2015-2016 3M270 Algèbre Deuxième partie 4. LE GROUPE SYMÉTRIQUE. 4.1. Permutations. Cycles. Notations. Définition : Soient n ≥ 1 un entier, et X l’ensemble {1, ..., n}. L’ensemble Sym(X) des bijections de X sur lui même est un groupe pour la composition des applications. On l’appelle ”groupe symétrique” et on le note Sn . Les éléments de Sn sont appelés des permutations. Notation : Soit σ ∈ Sn .On représente la permutation σ au moyen d’un tableau à deux lignes. Sur la première ligne on écrit les entiers allant de 1 à n, et au-dessous de chacun d’eux on écrit son image : 1 2 . . . N σ= σ(1) σ(2) . . . σ(n) On appelle support de la permutation σ l ’ensemble Supp(σ) = {i ∈ {1, ..., n}/σ(i) 6= i}. Soit l un entier tel que 1 ≤ l ≤ n et soit i1 , ..., il des éléments distincts de {1, ..., n}. On note ( i1 i2 . . . in ) la permutation définie par : σ(ij ) = ij+1 si 1 ≤ j ≤ l − 1 σ(il ) = i1 . Une telle permutation est appelée cycle de longueur l. On voit immédiatement que l’ordre d’un cycle de longueur l est égal à l. Remarquons qu’il y a l façons de noter un cycle de longueur l. Ainsi, ( 1 2 3 ) = ( 2 3 1 ) = ( 3 1 2 ). On dit que des cycles sont disjoints si leurs supports sont disjoints. Des cycles disjoints commutent. Toutefois, si n ≥ 3, le groupe Sn n’est pas abélien : ( 1 ( 2 2 )◦( 2 3 )◦( 1 3 ) 2 ) 1 = = ( 1 ( 1 2 3 3 ) 2 ) Les cycles de longueur 2 sont appelés transpositions. Proposition : card(Sn ) = n!. Démonstration : On procède par récurrence sur n. Si n = 1, le résultat est évident. Soit n ≥ 2. On définit sur Sn la relation R : σRτ ⇐⇒ σ(n) = τ (n). C’est une relation d’équivalence dont les classes d’équivalence sont les ensembles Ei = {σ ∈ Sn /σ(n) = i}. Or on voit qu’il y a une bijection entre En et Sn−1 . Par hypothèse de récurrence, on a donc card(En ) = (n − 1)!. De plus, si i 6= n, alors l’application définie sur Sn par σ 7−→ i n ◦ σ induit une bijection entre Ei et En . Par conséquent, card(Ei ) = card(En ). Le résultat en découle puisque les Ei an nombre de n, forment une partition de Sn . QED 4.2 Décomposition des permutations Nous allons montrer que toute permutation peut se décomposer en produit de cycles disjoints, et aussi en produit de transpositions. Théorème : Toute permutation peut s’écrire comme un produit de cycles disjoints. Cette décomposition est unique, à l’ordre des facteurs près. Démonstration : Soit σ ∈ Sn . On définit sur l’ensemble {1, ..., n} la relation Rσ par xRσ y ⇐⇒ ∃n ∈ Z tel que y = σ n (x). C’est une relation d’équivalence (vérifiez le!), dont les classes d’équivalence sont appelées les orbites de σ. Si x est un élément de {1, ..., n}, son orbite est [x] = {σ m (x)/m ∈ Z}. Il existe un entier r > 0 tel que x = σ r (x). En effet, comme l’ensemble [x] est une partie finie de {1, ..., n} et il existe des entiers m > 0 et r > 0 tels que σ m+r (x) = σ m (x). Soit alors r le plus petit entier strictement positif tel que x = σ r (x). Alors [x] = {x, σ(x), ..., σ r−1 (x)}. Notons C1 , ..., Ck les orbites de σ. Pour chaque indice i ∈ {1, ..., k}, soit γi la permutation définie par σ(x) si x ∈ Ci γi (x) = x si x ∈ / Ci 2 Ainsi définis, les γi sont des cycles disjoints. Soit τ = γ1 ◦ ... ◦ γk et soit x ∈ {1, ..., n}. Il existe un unique i ∈ {1, ..., k} tel que x ∈ Ci . Comme les orbites sont disjointes, on peut écrire τ (x) = γi ◦ γ1 ... ◦ γi−1 ◦ γi+1 ◦ ... ◦ γk (x) = γi (x) = σ(x), d’où σ = τ . Il reste à démontrer l’unicité de cette décomposition. On raisonne par récurrence sur le nombre k de cycles disjoints dans une décomposition de σ. Si k = 0, il n’y a rien à démontrer. Supposons que σ = γ1 ◦...