteurs (VEGF et VEGFR). La famille des VEGFs se compose de cinq membres :
VEGF-A à -E et le facteur de croissance placentaire PlGF. Ces ligands se lient aux trois
récepteurs VEGF (VEGFR-1,-2 et-3) aboutissant à la formation d’homodimère et d’hétérodimère du VEGFR. La voie de signalisation du VEGFR est modulée par une affinité
variable du ligand à son récepteur spécifique, de même que les co-récepteurs comme le
sulfate heparan proteoglycans (HSPGs) et la neuropilines (3).
RMC-20 13 43
Article de synthèse
LE BEVACIZUMAB (AVAS
(AVASTIN®)
TIN®)
B
evacizumab, anticorps monoclonal humanisé ciblant le VEGF-A, a été approuvé par
la FDA en première et deuxième ligne dans le cancer colo-rectal métastatique.
En Belgique, cette thérapie ciblée est uniquement remboursée en première ligne du
cancer colo-rectal métastatique. C’est, à l’heure actuelle, le seul inhibiteur de l’angiogenèse remboursé dans le cancer colo-rectal, et uniquement, en situation métastatique.
On s’attendait à ce que le Bevacizumab ait une activité anti-tumorale en monothérapie
en réduisant la densité vasculaire au sein des tumeurs.
Dans le cas du cancer colo-rectal, le Bevacizumab en monothérapie ne donne que des
taux de réponses modestes alors que l'effet est significatif lorsqu’il est utilisé en combinaison avec une chimiothérapie conventionnelle comparée à une chimiothérapie seule
(4). Ces observations cliniques ont mené à l'hypothèse que, peut-être, en détruisant une
partie de la néo-vascularisation tumorale, le remaniement pourrait rendre la vascularisation restante plus organisée et moins tortueuse, améliorant ainsi le flux sanguin et
l’oxygénation tumorale, ce qui favorise une meilleure délivrance de la chimiothérapie à la
tumeur (5). Cependant, le Bevacizumab est actif en monothérapie dans des tumeurs
hypervascularisées comme le cancer du rein ou certaines tumeurs neuro-endocrines.
BEVACIZUMAB DANS LE CANCER COLO
COLO--RECTAL MÉTASTATIQUE
NON RÉSÉCABLE
D
ans un essai thérapeutique publié en 2004, l’adjonction du Bevacizumab à une
chimiothérapie cytotoxique de type Irinotécan a montré un bénéfice dans le traitement du
cancer colorectal métastatique en première ligne en taux de réponse (45 % contre 35 %),
en survie sans progression (11 mois contre 6 mois) et en survie globale (20 mois contre
16 mois) (6).
Dans un essai de la Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG 3200) (7) l'utilisation
du Bevacizumab avec le FOLFOX dans le traitement de deuxième ligne de cancer
colique métastatique montre une amélioration significative de la survie sans progression
(7.3 mois contre 4.7 mois) et de la survie médiane (12.9 contre 10.8 mois) comparé au
FOLFOX seul. Basé sur ces résultats, le Bevacizumab a été approuvé pour son
utilisation en première et deuxième ligne dans le cancer colo-rectal métastatique aux
Etats-Unis.
Le Bevacizumab n’est remboursé qu’en première ligne dans cette indication en Belgique.
Un essai publié en 2013 (8) montre que la poursuite du Bevacizumab, en association
avec un changement de cytotoxique, après une progression en première ligne métastatique donne un bénéfice en survie globale par rapport à une chimiothérapie seule (11.2
contre 9.8 mois, p=0.0062). Une demande a été introduite en Belgique pour le
remboursement de la poursuite du Bevacizumab après progression en première ligne
métastatique.
RMC-20 13 44
Article de synthèse
UTILISATION DU BEVACIZUMAB POUR LES MÉTASTASES HÉPATIQUES
(POTENTIELLEMENT
POTENTIELLEMENT)) RÉSÉCABLES ET INCIDENCE DE COMPLICATIONS
POST
POST--OPÉRATOIRES
L
e foie est un des sites majeurs de métastases pour des patients atteints de cancer
colo-rectal. Approximativement 25 % de patients ont une maladie résécable d’emblée et
10 -15 % supplémentaire pourront bénéficier d’une chirurgie à visée curative après une
chimiothérapie d’induction. Les patients pouvant bénéficier d’une chirurgie hépatique à
visée curative ont une survie significativement améliorée à 5 ans, supérieure à 50 %
dans certaines séries rétrospectives comparée à moins de 10 % pour des traitements
systémiques seuls.
