Deuxième partie - IMJ-PRG

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2015-2016
3M270
Algèbre
Deuxième partie
4. LE GROUPE SYMÉTRIQUE.
4.1. Permutations. Cycles. Notations.
Définition : Soient n ≥ 1 un entier, et X l’ensemble {1, ..., n}. L’ensemble
Sym(X) des bijections de X sur lui même est un groupe pour la composition des
applications. On l’appelle ”groupe symétrique” et on le note Sn . Les éléments
de Sn sont appelés des permutations.
Notation :
Soit σ ∈ Sn .On représente la permutation σ au moyen d’un tableau à deux
lignes. Sur la première ligne on écrit les entiers allant de 1 à n, et au-dessous
de chacun d’eux on écrit son image :
1
2
. . .
N
σ=
σ(1) σ(2) . . . σ(n)
On appelle support de la permutation σ l ’ensemble
Supp(σ) = {i ∈ {1, ..., n}/σ(i) 6= i}.
Soit l un entier tel que 1 ≤ l ≤ n et soit i1 , ..., il des éléments distincts de
{1, ..., n}. On note ( i1 i2 . . . in ) la permutation définie par :
σ(ij ) = ij+1 si 1 ≤ j ≤ l − 1
σ(il ) = i1 .
Une telle permutation est appelée cycle de longueur l. On voit immédiatement
que l’ordre d’un cycle de longueur l est égal à l.
Remarquons qu’il y a l façons de noter un cycle de longueur l. Ainsi,
( 1 2 3 ) = ( 2 3 1 ) = ( 3 1 2 ).
On dit que des cycles sont disjoints si leurs supports sont disjoints. Des
cycles disjoints commutent. Toutefois, si n ≥ 3, le groupe Sn n’est pas abélien :
( 1
( 2
2 )◦( 2
3 )◦( 1
3 )
2 )
1
=
=
( 1
( 1
2
3
3 )
2 )
Les cycles de longueur 2 sont appelés transpositions.
Proposition : card(Sn ) = n!.
Démonstration :
On procède par récurrence sur n.
Si n = 1, le résultat est évident.
Soit n ≥ 2. On définit sur Sn la relation R :
σRτ ⇐⇒ σ(n) = τ (n).
C’est une relation d’équivalence dont les classes d’équivalence sont les ensembles Ei = {σ ∈ Sn /σ(n) = i}. Or on voit qu’il y a une bijection entre En
et Sn−1 . Par hypothèse de récurrence, on a donc card(En ) = (n − 1)!. De plus,
si i 6= n, alors l’application définie sur Sn par σ 7−→ i n ◦ σ induit une
bijection entre Ei et En . Par conséquent, card(Ei ) = card(En ). Le résultat en
découle puisque les Ei an nombre de n, forment une partition de Sn .
QED
4.2 Décomposition des permutations
Nous allons montrer que toute permutation peut se décomposer en produit
de cycles disjoints, et aussi en produit de transpositions.
Théorème :
Toute permutation peut s’écrire comme un produit de cycles disjoints. Cette
décomposition est unique, à l’ordre des facteurs près.
Démonstration :
Soit σ ∈ Sn . On définit sur l’ensemble {1, ..., n} la relation Rσ par
xRσ y ⇐⇒ ∃n ∈ Z tel que y = σ n (x).
C’est une relation d’équivalence (vérifiez le!), dont les classes d’équivalence
sont appelées les orbites de σ. Si x est un élément de {1, ..., n}, son orbite est
[x] = {σ m (x)/m ∈ Z}.
Il existe un entier r > 0 tel que x = σ r (x). En effet, comme l’ensemble [x]
est une partie finie de {1, ..., n} et il existe des entiers m > 0 et r > 0 tels que
σ m+r (x) = σ m (x).
Soit alors r le plus petit entier strictement positif tel que x = σ r (x). Alors
[x] = {x, σ(x), ..., σ r−1 (x)}.
