UFR de Mathématique et d’Informatique Variétés Jacobiennes Mémoire de deuxième année de Master recherche - Mathématiques fondamentales et de troisième année de Magistère réalisé par Thomas Richez sous la direction de Rutger Noot Année : 2013/2014 1 2 La science a eu de merveilleuses applications, mais la science qui n’aurait en vue que les applications ne serait plus de la science, elle ne serait plus que de la cuisine. Henri poincaré. 9 juin 2014 Table des matières Introduction 5 Chapitre 1. Généralités 1. Propriétés des schémas et des morphismes 2. Diviseurs 3. Faisceaux inversibles 4. Espaces tangents et faisceau des différentielles 7 7 12 14 16 Chapitre 2. Variétés algébriques et variétés abéliennes 1. Variétés algébriques 2. Foncteurs représentables et groupes algébriques 3. Variétés abéliennes 19 19 19 21 Chapitre 3. Première approche de la jacobienne 1. Motivations : l’exemple des courbes elliptiques 2. Définitions et objectifs 3. L’application canonique de C dans sa jacobienne 4. Lien entre variété jacobienne algébrique et analytique 25 25 26 30 34 Chapitre 4. Puissances symétriques et construction de la jacobienne 1. Puissances symétriques d’une courbe 2. Diviseurs de Cartier effectifs relatifs 3. Construction de la variété jacobienne 4. L’application canonique des puissances symétriques de C dans sa jacobienne 37 37 39 45 50 Chapitre 5. Variété jacobienne, variété Albanese et autodualité 1. Variété jacobienne et Albanese 2. Autodualité 3. Résumé 55 55 57 63 Chapitre A. 65 Un résultat utilisé Remerciements 71 Index 73 Bibliographie 75 3 Introduction La jacobienne d’une courbe est un outil important en géométrie algébrique. Construite sur un corps quelconque par Weil en 1948 dans le but de démontrer l’hypothèse de Riemann pour les courbes sur un corps fini, de nombreuses constructions et utilisations des jacobiennes ont vu le jour depuis. Il s’agira alors dans ce mémoire de construire et d’étudier quelques propriétés de la variété jacobienne d’une courbe non singulière complète. L’approche choisie ici est celle de Milne que l’on retrouvera dans [CS98]. Pour ce faire, la première partie sera essentiellement consacrée à des rappels généraux en géométrie algébrique. Ce sera l’occasion d’introduire quelques notations et de fixer quelques conventions. La seconde partie sera elle aussi très générale. On y abordera la notion de variété abélienne et les principaux résultats qui nous seront utiles dans la suite de ce mémoire. Cette partie est notamment motivée par le fait que la jacobienne d’une courbe est une variété abélienne. Celles-ci sont d’autant plus importantes que toute variété abélienne sur un corps algébriquement clos se réalise comme un quotient d’une jacobienne. Ces prérequis étant donnés, ce n’est qu’à partir de la troisième partie que l’on introduira la notion de variété jacobienne. Précisément, on commencera par le cas particulier des courbes elliptiques (courbes de genre 1) dont l’importance (entre autres) en théorie des nombres et cryptographie est bien connue. De telles courbes elliptiques E sont naturellement munies d’une structure de schéma en groupe dont la loi est intimement liée à celle du groupe de Picard P ic0 (E) de la courbe en question. Plus généralement, en genre quelconque, il s’agira de montrer que les points rationnels de la jacobienne d’une courbe C complète non singulière admettant un point rationnel paramétrisent P ic0 (C). On montrera également que les jacobiennes sont des variétés abéliennes lisses de dimension le genre de la courbe. La partie 4 sera quant à elle dédiée à la construction à proprement parler de la jacobienne. Cela nous amènera à introduire la notion de puissance symétrique C (r) d’une courbe ainsi que celle de diviseur de Cartier effectif relatif. Il apparaîtra alors que la jacobienne d’une courbe C de genre g (admettant un point rationnel) est l’unique variété abélienne birationnellement équivalente à C (g) . Enfin, l’ultime partie de ce mémoire montrera que la jacobienne a toute les propriétés requises pour être qualifiée de variété Albanese de la courbe. On montera ensuite que la jacobienne coïncide avec sa variété duale et même que c’est une variété abélienne principalement polarisée. Bien sûr, ceci n’est qu’une introduction à la théorie. Une question légitime que l’on pourrait se poser ensuite est celle de la généralisation aux variétés de dimension supérieure, ce qui nous amènerait à la notion de variété de Picard. Le lecteur intéressé trouvera facilement de plus amples informations à ce sujet dans la littérature. 5 Chapitre 1 Généralités Ce premier chapitre a pour objectif de rappeler quelques notions omniprésentes en géométrie algébrique. Ce sera l’occasion de fixer certaines conventions. Commençons par rappeler quelques propriétés des schémas. 1. Propriétés des schémas et des morphismes Soit k un corps. On désigne par k (resp. ks ) la clôture algébrique (resp. séparable) de k. 1.1. Point d’un schéma, fibres d’un schéma et changement de base. Définition 1.1 (V (T ) [CS98] (p103)) : Soient V et T deux S-schémas. On note V (T ) := M orS (T, V ) l’ensemble des T -points de V . Définition 1.2 (Corps résiduel, point rationnel [Liu02] (p49)) : Pour V un k-schéma, V (k) est appelé l’ensemble des points k-rationnels de V . Cet ensemble s’identifie aux points x ∈ V tels que k(x) = k où k(x) := OV,x /mx est le corps résiduel de V au point x. Autre aspect important en géométrie algébrique : la notion de produit fibré et changement de base. Notation 1.1 (VR [CS98] (p103)) : Pour un schéma V sur k et une k-algèbre R, on note VR := V × Spec(R) := V ×Spec(k) Spec(R) le produit fibré de V et de Spec(R). Notation 1.2 : Etant donné deux k-schémas V, T , on notera systématiquement p : V ×Spec(k) T → V et q : V ×Spec(k) T → T les applications naturelles de projection issues du produit fibré. Définition 1.3 (Stabilité par changement de base) : Soient S un schéma et X un S-schéma. Pour tout S-schéma S 0 , on dit que le S 0 -schéma X ×S S 0 est obtenu à partir de X par changement de base via le morphisme S 0 → S. On dit que qu’une propriété (P) des morphismes de schémas est stable par changement de base si pour tout morphisme X → Y vérifiant (P) et tout Y -schéma Y 0 , le morphisme induit X ×Y Y 0 → Y 0 vérifie aussi (P). 7 8 1. GÉNÉRALITÉS Définition 1.4 (Fibre d’un morphisme de schéma [Liu02] (p83)) : Soit f : X → Y un morphisme de schémas. Pour tout y ∈ Y , on pose Xy = X ×Y Spec(k(y)). Le schéma Xy → Spec(k(y)) est appelé la fibre de f au-dessus y. La terminologie fibre est justifiée par la proposition suivante. Proposition 1.1 ( [Liu02] (p83)) : Soit f : X → Y un morphisme de schémas. Alors pour tout y ∈ Y , la projection naturelle p : Xy → X induit un homéomorphisme de Xy sur f −1 (y). La notion de fibres d’un morphisme est importante puisqu’elle permet de considérer X comme une famille de k(y)-schémas Xy paramétrée par les points de Y . 