◦γk = δ1 ◦...◦δl sont deux décompositions en cycles disjoints. Soit x ∈ {1, ..., n} tel que x ∈ C1 . Il existe un unique indice j ∈ {1, ..., l} tel que j ∈ Supp(δj ). Quitte à changer la numérotation, on peut supposer que j = 1, et on a alors σ(x) = γ1 (x) = δ1 (x). On en déduit que C1 = {x, δ1 (x), ..., δ1t−1 (x)} et γ1 = δ1 . On a donc γ2 ◦ ... ◦ γk = δ2 ◦ ... ◦ δl . En appliquant l’hypothèse de récurrence, on en déduit que k = l et que {γ2 , ..., γk } = {δ2 , ..., δk }. QED Corollaire : L’ordre d’une permutation est égal au ppcm des ordres des cycles disjoints qui la composent. Démonstration : La démonstration est laissée en exercice. (Attention, il s’agit d’une propriété spécifique aux cycles disjoints : si x et y sont deux éléments d’un groupe fini G qui commutent, et si a = o(x), b = o(y), r = ppcm(a, b), il n’est en général pas vrai que xy soit d’ordre r : prendre y = x−1 , de sorte que a = b = r, mais o(xy) = 1. Néanmoins, on a toujours o(xy)|r, et o(xy) = ab = r si a et b sont premiers entre eux. Voir le §5.1 (et les feuilles d’exercices). Exemple: 1 2 3 4 5 6 7 Soit σ = . 6 4 5 7 3 1 2 Alors σ = 1 6 ◦ 2 4 7 ◦ 3 5 . Théorème : Tout cycle peut se décomposer en produit de transpositions. Démonstration : i1 . . . ik = QED i1 ik ◦ i1 Remarque : 3 ik−1 ◦···◦ i1 i2 . La décomposition en produit de transpositions n’est pas unique. Théorème : Toute permutation peut s’écrire comme un produit de transpositions. 4.3. Signature d’une permutation Définition : Soit σ ∈ Sn . On appelle signature de σ le nombre (σ) = Πi<j σ(i) − σ(j) . i−j Proposition: (σ) = ±1. Démonstration : Il suffit de montrer que (σ)2 = 1. Soit E = {(i, j) ∈ {1, · · ·, n}2 /i 6= j}. Remarquons que, si i 6= j, alors σ(i) 6= σ(j) puisque σ est injective. On a donc une application Σ:E→E définie par Σ(i, j) = (σ(i), σ(j)). De plus, Σ est injective, donc bijective. On a donc Y Y (i − j) = (σ(i) − σ(j)). (i,j)∈E (i,j)∈E Par conséquent : (σ)2 = Y σ(i) − σ(j) Y σ(i) − σ(j) Y σ(i) − σ(j) · = = 1. i−j i−j i−j i>j i<j (i,j)∈E QED Théorème : L’application : Sn → {±1} est un homomorphisme de groupes. Démonstration : On doit montrer que, pour toutes permutations σ, τ , (στ ) = (σ)(τ ). (στ ) = Y στ (i) − στ (j) i<j i−j = Y στ (i) − στ (j) τ (i) − τ (j) · , τ (i) − τ (j) i−j i<j d’où (στ ) Y στ (i) − στ (j) = = (τ ) τ (i) − τ (j) i<j Y i<j τ (i)<τ (j) στ (i) − στ (j) · τ (i) − τ (j) 4 Y i<j τ (i)>τ (j) στ (i) − στ (j) . τ (i) − τ (j) Si on pose i0 = τ (i) on obtient (στ ) (τ ) = Y σ(i0 ) − σ(j 0 ) Y σ(i0 ) − σ(j 0 ) · i0 − j 0 i0 − j 0 i<j i<j i0 >j 0 i0 <j 0 = Y σ(i0 ) − σ(j 0 ) Y σ(i0 ) − σ(j 0 ) · i0 − j 0 i0 − j 0 i<j i>j i0 <j 0 = i0 <j 0 Y σ(i0 ) − σ(j 0 ) i0 − j 