Notons C1 , ..., Ck les orbites de σ. Pour chaque indice i ∈ {1, ..., k}, soit γi
la permutation définie par
σ(x) si x ∈ Ci
γi (x) =
x si x ∈
/ Ci
2
Ainsi définis, les γi sont des cycles disjoints. Soit τ = γ1 ◦ ... ◦ γk et soit
x ∈ {1, ..., n}. Il existe un unique i ∈ {1, ..., k} tel que x ∈ Ci . Comme les
orbites sont disjointes, on peut écrire
τ (x) = γi ◦ γ1 ... ◦ γi−1 ◦ γi+1 ◦ ... ◦ γk (x) = γi (x) = σ(x),
d’où σ = τ .
Il reste à démontrer l’unicité de cette décomposition.
On raisonne par récurrence sur le nombre k de cycles disjoints dans une
décomposition de σ.
Si k = 0, il n’y a rien à démontrer. Supposons que σ = γ1 ◦...◦γk = δ1 ◦...◦δl
sont deux décompositions en cycles disjoints. Soit x ∈ {1, ..., n} tel que x ∈ C1 .
Il existe un unique indice j ∈ {1, ..., l} tel que j ∈ Supp(δj ). Quitte à changer la
numérotation, on peut supposer que j = 1, et on a alors σ(x) = γ1 (x) = δ1 (x).
On en déduit que C1 = {x, δ1 (x), ..., δ1t−1 (x)} et γ1 = δ1 . On a donc
γ2 ◦ ... ◦ γk = δ2 ◦ ... ◦ δl .
En appliquant l’hypothèse de récurrence, on en déduit que k = l et que
{γ2 , ..., γk } = {δ2 , ..., δk }.
QED
Corollaire :
L’ordre d’une permutation est égal au ppcm des ordres des cycles disjoints
qui la composent.
Démonstration :
La démonstration est laissée en exercice. (Attention, il s’agit d’une propriété
spécifique aux cycles disjoints : si x et y sont deux éléments d’un groupe fini
G qui commutent, et si a = o(x), b = o(y), r = ppcm(a, b), il n’est en général
pas vrai que xy soit d’ordre r : prendre y = x−1 , de sorte que a = b = r, mais
o(xy) = 1. Néanmoins, on a toujours o(xy)|r, et o(xy) = ab = r si a et b sont
premiers entre eux. Voir le §5.1 (et les feuilles d’exercices).
Exemple:
1 2 3 4 5 6 7
Soit σ =
.
6 4 5 7 3 1 2
Alors σ = 1 6 ◦ 2 4 7 ◦ 3
5 .
Théorème :
Tout cycle peut se décomposer en produit de transpositions.
Démonstration : i1 . . . ik =
QED
i1
ik
◦
i1
Remarque :
3
ik−1
◦···◦
i1
i2
.
La décomposition en produit de transpositions n’est pas unique.
Théorème :
Toute permutation peut s’écrire comme un produit de transpositions.
4.3. Signature d’une permutation
Définition :
Soit σ ∈ Sn . On appelle signature de σ le nombre
(σ) = Πi<j
σ(i) − σ(j)
.
i−j
Proposition: (σ) = ±1.
Démonstration :
Il suffit de montrer que (σ)2 = 1.
Soit E = {(i, j) ∈ {1, · · ·, n}2 /i 6= j}. Remarquons que, si i 6= j, alors
σ(i) 6= σ(j) puisque σ est injective. On a donc une application
Σ:E→E
définie par Σ(i, j) = (σ(i), σ(j)). De plus, Σ est injective, donc bijective. On
a donc
Y
Y
(i − j) =
(σ(i) − σ(j)).
(i,j)∈E
(i,j)∈E
Par conséquent :
(σ)2 =
Y σ(i) − σ(j)
Y σ(i) − σ(j) Y σ(i) − σ(j)
·
=
= 1.
i−j
i−j
i−j
i>j
i<j
(i,j)∈E
QED
Théorème :
L’application : Sn → {±1} est un homomorphisme de groupes.
Démonstration :
On doit montrer que, pour toutes permutations σ, τ , (στ ) = (σ)(τ ).
(στ ) =
Y στ (i) − στ (j)
i<j
i−j
=
Y στ (i) − στ (j) τ (i) − τ (j)
·
,
τ (i) − τ (j)
i−j
i<j
d’où
(στ ) Y στ (i) − στ (j)
=
=
(τ )
τ (i) − τ (j)
i<j
Y
i<j
τ (i)<τ (j)
στ (i) − στ (j)
·
τ (i) − τ (j)
4
Y
i<j
τ (i)>τ (j)
στ (i) − στ (j)
.
