Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES
ET SUITES RÉCURRENTES LINÉAIRES
1INTRODUCTION AUX ÉQUATIONS LINÉAIRES
Le concept de linéarité nous occupera longuement au second semestre et une présentation informelle sera pour l’ins-
tant suffisante. Vous avez déjà rencontré ce mot dans différents contextes. Ci-dessous, λet µsont des réels quel-
conques.
Linéari de la dérivation d’une fonction dérivable : (λf+µg)=λf+µg.
Linéari de l’intégrale d’une fonction continue : Zb
aλf(t)+µg(t)dt=λZb
a
f(t)dt+µZb
a
g(t)dt.
Linéari du produit scalaire par rapport à chacune de ses variables :
λ
u+µ
v·
w=λ
u·
w+µ
v·
wet
u·λ
v+µ
w=λ
u·
v+µ
u·
w.
Linéarité de la limite d’une suite convergente : lim
n+(λun+µvn) = λlim
n+un+µlim
n+vn.
On pourrait citer beaucoup d’autres exemples. Dans tous les cas, la linéarité est la propriété d’une fonction Tdéfinie sur
un certain ensemble E, qui s’énonce ainsi : x,yE,λ,µR,T(λx+µy) = λT(x) + µT(y)(linéarité).
Avec les mêmes notations, toute équation de la forme T(y) = bd’inconnue ypour un certain bfixé est appelée une
équation linéaire et best appelé son second membre. Lorsque b=0 (fonction nulle, vecteur nul, suite nulle.. . selon
le contexte), l’équation est dite homogène ou sans second membre.
Faisons l’hypothèse que, souhaitant trouver toutes les solutions de l’équation linéaire T(y) = bd’inconnue y, nous
en connaissions au moins une solution particulière ypart. Dans ces conditions :
T(y) = bT(y) = T(ypart)T(y)T(ypart) = 0Linéarité
de TT(yypart) = 0
yypart est solution de l’équation HOMOGÈNE associée
yest la somme de la solution particulière ypart et d’une solution de l’équation HOMOGÈNE.
Propriété fondamentale s’il en est ! En résumé :
Pour trouver toutes les solutions d’une équation LINÉAIRE T(y) = b, il suffit d’en connaître UNE
solution particulière et TOUTES les solutions de l’équation homogène T(y) = 0.
Tâchons de comprendre mieux ce principe général sur quelques exemples :
On veut résoudre l’équation linéaire f=cos d’inconnue f∈ D(R,R). La fonction sinus en est
une solution particulière car sin=cos. Quant aux solutions de l’équation homogène f=0, ce
sont toutes les fonctions constantes sur R. Les solutions de l’équation complète sont donc toutes les
fonctions x7−sin x+λ,λdécrivant R— la fameuse « constante de primitivation ».
Soient
uun vecteur non nul du plan et aR. On veut résoudre l’équation linéaire
u·
x=a
d’inconnue
x. Le vecteur a
u
u
2en est une solution particulière car
u·a
u
u
2=a×
u·
u
u
2=a.
O
uP
OP =a
u
k
uk2
Les solutions cherchées sont donc tous les vecteurs a
u
u
2+
n
nest un vecteur
quelconque orthogonal à
u. Ce résultat est géométriquement naturel si l’on se sou-
vient que le produit scalaire s’interprète en termes de projection orthogonale. Chercher
tous les vecteurs
xpour lesquels
u·
x=a, c’est chercher tous les vecteurs
xdont
l’extrémité a pour projeté orthogonal le point Pde la figure ci-contre.
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Une autre propriété des équations LINÉAIRES va compter dans ce chapitre, c’est le principe de superposition.
Principe de superposition : Si y1est solution de l’équation T(y) = b1et y2solution de
l’équation T(y) = b2, alors pour tous λ1,λ2R,λ1y1+λ2y2est solution de l’équation
T(y) = λ1b1+λ2b2.
En effet, tout simplement : Tλ1y1+λ2y2Linéarité
=
de Tλ1T(y1) + λ2T(y2) = λ1b1+λ2b2.
À présent, une équation différentielle — en abrégé, « équadiff » — est une équation dont l’inconnue est une fonction
yet dans laquelle cohabitent à la fois yet ses dérivées y,y′′, etc. Le plus grand exposant de dérivation qui y figure
est appelé son ordre. Par exemple, y=x2ey+1 est une équation différentielle du premier ordre et x y′′ y2=y y
une équation différentielle du second ordre.