1.2. Schéma normal. Définition 1.5 (Anneau intègre normal [Liu02] (p115)) : Soit A un anneau intègre. On dit que A est normal s’il est intégralement clos dans le corps des fractions F rac(A) de A, c’est-à-dire si tout élément α ∈ F rac(A) entier sur A est dans A. Définition 1.6 (Schéma normal [Liu02] (p115)) : Soit X un schéma. On dit que X est normal en un point x ∈ X, ou encore que x est un point normal de X, si l’anneau local OX,x est normal. On dit que X est normal si X est irréductible et normal en chacun de ses points. Remarque 1.1 : L’hypothèse d’irréductibilité faite dans la définition de schéma normal permet de simplifier les raisonnements. 1.3. Morphisme et schéma fini, de type fini et quasi-fini. Définition 1.7 (Morphisme fini) : Soit f : X → Y un morphisme de schémas. On dit que f est un morphisme fini si pour tout ouvert affine V ⊂ Y , l’image réciproque f −1 (V ) ⊂ X est un schéma affine et OX (f −1 (V )) est un OY (V )-module fini. Définition 1.8 (Morphisme de type fini [Liu02] (p87)) : Soit f : X → Y un morphisme de schémas. Alors f est de type fini si f est quasi-compact et si pour tout ouvert affine V ⊂ Y , et tout ouvert affine U ⊂ f −1 (V ), on a que OX (U ) est une OY (V )- algèbre de type fini. Définition 1.9 (Schéma de type fini [Liu02] (p87)) : Un k-schéma X est dit de type fini si son morphisme structural X → Spec(k) est de type fini. Remarque 1.2 ( [Voi06] (p11)) : Essentiellement, un k-schéma de type fini est un k-schéma localement isomorphe à un k-schéma affine et qui peut être recouvert par un nombre fini d’ouverts affines Spec(Ai ) où les Ai sont des k-algèbres de type fini. En particulier, un tel schéma est noetherien. On rappelle enfin la définition de morphisme quasi-fini. Définition 1.10 (Morphisme quasi-fini [Har77] (p91)) : Soit f : X → Y un morphisme de schémas. On dit que f est quasi-fini si f est à fibres finies, c’est-à-dire si f −1 (y) est un ensemble fini pour tout y ∈ Y . 1.4. Morphisme et schéma séparé. Définition 1.11 (Morphisme diagonal et morphisme séparé [Har77] (p96)) : Soit f : X → Y un morphisme de schémas. Le morphisme diagonal est l’unique morphisme ∆ := ∆X/Y : X −→ X ×Y X dont la composition avec les deux projections p, q : X ×Y X → X est l’application identité de X → X. On dit que le morphisme f est séparé si le morphisme diagonal ∆ est une immersion fermée. 1. PROPRIÉTÉS DES SCHÉMAS ET DES MORPHISMES 9 Définition 1.12 (Schéma séparé [Liu02] (p99)) : Soit X un schéma. On dit que X est séparé si X est séparé sur Z, c’est-à-dire si l’application ∆X/Spec(Z) : X −→ X ×Spec(Z) X est une immersion fermée. La proposition suivante fournit toute une classe de schémas séparés. Proposition 1.2 ( [Har77] (p96)) : Si f : X → Y est un morphisme de schémas affines, alors f est séparé. Exemple 1.1 : En particulier, cette proposition montre que tout schéma affine est séparé. On rappelle ensuite un critère de séparabilité. Théorème 1.1 (Critère valuatif de séparabilité [Har77] (p97)) : Soit f : X → Y un morphisme de schéma avec X noetherien. Alors f est séparé si et seulement si la condition suivante est vérifiée. Pour tout corps K, et tout anneau de valuation R dont le corps des fractions est K, soit T = Spec(R), U = Spec(K) et soit i : U → T le morphisme induit par l’inclusion R ⊂ K. Etant donné un morphisme T → Y , et étant donné un morphisme U → X faisant commuter le diagramme suivant U i T /X > f / Y. il existe au plus un morphisme T → X faisant commuter tout le diagramme. On peut en déduire le corollaire suivant. Corollaire 1.1 ( [Har77] (p99)) : On suppose ici que tous les schémas considérés sont noetheriens. Les propositions suivantes sont vérifiées. (a) Les immersions ouvertes et fermées sont séparées. (b) La composée de deux morphismes séparés est un morphisme séparé. (c) Les morphismes séparés sont stables par changement de base. (d) Si f : X → Y et f 0 : X 0 → Y 0 sont des S-morphismes séparés, alors le morphisme produit f × f 0 : X ×S X 0 → Y ×S Y 0 est aussi séparé. (e) Si f : X → Y et g : Y → Z sont deux morphismes et si g ◦ f est séparé, alors f est séparé. (f ) Un morphisme f : X → Y est séparé si et seulement si Y peut être recouvert par des ouverts Vi tels que f −1 (Vi ) → Vi est séparé pour tout i. 1.5. Morphisme et schéma propre. Définition 1.13 (Morphisme fermé [Har77] (p100)) : Un morphisme de schémas f : X → Y est dit fermé s’il transforme les fermés de X en des fermés de Y . Définition 1.14 (Morphisme universellement fermé [Har77] (p100)) : Un morphisme de schémas f : X → Y est dit universellement fermé s’il est fermé et si pour tout changement de base Y 0 → Y le morphisme correspondant X ×Y Y 0 → Y 0 est encore fermé. Définition 1.15 (Morphisme propre [Har77] (p100)) : Un morphisme de schémas f : X → Y est dit propre s’il est séparé, de type fini et universellement fermé. 10 1. GÉNÉRALITÉS Définition 1.16 (Schéma propre, complet [Liu02] (p103-107) [Har77] (p105-136)) : Un k-schéma X est dit propre si son morphisme structural X → Spec(k) est propre. On dit aussi que X est complet. Comme pour les morphismes séparés, on a un critère valuatif de propreté qui permet notamment de montrer la proposition suivante. Proposition 1.3 ( [Liu02] (p104)) : Les propriétés suviantes sont vraies : (a) Les immersions fermées sont propres. (b) La composition de deux morphismes propres est un morphisme propre. (c) Les morphismes propres sont stables par changement de base. (d) Si X → Z et Y → Z sont propres, alors X ×Z Y → Z aussi. (e) Si la composition de X → Y et Y → Z est propre et si Y → Z est séparé, alors X → Y est propre. (f ) Soit f : X → Y un morphisme surjectif de S-schémas. Supposons que Y est séparé ou de type fini sur S et que X est propre sur S. Alors Y est propre sur S. Proposition 1.4 ( [Har77] (Exercice 11.3 p280) ou [GD61] (cor 4.4.II p138)) : Soit f : X → Y un morphisme de schémas avec Y localement noetherien. Les conditions suivantes sont équivalentes : – f est fini, – f est propre et quasi-fini. 1.6. Morphisme et schéma projectif. Définition 1.17 (Morphisme projectif) : Soient X, Y deux schémas noetheriens. On note PnZ := P roj(Z[X0 , . . . , Xn ]) et PnY := PZn ×Z Y . On dit qu’un morphisme de schémas noetheriens f : X → Y est projectif s’il possède une factorisation f = q ◦ i où i : X → PnY est une immersion fermée et q : PnY → Y est la projection naturelle. Définition 1.18 (Schéma projectif et quasi-projectif) : Soit k un corps. Un k-schéma X est dit projectif (sur k) s’il existe une immersion fermée : X → Pnk (pour un entier n convenable). Un schéma est dit quasiprojectif si c’est un sous-schéma ouvert d’un schéma projectif. Proposition 1.5 ( [Liu02] (p108)) : On a les propriétés suivantes : (a) Les immersions fermées sont des morphismes projectifs. (b) La composée de deux morphismes projectifs est un morphisme projectif. (c) Les morphismes projectifs sont stables par changement de base. (d) Soit X → S et Y → S des morphismes projectifs. Alors X ×S Y → S est projectif. (e) Si la composée X → Y → Z est projectif et si Y → Z est séparé, alors X → Y est projectif. 