τ (i) − τ (j)
Si on pose i0 = τ (i) on obtient
(στ )
(τ )
=
Y σ(i0 ) − σ(j 0 ) Y σ(i0 ) − σ(j 0 )
·
i0 − j 0
i0 − j 0
i<j
i<j
i0 >j 0
i0 <j 0
=
Y σ(i0 ) − σ(j 0 ) Y σ(i0 ) − σ(j 0 )
·
i0 − j 0
i0 − j 0
i<j
i>j
i0 <j 0
=
i0 <j 0
Y σ(i0 ) − σ(j 0 )
i0 − j 0
0
0
i <j
= (σ).
QED
Définition :
Soit σ ∈ Sn . On dit qu’un couple (i, j) est une inversion pour σ si i < j et
σ(i) > σ(j).
Si on note I(σ) le nombre d’inversions pour σ, alors
(σ) = (−1)I(σ) .
Définition :
Soit σ ∈ Sn . On dit que σ est une permutation paire si (σ) = 1. On dit
que c’est une permutation impaire si (σ) = −1.
On remarque que la permutation σ est paire si et seulement si son nombre
d’inversions est pair.
Pour déterminer le nombre d’inversions d’une permutation à partir de son
tableau, on compte, pour chaque élément de la deuxième ligne, combien d’éléments
plus petits apparaissent à sa droite.
Par exemple, soit
1 2 3 4 5
σ=
.
2 4 5 1 3
Cette permutation présente 5 inversions.
Proposition :
Les transpositions sont donc des permutations impaires.
Démonstration : Soit τ = i j , une transposition (i < j). Les inversions de τ sont les
couples (i, k) tels que i + 1 ≤ k ≤ j, au nombre de j − i, et les couples (l, j) tels
que i + 1 ≤ l ≤ j − 1, au nombre de j − i − 1. Au total, le nombre d’inversions
est égal à 2(j − i) − 1, qui est impair.
5
QED
Corollaire :
Dans la décomposition d’une permutation en produit de transpositions, le
nombre de facteurs a toujours la même parité.
Proposition :
Soit γ ∈ Sn un cycle de longueur m. Alors
(γ) = (−1)m−1 .
Démonstration :
On a vu plus haut qu’un cycle de longueur m se décomposait en un produit
de m − 1 transpositions.
QED
Comme ε : Sn → {±1} est un homomorphisme, son noyau est un sous-groupe
distingué de Sn . C’est le groupe alterné
An = {σ ∈ Sn /(σ) = 1}.
C’est un sous-groupe d’indice 2. Son cardinal est
n!
2 .
4.4. Classes de conjugaison
Proposition.
Soit γ = i1 ·
quelconque. Alors
·
· im
τ γτ −1 =
un cycle de Sn . Soit τ ∈ Sn une permutation
τ (i1 ) ·
·
· τ (im )
.
Démonstration :
Soit j ∈ {1, · · ·, n}. Si τ −1 (j) ∈
/ Supp(γ), alors τ γτ −1 (j) = τ τ −1 (j) = j.
−1
En revanche, si τ (j) = ik ∈ Supp(γ), alors τ γτ −1 (j) = τ γ(ik ) = τ (ik+1 ).
QED
Soit σ = γ1 ◦···◦γk la décomposition de σ ∈ Sn en produit de cycles disjoints
de longueur croissante r1 ≤ · · · ≤ rk . On dit alors que σ est de type (r1 , · · ·, rk ).
Si τ ∈ Sn , alors τ στ −1 = (τ γ1 τ −1 ) ◦ · · · ◦ (τ γk τ −1 ) est encore de type
(r1 , · · ·, rk ).
Réciproquement, si σ 0 est une permutation de type (r1 , · · ·, rk ), il existe une
permutation τ telle que τ στ −1 = σ 0 .
Les classes de conjugaison de Sn correspondent donc aux types de permutations.
On appelle partition de n la donnée d’entiers naturels non nuls r1 , · · ·, rk
tels que n = r1 + · · · + rk . En particulier, le nombre de classes de conjugaison
dans Sn est égal au nombre de partitions de n.
6
5. GROUPES ABÉLIENS FINIS
5.1 p-groupes
Définition :
Soit p un nombre premier. On appelle p-groupe tout groupe fini dont l’ordre
est une puissance de p .