Parce que les équations différentielles sont en général très difficiles à résoudre, nous nous contenterons de travailler
dans le cadre à peu près agréable des équations d’inconnue yde la forme :
y+a(x)y=b(x)(équations différentielles linéaires du premier ordre),
a y +b y+c y =d(x)(équations différentielles linéaires du second ordre à coefficients constants).
Ces deux types d’équations sont linéaires car la fonction Tqui, à une fonction (resp. deux fois) dérivable y, associe la
fonction y+a y (resp. a y′′ +b y+c y) est linéaire : Tλy+e
λey=λT(y) + e
λT(ey)pour toutes fonctions (resp.
deux fois) dérivables y,eyet pour tous λ,e
λR. En effet, dans le premier cas :
Tλy+e
λey=λy+e
λey+aλy+e
λey=λy+e
λey+aλy+e
λey=λy+a y+e
λey+aey=λT(y) + e
λT(ey).
Les propriétés des équations linéaires que nous avons mises en évidence précédemment pourront donc être utilisées
pour l’étude des deux formes d’équations différentielles étudiées dans ce chapitre.
Dans tout ce chapitre, Iest un intervalle de R. Nous nous intéresserons parfois aux solutions réelles d’une équation
différentielle et parfois à ses solutions complexes. Les solutions réelles sont bien sûr aussi complexes, mais quand on connaît
toutes les solutions complexes et qu’on cherche les réelles, il reste du travail, la connaissance des solutions complexes ne
suffit pas. Pour cette raison, nous travaillerons avec des fonctions à valeurs dans KKdésigne l’un des ensembles Rou C.
2ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES DU PREMIER ORDRE
On s’intéresse ici aux équations de la forme y+a(x)y=b(x)d’inconnue y∈ D(I,K), où a,b∈ C(I,K)sont fixées.
2.1 ÉQUATIONS HOMOGÈNES
Théorème (Équation différentielle y+a(x)y=0)Soient a∈ C(I,K)et Aune primitive de asur I. Les solutions sur
Ide l’équation différentielle y+a(x)y=0 sont toutes les fonctions x7−λeA(x),λdécrivant K.
Explication Dans le cas particulier courant où aest une constante, les solutions sur Rde l’équation y+a y =0
sont toutes les fonctions x7−λeax ,λdécrivant K. Conséquence : la fonction exponentielle est la seule fonction y∈ D(R,R)
pour laquelle y=yet y(0) = 1.
Démonstration
Soit λK. La fonction xy
7−λeA(x)est solution de l’équation étudiée car pour tout xI:
y(x) + a(x)y(x) = λA(x)eA(x)+a(x)×λeA(x)A=a
=0.
Réciproquement, soit y∈ D(I,K)une solution de l’équation étudiée. On veut au fond montrer que la
fonction yeAest constante sur l’INTERVALLE I. Il suffit pour cela de montrer que sa dérivée est nulle, or :
yeA=yeA+yAeA= ( y+a y)eA=0.
Exemple Les solutions réelles de l’équation y=y
1+x2sur Rsont toutes les fonctions x7−λeArctan x,λdécrivant R.
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2.2 ÉQUATIONS AVEC SECOND MEMBRE
Théorème (Équation différentielle y+a(x)y=b(x), problème de Cauchy) Soient a,b∈ C(I,K),x0Iet y0K.
Le problème §y+a(x)y=b(x)
y(x0) = y0possède une et une seule solution sur I. Un tel problème est appelé un problème
de Cauchy et la condition « y(x0) = y0» en est appelée la condition initiale.
Démonstration Notons Aune primitive de asur I.
Idée de la preuve : Les solutions de l’équation HOMOGÈNE sont de la forme x7−λeA(x)λest
une CONSTANTE. Nous allons résoudre l’équation complète, i.e. avec second membre, en faisant « varier
la constante », c’est-à-dire en cherchant les solutions sous la forme x7−λ(x)eA(x)λest une
FONCTION. Ce principe de résolution est appelé la méthode de variation de la constante.
Soit y∈ D(I,K). Nous noterons λla FONCTION yeAdérivable sur I. Via l’égalité « y=λeA», notre
inconnue yest remplacée momentanément par l’inconnue intermédiaire λ.
y+a y =bet y(x0) = y0λeA+aλeA=bet λ(x0)eA(x0)=y0
λeAλAeA+aλeA=bet λ(x0) = y0eA(x0)
λeAaλeA+aλeA=bet λ(x0) = y0eA(x0)
λ=beAet λ(x0) = y0eA(x0)
λest l’unique primitive de beAqui vaut y0eA(x0)en x0.