1.7. Morphisme et schéma plat. Définition 1.19 (A-module plat) : Soit A un anneau. Un A-module M est dit plat si le foncteur ·⊗A M est exact à gauche (l’exactitude à droite est toujours vraie), c’est-à-dire si pour toute suite exacte de A-module 0 −→ N −→ N 0 −→ N 00 −→ 0, la suite 0 −→ N ⊗A M −→ N 0 ⊗A M −→ N 00 ⊗A M −→ 0, est encore exacte. Ceci est équivalent à demander que si M1 → M2 est un morphisme injectif de A-modules, alors le morphisme induit M1 ⊗A M → M2 ⊗A M est encore injectif. Exemple 1.2 : Tout A-module libre est plat. En particulier, si k est un corps, toute k-algèbre est plate. 1. PROPRIÉTÉS DES SCHÉMAS ET DES MORPHISMES 11 Définition 1.20 (Morphisme plat d’anneaux) : Un morphisme d’anneaux ϕ : A → B est dit plat si B, muni de sa structure de A-module induite par ϕ, est un A-module plat. On donne à présent deux propositions qui nous seront utiles plus tard. Lemme 1.1 ( [Liu02] (p9)) : Soit A un anneau. Soit 0 → M 0 → M → M 00 → 0 une suite exacte de A-modules. Supposons que M 00 est plat sur A. Alors pour tout A-module N , la suite 0 → M 0 ⊗ N → M ⊗ N → M 00 ⊗ N → 0 est exacte. Démonstration. On pourra se référer à [Liu02] page 9 pour une démonstration de ce lemme. Proposition 1.6 : Soit 0 → M 0 → M → M 00 → 0 une suite exacte de A-modules telle que M 00 est plat sur A. Alors M est plat sur A si et seulement si M 0 est plat sur A. Démonstration. On pourra trouver la démonstration de ce résultat dans [Bou72], proposition 5 page 16, ou encore se référer à [Mat89], théorème 7.9 page 51. Définition 1.21 (Morphisme plat et fidèlement plat de schémas [Liu02] (p136)) : Soit f : X → Y un morphisme de schémas. On dit que f est plat en un point x ∈ X si le morphisme d’anneaux fx] : OY,f (x) → OX,x est plat. On dit que f est plat si f est plat en tout point de X. On dit que f est fidèlement plat s’il est plat et surjectif. On rappelle la proposition suivante Proposition 1.7 ( [Liu02] (p136) ou [Har77] (p254)) : Les propriétés suivantes sont vérifiées : (a) Les immersions ouvertes sont des morphismes plats. (b) La platitude est stable par changement de base. (c) La composée de morphismes plats est encore un morphisme plat. (d) Le produit fibré de deux morphismes plats est plat. (e) Soit A → B un morphisme d’anneaux. Alors le morphisme de schéma induit Spec(B) → Spec(A) est plat si et seulement si A → B est plat. Définition 1.22 (Schéma plat) : Soit f : X → Y un morphisme de schémas et soit F un OX -module. On dit que F est plat sur Y en un point x ∈ X si la fibre Fx est un OY,f (x) -module plat, où on considère Fx comme un OY,f (x) -module via l’application fx] : OY,f (x) → OX,x . On dit que F est plat sur Y si F est plat en chaque point de X. On dit que X est plat sur Y si OX l’est. Notons que la notion de platitude est locale. Exemple 1.3 : Tout faisceau localement libre sur X est plat (sur X). Exemple 1.4 : Tout k-schéma X → Spec(k) de type fini est plat (sur k). La proposition 1.7 se traduit en termes de schémas de la manière suivante. Proposition 1.8 ( [Har77] (p254)) : (a) Une immersion ouverte est plate. (b) (changement de base) Soient f : X → Y un morphisme de schémas, F un OX -module plat sur Y et g : Y 0 → Y un morphisme de schémas quelconque. Soit F 0 = p∗ F. Alors F 0 est plat sur Y 0 . (c) (transitivité) Soit f : X → Y et g : Y → Z deux morphismes de schémas. Soit F un OX -module plat sur Y . Supposons que Y soit aussi plat sur Z. Alors F est plat sur Z. 12 1. GÉNÉRALITÉS (d) Soient A → B un morphisme d’anneaux et M un B-module. Considérons f : X = Spec(B) → Y = f le faisceautisé de M . Alors F est plat Spec(A) le morphisme de schéma correspondant, et soit F = M sur Y si et seulement si M est plat sur A. (e) Soient X un schéma noetherien et F un OX -module cohérent. Alors F est plat sur X si et seulement s’il est localement libre. Dans tout ce qui suit, on désignera simplement par k-schéma un schéma sur k de type fini [CS98] (p103)]. 2. Diviseurs On effectue ensuite quelques rappels quant à la notion de diviseurs. On commence par les diviseurs de Weil, puis on introduit la notion de diviseur de Cartier. 2.1. Diviseurs de Weil. Définition 1.23 (Faisceau des fonctions rationnelles [Har77] (p140) [Liu02] (p256)) : Soit X un schéma. Pour tout ouvert affine U = Spec(A), on considère le système multiplicatif S des éléments de A qui ne sont pas des diviseurs de zéro et on pose K(U ) = S −1 A. Pour tout ouvert U , on note S(U ) l’ensemble des éléments de OX (U ) qui ne sont pas des diviseurs de zéros dans OX,x , et ceci pour tout x ∈ U . On note alors KX le faisceau associé au préfaisceau U 7→ S(U )−1 OX (U ), ∗ le faisceau (de groupes multiplicatifs) des éléments appelé faisceau des fonctions rationnelles. On note KX inversibles dans le faisceau d’anneau KX . Les sections de KX (X) sont aussi appelées des fonctions méromorphes sur X. Remarque 1.3 ( [Liu02] (p66-256)) : Si X est un schéma intègre, alors KX est le faisceau constant à valeur K(X) := lim OX (U ), −→ U le corps des fonctions rationnelles de X ou plus simplement corps des fonctions de X. Si U est un ouvert affine, alors K(X) = F rac(OX (U )). De même, si η est le point générique de X, alors K(X) = OX,η . Définition 1.24 (Schéma régulier en codimension 1 [Har77] (p130)) : Un schéma X est dit régulier en codimension 1 si tous les anneaux locaux OX,x de X de dimension 1 sont réguliers. Exemple 1.5 : Tout schéma normal noetherien est régulier en codimension 1. De même que toute variété affine ou projective régulière. On considère dans la suite de cette partie la propriété (1) X est un schéma noetherien, intègre, séparé, régulier en codimension 1. Définition 1.25 (Diviseur de Weil [Har77] (p130)) : Soit X un schéma vérifiant (1). Un diviseur premier sur X est un sous-schéma fermé intègre Y de codimension 1. Un diviseur de Weil est un élément du groupe abélien libre Div(X) généré par les diviseurs premiers. On note X X D= ni · Yi ou encore D= ni [Yi ] un tel diviseur où les Yi sont des diviseurs premiers, les ni ∈ Z et seul un nombre fini de ni sont non nuls. Si tous les ni ≥ 0, on dit que D est effectif. 2. DIVISEURS 13 Définition 1.26 (Zéro et pôle [Har77] (p131)) : Si Y est un diviseur premier de X (schéma vérifiant (1)), on note η ∈ Y son point générique. Alors l’anneau local OX,η est un anneau à valuation discrète (dont le corps des fractions est K(X)). On note vY la valuation correspondante à Y . Alors pour f ∈ K(X)∗ une fonction rationnelle non nulle sur X, vY (f ) ∈ Z. Si vY (f ) > 0, on dit que f à un zéro le long de Y d’ordre vY (f ). Si vY (f ) < 0, on dit que f à un pôle le long de Y d’ordre −vY (f ). Lemme 1.2 ( [Har77] (p131)) : Soit X vérifiant (1) et f ∈ K(X)∗ une fonction rationnelle non nulle sur X. Alors vY (f ) = 0 pour tout diviseur premier Y , sauf un nombre fini. Ce lemme justifie la bonne définition de la notion de diviseur principal que l’on introduit maintenant. Définition 1.27 (Diviseur principal) : Soit X vérifiant (1) et f ∈ K(X)∗ . On définit le diviseur de f , noté (f ) par X (f ) = vY (f ) · Y où la somme est prise sur l’ensemble des diviseurs premiers de X. Un diviseur de cette forme est dit principal. Remarque 1.4 : Si f, g ∈ K(X)∗ , alors (f /g) = (f ) − (g). On en déduit que l’ensemble des diviseurs principaux forme un sous-groupe (additif) de Div(X) en tant qu’image du groupe (multiplicatif) K(X)∗ par le morphisme f 7→ (f ). Définition 1.28 (Equivalence linéaire) : Soit X vérifiant (1). Deux diviseurs D, D0 sont dits linéairement équivalents, et on note D ∼ D0 , si D − D0 est un diviseur principal. On note Cl(X) := Div(X)/ ∼ le groupe quotient. Définition 1.29 (Degré [CS98] (p167)) : On définit le degré d’un diviseur D = par X deg(D) = ni [k(Pi ) : k] P ni · Pi sur une courbe i où k(Pi ) est le corps résiduel de X au point fermé Pi . Nous ne rappelerons pas grand chose de plus concernant les diviseurs de Weil. En revanche, nous allons aborder maintenant celle de diviseur de Cartier. 