Lemme de Cauchy :
Soit G un groupe fini et p un nombre premier qui divise l’ordre de G. Alors
G contient un élément d’ordre p.
Démonstration (en supposant G abélien).
On procède par récurrence sur l’ordre n de G.
Si n = 1, il n’y a rien à démontrer.
Supposons la propriété démontrée jusqu’à l’ordre n et soit g ∈ G, g 6= e.
Premier cas : si p divise l’ordre o(g) de g. Alors il existe un entier r tel que
o(g) = pr et l’élément g r est d’ordre p.
Deuxième cas : on suppose maintenant que p et o(g) sont premiers entre
eux. Comme G est abélien, < g > est distingué dans G et on peut considérer le
groupe quotient H = G/ < g >. Comme |G| = |H| × o(g), p est un diviseur de
|H| et, par hypothèse de récurrence, il existe h < g >∈ H tel que (h < g >)p =
hp < g >=< g >. Soit alors s l’ordre de h :
(h < g >)s = hs < g >=< g >,
donc p divise s, et on est ramené au premier cas.
QED
Remarque : nous verrons au §7.1 que le lemme de Cauchy est également
vrai pour les groupes non abéliens.
Proposition :
Soit p un nombre premier. Soit G 6= {e} un groupe abélien fini tel que l’ordre
de chacun de ses éléments est une puissance de p. Alors G est un p-groupe.
Démonstration :
Soit q un nombre premier qui divise l’ordre de G. D’après le lemme de
Cauchy, G contient un élément d’ordre q. On par hypothèse, q est une puissance
de p. Donc q = p.
QED
Proposition :
Soit (G, +) un groupe abélien fini. Soit g et h deux éléments de G tels que
o(g) ∧ o(h) = 1. Alors o(g + h) = o(g)o(h).
7
Démonstration :
Notons r = o(g), s = o(h), t = o(g + h). Comme rg = 0 = sh, on a
rs(g + h) = rsg + rsh = 0, donc t divise rs.
Réciproquement, t(g + h) = 0, donc tg = −th ∈< h > ∩ < g >. L’ordre de
tg divise r et s et est donc égal à 1. Par conséquent, tg = 0 et r divise t.
De même s divise t. Finalement, rs divise t.
QED
5.2 Composantes primaires d’un groupe abélien fini.
Définition :
Soit p un nombre premier et G un groupe abélien fini. On appelle composante p-primaire de G l’ensemble G(p) des éléments de G dont l’ordre est
une puissance de p.
Remarques :
1) G(p) est un sous-groupe de G .
2) G(p) est un p-groupe.
3) G(p) 6= {e} ⇐⇒ p divise |G|. (ceci est une conséquence du lemme de
Cauchy)
Théorème :
Soit G un groupe abélien fini d’ordre n = pn1 1 · · · pnr r , où les pi sont des
nombres premiers distincts. Alors, pour chaque i ∈ {1, ..., r}, G(pi ) est d’ordre
pni i et
G w G(p1 ) × .... × G(pr ).
Démonstration :
Soit i ∈ {1, ..., r} et H = G/G(pi ).
Montrons d’abord que H(pi ) = {0̄}:
Soit x ∈ H(pi ). Il existe h ∈ G tel que x = h + G(pi ) et s ∈ N tel que
psi x = 0̄, ou encore psi h ∈ G(pi ).
Par conséquent, il existe un entier naturel t tel que pti (psi h) = 0. On en
déduit que h ∈ G(pi ), c’est-à-dire x̄ = 0̄.
Comme H(pi ) = {0̄}, d’après la remarque ci-dessus pi ne divise pas |H|. Et
comme |G| = |H| × |G(pi )|, on en déduit que pni i divise |G(pi )|.
On considère maintenant l’application
η : G(p1 ) × .... × G(pr ) → G
(g1 , ..., gr ) 7−→ g1 + ... + gr
8
Cette application est un homomorphisme. De plus, η est injectif : supposons
en effet que g1 + ... + gr = 0. On a donc g1 + ... + gr−1 = −gr .