0 0 0 i <j = (σ). QED Définition : Soit σ ∈ Sn . On dit qu’un couple (i, j) est une inversion pour σ si i < j et σ(i) > σ(j). Si on note I(σ) le nombre d’inversions pour σ, alors (σ) = (−1)I(σ) . Définition : Soit σ ∈ Sn . On dit que σ est une permutation paire si (σ) = 1. On dit que c’est une permutation impaire si (σ) = −1. On remarque que la permutation σ est paire si et seulement si son nombre d’inversions est pair. Pour déterminer le nombre d’inversions d’une permutation à partir de son tableau, on compte, pour chaque élément de la deuxième ligne, combien d’éléments plus petits apparaissent à sa droite. Par exemple, soit 1 2 3 4 5 σ= . 2 4 5 1 3 Cette permutation présente 5 inversions. Proposition : Les transpositions sont donc des permutations impaires. Démonstration : Soit τ = i j , une transposition (i < j). Les inversions de τ sont les couples (i, k) tels que i + 1 ≤ k ≤ j, au nombre de j − i, et les couples (l, j) tels que i + 1 ≤ l ≤ j − 1, au nombre de j − i − 1. Au total, le nombre d’inversions est égal à 2(j − i) − 1, qui est impair. 5 QED Corollaire : Dans la décomposition d’une permutation en produit de transpositions, le nombre de facteurs a toujours la même parité. Proposition : Soit γ ∈ Sn un cycle de longueur m. Alors (γ) = (−1)m−1 . Démonstration : On a vu plus haut qu’un cycle de longueur m se décomposait en un produit de m − 1 transpositions. QED Comme ε : Sn → {±1} est un homomorphisme, son noyau est un sous-groupe distingué de Sn . C’est le groupe alterné An = {σ ∈ Sn /(σ) = 1}. C’est un sous-groupe d’indice 2. Son cardinal est n! 2 . 4.4. Classes de conjugaison Proposition. Soit γ = i1 · quelconque. Alors · · im τ γτ −1 = un cycle de Sn . Soit τ ∈ Sn une permutation τ (i1 ) · · · τ (im ) . Démonstration : Soit j ∈ {1, · · ·, n}. Si τ −1 (j) ∈ / Supp(γ), alors τ γτ −1 (j) = τ τ −1 (j) = j. −1 En revanche, si τ (j) = ik ∈ Supp(γ), alors τ γτ −1 (j) = τ γ(ik ) = τ (ik+1 ). QED Soit σ = γ1 ◦···◦γk la décomposition de σ ∈ Sn en produit de cycles disjoints de longueur croissante r1 ≤ · · · ≤ rk . On dit alors que σ est de type (r1 , · · ·, rk ). Si τ ∈ Sn , alors τ στ −1 = (τ γ1 τ −1 ) ◦ · · · ◦ (τ γk τ −1 ) est encore de type (r1 , · · ·, rk ). Réciproquement, si σ 0 est une permutation de type (r1 , · · ·, rk ), il existe une permutation τ telle que τ στ −1 = σ 0 . Les classes de conjugaison de Sn correspondent donc aux types de permutations. On appelle partition de n la donnée d’entiers naturels non nuls r1 , · · ·, rk tels que n = r1 + · · · + rk . En particulier, le nombre de classes de conjugaison dans Sn est égal au nombre de partitions de n. 6 5. GROUPES ABÉLIENS FINIS 5.1 p-groupes Définition : Soit p un nombre premier. On appelle p-groupe tout groupe fini dont l’ordre est une puissance de p . Lemme de Cauchy : Soit G un groupe fini et p un nombre premier qui divise l’ordre de G. Alors G contient un élément d’ordre p. Démonstration (en supposant G abélien). On procède par récurrence sur l’ordre n de G. Si n = 1, il n’y a rien à démontrer. Supposons la propriété démontrée jusqu’à l’ordre n et soit g ∈ G, g 6= e. Premier cas : si p divise l’ordre