2.2. Diviseurs de Cartier. Définition 1.30 (Diviseur de Cartier [Har77] (p140) [Liu02] (p256)) : Un diviseur de Cartier sur un ∗ ∗ schéma X est une section globale du faisceau KX /OX . On note ∗ ∗ Div(X) = H 0 (X, KX /OX ) l’ensemble de ces diviseurs. Concrètement, un diviseur de Cartier sur X est la donnée d’un recouvrement ∗ ouvert (Ui )i∈I de X avec pour chaque i ∈ I un élément fi ∈ KX (Ui ), tel que pour tous i, j ∈ I, fi /fj ∈ ∗ OX (Ui ∩Uj ). La loi de groupe sur Div(X) est noté additivement. Si D1 et D2 sont représentés respectivement par {(Ui , fi )i∈I } et D2 = {(Vj , gj )j∈J }, alors D1 + D2 est représenté par {(Ui ∩ Vj , fi gj )i∈I,j∈J }. Remarque 1.5 ( [Liu02] (p256)) : Deux systèmes {(Ui , fi )i∈I } et {(Vj , gj )j∈J } représentent le même ∗ diviseur de Cartier si, sur chaque Ui ∩ Vj , fi et gj diffèrent par un facteur multiplicatif dans OX (Ui ∩ Vj ). Définition 1.31 (Diviseur de Cartier effectif [Har77] (p141) [Liu02] (p256)) : Un diviseur de Cartier D ∗ est dit effectif s’il peut être représenté sous la forme {(Ui , fi )i∈I } avec des fi ∈ OX (Ui ) ∩ KX (Ui ), fonctions régulières. On note alors D ≥ 0. 14 1. GÉNÉRALITÉS Définition 1.32 (Diviseur de Cartier principal [Har77] (p141) [Liu02] (p256)) : Un diviseur de Cartier ∗ ∗ ∗ est dit principal s’il est dans l’image de l’application naturelle KX → KX /OX . Définition 1.33 (Diviseurs de Cartier équivalents [Har77] (p141) [Liu02] (p256)) : Deux diviseurs de Cartier D, D0 sont dits linéairement équivalents si leur différence est principal. On note D ∼ D0 . On note alors CaCl(X) := Div(X)/ ∼ . ∗ ∗ Remarque 1.6 : On utilise ici le vocabulaire des groupes additifs bien que la loi de groupe dans KX /OX soit multiplicative. Exemple 1.6 : Si X = Ank , CaCl(X) = 0. Si X = Pnk , alors CaCl(X) = Z. Bien qu’à priori très différents, la résultat suivant montre que sous certaines hypothèses les diviseurs de Weil et ceux de Cartier sont liés. Proposition 1.9 (Lien Cartier/Weil [Har77] (p141)) : Si X est un schéma intègre séparé noetherien localement factoriel, alors les diviseurs de Cartier correspondent aux diviseurs de Weil. Dans ce qui suit, nous utiliserons essentiellement la notion de diviseurs de Cartier mais puisqu’on travaillera la pluspart du temps sur une courbe algébrique lisse, on pourra y penser comme des diviseurs de Weil. Nous verrons que la notion de diviseurs tient une place importante dans la construction de la jacobienne choisie. 3. Faisceaux inversibles Après avoir discuté des diviseurs, il est naturel de s’intéresser aux liens entre ceux-ci et les faisceaux inversibles. Ce sera l’occasion d’introduire le groupe de Picard ainsi que de rappeler le théorème de RiemannRoch. Définition 1.34 (Faisceau inversible [Voi06] (p28)) : On appelle faisceau inversible sur un k-schéma X (de type fini) un faisceau localement libre de rang 1, c’est-à-dire un faisceau localement isomorphe au faisceau structural OX de X. 3.1. Lien avec les diviseurs et théorème de Riemann-Roch. Définition 1.35 (Faisceau associé à un diviseur de Cartier [Liu02] (p257)) : Soit D = {(Ui , fi )i } un diviseur de Cartier sur un schéma X. On lui associe un sous-faisceau L(D) ⊂ KX défini par L(D)|Ui = fi−1 OX|Ui ⊂ KX (Ui ). L(D) est bien défini et définit un faisceau inversible sur X. Par construction, D ≥ 0 si et seulement si L(−D) ⊂ OX . De plus, si U est un ouvert de X, alors L(D)|U = L(D|U ) vu comme un sous-faisceau de KX|U . L’essentielle de notre étude se fera sur une courbe C complète non singulière sur k. Dans ce cas, on montre en fait que tout faisceau inversible L peut être vu comme le faisceau inversible L(D) déterminé par un diviseur D, donné à équivalence linéaire près. Ceci nous amène à introduire la notion de degré d’un faisceau inversible. Définition 1.36 (Degré d’un faisceau inversible [CS98] (p167)) : Soit L = L(D) un faisceau inversible sur C. On définit le degré de L par deg(L) = deg(D). 3. FAISCEAUX INVERSIBLES 15 Remarque 1.7 : Plus généralement, on définit la notion de degré pour les faisceaux inversibles sur un schéma projectif. Définition 1.37 (Espace L(D) [CS98] (p112)) : Pour un diviseur D sur C, on note L(D) = {f ∈ K(C) | (f ) + D ≥ 0} ∪ {0} = H 0 (C, L(D)). et [D] = |D| = {(f ) + D | f ∈ L(D)} le système linéaire complet de D. On rappelle également le théorème de Riemann-Roch. Théorème 1.2 (Riemann-Roch [Har77] (p295)) : dimk H 0 (C, L(D)) − dimk H 0 (C, L(K − D)) =: χ(C, Ln ) = n · deg(L) + 1 − g où g est le genre de C et K est un diviseur canonique sur C. Par dualité de Serre, le théorème de Riemann-Roch se formule aussi de la manière suivante. Théorème 1.3 (Riemann-Roch [CS98] (p127 - 167)) : dimk H 0 (C, L(D)) − dimk H 1 (C, L(D)) =: χ(C, L(D)) = deg(L(D)) + 1 − g. En particulier, lorsqu’on écrit χ(C, Ln ) sous la forme d’un polynôme en n, alors deg(L) est le coefficient dominant de ce polynôme. 3.2. Groupe de Picard. Soient L, L0 et L00 trois faisceaux inversibles sur X. Le produit tensoriel L ⊗OX L0 , ou plus simplement noté L ⊗ L0 , est encore un faisceau inversible sur X, canoniquement isomorphe à L0 ⊗ L. Par ailleurs, le produit tensoriel définit une loi associative : L ⊗ (L0 ⊗ L00 ) ' (L ⊗ L0 ) ⊗ L00 . En notant L∨ := L−1 := Hom(L, OX ) le faisceau dual, qui est le faisceau associé au préfaisceau U 7→ HomOX (U ) (L(U ), OX (U )), on a L ⊗OX L−1 ' OX . Ceci vient valider la terminologie « faisceau inversible » et on est amené à définir le groupe de Picard de X. Définition 1.38 (Groupe de Picard P ic(X) [CS98] (p167)) : Soit X un k-schéma. On note P ic(X) le groupe des classes d’isomorphismes de faisceaux inversibles sur X. × On rappelle également que P ic(X) ' H 1 (X, OX ). De plus, X 7→ P ic(X) est un foncteur de la catégorie des schémas sur k dans celle des groupes abéliens. Notation 1.3 (P ic0 (X)) : Lorsque X est une courbe, on note P ic0 (X) le groupe des classes d’isomorphismes de faisceaux inversibles de degrés 0 sur X. Notons également qu’on a la propriété suivante : Proposition 1.10 : Pour un faisceau inversible L, on a deg(L⊗n ) = deg(nD) = n · deg(D). 