09/04/13 De la preuve de l’efficacité à la démonstration de l’efficience L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêt Pr. Lise Rochaix Membre du Collège de la HAS Colloque Epsylon, Montpellier, 5 Avril 2013 ‘Comment montrer l’efficacité d’une intervention non médicamenteuse’ L’analyse de la prescription de TNM Le rapport d’orientation HAS (2011) Développement de la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses validées Auteur : Clémence Thébaut, chef de projet HAS Catherine Rumeau-Pichon, adjointe au directeur de l’évaluation à la HAS Objectif : Identifier les freins organisationnels, économiques, socioculturels et symboliques sur le terrain limitant le respect des recommandations de bonnes pratiques en matière de thérapeutiques non médicamenteuses (TNM) dans les pratiques de prescription 01 Comprendre les leviers de la prescription d’interventions non médicamenteuses 4 Les trois axes de travail Cadrage • 1 - État des lieux sur la place des TNM dans les recommandations de bonnes pratiques et dans les pratiques de prescription (2 exemples de champs thérapeutiques : la prise en charge des risques cardio-vasculaires et de l’insomnie) 2 - Revue de la littérature sur les logiques extra-médicales qui sous-tendent la décision de prescription et confrontation avec les pratiques en France • • • 3 – Analyse des voies d’amélioration pour lever les freins au développement de la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses • 5 La notion de « prescription » : acception plus large comprenant l’orientation du patient (conseils, …) Choix de TNM nécessitant une participation active du patient en interaction ou non avec un professionnel spécialisé et faisant l’objet de recommandations de bonnes pratiques dont la validité est reconnue en France Centrage sur le curatif, une fois déclarés les troubles physiologiques et somatiques L’analyse des freins est centrée sur les professionnels Littérature consultée large (enquêtes de terrain, …) 6 1 09/04/13 Méthode de production du rapport HAS Les constats Sous utilisation avérée des TNM par rapport à ce qui est validé : - RCV : régulation du comportement alimentaire, contrôle du poids, contrôle tabagique, exercice physique ; - Insomnie : règles hygiéno-diététiques, gestion du stress, traitements psychologiques) De manière générale, difficulté d’établir de manière robuste la preuve de l’efficacité clinique => un frein majeur à la prescription des TNM En France, de surcroît : - le financement et l’organisation des soins de ville n’incitent pas les médecins à fournir l’effort plus important que nécessite la prescription de TNM - Importance des enjeux en termes d’équité d’accès : TNM souvent non prises en charge Choix méthodologiques (cf. note de cadrage sur le site HAS) validés par la commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP) de la HAS Consultation d’une cinquantaine d’experts pluriprofessionnels et pluridisciplinaires (Groupe de travail et groupe de lecture) Validation par la CEESP puis le collège de la HAS 7 8 Conditions d’un développement des TNM Travaux récents en relation avec les TNM • • • • Des propositions concrètes pour développer la prescription des TNM (ex : inscription sur l’ordonnance, fournir une information au patient et au médecin sur les TNM dans la région, …) Développer l’évaluation de l’efficacité clinique pour convaincre les professionnels de santé de recourir à ces interventions et informer les patients Une fois prouvée l’efficacité clinique, démontrer l’efficience de ces interventions, comparé à d’autres stratégies, notamment médicamenteuses … afin d’en obtenir la prise en charge par l’assurance maladie • • Leadership du projet européen ALCOVE sur la prise en charge de la maladie d’Alzheimer (Armelle Leperre-Desplanques, HAS) avec production de recommandations européennes de recours à des interventions non médicamenteuses validées (cf. rapport sur le site HAS), entre autres les interventions psycho-sociales personnalisées sur le couple aidant personne malade Engagement depuis 2005 dans des programmes pilotes alertant sur le recours excessif à certains médicaments (psychotropes) Evaluation des projets de coopération