o(g) de g. Alors il existe un entier r tel que o(g) = pr et l’élément g r est d’ordre p. Deuxième cas : on suppose maintenant que p et o(g) sont premiers entre eux. Comme G est abélien, < g > est distingué dans G et on peut considérer le groupe quotient H = G/ < g >. Comme |G| = |H| × o(g), p est un diviseur de |H| et, par hypothèse de récurrence, il existe h < g >∈ H tel que (h < g >)p = hp < g >=< g >. Soit alors s l’ordre de h : (h < g >)s = hs < g >=< g >, donc p divise s, et on est ramené au premier cas. QED Remarque : nous verrons au §7.1 que le lemme de Cauchy est également vrai pour les groupes non abéliens. Proposition : Soit p un nombre premier. Soit G 6= {e} un groupe abélien fini tel que l’ordre de chacun de ses éléments est une puissance de p. Alors G est un p-groupe. Démonstration : Soit q un nombre premier qui divise l’ordre de G. D’après le lemme de Cauchy, G contient un élément d’ordre q. On par hypothèse, q est une puissance de p. Donc q = p. QED Proposition : Soit (G, +) un groupe abélien fini. Soit g et h deux éléments de G tels que o(g) ∧ o(h) = 1. Alors o(g + h) = o(g)o(h). 7 Démonstration : Notons r = o(g), s = o(h), t = o(g + h). Comme rg = 0 = sh, on a rs(g + h) = rsg + rsh = 0, donc t divise rs. Réciproquement, t(g + h) = 0, donc tg = −th ∈< h > ∩ < g >. L’ordre de tg divise r et s et est donc égal à 1. Par conséquent, tg = 0 et r divise t. De même s divise t. Finalement, rs divise t. QED 5.2 Composantes primaires d’un groupe abélien fini. Définition : Soit p un nombre premier et G un groupe abélien fini. On appelle composante p-primaire de G l’ensemble G(p) des éléments de G dont l’ordre est une puissance de p. Remarques : 1) G(p) est un sous-groupe de G . 2) G(p) est un p-groupe. 3) G(p) 6= {e} ⇐⇒ p divise |G|. (ceci est une conséquence du lemme de Cauchy) Théorème : Soit G un groupe abélien fini d’ordre n = pn1 1 · · · pnr r , où les pi sont des nombres premiers distincts. Alors, pour chaque i ∈ {1, ..., r}, G(pi ) est d’ordre pni i et G w G(p1 ) × .... × G(pr ). Démonstration : Soit i ∈ {1, ..., r} et H = G/G(pi ). Montrons d’abord que H(pi ) = {0̄}: Soit x ∈ H(pi ). Il existe h ∈ G tel que x = h + G(pi ) et s ∈ N tel que psi x = 0̄, ou encore psi h ∈ G(pi ). Par conséquent, il existe un entier naturel t tel que pti (psi h) = 0. On en déduit que h ∈ G(pi ), c’est-à-dire x̄ = 0̄. Comme H(pi ) = {0̄}, d’après la remarque ci-dessus pi ne divise pas |H|. Et comme |G| = |H| × |G(pi )|, on en déduit que pni i divise |G(pi )|. On considère maintenant l’application η : G(p1 ) × .... × G(pr ) → G (g1 , ..., gr ) 7−→ g1 + ... + gr 8 Cette application est un homomorphisme. De plus, η est injectif : supposons en effet que g1 + ... + gr = 0. On a donc g1 + ... + gr−1 = −gr . Pour chaque i ∈ {1, ..., r}, l’ordre de gi est une puissance de pi . Il existe des αr i entiers α1 , ..., αr tels que o(gi ) = pα i . On a d’une part o(gr ) = pr et d’autre part αr−1 1 o(gr ) = pα 1 ×...