16 1. GÉNÉRALITÉS 3.3. Faisceaux inversibles amples et très amples. Définition 1.39 (Immersion [Har77] (p120)) : Un morphisme de schémas i : X → Z est appelé une immersion si i induit un isomorphisme entre X et un sous-schéma ouvert d’un sous-schéma fermé de Z, c’est-à-dire si i se factorise comme la composée d’une immersion ouverte avec une immersion fermée. Définition 1.40 (Faisceau inversible très ample [Har77] (p120)) : Soit X un Y -schéma. Un faisceau inversible L sur X est dit très ample relativement à Y s’il existe une immersion i : X → PrY , pour un certain entier r, tel que i∗ (O(1)) ' L. Remarque 1.8 ( [Har77] (p120)) : Soient X, Y deux schémas noetheriens. X est projectif sur Y si et seulement si X est propre et s’il existe un faisceau inversible très ample sur X (relativement à Y ). Notons que la définition de faisceau très ample dépend du morphisme X → Y , ce qui nous amène à définir une notion un peu plus souple : les faisceaux inversibles amples. Définition 1.41 (Faisceau engendré par ses sections globales [Har77] (p121)) : Soit X un schéma. On dit qu’un OX -module F est engendré par ses sections globales s’il existe une famille de sections globales {si }i∈I , si ∈ F(X) telle que pour tout x ∈ X, les images de si dans la fibre Fx génèrent la fibre en tant que OX,x -module. Remarque 1.9 ( [Har77] (p121)) : De manière équivalente, un OX -module F est engendré par ses sections globales si et seulement si F peut être écrit comme un quotient d’un faisceau libre. Définition 1.42 (Faisceau inversible ample [Har77] (p153)) : Un faisceau L inversible sur un schéma noetherien X est dit ample si pour tout faisceau cohérent F sur X, il existe n0 > 0, tel que pour tout n ≥ n0 , F ⊗ Ln est généré par les sections globales. Définition 1.43 (Diviseur ample et très ample) : On dit qu’un diviseur D est ample (resp. très ample) si L(D) est ample (resp. très ample). 4. Espaces tangents et faisceau des différentielles Terminons ce chapitre par quelques rapides rappels sur les espaces tangents. Définition 1.44 (Espace tangent de Zariski) : Soit X un k-schéma. On définit l’espace tangent de Zariski en un point x ∈ X comme étant le k(x)-espace vectoriel défini par Tx (X) := (mx /m2x )∨ ' (mx ⊗OX,x k(x))∨ , où mx est l’idéal maximal de l’anneau local OX,x du schéma X au point x. Les vecteurs de Tx (X) sont qualifiés de vecteurs tangents à X en x. Définition 1.45 (Application tangente [Liu02] (p126)) : Soit f : X → Y un morphisme de schémas. Soit x ∈ X et y = f (x). L’application fx] : OY,y → OX,x induit une application k(x)-linéaire TX,x → TY,y ⊗k(y) k(x) que l’on notera dfx et appelée l’application tangente de f en x. En particulier, si x, y sont des points k-rationnels, on obtient une application dfx : TX,x → TY,y . Notation 1.4 (Nombres duaux) : On notera simplement dans ce qui suit k[ε] := k[X]/(X 2 ) la k-algèbre des nombres duaux. Remarque 1.10 ( [Per08] (p89)) : Si X est affine, et x ∈ X(k), l’espace tangent Tx (X) s’identifie à l’ensemble des k-déformations Def (X, x), c’est-à-dire à l’ensemble des morphismes t : Spec(k[ε]) → X 4. ESPACES TANGENTS ET FAISCEAU DES DIFFÉRENTIELLES 17 tels que t ◦ i = x, où i : Spec(k) → Spec(k[ε]) (correspondant au morphisme de k-algèbres p : k[ε] → k qui envoie ε sur 0). Plus généralement, on a les isomorphismes suivants. Théorème 1.4 ( [Mum88] (p168)) : Soit x ∈ X un point fermé d’un schéma X de type fini sur k algébriquement clos. Les k-espaces vectoriels suivants sont isomorphes : (1) l’espace tangent Tx (X) := Homk (mx /m2x , k) de X en x, (2) l’espace des dérivations D : OX,x → k sur k, c’est-à-dire des applications k-linéaires telles que D(f g) = f (x) · Dg + g(x) · Df. (3) homOX,x ((ΩX/k )x , k(x)). En tant qu’ensembles, ils sont aussi en bijection avec (4) l’ensemble des morphismes f : Spec(k[ε]) → X ayant pour image x. Corollaire 1.2 ( [Mum88] (p169)) : Pour tout point fermé x ∈ X, mx /m2x est canoniquement isomorphe à (ΩX/k )x ⊗OX,x k(x) ' (ΩX/k )x /mx (ΩX/k )x . Cette application fait correspondre df (modulo mx (ΩX/k )x ) à f − f (x) (modulo m2x ). On peut aussi définir le faisceau tangent TX/k := HomOX (ΩX/k , OX ). On a alors TX/k,x ⊗OX,x k(x) ' Tx (X). Chapitre 2 Variétés algébriques et variétés abéliennes On aborde maintenant les notions de variétés algébriques et abéliennes. Ceci étant motivé par le fait que la jacobienne d’une courbe (que nous définirons par la suite) est une variété abélienne. 1. Variétés algébriques Commençons par définir ce que l’on entend ici par variété. Définition 2.1 (Variété sur k [CS98] (p103)) : Une variété sur k est un schéma séparé de type fini sur k tel que Vk est intègre (on dit parfois que V est géométriquement intègre). Remarque 2.1 (Variété et propreté [Mum88] (p54) et [CS98] (p105)) : De manière équivalente, une variété X sur k est complète si pour toute k-variété Y , le morphisme de projection q : X × Y → Y est fermé. Définition 2.2 (Courbe sur k [Har77] (p105-136)) : Une variété sur k de dimension 1 est appelé une courbe sur k. Définition 2.3 (Variété non singulière [CS98] (p103)) : Une variété V sur k est dite non singulière (ou encore lisse) si Vk est régulière (en tout point), c’est-à-dire si tous les anneaux locaux OVk ,p sont réguliers. Remarque 2.2 : De manière équivalente, une k-variété V est non singulière si le morphisme de schémas Vk → Spec(k) est lisse. 2. Foncteurs représentables et groupes algébriques Nous verrons à partir du prochain chapitre que les foncteurs et plus particulièrement les foncteurs représentables jouent un rôle fondamental dans la construction de la jacobienne présentée dans ce mémoire. Aussi, nous commençons cette partie par introduire ces objets et nous faisons ensuite le lien avec les groupes algébriques. 2.1. Foncteurs représentables. On note Ens la catégorie des ensembles. Soit C une catégorie et X un objet de C. On note HomC (X, .) le foncteur covariant de C vers Ens défini de la manière suivante : il envoie un objet Y de C sur l’ensemble HomC (X, Y ) et si f : Y → Z est une flèche de C, il l’envoie sur l’application p 7→ f ◦ p de HomC (X, Y ) vers HomC (X, Z). De même, on note HomC (., X) le foncteur contravariant de C vers Ens défini comme suit : il envoie un objet Y de C sur l’ensemble HomC (Y, X) et si f : Y → Z est une flèche de C, il l’envoie sur l’application p 7→ p ◦ f de HomC (Z, X) vers HomC (Y, X). 