professionnelle (article 51) impliquant le recours à des méthodes adaptées à des interventions sur des changements organisationnels 9 10 La preuve de l’efficacité clinique 02 La condition nécessaire pour le recours aux TNM : l’évaluation de l’efficacité clinique La caractérisation de la relation entre les résultats obtenus (en termes d’amélioration d’état de santé) et les soins de santé mobilisés : - Acte (chirurgie, …) - Dispositif médical (valves, …) - Médicament - Toute autre intervention non médicamenteuse => Analyse hors coûts du ratio bénéfice / risque 12 2 09/04/13 La preuve de l’efficacité clinique La preuve de l’efficacité clinique Distinction entre Passer d’une logique d’évaluation de l’efficacité d’une technologie (médicament, acte, dispositif médical) à celle d’une intervention complexe Efficacité clinique (medical efficacy) Evaluation disponible au moment de la mise sur le marché et obtenue en conditions de laboratoire - Mobiliser de nouvelles méthodes d’évaluation de l’efficacité clinique (cf. intervention de Bruno Falissard) Efficacité en vie réelle (medical effectiveness) - Au delà des changements en termes d’état de santé et de qualité de vie, aller vers la prise en compte de mesures intermédiaires (changements de comportements, changements organisationnels : cf. intervention de Jean Bourdeau) Efficacité constatée auprès de la population cible en situation réelle 13 14 Conclusion du rapport HAS sur les TNM ‘Tant qu’il ne sera pas possible de déterminer de façon robuste quel est le différentiel d’efficacité entre chacune des thérapeutiques non médicamenteuses et leurs comparateurs, il est inenvisageable de mesurer les ratios coût/ efficacité qui leur sont associés et donc de promouvoir leur prise en charge collective via leur intégration dans le périmètre des soins remboursables, car celle-ci est nécessairement conditionnée par la démonstration de leur efficience’. 03 La condition suffisante pour la prise en charge collective : la démonstration de l’efficience 16 Fondements de l’évaluation économique Définir la notion d’efficience Science économique => Le meilleur usage des ressources rares affectées à un objectif donné Efficience microéconomique «L’étude du comportement humain comme une relation entre des fins et des moyens qui ont des usages alternatifs» (Lionnel Robbins, 1932) => La rareté : la raison d’être des économistes. => L’optimisation (le meilleur usage possible des ressources) : le Graal => Le moyen : la mesure de l’efficience comparée des usages alternatifs des ressources Calcul économique appliqué Développé initialement pour l’évaluation de grands projets publics (sécurité routière, énergie, transports, …), puis appliqué à la santé depuis les années 70 A l’intérieur du budget santé, deux questions : • A-t-on obtenu le maximum de résultats avec les moyens mobilisés ? (notion d’efficience productive) • Le système de santé a-t-il bien produit les interventions correspondant à ce dont on a besoin (notion d’efficience allocative) Efficience macroéconomique 17 Quelle taille pour le secteur santé aujourd’hui et demain ? => que perd-on dans d’autres domaines de financement socialisé (éducation, environnement, …) si on augmente le budget santé (notion de coût d’opportunité ou de sacrifice). 18 3 09/04/13 Modèles d’impact budgétaire L’approche par le coût de la maladie 1. Le modèle d’impact budgétaire apprécie l’impact financier attendu de l’adoption de nouvelles technologies de santé au niveau national, régional ou local 2. Revient à comparer les pratiques existantes (scénario de référence) avec celles qui prévaudraient si la nouvelle technologie était adoptée. 3. Repose sur des modèles épidémiologiques d’évolution de la maladie et de sa prévalence 4. Vise à informer de manière aussi transparente que possible le financeur des conséquences financières de ses décisions d’investissement. 1. Consiste à évaluer le coût d’une pathologie pour une population donnée, au sens de la mobilisation de ressources pour sa prise en charge et de la privation de ressources due à la morbidité induite de la population. 