L’addition du Bevacizumab, en association à une chimiothérapie cytotoxique
(Capécitabine, Oxaliplatine), dans une stratégie péri-opératoire chez 45
patients
uniquement métastatique au niveau hépatique d’un cancer colo-rectal (9) montre un taux
de réponse objectif de 78% et un taux de conversion vers une résécabilité de patients
initialement non résécable de 27%.
Il a été suggéré que l’administration de Bevacizumab à la chimiothérapie peut aboutir à
un plus grand taux de résécabilité qu'avec la chimiothérapie seule sans augmenter de
manière significative les complications post-opératoires.
Étant donné l'interférence possible du Bevacizumab avec la cicatrisation physiologique et
le nombre croissant de patients subissant une chirurgie à visée curative des lésions
métastatiques, plusieurs études se sont intéressées à la sécurité d'utilisation du
Bevacizumab dans des patients chirurgicaux.
Les résultats montrent que les patients recevant du Bevacizumab n'avaient pas de taux
accru de complications liés à la cicatrisation.
Un arrêt du Bevacizumab est recommandé 6 à 8 semaines avant n'importe quelle chirurgie majeure, étant donné sa longue demi-vie d'environ 20 jours.
En ce qui concerne l’utilisation des cytotoxiques, deux types de modifications hépatiques
ont été rapportées avec la chimiothérapie colorectale : des modifications vasculaires
avec dilatation des sinusoïdes hépatiques liée à l’Oxaliplatine et une stéatose associée à
l’Irinotécan.
De façon intéressante, il a été rapporté que le Bevacizumab pouvait réduire l'incidence
de la toxicité induite par l’Oxaliplatine (10). Le mécanisme expliquant cette observation
n’est pas connu mais on sait qu’il existe une association entre le syndrome d’obstruction
sinusoïdale lié à l’Oxaliplatine et l’augmentation du VEGF.
RMC-20 13 45
Article de synthèse
BEVACIZUMAB EN SITUATION ADJUVANTE
L
’essai NSABP C-08 publié en 2009 (11), a comparé un traitement adjuvant par
FOLFOX (5FU-Acide Folinique, Oxaliplatine) vs. FOLFOX plus Bevacizumab pendant 24
semaines suivies par une maintenance Bevacizumab pendant des 24 semaines
supplémentaires dans le bras expérimental chez des patients présentant un cancer
colique opéré au stade II, III.
L'étude n'a pas atteint son objectif primaire d'amélioration de la survie sans récidive à 3
ans, avec une amélioration modeste de 2 % avec l'utilisation de Bevacizumab sur celui
de FOLFOX seul.
De façon intéressante, cet essai (11) a montré un avantage significatif pour le bras
Bevacizumab la première année de l'essai. Toutefois, cet avantage disparait avec le
temps, suggérant que Bevacizumab retarde la récidive sans augmenter le taux de guérison.
PROFIL DE SÉCURITÉ DU BEVACIZUMAB
L
’hypertension artérielle est l’effet secondaire le plus fréquent lors de l’utilisation du
Bevacizumab dans les essais, survenant chez environ 25 % des patients et exigeant un
traitement médical dans environ 10 % de cas.
Il n’y a pas de recommandation sur le type d’anti-hypertenseur à utiliser chez les patients
présentant une hypertension artérielle liée au Bevacizumab, le plus important étant un
bon contrôle tensionnel, peu importe la classe ou le nombre d’anti-hypertenseur utilisés.
D'autres complications, plus sérieuses mais moins fréquentes, telles que des perforations
gastro-intestinales, des retards de cicatrisation et des événements thromboemboliques
(accident vasculaire cérébral ou infarctus du myocarde) ont également été rapportés.
L’étude BEAT (12) (conduite en Europe) et BRiTE (13) (conduite aux États-Unis) étaient
deux études ouvertes de phase IV dont le but était d'évaluer l'incidence de complications
dans la population exposée au Bevacizumab en association avec n'importe quels
régimes de chimiothérapie approuvés dans le cancer colo-rectal.