19 20 2. VARIÉTÉS ALGÉBRIQUES ET VARIÉTÉS ABÉLIENNES Définition 2.4 (Foncteur représentable) : On dit qu’un foncteur F covariant (resp. contravariant) de C vers Ens est représentable s’il existe un objet X de C tel que F soit isomorphe à HomC (X, .) (resp. à HomC (., X)). Pour montrer qu’un foncteur F est représentable, il suffit donc d’exhiber un objet X de C et un isomorphisme entre F et HomC (X, .) (ou HomC (., X). Proposition-Définition 2.1 (Objet universel) : Soit C une catégorie et F un foncteur covariant de C vers Ens. Le foncteur F est représentable si et seulement s’il existe un couple (X, ξ) formé d’un objet X de C et d’un élément ξ de F (X) tel que pour tout objet Y de C, l’application f 7→ F (f )(ξ) de HomC (X, Y ) vers F (Y ) soit bijective. Un tel couple est appelé un représentant du foncteur F . On dit parfois que ξ est un objet universel relativement au foncteur F . Proposition 2.1 (Unicité du représentant à unique isomorphisme près) : Soit F un foncteur covariant d’une catégorie C vers Ens que l’on suppose représentable. Soient (X, ξ) et (Y, η) deux représentants de F . il existe alors un unique morphisme f de Y vers X tel que F (f )(η) = ξ. De plus, f est un isomorphisme. Remarque 2.3 : L’unicité établie ci-dessus a pour conséquence que l’on parlera souvent du (et non d’un) représentant de F ainsi que de l’objet universel relatif à F (et non pas d’un objet universel). Remarque 2.4 : On a des résultats analogues pour les foncteurs contravariants. Exemple 2.1 : Soit A un anneau et P un sous-ensemble de A. On considère le foncteur covariant de la catégorie des anneaux vers celle des ensembles qui envoie tout anneau B sur l’ensemble des morphismes d’anneaux de A vers B s’annulant sur P . Alors F est représentable. En effet, soit (P ) l’idéal engendré par P . Si p désigne la flèche A → A/(P ), la donnée pour tout anneau B de la bijection f 7→ f ◦ p de Hom(A/(P ), B) vers F (B) définit un isomorphisme entre les foncteurs Hom(A/(P ), .) et F . Autrement dit, le couple (A/(P ), p) représente F . Un des intérêts lorsqu’on travaille avec des foncteurs représentables apparaît avec le lemme de Yoneda. Celui-ci permet de relier les morphismes de foncteurs et les morphismes entre les représentants, ce qui peut s’avérer productif selon les situations. Lemme 2.1 (de Yoneda) : Soient F et G deux foncteurs covariants d’une catégorie C vers la catégorie Ens des ensembles, représentés respectivement par deux objets A et B de C. Il existe une bijection entre les morphismes de foncteurs entre F et G et les morphismes entre B et A. Autrement dit, on a des bijections M orF unc(C,Ens) (F, G) ' M orF unc(C,Ens) (HomC (A, ·), HomC (B, ·)) ' HomC (B, A). 2.2. Groupes algébriques. On suppose dans cette partie que les schémas sont localement noetheriens, même noetheriens sauf mention explicite du contraire. Définition 2.5 (Foncteur de groupes [CS98] (p30)) : Un foncteur de groupes sur un schéma S est un cofoncteur F de la catégorie des schémas sur S dans la catégorie des groupes. Remarque 2.5 ( [CS98] (p30)) : Cela signifie que pour chaque S-schéma X, F (X) a une structure de groupe et que pour tout S-morphisme Y → X, le morphisme F (X) → F (Y ) est un morphisme de groupes. Définition 2.6 (Schéma en groupes [CS98] (p 31)) : Si un foncteur de groupes F est représentable par un schéma G, on dit que G est un schéma en groupes. Par abus de langage, on dira aussi que le foncteur F est un schéma en groupes. 3. VARIÉTÉS ABÉLIENNES 21 Proposition 2.2 ( [Liu02] (p297)) : De manière équivalente, un schéma en groupes (sur S) est un Sschéma G muni de morphismes de S-schémas suivant : – (multiplication) Il existe un S-morphisme m : G ×S G → G tel que le diagramme : G ×S G ×S G / G ×S G 1×m m m×1 G ×S G /G m commute (associativité de la loi m). – (élément unité) Il existe une section ε : S → G pour le morphisme structural π : G → S tels que les diagrammes G ×S G O m /G O ε×1 S ×S G 1 1 /G /G O m G ×S G O 1×ε 1 G ×S S /G 1 commutent. – (inverse) Il existe un S-morphisme inv : G → G tel que les diagrammes G ∆ / G ×S G 1×inv π / G ×S G m S /G ε G ∆ / G ×S G inv×1 / G ×S G m π S ε /G commutent. Ici, ∆ est le morphisme diagonal. Remarque 2.6 ( [CS98] (p32)) : Si T est un schéma sur S et G un schéma en groupes sur S, GT = G×S T est un schéma en groupes sur T . On peut donc voir un schéma en groupes sur S comme une famille de schémas en groupes Gs , pour chaque s ∈ S. Ici, Gs = G ×S k(s) (où k(s) est la corps résiduel en s). Remarque 2.7 ( [CS98] (p104) [Liu02] (p297)) : Si R est une k-algèbre, V (R) obtient ainsi une structure de groupes et cette structure de groupe dépend fonctoriellement de R. 3. Variétés abéliennes Venons-en aux variétés abéliennes. 3.1. Définitions. Définition 2.7 (Variété de groupes [CS98] (p104)) : Une variété de groupes sur k est une variété V sur k munie de morphismes m:V ×V →V inv : V → V (multiplication) (inverse) et d’un élément ε ∈ V (k) tel que la structure sur V (k) définie par m et inv est un groupe dont ε est l’élément neutre. Remarque 2.8 : Une variété de groupes sur k est donc un schéma en groupe qui est une k-variété. 22 2. VARIÉTÉS ALGÉBRIQUES ET VARIÉTÉS ABÉLIENNES ' Pour a ∈ V (k), l’application de projection p : Vk × Vk → Vk induit un isomorphisme Vk × {a} → Vk et on définit le morphisme ta par la composée : m Vk ' Vk × {a} ⊂ Vk × Vk −→ Vk . La translation ta agit sur les points comme P 7→ m(P, a). De la même manière, pour tout point a ∈ V , il existe une application de translation ta : Vk(a) → Vk(a) . En particulier, si a ∈ V (k) (c’est-à-dire k(a) = k), alors ta applique V sur V . Remarque 2.9 ( [CS98] (p104)) : Une variété de groupes est automatiquement non singuilière. Définition 2.8 (Variété abélienne [CS98] (p104)) : Une variété de groupes complète est appelée une variété abélienne. Proposition 2.3 ( [Mum85] (p41)) : La loi de groupe d’une variété abélienne A est commutative. Celle-ci sera donc notée additivement. La terminologie « abélienne » est donc cohérente. Donnons enfin la définition d’une isogénie. Définition 2.9 (Isogénie [CS98] (p114)) : Soit f : A → B un homomorphisme de variétés abéliennes. Si f est surjective et de noyau fini, on dit que f est une isogénie. 3.2. Quelques propriétés. Dans cette section, on rappelle sans démonstration quelques propriétés auquelles on fera référence par la suite. Ces résultats sont issus de [CS98]. On pourra également se référer à [Mil08]. Théorème 2.1 (de rigidité [CS98] (p104)) : Soit f : V → W → U un morphime de variétés sur k. Si V est complète et f (V × {w0 }) = {u0 } = f ({v0 } × W ) pour certains u0 ∈ U (k), v0 ∈ V (k), w0 ∈ W (k), alors f (V × W ) = {u0 }. Corollaire 2.1 ( [CS98] (p105)) : Tout morphisme f : A → B de variétés abéliennes est la composée d’un homomorphisme h : A → B avec une translation ta , où a = −f (0) ∈ B(k). Corollaire 2.2 ( [CS98] (p105)) : Soient V et W des variétés sur k complètes et admettant des points rationnels v0 ∈ V (k), w0 ∈ W (k). Soit A une variété abélienne. Alors tout morphisme h : V × W → A tel que h(v0 , w0 ) = 0 s’écrit de manière unique sous la forme h=f ◦p+g◦q avec f : V → A et g : W → A sont des morphismes tels que f (v0 ) = 0 et g(w0 ) = 0. On s’intéresse ensuite aux applications rationnelles. Définition 2.10 (Application rationnelle [CS98] (p105-106)) : On appelle application rationnelle f : V 99K W entre variétés une classe d’équivalence de paires (U, fU ) où U est un ouvert dense de V et fU : U → W est un morphisme. La relation d’équivalence est la suivante : deux paires (U, fU ) et (U 0 , fU 0 ) sont équivalentes si et seulement si fU et fU 0 coïncident sur U ∩ U 0 . Il existe un plus grand ouvert U de V tel que f définit un morphisme U → W . On dit que f est définie en les points de U . Définition 2.11 (Application birationnelle) : Une application rationnelle f : V 99K W entre variétés est dite birationnelle s’il existe un ouvert dense de V ⊂ V et un ouvert dense W de W tel que