×pr−1 . Le théorème fondamental de l’arithmétique entraı̂ne que α1 = ... = αr = 0, d’où g1 = ... = gr = 0. Comme η est injective, Qr |G| = i=1 r Y i=1 |G(pi )| ≤ |G|, d’où pni i ≤ r Y |G(pi )| ≤ |G| . i=1 On en déduit que η est une bijection, donc un isomorphisme. QED 5.3. Structure des groupes abéliens finis : facteurs invariants Définition : Soit G un groupe abélien fini. On appelle exposant de G le plus petit commun multiple des ordres de ses éléments. Proposition : Soit G un groupe abélien fini. Il existe un élément de G dont l’ordre est égal à l’exposant de G. Démonstration Qn : i Soit ε = i=1 pα i la décomposition de l’exposant de G en produit de puissances de nombres premiers. Pour chaque i ∈ {1, ..., n}, il existe gi0 ∈ G tel αi αi 0 0 0 i que pα i divise o(gi ). Si o(gi ) = pi si alors gi = si gi est d’ordre pi . Soit alors g = g1 + ... + gn . D’après une proposition précédente, l’ordre de g est égal à . QED Lemme : Soit G un groupe abélien fini d’exposant ε et g ∈ G un élément d’ordre maximal ε. Soit x ∈ G/ < g > un élément d’ordre µ. Alors il existe un élément h ∈ G d’ordre µ tel que Cl(h) = x. Démonstration : On remarque que, si Cl(k) = x, alors l’ordre de k est un multiple de µ. Notons ν = o(k). Il existe donc un entier naturel α tel que ν = αµ. Comme µx = 0, on a µk ∈< g > et il existe un entier naturel η tel que µk = ηg. D’autre part, ν divise ε et il existe donc un entier naturel ς tel que ε = νς = αµν. On a donc αηg = αµk = νk = 0. 9 On en déduit que ε divise αη, donc que αµς divise αη, donc que µ divise η. Posons alors ρ = µη et h = k − ρg. D’une part, Cl(h) = Cl(k), donc o(h) est un multiple de µ. D’autre part, µh = µk − µρg = µk − ηg = 0. On en conclut que µ = o(h). QED Théorème : Soit G un groupe abélien fini. Il existe des entiers uniques d1 , ..., dk ≥ 1 tels que 1) dk | dk−1 , dk−1 | dk−2 , ..., d2 | d1 2) G ∼ = Z/d1 Z×... × Z/dk Z Démonstration : Existence : On raisonne par récurrence sur n = |G|. Si n = 2, G est isomorphe à Z/2Z, la propriété est donc vraie. Supposons n > 2 et notons d1 l’exposant de G : il existe un élément x1 ∈ G d’ordre d1 . Si d1 = n, alors G ∼ = Z/nZ et la propriété est vérifiée. Sinon, |G/ < x1 >| = dn1 où 1 < dn1 < n. L’hypothèse de récurrence entraı̂ne alors l’existence d’entiers d2 , ..., dk tels que dk | dk−1 , dk−1 | dk−2 , ..., d3 | d2 et d’un isomorphisme ϕ : Z/d2 Z×... × Z/dk Z →G/ < x1 > . Pour chaque i ∈ {2, ..., k}, il existe xi ∈ G tel que ϕ(0̄, ..., 1̄, ..., 0̄) = xi + < x1 >= Cl(xi ). Comme ϕ est un isomorphisme, Cl(xi ) est d’ordre di et les Cl(xi ) engendrent G/ < x1 >. D’après la proposition précédente, on peut choisir chaque xi de sorte que o(xi ) = di . Soit g ∈ G quelconque : Cl(g) = g+ < x1 >∈ G/ < x1 >. Il existe donc des entiers λ2 , ..., λk tels que Cl(g) = k X k X λi (xi + < x1 >) = ( λi xi )+ < x1 > . i=2 Ainsi, il existe λ1 ∈ Z tel que g − i=2 Pk i=2 λi xi = λ1 x1 . L’application < x1 > ×...