Les taux de complications étaient comparables avec ceux observés dans les essais
ayant aboutis au remboursement du médicament.
RMC-20 13 46
Article de synthèse
La Table 2 reprend les effets secondaires principaux repris dans ces deux études
Effets secondaires
Hypertension nécessitant un traitement
Toxicité de grade 3–4
Perforation gastro-intestinale
Evénement artériel thrombo-embolique
Saignement postopératoire ou retard de
cicatrisation
Etude BRiTE
(% Patients)
19,4
2,2
1,8
1,8
Etude BEAT
(% Patients)
5
NA
2
1
Etude Hurwitz
(% Patients)
11
3,1
1,5
5
1,4
1
2,1
E
nfin, une communication récente rapporte 52 cas graves de fasciite nécrosante
survenus entre novembre 1997 et septembre 2012 à l’échelle mondiale chez des patients
traités par Bevacizumab (14).
De façon intéressante, les patients inclus dans le registre BRiTE qui ont continué la
chimiothérapie avec le Bevacizumab après une première progression de maladie avaient
une amélioration de la survie médiane comparée avec ceux qui ont reçu une chimiothérapie seule ou aucun autre traitement.
C’est suite à cette observation que l’étude ML18147 (8) a été menée avec des résultats
qui montrent l’intérêt de cette stratégie dans le cancer colorectal métastatique non
résécable décrit plus haut.
Les avantages et inconvénients des inhibiteurs de l’angiogenèse
sont résumés sur la Table 3
Avantages
Inconvénients
Augmente l'activité de la chimiothérapie
Hypertension artérielle à gérer
Augmente et prolonge la survie
Evénement artériels thrombo-emboliques
Diminue la toxicité sur le foie induit par le FOLFOX
Coût (traitement de longue durée)
Profil de sécurité favorable
LES INHIBITEURS DE L’ANGIOGENÈSE CHEZ LE SUJET ÂGÉ
L
e vieillissement de la population est un état de fait. Dans la population des patients
chez qui un cancer colorectal avancé est diagnostiqué, plus d'un tiers de nos patients ont
plus de 75 ans.
Ce vieillissement implique une diminution progressive de la réserve fonctionnelle et une
augmentation des co-morbidités.
RMC-20 13 47
Article de synthèse
Ainsi, les oncologues devront faire face à une augmentation croissante des cancers
colo-rectaux dans une population vieillissante avec dégradation potentielle de l'état
général.
Les patients de plus de 70 ans sont sous-représentés dans les essais cliniques et même
quand ils ne sont pas spécifiquement exclus, des patients plus de 70 ans représentent
souvent moins de 20 % de la population totale.
La conséquence est le manque de représentativité des résultats des essais à la population de plus de 70 ans. L'analyse de sous-groupes ou poolée de plusieurs études est
souvent réalisée pour évaluer le résultat de la chimiothérapie en fonction de l'âge.
L'interprétation des résultats disponibles est aussi rendue complexe de par la variabilité
de la définition de la 'personnes âgées' dans la littérature (> 65, > 70 et > 75 ans) et
l’absence d’évaluation gériatrique des patients inclus dans les protocoles.
M
algré le manque d'essais randomisés spécifiquement conçus pour les personnes
âgées, il est prouvé que la tolérance et le résultat de 5-Fluorouracil (5-FU), Irinotécan et
de l’Oxaliplatine chez les patients plus âgés avec un cancer colo-rectal sont souvent non
significativement différents de la population plus jeune et donc acceptables.
Avec l’apparition des thérapies ciblées, et en particulier, des inhibiteurs de l’angiogenèse,
la question de leur utilisation chez le sujet âgé s’est posée.
L’analyse de l’essai AGITG MAX (15), incluant 21% (99 patients) de patients âgés de
plus 75 ans présentant un cancer colo-rectal métastatique, montre que l’administration de
Bevacizumab en plus de la Capécitabine améliore la survie sans progression (5.8 vs 8.8
mois) et la survie globale comparée à la Capécitabine seule.
De plus, il n’y a pas de différence majeure en terme de profil de toxicité dans cette étude
(incluant les pathologies thrombo-emboliques).