f soit un isomorphisme de V → W. 3. VARIÉTÉS ABÉLIENNES 23 Théorème 2.2 ( [CS98] (p106)) : Une application rationnelle f : V 99K A d’une variété non singulière V sur un variété abélienne A est définie sur V tout entier. On donne ensuite un résultat de cohomologie qui nous sera utile à plusieures reprises. Notation 2.1 ( [CS98] (p109) [Liu02] (p83)) : Soient V une variété sur k, T un k-schéma (toujours supposé de type fini) et L un faisceau inversible sur V × T . Pour t ∈ T , on définit le faisceau inversible Lt := (1 × ι)∗ L sur Vt := Vk(t) = (V × T ) ×T t, où ι est l’inclusion de Spec(k(t)) ,→ T dans T (ensemblistement, t est l’image de l’unique point de Spec(k(t)) : [Liu02] p46). Cela permet de regarder L comme une famille de faisceaux inversibles sur V paramétrée par les points de T . Théorème 2.3 ( [CS98] (p108)) : Soit f : V → T un morphisme plat propre de schémas noetheriens, et soit F un OV -module localement libre de rang fini. Pour tout t ∈ T , on note Vt la fibre de V sur t et Ft pour l’image inverse de F sur Vt . (a) La construction des images directes supérieures de F commute avec les changements de base plats. En particulier, si T = Spec(R) est affine et R0 est une R-algèbre plate, alors H r (V 0 , F 0 ) = H r (V, F) ⊗R R0 où V 0 = V ×Spec(R) Spec(R0 ) et F 0 est l’image inverse de F sur V 0 . P (b) La fonction t 7→ χ(Ft ) := (−1)r dimk(t) H r (Vt , Ft ) est localement constante sur T . (c) Pour chaque r, la fonction t 7→ dimk(t) H r (Vt , Ft ) est semi-continue supérieurement. (d) Si T est intègre et dimk(t) H r (Vt , Ft ) est égal à une constante s pour tout t ∈ T , alors Rr f∗ F est un OT -module localement libre et les applications naturelles Rr f∗ F ⊗OT k(t) → H r (Vt , Ft ) sont des isomorphismes. (e) Si H 1 (Vt , Ft ) = 0 pour tout t ∈ T , alors R1 f∗ F = 0, f∗ F est localement libre, et la construction de f∗ F commute avec les changements de bases. Profitons-en également pour donner quelques résultats concernant les faisceaux inversibles sur des variétés complètes. Théorème 2.4 ( [CS98] (p109)) : Soient V une variété complète et T un schéma intègre (toujours de type fini) sur k. Soient L et M des faisceaux inversibles sur V × T . Si Lt ' Mt pour tout t ∈ T , alors il existe un faisceau inversible N sur T tel que L ' M ⊗ q∗ N . Corollaire 2.3 ( [CS98] Principe de Seesaw (p109)) : Supposons en plus des hypothèses du théorème précédent qu’il existe un point v ∈ V (k) tel que Lv ' Mv . Alors L ' M. Théorème 2.5 ( [CS98] (p110) ) : Soit V une variété complète et T un k-schéma (toujours supposé de type fini). Soit L un faisceau inversible su V × T . Alors l’ensemble {t ∈ T | Lt est trivial} est fermé dans T . Lemme 2.2 ( [CS98] (p111)) : Soit L un faisceau inversible sur un variété complète V sur un corps k. Si L est trivial sur Vk , alors L est aussi trivial sur V . Et on termine par rappeler que toute variété abélienne est projective. Théorème 2.6 ( [CS98] (p113)) : Toute variété abélienne est projective. Chapitre 3 Première approche de la jacobienne Afin de motiver d’avantage l’étude générale de la jacobienne pour une courbe de genre g quelconque, on s’intéresse aux courbes de genre 1 : les courbes elliptiques. 1. Motivations : l’exemple des courbes elliptiques 1.1. Un peu de théorie. Afin de fixer les idées, considérons dans cette partie un corps k algébriquement clos. Nous allons introduire un objet important en mathématiques : les courbes elliptiques. Celles-ci interviennent dans bien des domaines : aussi bien en géométrie algébrique comme nous allons le voir, qu’en analyse complexe avec les fonctions et intégrales elliptiques, qu’en théorie des nombres et cryptographie par exemple. Définition 3.1 (Courbe elliptique [Har77] (p297)) : On appelle courbe elliptique toute courbe E complète non singulière sur k de genre 1 munie d’un point rationnel fixé P0 ∈ E(k). Dans ce qui suit, on considère (E, P0 ) une courbe elliptique. Proposition 3.1 ( [Har77] (p297)) : On a une correspondace bijective entre les k-points de E et P ic0 (E) donnée par ϕ : P 7→ L(P − P0 ). Démonstration. Il s’agit de montrer que si L = L(D) est un faisceau inversible de degré 0 sur E, correspondant à un diviseur D de degré 0, alors il existe un unique point rationnel P ∈ E(k) tel que D est linéairement équivalent à P − P0 . Ceci est une conséquence du théorème de Riemann-Roch rappelé précédemment. En effet, on a h0 (D + P0 ) − h0 (K − D − P0 ) = deg(D + P0 ) + 1 − g(E) = 1 + 1 − 1. Par ailleurs, deg K = 2 · g(E) − 2 = 0, de sorte que deg(K − D − P0 ) = −1 et donc que h0 (K − D − P0 ) = 0. Ainsi, on a montré que h0 (D + P0 ) = 1 ou encore que le système linéaire complet |D + P0 | est réduit à un unique diviseur effectif. Celui-ci étant de degré 1 (le degré de D + P0 ), il est en fait réduit à un seul point : le point P cherché. Une conséquence importante de ce résultat est que l’on peut transporter la structure de groupe de (P ic0 (E), ⊗) sur l’ensemble des points de E. De plus, le point P0 initialement fixé apparaît comme l’élément neutre de cette addition sur E(k). Plus explicitement, si P, Q ∈ E(k), alors l’addition sur E(k) est donnée de la manière suivante : P + Q = ϕ−1 (ϕ(P ) ⊗ ϕ(Q)) = ϕ−1 (L((P + Q − P0 ) − P0 )). 25 26 3. PREMIÈRE APPROCHE DE LA JACOBIENNE Autrement dit, P +Q=R ⇐⇒ P + Q ∼ R + P0 . Proposition 3.2 ( [Har77] (p321)) : Soit (E, P0 ) une courbe elliptique munie de sa structure de groupe définie ci-dessus. Alors les applications ρ : E → E et µ : E × E → E données respectivement par P 7→ −P et (P, Q) 7→ P + Q sont des morphismes. On vient donc de voir que toute courbe elliptique E est naturellement munie d’une structure de variété de groupes dont les points de E paramétrisent les classes d’isomorphisme de faisceaux inversibles de degré 0 sur E. Dans ce mémoire, nous allons voir que si C est une courbe non singulière complète sur un corps k (pas nécessairement algébriquement clos), admettant un point rationnel, alors P ic0 (C) peut encore être muni d’une telle structure de groupe, et même d’une structure de variété abélienne, appelée la jacobienne de C. Mais avant cela, donnons une interprétation géométrique de la loi de groupe sur E(k). 1.2. Interprétation géométrique. Considérons le diviseur 3P0 . Comme tout diviseur de degré ≥ 2g+1 sur une courbe de genre g, il est très ample ( [Har77] Corollaire 3.2 (b) p308) et le théorème de RiemannRoch montre que dim |3P0 | = 2. On obtient ainsi un plongement de ϕ : E → P2k de degré 3. Alors trois points de ϕ(X) sont colinéaires (dans P2k ) si et seulement si P + Q + R ∼ 3P0 ou encore en terme de groupe, P + Q + R = 0. Enfin, le point P0 s’apparente à un point à l’infini. Exemple 3.1 ( [Har77] (p336)) : Les figures ci-dessous illustrent la loi de groupe sur deux courbes elliptiques. (b) Points rationnels de la courbe y 2 + y = x3 − x (a) Loi d’addition sur la courbe y 2 = x3 − x Passons maintenant au cas général. 