Ces équivalences prouvent à la fois l’existence et l’unicité d’une fonction λrépondant au problème de
Cauchy étudié. L’existence de λcomme primitive découle de la continuité de la fonction beAd’après
le théorème fondamental du calcul intégral. La condition initiale du problème de Cauchy en garantit
l’unicité. « Concrètement », on vient de montrer que pour tout xI:
λ(x) = y0eA(x0)+Zx
x0
b(t)eA(t)dt, et donc : y(x) = y0eA(x0)A(x)+Zx
x0
b(t)eA(t)A(x)dt.
Théorème (Équation différentielle y+a(x)y=b(x), conséquence de la linéarité) Soient a,b∈ C(I,K),Aune
primitive de asur Iet ypart une solution fixée sur Ide l’équation y+a(x)y=b(x)dite solution particulière. Les solutions
sur Ide l’équation différentielle y+a(x)y=b(x)sont toutes les fonctions de la forme ypart +λeA,λdécrivant K.
Explication Solution générale
de l’équation complète Solution particulière Solution générale
de l’équation HOMOGÈNE
Exemple L’unique solution de l’équation x y+y=x21 sur R
+qui s’annule en 1 est la fonction x7−x33x+2
3x.
En effet
Réécriture de l’équation : Réécrivons d’abord cette équation sous la forme y+y
x=x1
xpour nous
ramener à la forme « y+a(x)y=b(x)» des théorèmes précédents.
Nous ne saurons résoudre cette équation que sur R
+— ou R
MAIS PAS SUR R. Dans notre résolution
des équations homogènes, il a été essentiel en effet que nous travaillions sur un INTERVALLE. Saurez-vous
comprendre pourquoi ?
Équation homogène : La fonction logarithme est une primitive de la fonction inverse, donc les solutions
de l’équation homogène y+y
x=0 sur R
+sont toutes les fonctions x7−λeln x=λ
x,λdécrivant R.
Solution particulière de l’équation y+y
x=x1
x:Cherchons-en une sous la forme xy
7−λ(x)
x
λ∈ D(R
+,R)— variation de la constante.
xR
+,y(x)+ y(x)
x=x1
x⇒ ∀xR
+,xλ(x)λ(x)
x2+λ(x)
x2=x1
x⇒ ∀xR
+,λ(x) = x21.
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Nous pouvons CHOISIR pour λla fonction x7−x3
3x— primitive de x7−x21. La fonction
xy
7−x2
31 est alors une solution particulière de notre équation.
Attention de ne
pas donner λ
comme solution
particulière à la
place de y!Conclusion : Les solutions (réelles) de l’équation x y+y=x21 sur R
+sont toutes les fonctions
x7−x2
31+λ
x,λdécrivant R. L’unique solution qui s’annule en 1 est x7−x2
31+2
3x=x33x+2
3x,
obtenue pour λ=2
3.
En pratique Sur une copie, vous n’êtes pas obligés de rédiger la méthode de la variation de la constante. Vous
pouvez vous contenter de la mettre en œuvre au brouillon et écrire seulement sur votre copie : « Vérifions que la fonction
(.. . ) est une solution de l’équation. » Une telle rédaction est économique en temps et tout à fait correcte.
Théorème (Principe de superposition) Soient a,b1,b2∈ C(I,K).
Si y1est une solution sur Ide l’équation y+a(x)y=b1(x)et si y2est une solution sur Ide l’équation y+a(x)y=b2(x),
alors λ1y1+λ2y2est une solution sur Ide l’équation y+a(x)y=λ1b1(x) + λ2b2(x)pour tous λ1,λ2K.
En pratique Pour trouver une solution particulière de l’équation y+x y =x+px, on n’a qu’à additionner une
solution particulière de chacune des équations y+x y =xet y+x y =px. Ainsi, au lieu de faire un seul calcul compliqué,
on peut choisir d’en faire deux simples.
En pratique La remarque suivante ne concerne que les équations linéaires du premier ordre À COEFFICIENTS
CONSTANTS, le ade l’équation y+a(x)y=b(x)est ici une CONSTANTE.
Soient a,A,λK. Pour trouver une solution particulière de l’équation y+a y =Aeλx, on n’est pas obligé de « faire
varier la constante », il y a plus rapide.
L’équation y+a y =Aeλxadmet une solution particulière de la forme : x7−Beλxsi λ6=a
x7−Bxeλxsi λ=aavec BK
à déterminer.
