SUR LES ÉQUATIONS AUX DIFFÉRENCES FINIES
PAR
M.
N.-E. NORLUND
(Lund.)
[1] Permettez-moi de vous dire quelques
mots
d'un sujet
quia
été presque entiè-
rement négligé par les géomètres modernes, savoir
le
calcul aux différences finies.
Les grands géomètres qui ont été les fondateurs de l'Analyse, les Newton, les Taylor,
les
Euler,
les
Lagrange,
les
Laplace
et les
Cauchy
se
sont occupés
à
différentes
reprises du calcul aux différences finies. Lacroix a consacré le troisième tome de son
Traité du Calcul différentiel et du Calcul intégral
à
une exposition d'une grande partie
de
ces
recherches.
En
Angleterre
on
cultiva surtout
les
méthodes symboliques.
Boole les
a
exposées dans un petit ouvrage suggestif
: A
Treatise
on
the Calculus of
finite Differences. Mais
on ne
peut pas dire que
les
résultats obtenus soient très
considérables.
Il
s'agit
surtout de transformations des séries
dans le
but d'augmenter
la rapidité de
la
convergence
et
de relations formelles dont on n'a pas précisé le sens.
Les ressources de l'Analyse ne suffisaient pas pour pénétrer dans le fond de ces pro-
blèmes. Ce n'est que tout récemment qu'on
a
commencé d'appliquer les méthodes
de
la
théorie des fonctions
à
cette branche de l'Analyse.
Le premier problème important qui se pose dans le calcul aux différences finies,
c'est l'étude des solutions de l'équation
(O
F(x+i)-F(x)
=
<?(x),
y(x)
étant une fonction donnée. Une étude approfondie
de
cette équation pourra
faire réaliser des progrès considérables
à
plusieurs problèmes d'Analyse, mais
la
question n'est pas sans présenter quelques difficultés.
Euler et aussi Abel
et
Cauchy furent les ouvriers de la première heure. L'établis-
sement de
la
formule sommatoire d'Euler et de Maclaurin a été un premier pas vers
le but.
La
remarquable série divergente, qu'avait indiquée Euler,
fut
transformée
en
une
intégrale définie
par
Plana
et
Abel
à
l'aide
d'un
raisonnement purement
formel. Le résultat de ces auteurs
a
été rigoureusement établi pour la première fois
SUR LES
ÉQUATIONS
AUX DIFFÉRENCES FINIES.
99
par Cauchy. En faisant certaines hypothèses relativement à la fonction
cp(oc),
Cauchy
démontre qu'on a
Ç~
y(i + JX)
cp(l
JX)
-
y(fe)
+
cp(
JX) ^ = cp(l)
+
cp(0)
f\(x)dœ
Jo
i(e*™—i)
2
Jo
^
ce qui est sensiblement le même résultat qu'avait trouvé Plana et Abel. Parmi les
travaux récents sur la formule
sommatoire
d'Euler, je veux mentionner ceux de
M.
Lindelöf.
M. Guichard a consacré un beau mémoire à la démonstration de l'existence des
solutions de l'équation
(i).
M. Guichard envisage une intégrale de la forme
_
r
?(*y
n*)=£
.27122 ,dz
prise le long d'un segment de l'axe imaginaire. Cette intégrale a des lignes de dis-
continuité ou coupures du genre de celles qui ont été considérées pour la première
fois par Hermite. L'intégrale représente dans un certain rectangle une solution
analytique de l'équation
(i).
Mais, même si
<p(œ)
est une fonction entière, cette solu-
tion est non uniforme et admet une infinité de points critiques logarithmiques.
Pour remédier à cet inconvénient, M. Guichard fait tendre A et B vers l'infini.
Il démontre ainsi que l'équation
(i)
admet toujours une solution entière, si
<p(œ)
est
une fonction entière. Cette solution se représente dans la bande
0<flt(œ)<;i
Par
l'intégrale
JU
'+*«> <t(z)e™izE(x)
E(z)(e**i7i
e™ix) *
E(x) étant une fonction entière qu'on peut choisir d'une
infinité
de. manières diffé-
rentes. Si E(x)=
1,
cette intégrale ne diffère pas, au fond, de celle qu'avait consi-
dérée Abel.
M. Appell a attaqué le problème d'une autre manière. Si
cp(œ)
est un polynôme :
m
?(<»)
=
2
aBœ">
on sait trouver un polynôme qui satisfait à l'équation
(i).
On a, en effet,
m
IOO
N.-E. NÖRLUND.
les
Bn(x)
étant les polynômes de Bernoulli. Mais si
<p(a?)
est une fonction entière
?(*)=2
a»œ"'
la série
2
-^-B^rcc)
n
-f
i
ne sera pas convergente en général. M. Appell retranche du polynôme
Bn(x)
les
n premiers termes de son développement en série trigonométrique. En désignant
par
^n(x)
la
fonction entière ainsi obtenue, il démontre que la série
^
n
n=o
•v.M
converge uniformément et représente une fonction
entière
qui
satisfait
à l'équation
(i).
On peut évidemment choisir
les
fonctions
WH(X)
d'une
infinité
de manières différentes.
Cette démonstration a été retrouvée par A. Hurwitz. Ce géomètre fait en outre
remarquer qu'il y a toujours une solution méromorphe quand
<p(a?)
est une fonction
méromorphe.