× < xk >→ G k X (λ1 x1 , ..., λk xk ) 7−→ λi xi i=1 10 est donc surjective. Qk Qk De plus, |G/ < x1 >| = i=2 di , d’où |G| = i=1 di . Ainsi, ϕ est bijective. Il est clair d’autre part que ϕ est un homomorphisme. Unicité : On procède par récurrence sur |G|. Supposons qu’il existe deux décompositions G ∼ = Z/d1 Z×... × Z/dk Z ∼ Z/δ1 Z×... × Z/δl Z = où dk | dk−1 , dk−1 | dk−2 , ..., et δl | δl−1 , δl−1 | δl−2 , ..., d 2 | d1 δ 2 | δ1 . Soit p un nombre premier qui divise dk . On considère la multiplication par p dans G : µp : G → G g 7−→ g + ... + g Soit n ∈ N \ {0}. Remarquons que, si p ne divise pas n, alors µp ∈ Aut(Z/nZ). En revanche, si p est un diviseur de n, alors Im(µp ) ∼ = Z/n0 Z, où n0 = np . Par conséquent, µp (G) ∼ = Z/d01 Z×... × Z/d0k Z, où pour chaque i, d0i = di p . En particulier, |µp (G)| = |G| . pk D’autre part, soit s ≤ l le plus grand indice tel que p divise δs . Pour tous les indices i ≥ s + 1, on a donc : µp (Z/δi Z) = Z/δi Z et ainsi : µp (G) ∼ = Z/δ10 Z×... × Z/δs0 Z × Z/δs+1 Z×... × Z/δl Z. Comme p ∧ δs+1 = 1, le fait que δs+1 divise δs entraı̂ne que l’on a également δs+1 divise δs0 . De plus, |µp (G)| = |G| , d’où s = k. pk Par hypothèse de récurrence appliquée à µp (G), on obtient l = k et, pour tout i ∈ {1, ..., k}, d0i = δi0 , d’où, finalement, di = δi . 11 QED Définition : Les Z/di Z (ou la collection des entiers d1 , ..., dk ) intervenant dans la décomposition de G sont appelés facteurs invariants de G. 5.4 Structure des groupes abéliens finis : diviseurs élémentaires Soit G un groupe abélien fini, p un nombre premier, et G(p) la composante p-primaire de G. En appliquant le théorème précédent, on voit qu’il existe des entiers naturels α1 , ..., αk tels que G(p) ∼ = αk ≤ Z/pα1 Z×... × Z/pαk Z ... ≤ α1 , et cette décomposition est unique. On dit alors que G(p) est de type (pα1 , ..., pαk ). Définition : Soit G w G(p1 ) × .... × G(pr ) la décomposition de G en composantes primaires. On appelle diviseurs élémentaires de G les ordres des pi - groupes cycliques qui interviennent dans la décomposition de chacun des G(pi ). On voit donc que les diviseurs élémentaires de G se déduisent de ses facteurs invariants. Réciproquement, connaissant les diviseurs élémentaires d’un groupe abélien G, il est possible de reconstituer ses facteurs invariants. Exemples : 1) Soit G un groupe abélien fini dont les composantes primaires sont G(2) de type (22 , 2, 2) G(3) de type (34 , 32 , 3) G(5) de type (52 , 5). Alors la décomposition de G en facteurs invariants est : G w Z/810Z × Z/90Z × Z/6Z. 2) A isomorphisme près, il y a quatre groupes abéliens d’ordre 36 : Z/2Z × Z/2Z × Z/3Z × Z/3Z w Z/6Z × Z/6Z Z/2Z × Z/2Z × Z/9Z w Z/18Z × Z/2Z Z/4Z × Z/3Z × Z/3Z w Z/12Z × Z/3Z Z/4Z × Z/9Z w Z/36Z. 12 3) Soit G le groupe multiplicatif (Z/35Z)∗ . C’est un groupe abélien d’ordre φ(35) = φ(7)φ(5) = 6 × 4 = 24. Déterminons-en les facteurs invariants. D’après le lemme chinois (version multiplicative), G = (Z/35Z)∗ = (Z/5.7.Z)∗ ' (Z/5Z)∗ × (Z/7Z)∗ = F∗5 × F∗7 puisque 5 et 7 sont premiers entre eux. Comme F∗p est un groupe cyclique d’ordre p − 1, donc isomorphe au groupe additif Z/(p − 1)Z, on a F∗5 × F∗7 ' (Z/4Z) × (Z/6Z) ' (Z/4Z) × (Z/2Z) × (Z/3Z), d’après le lemme chinois (version additive), qui entraı̂ne également que (Z/4Z)× (Z/3Z) ' Z/12Z. Finalement, G ' (Z/2Z) × (Z/12Z) et (Z/35Z)∗ admet pour facteurs invariants {2, 12}. NB : bien entendu, le groupe additif Z/35Z admet 35 pour seul facteur invariant, puisqu’il est cyclique. 