Pour chaque i ∈ {1, ..., r}, l’ordre de gi est une puissance de pi . Il existe des
αr
i
entiers α1 , ..., αr tels que o(gi ) = pα
i . On a d’une part o(gr ) = pr et d’autre
part
αr−1
1
o(gr ) = pα
1 ×...×pr−1 . Le théorème fondamental de l’arithmétique entraı̂ne
que α1 = ... = αr = 0, d’où g1 = ... = gr = 0.
Comme η est injective,
Qr
|G| =
i=1
r
Y
i=1
|G(pi )| ≤ |G|, d’où
pni i ≤
r
Y
|G(pi )| ≤ |G| .
i=1
On en déduit que η est une bijection, donc un isomorphisme.
QED
5.3. Structure des groupes abéliens finis : facteurs invariants
Définition :
Soit G un groupe abélien fini. On appelle exposant de G le plus petit commun
multiple des ordres de ses éléments.
Proposition :
Soit G un groupe abélien fini. Il existe un élément de G dont l’ordre est égal
à l’exposant de G.
Démonstration
Qn : i
Soit ε = i=1 pα
i la décomposition de l’exposant de G en produit de puissances de nombres premiers. Pour chaque i ∈ {1, ..., n}, il existe gi0 ∈ G tel
αi
αi
0
0
0
i
que pα
i divise o(gi ). Si o(gi ) = pi si alors gi = si gi est d’ordre pi . Soit alors
g = g1 + ... + gn . D’après une proposition précédente, l’ordre de g est égal à .
QED
Lemme :
Soit G un groupe abélien fini d’exposant ε et g ∈ G un élément d’ordre
maximal ε. Soit x ∈ G/ < g > un élément d’ordre µ. Alors il existe un
élément h ∈ G d’ordre µ tel que
Cl(h) = x.
Démonstration :
On remarque que, si Cl(k) = x, alors l’ordre de k est un multiple de µ.
Notons ν = o(k). Il existe donc un entier naturel α tel que ν = αµ.
Comme µx = 0, on a µk ∈< g > et il existe un entier naturel η tel que
µk = ηg.
D’autre part, ν divise ε et il existe donc un entier naturel ς tel que ε = νς =
αµν. On a donc
αηg = αµk = νk = 0.
9
On en déduit que ε divise αη, donc que αµς divise αη, donc que µ divise η.
Posons alors ρ = µη et h = k − ρg.
D’une part, Cl(h) = Cl(k), donc o(h) est un multiple de µ.
D’autre part, µh = µk − µρg = µk − ηg = 0.
On en conclut que µ = o(h).
QED
Théorème :
Soit G un groupe abélien fini. Il existe des entiers uniques d1 , ..., dk ≥ 1 tels
que
1) dk | dk−1 ,
dk−1 | dk−2 , ...,
d2 | d1
2) G ∼
= Z/d1 Z×... × Z/dk Z
Démonstration :
Existence :
On raisonne par récurrence sur n = |G|.
Si n = 2, G est isomorphe à Z/2Z, la propriété est donc vraie.
Supposons n > 2 et notons d1 l’exposant de G : il existe un élément x1 ∈ G
d’ordre d1 .
Si d1 = n, alors G ∼
= Z/nZ et la propriété est vérifiée.
Sinon, |G/ < x1 >| = dn1 où 1 < dn1 < n. L’hypothèse de récurrence entraı̂ne
alors l’existence d’entiers d2 , ..., dk tels que dk | dk−1 , dk−1 | dk−2 , ..., d3 | d2
et d’un isomorphisme
ϕ : Z/d2 Z×... × Z/dk Z →G/ < x1 > .
Pour chaque i ∈ {2, ..., k}, il existe xi ∈ G tel que
ϕ(0̄, ..., 1̄, ..., 0̄) = xi + < x1 >= Cl(xi ).
Comme ϕ est un isomorphisme, Cl(xi ) est d’ordre di et les Cl(xi ) engendrent
G/ < x1 >. D’après la proposition précédente, on peut choisir chaque xi de
sorte que o(xi ) = di .
Soit g ∈ G quelconque : Cl(g) = g+ < x1 >∈ G/ < x1 >. Il existe donc des
entiers λ2 , ..., λk tels que
Cl(g) =
k
X
k
X
λi (xi + < x1 >) = (
λi xi )+ < x1 > .
i=2
Ainsi, il existe λ1 ∈ Z tel que g −
i=2
Pk
i=2
λi xi = λ1 x1 . L’application
< x1 > ×...× < xk >→ G
k
X
(λ1 x1 , ..., λk xk ) 7−→
λi xi
i=1
10
est donc surjective.