Soient a,A,λ,ωR. Pour trouver une solution particulière de l’équation y+a y =Aeλxcos(ωx), on n’est pas non
plus obligé de « faire varier la constante », il y a plus rapide.
On cherche une solution particulière COMPLEXE yCde l’équation y+a y =Ae(λ+iω)x.
Sa partie réelle Re(yC)est alors solution de l’équation y+a y =Aeλxcos(ωx)car :
Re(yC)+aRe(yC)aR
=Rey
C+a yC=ReAe(λ+iω)xAR
=Aeλxcos(ωx).
De la même manière, bien sûr, Im(yC)est une solution particulière de l’équation y+a y =Aeλxsin(ωx).
Exemple La fonction x7−(x+3)ex2sin x2cos xest l’unique solution sur Rde l’équation yy=ex+4sin xqui
vaut 1 en 0.
En effet
Équation homogène : Les solutions en sont toutes les fonctions x7−λex,λdécrivant R.
Solution particulière de l’équation yy=ex:Cherchons-en une sous la forme x7−B xexavec
BR.
x7−Bxexest solution de yy=ex⇒ ∀xR,Bex+BxexB xex=exB=1.
La fonction x7−xexconvient.
Solution particulière de l’équation yy=eix:Cherchons-en une sous la forme x7−Beixavec
BCATTENTION!
.
x7−Beixest solution de yy=eix⇒ ∀xR, iBeixBeix=eixB(i1) = 1
B=1
i1=1+i
2. La fonction x7−→ −1+i
2eixconvient.
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Solution particulière de l’équation yy=sin x=Im(eix):D’après le point précédent, la fonction
x7−Im1+i
2eix=sin x+cos x
2convient.
Conclusion : Les solutions de l’équation complète sont les fonctions x7−(x+λ)ex+4×sin x+cos x
2,
λdécrivant R. L’unique solution qui vaut 1 en 0 est obtenue pour λ=3.
3ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES DU SECOND ORDRE
À COEFFICIENTS CONSTANTS
On s’intéresse ici aux équations de la forme a y+b y+c y =d(x)d’inconnue y∈ D2(I,K), où a,b,cRet d∈ C(I,K)
sont fixés avec a6=0.
3.1 ÉQUATIONS HOMOGÈNES
On rappelle que la précision du corps Kdans ce chapitre renseigne sur la nature des solutions cherchées — réelles ou
complexes. En pratique, ce sont généralement les solutions réelles qui nous intéressent. Nous commencerons pourtant ici
par le cas complexe car c’est lui le cas théorique fondamental, celui qui se démontre le plus naturellement.
Théorème (Équation différentielle a y′′+b y+c y =0pour K=C)Soient a,b,cCavec a6=0. On appelle polynôme
caractéristique de l’équation a y+b y+c y =0 le polynôme aX 2+bX +c. Notons son discriminant.
Si 6=0, notons ret rles deux racines de aX 2+bX +c. Les solutions complexes de l’équation a y′′ +b y+c y =0
sont toutes les fonctions x7−λer x +λerx,λet λdécrivant C.
Si =0, notons rl’unique racine de aX 2+bX +c. Les solutions complexes de l’équation a y′′ +b y+c y =0 sont
toutes les fonctions x7−(λx+µ)er x ,λet µdécrivant C.
Démonstration
Préliminaire : L’idée suivante justifie la pertinence du polynôme caractéristique. Pour tout rC:
La fonction x7−er x est solution de l’équation a y′′ +b y+c y =0
⇒ ∀xR,ar2+br +cer x =0ar2+br +c=0
rest une racine du polynôme caractéristique aX 2+bX +c.
Fixons momentanément une racine rdu polynôme aX 2+bX +c. Anticipant la fin du calcul qui suit,
remarquons tout de suite que la seconde racine rdu polynôme aX 2+bX +c— éventuellement la
même — est égale à rb
acar la somme des racines du polynôme aX 2+bX +cvaut b
a. Nous allons
chercher les solutions de notre équation sous la forme xy
7−z(x)er x avec z∈ D(R,C).
a y+b y+c y =0⇒ ∀xR,az′′(x) + 2rz(x) + r2z(x)er x +bz(x) + rz(x)er x +cz(x)er x =0
az+ (2ar +b)z+ar2+br +c
|{z }
=0
z=0
(z)+2r+b
az=0 Tiens, une équation linéaire du premier ordre !
λC/xR,z(x) = λe2r+b
ax.
La fin du calcul requiert qu’on distingue les cas 6=0 et =0.
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