5.5. Modules sur les anneaux principaux. Ce paragraphe ne fait pas partie du programme du 3M270 P1 de 2015-2016. La notion de module sur un anneau A généralise à la fois la théorie des espaces vectoriels (prendre pour A un corps) et celle des groupes abéliens (prendre A = Z). Nous énonçons ci-dessous sans démonstration un théorème de structures de ces modules, qui redonne dans le cas A = Z les énoncés précédents. Soient A un anneau commutatif et unitaire. Un A-module est la donnée d’un groupe commutatif (M, +), muni d’une loi de composition externe A × M → M : (a, m) 7→ am distributive pour les lois d’addition de A et de M et vérifiant pour tout a, b ∈ A, m ∈ M : a(bm) = (ab)m, 1.m = m. Si A est un corps commutatif K, un K-module est donc simplement un espace vectoriel sur K. Si A = Z, la donnée d’un Z-module équivaut à celle d’un groupe abélien G : la loi externe Z×G → G est donnée par am = m+...+m (a fois) si a > 0, 0m = 0 et am = −(|a|m) si a < 0. Un homomorphisme f : M → M 0 est un homomorphisme de groupe vérifiant f (am) = af (m) pour tout a ∈ A, m ∈ M . Les notions de famille libre, de famille génératrice, de base, de somme directe, se définissent comme pour les espaces vectoriels. On dit qu’un A-module est de type fini (resp. libre) s’il admet une famille génératrice finie (resp. une base). Le rang d’un A-module est le maximum (fini ou non) des cardinaux de ses familles libres finies. Pour tout n ≥ 0, le A-module M = An est libre de type fini, de rang n. Pour tout élément x de M , l’annulateur Ann(x) = {a ∈ A, ax = 0} est un idéal de A. L’idéal Ann(M ) = ∩x∈M Ann(x) s’appelle l’annulateur de M . Les 13 éléments x de M tels que Ann(x) 6= (0) s’appellent les éléments de torsion de M . Si A est intègre (ab = 0 ⇒ a = 0 ou b = 0), l’ensemble des éléments de torsion de M forme un sous-module Mtor de M . Si Mtor = 0, on dit que M est un module sans torsion. On dit qu’un sous-module N de M est facteur direct s’il existe un sousmodule N 0 (qu’on appelle alors un supplémentaire de N ) tel que M = N ⊕ N 0 . Proposition : i) soit N un sous-module d’un A-module M , tel que le quotient M/N soit un A-module libre. Alors, N est facteur direct dans M . ii) Soit M un module sur un anneau intègre A. Alors, M/Mtor est sans torsion. Si M est libre, alors M est sans torsion. Noter qu’en général, un A-module sans torsion n’est pas forcément libre (exemples: les idéaux non principaux de A; le Z-module sans torsion Q). Nous supposons désormais que A est un anneau principal. Pour tout a ∈ A, on note (a) l’idéal aA. Théorème : Soient A un anneau principal, M ' An un A-module libre de type fini, de rang n, et N un sous-A-module de M . Alors i) N est libre de type fini, de rang s ≤ n; ii) il existe une base {e1 , . . . , en } de M et des éléments a1 , . . . , as de A tels que ai divise ai+1 pour tout i = 1, . . . , s − 1, et que {a1 e1 , . . . , as es } soit une base de N . De plus, les idéaux {(a1 ), . . . , (as )} ne dépendent que de M et de N , et s’appellent les facteurs invariants de N dans M . Tout module de type fini étant quotient d’un module libre de type fini, on déduit du théorème et de la proposition le corollaire fondamental suivant. Structure