2. Il s’agit d’une comptabilisation qui peut être soit ponctuelle, soit régulièrement documentée dans le temps, à l’image de la comptabilité nationale 3. Elle peut permettre d’attirer l’attention sur les répercutions de la pathologie en termes de coût pour la collectivité et d’en mesurer l’évolution au cours du temps. 19 Analyse coût-efficacité (ACE) 20 Analyse coût-utilité (ACU) 1. Compare les coûts des stratégies considérées, pour une efficacité donnée (un critère de résultat final unique ) appréciée en termes de satisfaction pour les patients ou d’utilité (dimension subjective) 1. Comparaison des coûts des stratégies considérées, pour une efficacité donnée (un critère de résultat final unique) 2. L’analyse la plus couramment utilisée en santé avec comme critère de résultat : la durée de vie (gain en nombre d’années/mois) 2. La méthode plus couramment utilisée en santé avec comme critère de résultat : la durée de vie (gain en nombre d’années/mois), ajustée pour la qualité de vie : Quality Adjusted Life Years (Qalys) – Années de vie gagnées ajustées par la qualité 3. Mesure de la qualité de vie par des questionnaires (EQ-5D) 4. Les préférences individuelles sont mesurées à partir des arbitrages qu’effectuent les individus entre qualité de vie et : - longévité (technique dite de « time trade off ») - probabilité de survie (technique dite de « standard gamble ») 21 Place de l’évaluation économique en France Stratégies de contournement de la rareté La France se caractérise par l’absence de reconnaissance du caractère limité des ressources affectées à la santé comparé à d’autres pays : Il est apparu préférable de penser : Un intérêt tardif pour l’évaluation économique en santé du fait de la non reconnaissance du caractère limité des ressources affectées en santé : • • • 22 1 - que la croissance permettrait de créer suffisamment de valeur pour trouver les ressources nécessaires ; Un système dit ‘à guichet ouvert’ avec une collusion tacite entre un médecin payé à l’acte et un patient dont la demande est en grande partie solvabilisée … Un assuré peu sensible à la hausse des cotisations liée à cette surconsommation ... 2 - que les économies réalisées par la réduction des gaspillages suffiraient à couvrir les besoins insatisfaits ; 3 - qu’au besoin, on pourrait transférer vers le secteur de la santé des ressources d’autres secteurs de la dépense publique considérés comme moins prioritaires ; L’absence d’intérêt, voire la méfiance à l’égard du calcul économique, perçu comme un instrument de rationnement des soins 4 - que l’on pourrait, dans le pire des cas, s’endetter sur le long terme… 23 24 4 09/04/13 Quel rôle pour la HAS … La pérennité du système de santé est en jeu Plusieurs facteurs contribuent aujourd’hui à reconsidérer les quatre stratégies de contournement évoquées, entre autres : 1 - Contribuer à l’acceptabilité et à la transparence des décisions publiques en rendant explicites les critères sur lesquels sont opérés les choix et prises les décisions de prix et de remboursement ⇒ Pour l’évaluation des technologies de santé, l’analyse économique doit être placée après l’autorisation de mise sur le marché par l’ANSM et avant la négociation de prix par CEPS et de remboursement par l’UNCAM ⇒ Par ses avis scientifiques, tant médicaux qu’économiques, la HAS peut contribuer à fonder la politique d’efficience qui conditionne la pérennité du système de santé français - Le prix exorbitant des médicaments orphelins - Le renforcement des inégalités sociales de santé - L’apparition de nouveaux besoins : la dépendance - La réduction des déficits publics => Bien choisir les investissements consentis s’avère aujourd’hui plus que jamais indispensable à la pérennité du système de santé français … => Mieux soigner, mieux dépenser, mieux discerner 25 Quel rôle pour la HAS 26 Mise en place d’une mission médicoéconomique 2 - Rendre plus perceptible l’effet de bouclage entre les choix individuels et leurs effets sur le résultat final en termes de niveau de dépense, de qualité, de sécurité, d’équité • Les missions d’évaluation économique confiées par la LFSS 2008 ⇒ Par la production de guides de parcours de soins efficients et de => Les choix effectués devront s’appuyer sur une évaluation de la qualité en santé qui intègre à présent