Qk
Qk
De plus, |G/ < x1 >| = i=2 di , d’où |G| = i=1 di . Ainsi, ϕ est bijective.
Il est clair d’autre part que ϕ est un homomorphisme.
Unicité :
On procède par récurrence sur |G|.
Supposons qu’il existe deux décompositions
G ∼
= Z/d1 Z×... × Z/dk Z
∼ Z/δ1 Z×... × Z/δl Z
=
où
dk
| dk−1 ,
dk−1 | dk−2 , ...,
et δl
| δl−1 ,
δl−1 | δl−2 , ...,
d 2 | d1
δ 2 | δ1 .
Soit p un nombre premier qui divise dk . On considère la multiplication par
p dans G :
µp : G → G
g 7−→ g + ... + g
Soit n ∈ N \ {0}. Remarquons que, si p ne divise pas n, alors µp ∈ Aut(Z/nZ).
En revanche, si p est un diviseur de n, alors Im(µp ) ∼
= Z/n0 Z, où n0 = np .
Par conséquent,
µp (G) ∼
= Z/d01 Z×... × Z/d0k Z,
où pour chaque i, d0i =
di
p .
En particulier,
|µp (G)| =
|G|
.
pk
D’autre part, soit s ≤ l le plus grand indice tel que p divise δs . Pour tous
les indices i ≥ s + 1, on a donc :
µp (Z/δi Z) = Z/δi Z
et ainsi :
µp (G) ∼
= Z/δ10 Z×... × Z/δs0 Z × Z/δs+1 Z×... × Z/δl Z.
Comme p ∧ δs+1 = 1, le fait que δs+1 divise δs entraı̂ne que l’on a également
δs+1 divise δs0 .
De plus, |µp (G)| = |G|
, d’où s = k.
pk
Par hypothèse de récurrence appliquée à µp (G), on obtient l = k et, pour
tout i ∈ {1, ..., k}, d0i = δi0 , d’où, finalement, di = δi .
11
QED
Définition :
Les Z/di Z (ou la collection des entiers d1 , ..., dk ) intervenant dans la décomposition
de G sont appelés facteurs invariants de G.
5.4 Structure des groupes abéliens finis : diviseurs élémentaires
Soit G un groupe abélien fini, p un nombre premier, et G(p) la composante
p-primaire de G. En appliquant le théorème précédent, on voit qu’il existe des
entiers naturels α1 , ..., αk tels que
G(p) ∼
=
αk ≤
Z/pα1 Z×... × Z/pαk Z
... ≤ α1 ,
et cette décomposition est unique.
On dit alors que G(p) est de type (pα1 , ..., pαk ).
Définition :
Soit G w G(p1 ) × .... × G(pr ) la décomposition de G en composantes primaires. On appelle diviseurs élémentaires de G les ordres des pi - groupes
cycliques qui interviennent dans la décomposition de chacun des G(pi ).
On voit donc que les diviseurs élémentaires de G se déduisent de ses facteurs
invariants. Réciproquement, connaissant les diviseurs élémentaires d’un groupe
abélien G, il est possible de reconstituer ses facteurs invariants.
Exemples :
1) Soit G un groupe abélien fini dont les composantes primaires sont
G(2) de type (22 , 2, 2)
G(3) de type (34 , 32 , 3)
G(5) de type (52 , 5).
Alors la décomposition de G en facteurs invariants est :
G w Z/810Z × Z/90Z × Z/6Z.
2) A isomorphisme près, il y a quatre groupes abéliens d’ordre 36 :
Z/2Z × Z/2Z × Z/3Z × Z/3Z w Z/6Z × Z/6Z
Z/2Z × Z/2Z × Z/9Z w Z/18Z × Z/2Z
Z/4Z × Z/3Z × Z/3Z w Z/12Z × Z/3Z
Z/4Z × Z/9Z w Z/36Z.
12
3) Soit G le groupe multiplicatif (Z/35Z)∗ . C’est un groupe abélien d’ordre
φ(35) = φ(7)φ(5) = 6 × 4 = 24. Déterminons-en les facteurs invariants.