des modules de type fini sur un anneau principal : Soit M un module de type fini sur un anneau principal A. Alors, i) Mtor est facteur direct dans M , et M est libre si et seulement s’il est sans torsion; ii) plus précisément, il existe un entier r ≥ 0 et des idéaux non nuls (as ) ⊂ (as−1 ) ⊂ ... ⊂ (a1 ) 6= A tels que M ' Ar ⊕ A/(a1 ) ⊕ ... ⊕ A/(as ). L’entier r est le rang de M , et les idéaux (ai ), qu’on appelle les facteurs invariants de M , ne dépendent que de M ; par exemple, (as ) = Ann(Mtor ). Applications • Pour A = C[X], ce théorème permet de retrouver l’existence de la forme de Jordan d’une matrice P ∈ GLn (C) (voir cours d’algèbre du L2). • Soit G un groupe abélien. Comme dit plus haut, G est naturellement un module sur l’anneau A = Z. Et le groupe G est fini si et seulement si ce module 14 est de type fini et de torsion (donc de rang r = 0). On retrouve dans ce cas l’énoncé du §5.3. Exemples 1. Éléments primitifs de Zn : ce sont les vecteurs x = (x1 , ..., xn ) de Zn vérifiant les propriétés équivalentes suivantes: i) x est la première colonne d’un élément de GLn (Z); ii) les entiers x1 , . . . , xn sont premiers entre eux dans leur ensemble; iii) Zn /Zx est un Z-module sans torsion; iv) Zn ∩ Rx = Zx 2. Forme normale de Smith : soit B une matrice n×m (n lignes, m colonnes) à coefficients dans Z, de rang s. On dit qu’elle est sous forme de Smith si tous ses coefficients sont nuls en dehors de ses s premiers élements diagonaux, qui sont positifs et vérifient pour tout i < s : bi,i divise bi+1,i+1 . L’énoncé suivant fournit, pour A = Z, une version “constructive” du théorème sur les facteurs invariants dans M d’un sous-module N du Z-module M = Zn . Théorème : Soit C une matrice n × m à coefficients dans Z, de rang s. i) Il existe V ∈ GLn (Z) et U ∈ GLm (Z) telle que B = V CU soit sous forme de Smith. ii) Pour tout entier r = 0, 1, ..., s, soit ∆r (C) le pgcd des mineurs d’ordre r (C) r de C, avec ∆0 = 1. Alors, br,r = ∆∆r−1 (C) . La matrice B de i) est donc indépendante de U et de V . Démonstration: i) par récurrence, il suffit de montrer que l’ensemble C des matrices V CU semblables à C contient une matrice B dont les coefficients b1,j , bi,1 sont nuls pour i, j > 1. C’est clair si C = 0. Sinon, des inversions de lignes et de colonnes montrent que C contient une matrice B, dont le coefficient b1,1 réalise le minimum des valeurs absolues non nulles de tous les coefficients b0i,j de tous les éléments de C. Comme la matrice B 0 obtenue en ajouant un multiple de la première colonne à la colonne d’indice j > 1 de B appartient à C, on voit en effectuant la division euclidienne de b1,j par b1,1 , puis une nouvelle inversion de colonnes sur B 0 , que tous les coefficients b1,j (j > 1) de B sont nuls. De même, bi,1 = 0 pour tout i > 1. ii) résulte de la formule de Lagrange: soient Y une matrice q × t, Z une matrice t×p, r un entier ≤ inf (p, q, t), K une injection croissante: [1, r] ,→ [1, q], et L une injection croissante: [1, r] ,→ [1, p]; alors, Det(Y Z)KL = ΣH Det(YKH )Det(ZHL ), où la sommation porte sur l’ensemble des injections croissantes H : [1, r] ,→ [1, t]. 15