la question de la pertinence de l’allocation des ressources. puis 2012 soulignent la volonté d’associer la HAS à l’exercice d’optimisation de l’usage des ressources rares affectées à la santé recommandations professionnelles incluant le bon usage ⇒ Par la formation des acteurs du système de santé incluant l’objectif d’efficience ⇒ Par une information des professionnels et des usagers sur l’importance de la prise en compte de l’efficience • … À l’évidence, ces missions ne sauraient être entendues comme la simple recherche d’économies à court terme => Mieux soigner, mieux dépenser, mieux discerner 27 Mise en place d’une mission médicoéconomique 28 L’évaluation coût-efficacité Différence des efficacités - Eclairer le décideur public sur une éventuelle disproportion entre le différentiel de coût et le différentiel d’efficacité entre interventions (technologies) comparables - Favoriser l’acquisition des connaissances sur les enjeux économiques qui accompagnent l’inclusion d’une intervention dans le panier de biens et services remboursable - Nourrir le débat public sur le niveau de ressources que la collectivité est prête à consacrer à la santé - Encourager l’explicitation des valeurs collectives sur lesquelles peut reposer la hiérarchisation des priorités de santé publique Plus coûteux et plus efficace ? Moins coûteux et plus efficace Moins coûteux et moins efficace ? 29 2 1 4 3 Différence des coûts Plus coûteux et moins efficace 30 5 09/04/13 Les travaux du SEESP (Service d’Evaluation Economique et de Santé Publique) La Commission d’Evaluation Economique et de Santé Publique (CEESP) Créée en 2008, renouvelée en 2012 : • Objectifs : garantir la rigueur scientifique et la transparence, ainsi qu’une acception large de ces nouvelles missions : au delà de la recherche d’un équilibre financier de court terme et la simple recherche d’économies, il convient de d’éclairer les investissements à consentir et mobiliser l’ensemble des disciplines concernées • Composition 33 membres ( 9 disciplines représentées - Sciences économiques, santé publique, épidémiologie clinique, sociologie, sciences de gestion, philosophie, sciences politiques, sciences juridiques, géographie) ; des cliniciens ; deux représentants d’usagers • Statut Le statut de la CEESP est aujourd’hui réglementaire (LFSS 2012 et Décret 02/10/12) Les recommandations en santé publique Les analyses sur l’organisation du système de soins Les évaluations de technologies de santé en réévaluation de classes de produits Le cas échéant, la partie économique des fiches de bon usage, des recommandations de bonnes pratiques, des avis sur la gestion du panier de soins dans le cadre des affections de longue durée Les guides méthodologiques - Le guide méthodologique d’évaluation écononomique - Le guide sur les aspects éthiques 31 32 Le décret d’application de la LFSS 2012 En conclusion Démonstration de l’efficience attendue dans le cas suivant : 1° la reconnaissance ou la confirmation d’une amélioration du service médical rendu ou du service attendu, majeure, importante ou modérée […] est sollicitée par l’entreprise • 2° le produit ou la technologie a ou est susceptible d’avoir un impact significatif sur les dépenses de l’assurance maladie compte tenu de son incidence sur l’organisation des soins, les pratiques professionnelles ou les conditions de prise en charge des malades et, le cas échéant, de son prix. L’avis d’efficience : en première inscription à partir d’octobre 2013 pour les médicaments et les dispositifs médicaux ; principalement destiné au éclairer la négociation du prix ; publication sur le site • 33 • Importance d’une action d’accompagnement méthodologique de la HAS sur : - la preuve de l’efficacité clinique, dans une approche innovante et prenant en compte les spécificités des TNM - la démonstration de l’efficience des TNM pour permettre la prise en charge par l’assurance maladie (ex : apnée du sommeil : Anne Isabelle Poullié : modélisation de stratégies de prise en charge avec TM) Nécessité d’un relais vers les financeurs publics pour permettre la réalisation d’études robustes Encouragement systématique de la prescription des TNM validées dans les travaux HAS 34 6