Des résultats similaires sont observés dans une analyse rétrospective de quatre études
randomisées (16), en terme de survie sans progression et de survie globale, comparant
une chimiothérapie seule à une chimiothérapie associée au Bevacizumab en situation
métastatique.
Cependant, dans cette étude plus large incluant plus de 3000 patients dont 712 de plus
de 70 ans, il existe une augmentation significative des événements thrombo-emboliques
artériels chez les patients de plus de 65 (5,7%) et plus de 70 (6,7%) ans comparé à la
population contrôle sans Bevacizumab (2,5%).
Le Bevacizumab peut donc être utilisé chez le patient âgé de plus de 70 ans
avec un bénéfice préservé.
Une attention particulière doit cependant être portée
aux patients âgés présentant une pathologie cardio-vasculaire sous-jacente
ou un antécédent vasculaire cérébral.
RMC-20 13 48
Article de synthèse
AUTRES INHIBITEURS DE L’ANGIOGENÈSE DANS LE CANCER
COLORECTAL MÉTASTATIQUE EN COURS D’ÉVALUATION
L
’Aflibercept est une protéine de fusion recombinante de VEGFR-1 et -2 domaines
extracellulars et la partie Fc d’un IgG humain. Une étude de phase III (17) a récemment
été présentée en association avec FOLFIRI en deuxième ligne métastatique après
progression sous une première ligne comprenant de l’Oxaliplatine.
Cette étude montre une amélioration de la survie globale (13.50 mois pour l’Aflibercept vs. 12.06 mois pour le placebo, p = 0.0032) et de la survie sans progression
(6.90 vs 4.67 mois, p = 0.00007). La cohorte des patients précédemment traités par
Bevacizumab montre une atténuation du bénéfice lié à l’Aflibercept.
Le Regorafenib (BAY 73-4506) est un inhibiteur multikinase oral agissant sur une large
gamme d'angiogénique, d’oncogène et de kinases du stroma.
Une étude de phase III (18) a été conduite pour évaluer l'efficacité et la sécurité de
Regorafenib chez des patients avec cancer colo-rectal métastatique qui avait progressé
après toutes les thérapies standards approuvées (dont l’Avastin) comparées à un
placebo.
Cet essai a montré une amélioration de la survie médiane globale en faveur du
Regorafenib (6.4 vs. 5.0 mois) de même que la survie sans progression (1.9 vs. 1.7
mois).
Le Cediranib (AZ2171) est un inhibiteur de la tyrosine kinase bloquant VEGFR-1, -2 et -3
et le c-kit.
La phase III HORIZON III (19) a montré une activité dans les mêmes proportions en
terme de survie sans progression et de survie globale que le Bevacizumab en comparant FOLFOX/Cediranib vs. FOLFOX/Bevacizumab en première ligne du cancer
colo-rectal métastatique mais avec des effets secondaires plus marqués.
RMC-20 13 49
Article de synthèse
I
l apparaît évident que l’utilisation des thérapies ciblées, et en particulier des
inhibiteurs de l’angiogenèse, tend à s’accroitre dans leur indication dans le
cancer colo-rectal.
Il est clair qu’il est nécessaire d’identifier des facteurs prédictifs cliniquement
relevant de réponse aux thérapies ciblées.
Il est probable que l’amélioration de survie sans progression et des toxicités
accrues rapportées dans certaines études ne peut pas justifier l'utilisation de ces
agents dans une population non sélectionnée.
Au-delà de l'avantage clinique évident pour les patients, il est probable que
l'identification de marqueurs prédictifs peut aussi réduire les coûts liés au
traitement du cancer.
Beaucoup de questions restent sans réponse quant à l'utilisation raisonnée des
inhibiteurs de l’angiogenèse chez des patients présentant un cancer colo-rectal
métastatique.
Comme la chirurgie des lésions métastatiques devient de plus en
plus fréquente, l'utilisation optimale des thérapies ciblées comme les
thérapies d’induction ou la stratégie péri-opératoire dans la maladie
métastatique hépatique résécable se développe pour réduire au
minimum la toxicité hépatique liée au traitement.
Cet article a été écrit pour l’inauguration de la clinique d’oncologie digestive
du CHU de Charleroi. Nous certifions qu’il n’existe aucun conflit d’intérêt.
RMC-20 13 410
Article de synthèse
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RMC-20 13 411
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