D’après le lemme chinois (version multiplicative),
G = (Z/35Z)∗ = (Z/5.7.Z)∗ ' (Z/5Z)∗ × (Z/7Z)∗ = F∗5 × F∗7
puisque 5 et 7 sont premiers entre eux. Comme F∗p est un groupe cyclique
d’ordre p − 1, donc isomorphe au groupe additif Z/(p − 1)Z, on a
F∗5 × F∗7 ' (Z/4Z) × (Z/6Z) ' (Z/4Z) × (Z/2Z) × (Z/3Z),
d’après le lemme chinois (version additive), qui entraı̂ne également que (Z/4Z)×
(Z/3Z) ' Z/12Z. Finalement,
G ' (Z/2Z) × (Z/12Z)
et (Z/35Z)∗ admet pour facteurs invariants {2, 12}.
NB : bien entendu, le groupe additif Z/35Z admet 35 pour seul facteur invariant,
puisqu’il est cyclique.
5.5. Modules sur les anneaux principaux.
Ce paragraphe ne fait pas partie du programme du 3M270 P1 de 2015-2016.
La notion de module sur un anneau A généralise à la fois la théorie des espaces vectoriels (prendre pour A un corps) et celle des groupes abéliens (prendre
A = Z). Nous énonçons ci-dessous sans démonstration un théorème de structures de ces modules, qui redonne dans le cas A = Z les énoncés précédents.
Soient A un anneau commutatif et unitaire. Un A-module est la donnée d’un
groupe commutatif (M, +), muni d’une loi de composition externe A × M →
M : (a, m) 7→ am distributive pour les lois d’addition de A et de M et vérifiant
pour tout a, b ∈ A, m ∈ M : a(bm) = (ab)m, 1.m = m.
Si A est un corps commutatif K, un K-module est donc simplement un
espace vectoriel sur K. Si A = Z, la donnée d’un Z-module équivaut à celle
d’un groupe abélien G : la loi externe Z×G → G est donnée par am = m+...+m
(a fois) si a > 0, 0m = 0 et am = −(|a|m) si a < 0.
Un homomorphisme f : M → M 0 est un homomorphisme de groupe vérifiant
f (am) = af (m) pour tout a ∈ A, m ∈ M . Les notions de famille libre, de famille
génératrice, de base, de somme directe, se définissent comme pour les espaces
vectoriels. On dit qu’un A-module est de type fini (resp. libre) s’il admet
une famille génératrice finie (resp. une base). Le rang d’un A-module est le
maximum (fini ou non) des cardinaux de ses familles libres finies. Pour tout
n ≥ 0, le A-module M = An est libre de type fini, de rang n.
Pour tout élément x de M , l’annulateur Ann(x) = {a ∈ A, ax = 0} est un
idéal de A. L’idéal Ann(M ) = ∩x∈M Ann(x) s’appelle l’annulateur de M . Les
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éléments x de M tels que Ann(x) 6= (0) s’appellent les éléments de torsion de
M . Si A est intègre (ab = 0 ⇒ a = 0 ou b = 0), l’ensemble des éléments de
torsion de M forme un sous-module Mtor de M . Si Mtor = 0, on dit que M est
un module sans torsion.
On dit qu’un sous-module N de M est facteur direct s’il existe un sousmodule N 0 (qu’on appelle alors un supplémentaire de N ) tel que M = N ⊕ N 0 .
Proposition :
i) soit N un sous-module d’un A-module M , tel que le quotient M/N soit
un A-module libre. Alors, N est facteur direct dans M .
ii) Soit M un module sur un anneau intègre A. Alors, M/Mtor est sans
torsion. Si M est libre, alors M est sans torsion.
Noter qu’en général, un A-module sans torsion n’est pas forcément libre
(exemples: les idéaux non principaux de A; le Z-module sans torsion Q).
Nous supposons désormais que A est un anneau principal. Pour tout a ∈ A,
on note (a) l’idéal aA.
Théorème :
Soient A un anneau principal, M ' An un A-module libre de type fini, de
rang n, et N un sous-A-module de M . Alors
i) N est libre de type fini, de rang s ≤ n;
ii) il existe une base {e1 , . . . , en } de M et des éléments a1 , . . . , as de A tels
que ai divise ai+1 pour tout i = 1, . . . , s − 1, et que {a1 e1 , . . . , as es } soit une
base de N .