Un autre cas remarquable a été envisagé
pai*
M. É. Picard. Supposons que
y(x)
soit de la forme
\L
étant une constante,
<p,(œ)
étant une fonction uniforme dans tout le plan,
admet
tant la période
2-KÌ
et étant holomorphe dans une bande de largeur très petite com-
prenant l'axe imaginaire. M. Picard démontre l'existence d'une solution uniforme,
ayant la période
2râ
et étant holomorphe dans une bande limitée à gauche par l'axe
imaginaire, et à droite par une parallèle à cet axe située à une distance de l'origine
qui
est
un peu plus grande que un.
Le géomètre américain M. Carmichael a indiqué une nouvelle démonstration du
théorème de M. Guichard. Cette démonstration repose sur la résolution d'un système
doublement infini d'équations linéaires.
SUR LES ÉQUATIONS AUX DIFFÉRENCES FINIES.
IOI
[2] Posons, pour abréger
F(x
-f co)
' F(x)
HF(x)
?F(X) :
F(x
-f co) -f
F(ar)
Il y a avantage à introduire dans l'équation
(i)
le paramètre
w
et de
l'écrire
comme il suit :
(2)
AF(œ)
=
<p(a?).
Je considère en même temps cette autre équation
(3)
?G(x)
=
9(x).
Résoudre l'équation (2) cela veut dire trouver une opération qui est inverse de
l'opération A. De même il
s'agit
de trouver une opération qui est inverse de
v-
Évi-
demment ce problème n'est pas déterminé. En effet, on obtient la solution la
plus
générale de l'équation (2) en ajoutant à une solution particulière une fonction pério-
dique arbitraire avec la période
w.
De même,
soit
p(x) une fonction quelconque qui
satisfait à l'équation
p(x +
io)
=
—p(x).
On obtient la solution la plus générale de l'équation (3) en ajoutant à une solu-
tion particulière la fonction p(x). La présence de ces fonctions arbitraires est une
difficulté sérieuse. Si l'on n'impose pas aux fonctions F(x) et G(x) d'autres condi-
tions que celles que nous venons d'indiquer on ne sera conduit à rien de remarqua-
ble.
Avant tout autre chose il faut chercher à se débarrasser des fonctions périodi-
ques arbitraires. Trouver une solution quelconque des équations (2) et (3) cela ne
fait pas la moindre difficulté, mais cette solution générale ne peut servir à rien.
Pourtant ce n'est pas ainsi qu'il faut se poser le problème, car ce n'est pas toute
solution qui convient. Parmi les solutions en nombre infini il y en a une qui se
distingue des autres et qui est pour ainsi dire la plus simple. Je l'appelle la solution
principale. Elle est déterminée à une constante arbitraire près. Cette solution distin-
guée possède un certain ensemble de propriétés remarquables qui n'appartiennent
plus aux autres solutions.
Les voies ouvertes par MM. Guichard et Appell sont très remarquables, et elles
conduisent entièrement au but que se sont proposé ces auteurs. Mais on peut repro-
cher à ces méthodes qu'on ne voit pas très bien quelles sont les propriétés des fono-
I02
N.-E.
NÖRLUND.
tions dont on démontre l'existence. On ne voit pas aisément comment choisir les
fonctions, dans une certaine rnesure arbitraires, qui entrent comme un élément
essentiel dans la démonstration, pour arriver à la solution la plus simple. Par exem-
ple,
si
cp(ac)
est un polynôme, la solution principale est encore un polynôme; mais
la solution définie par l'intégrale de M. Guichard est une transcendante.
Je voudrais attirer l'attention sur une autre méthode pour résoudre les équa-
tions (2) et (3), méthode qui me paraît présenter certains avantages.
Au sujet des solutions de ces équations il y a une observation curieuse à faire.
Les développements en séries qui se présentent tout d'abord à l'esprit divergeront
en général. On peut, il est vrai, en former d'autres qui convergent, mais néanmoins
ce sont les développements divergents qui sont les mieux faits pour mettre en évi-
dence les propriétés des solutions. Les belles recherches de M. Borel sur les séries
divergentes ont fait voir que ces séries peuvent rendre des services considérables
Ces recherches de M. Borel ont été poursuivies par un grand nombre d'auteurs.
Le calcul aux différences finies vient ajouter un nouveau chapitre à la théorie des
séries divergentes.
Nous ferons successivement diverses hypothèses relativement à la fonction
<p(#).
Supposons d'abord
w
positif et x réel. Soit
cp(a?)
une fonction qui admet, pour
x^b,
une dérivée continue d'un certain ordre, soit d'ordre
m,
telle que le produit
(4)
x^?im)(x),
e>o
tend vers zéro quand x augmente indéfiniment. Considérons la série
00
(S
bis)
2^(—i)s<?(x
+
su).
Cette série satisfait formellement à l'équation (3), mais elle diverge en général.
On peut pourtant tirer parti de la série de la manière suivante. Considérons l'ex-
pression
00
(5)
2 JJ
(
0-9(œ
+
so>)e-*ix+m).
On peut d'une infinité de manières choisir la fonction
\(x)
de sorte que cette-
série converge pour toute valeur positive de
7).
On peut par exemple prendre
Xx)
=
xp(logx)q,
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