De plus, les idéaux {(a1 ), . . . , (as )} ne dépendent que de M et de N , et
s’appellent les facteurs invariants de N dans M .
Tout module de type fini étant quotient d’un module libre de type fini, on
déduit du théorème et de la proposition le corollaire fondamental suivant.
Structure des modules de type fini sur un anneau principal : Soit M
un module de type fini sur un anneau principal A. Alors,
i) Mtor est facteur direct dans M , et M est libre si et seulement s’il est sans
torsion;
ii) plus précisément, il existe un entier r ≥ 0 et des idéaux non nuls (as ) ⊂
(as−1 ) ⊂ ... ⊂ (a1 ) 6= A tels que M ' Ar ⊕ A/(a1 ) ⊕ ... ⊕ A/(as ). L’entier r est
le rang de M , et les idéaux (ai ), qu’on appelle les facteurs invariants de M , ne
dépendent que de M ; par exemple, (as ) = Ann(Mtor ).
Applications
• Pour A = C[X], ce théorème permet de retrouver l’existence de la forme
de Jordan d’une matrice P ∈ GLn (C) (voir cours d’algèbre du L2).
• Soit G un groupe abélien. Comme dit plus haut, G est naturellement un
module sur l’anneau A = Z. Et le groupe G est fini si et seulement si ce module
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est de type fini et de torsion (donc de rang r = 0). On retrouve dans ce cas
l’énoncé du §5.3.
Exemples
1. Éléments primitifs de Zn : ce sont les vecteurs x = (x1 , ..., xn ) de Zn
vérifiant les propriétés équivalentes suivantes:
i) x est la première colonne d’un élément de GLn (Z);
ii) les entiers x1 , . . . , xn sont premiers entre eux dans leur ensemble;
iii) Zn /Zx est un Z-module sans torsion;
iv) Zn ∩ Rx = Zx
2. Forme normale de Smith : soit B une matrice n×m (n lignes, m colonnes)
à coefficients dans Z, de rang s. On dit qu’elle est sous forme de Smith si tous
ses coefficients sont nuls en dehors de ses s premiers élements diagonaux, qui
sont positifs et vérifient pour tout i < s : bi,i divise bi+1,i+1 . L’énoncé suivant
fournit, pour A = Z, une version “constructive” du théorème sur les facteurs
invariants dans M d’un sous-module N du Z-module M = Zn .
Théorème :
Soit C une matrice n × m à coefficients dans Z, de rang s.
i) Il existe V ∈ GLn (Z) et U ∈ GLm (Z) telle que B = V CU soit sous forme
de Smith.
ii) Pour tout entier r = 0, 1, ..., s, soit ∆r (C) le pgcd des mineurs d’ordre
r (C)
r de C, avec ∆0 = 1. Alors, br,r = ∆∆r−1
(C) . La matrice B de i) est donc
indépendante de U et de V .
Démonstration:
i) par récurrence, il suffit de montrer que l’ensemble C des matrices V CU
semblables à C contient une matrice B dont les coefficients b1,j , bi,1 sont nuls
pour i, j > 1. C’est clair si C = 0. Sinon, des inversions de lignes et de
colonnes montrent que C contient une matrice B, dont le coefficient b1,1 réalise
le minimum des valeurs absolues non nulles de tous les coefficients b0i,j de tous
les éléments de C. Comme la matrice B 0 obtenue en ajouant un multiple de la
première colonne à la colonne d’indice j > 1 de B appartient à C, on voit en
effectuant la division euclidienne de b1,j par b1,1 , puis une nouvelle inversion de
colonnes sur B 0 , que tous les coefficients b1,j (j > 1) de B sont nuls. De même,
bi,1 = 0 pour tout i > 1.
ii) résulte de la formule de Lagrange: soient Y une matrice q × t, Z une
matrice t×p, r un entier ≤ inf (p, q, t), K une injection croissante: [1, r] ,→ [1, q],
et L une injection croissante: [1, r] ,→ [1, p]; alors,
Det(Y Z)KL = ΣH Det(YKH )Det(ZHL ),
où la sommation porte sur l’ensemble des injections croissantes H : [1, r] ,→ [1, t].
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