2. Définitions et objectifs Soit C une courbe complète non singulière sur k. Soit T un k-schéma connexe et L un faisceau inversible sur C × T := C ×Spec(k) T . D’après le théorème 2.3 (b), la fonction t 7→ χ(Ct , Lnt ) est localement constante, et 2. DÉFINITIONS ET OBJECTIFS 27 donc deg(Lt ) (qui est le coefficient dominant du polynôme en n χ(Ct , Lnt )) également. Par ailleurs, ce degré est invariant par changement de base T 0 → T . Remarque 3.1 ( [CS98] (p168)) : Pour un faisceau inversible M sur T , q ∗ M est un faisceau inversible sur C ×Spec(k) T et pour t ∈ T , (q ∗ M)t est un faisceau inversible sur Ct isomorphe à OCt , en particulier est de degré 0. On peut donc poser : PC0 (T ) = {L ∈ P ic(C × T ) | deg(Lt ) = 0 pour tout t ∈ T }/q ∗ P ic(T ). PC0 (T ) peut être vu comme le groupe des familles de faisceaux inversibles sur C de degré 0, paramétrée par T , modulo les familles triviales. PC0 (T ) est un foncteur de la catégorie des k-schémas dans celle des groupes abéliens. La jacobienne tente de représenter ce foncteur. Plus précisément, on souhaite démontrer le théorème suivant : Théorème 3.1 ( [CS98] (p168)) : Il existe une variété abélienne J sur k et un morphisme de foncteurs ι : PC0 → J tel que ι : PC0 (T ) → J(T ) est une bijection dès que C(T ) est non vide. Remarque 3.2 ( [CS98] (p169)) : Si C n’a pas de point k-rationnel, pour tout k-schéma T , l’application ι(T ) : PC0 (T ) → J(T ) est encore injective. On démontrera ce théorème dans la partie 3 de ce mémoire. Une première remarque est que la condition du théorème implique que la paire (J, ι) est uniquement déterminée à un unique isomorphisme près. En effet, considérons une extension galoisienne finie k 0 /k telle que C(k 0 ) est non vide (on peut par exemple prendre la clôture séparable de k), et G = Gal(k 0 /k). Alors pour tout k-schéma T , C(Tk0 ) est aussi non vide. Le théorème implique alors que ι(Tk0 ) : PC0 (Tk0 ) → J(Tk0 ) est un isomorphisme. Par ailleurs, puisque k est l’ensemble des invariants de k 0 sous l’action de G, on constate que J(T ) := M ork (T, J) ' M ork0 (Tk0 , Jk0 )G ' J(Tk0 )G , le dernier isomorphisme étant une conséquence de la propriété universelle du produit fibré : se donner un k 0 -morphisme ϕ : Tk0 → Jk0 est équivalent à se donner un k-morphisme ψ : Tk0 → J : Tk0 BB BB ϕ BB BB Jk0 q ! / Spec(k 0 ) ψ p " J / Spec(k). Ainsi, J est un (le) représentant du foncteur T 7→ PC0 (Tk0 )G dont on sait par la proposition 2.1 qu’il est unique à un unique isomorphisme près. Remarquons également que pour toute extension k 0 /k sur laquelle C a un point k 0 -rationnel, ι détermine un isomorphisme P ic0 (C) ' PC0 (k 0 ) −→ J(k 0 ). En particulier, si C admet un point k-rationnel, chaque élément de PC0 (k) = P ic0 (C) admet un unique représentant (car P ic(k) est trivial) : J paramétrise les classes de faisceaux inversibles sur C. Définition 3.2 (Jacobienne [CS98] (p168)) : La variété J est appelée la variété jacobienne de C. 28 3. PREMIÈRE APPROCHE DE LA JACOBIENNE Dans le cas où C admet un point k-rationnel on obtient un autre résultat mais avant de le voir, nous avons besoin d’introduire deux nouvelles notions. Définition 3.3 (k-schéma pointé [CS98] (p168)) : On appelle k-schéma pointé un k-schéma connexe S muni d’un élément s ∈ S(k). On considèrera toujours une variété abélienne V comme un k-schéma pointé par l’élément zéro ε ∈ V (k) (aussi noté 0). Définition 3.4 (Correspondance divisorielle [CS98] (p168)) : Une correspondance divisorielle entre deux schémas pointés (S, s) et (T, t) sur k est un élément L ∈ P ic(S × T ) tel que Lt = L|S×{t} et L{s}×T soient tous les deux triviaux. Théorème 3.2 ( [CS98] (p168)) : Soit P un point k-rationnel de C. Alors il existe une correspondance divisorielle MP entre (C, P ) et J telle que, pour toute correspondance divisorielle L entre (C, P ) et un k-schéma pointé (T, t), il existe un unique morphisme ϕ : T → J tel que ϕ(t) = 0 et (1 × ϕ)∗ MP ' L. Montrons maintenant de quelle manière le théorème 3.2 découle du théorème 3.1. Démonstration. Soit P un point k-rationnel de C. Soit T un k-schéma. On considère la projection q : C × T → T . Alors l’application s := [t ∈ T 7→ (P, t) ∈ C × T ] définit une section de q. Les applications induites s∗ : ∗ q : P ic(C × T ) → P ic(T ) : L 7→ L|{P }×T P ic(T ) → P ic(C × T ) vérifient alors s∗ ◦ q ∗ = idP ic(T ) . On utilise alors la propriété générale en théorie des groupes suivante : Lemme 3.1 : Soient G, H deux groupes abéliens et f : G → H, g : H → G deux morphismes de groupes tels que f ◦ g = idG , alors G = Im(g) ⊕ ker f . Preuve du lemme. Soit x ∈ G, on peut écrire x = (x − g(f (x)) + g(f (x)). Comme f ◦ g = idG par hypothèse, on obtient x − g(f (x)) ∈ ker f . De cette manière. G = Im(g) + ker f. Soit x = g(y) ∈ Im(g) ∩ ker f avec y ∈ H, alors 0 = f (x) = f (g(y)) = y, d’où x = g(y) = g(0) = 0 et finalement G = Im(g) ⊕ ker f . Ce lemme montre que P ic(C × T ) = Im(q ∗ ) ⊕ Ker(s∗ ). Il s’ensuit que PC0 (T ) peut être identifié avec P 0 (T ) = {L ∈ P ic(C × T ) | deg(Lt ) = 0 ∀t ∈ T, L ∈ ker(s∗ )} = {L ∈ P ic(C × T ) | deg(Lt ) = 0 ∀t ∈ T, L|{P }×T est trivial}. On utilise maintenant le théorème 3.1, supposé vrai. Comme C(k) est non vide par hypothèse, alors C(T ) P l’est également pour tout (T, t) k-schéma pointé (car la composition T → Spec(k) → C définit un élément de C(T )). Ainsi J représente le foncteur contravariant PC0 = P 0 . Mais par la proposition-définition 2.1, cela signifie qu’il existe un élément universel M ∈ P 0 (J) tel que pour tout k-schéma T l’application ϕ ∈ M ork (T, J) 7→ P 0 (ϕ)(M) = (1 × ϕ)∗ M ∈ P 0 (T ) 2. DÉFINITIONS ET OBJECTIFS 29 est bijective. Autrement dit, pour tout L ∈ P 0 (T ), il existe un unique morphisme ϕ : T → J tel que (1 × ϕ)∗ M ' L. Notons qu’un tel isomorphisme implique que l’application ϕ : T → J envoie un point t ∈ T (k) sur l’unique a = ϕ(t) tel que Ma = Mϕ(t) = ((1 × ϕ)∗ M)t ' Lt . Il faut encore voir que M0 = M|C×{0} est trivial afin que M soit une correspondance divisorielle. Ceci est une conséquence du fait que le morphisme ι(k) : P ic0 (C) → J(k) est compatible avec la structure de groupe : l’élement neutre 0 ∈ J(k) correspond au faisceau inversible trivial OC ∈ P ic0 (C). Enfin, si L est une correspondance divisorielle entre (C, P ) est un k-schéma pointé (T, t), on a en particulier Mϕ(t) ' Lt ' OC ' M0 donc ϕ(t) = 0. Une conséquence immédiate de ce théorème est que le couple (J, MP ) est uniquement déterminé à un unique isomorphisme près par la condition du théorème. Autrement dit, si (J, MP ) est une couple ayant la propriété universelle citée dans le théorème 3.2 pour un certain point P de C, alors J est, à un unique isomorphisme près, la jacobienne de C. En effet, considérons un autre couple (J 0 , N ) vérifiant la propriété universelle du théorème. Dans ce cas, par universalité de (J, MP ), il existe un unique morphisme ϕ : J 0 → J (avec ϕ(0) = 0) tel que (1×ϕ)∗ MP ' N . De même, par universalité de (J 0 , N ), il existe un unique morphisme ψ : J → J 0 (avec ψ(0) = 0) tel que (1 × ψ)∗ N ' MP . On en déduit que MP ' (1 × ψ)∗ N ' (1 × ψ)∗ (1 × ϕ)∗ MP ' (1 × ϕ ◦ ψ)∗ MP . A nouveau par universalité de (J, MP ), on en déduit que ϕ ◦ ψ = idJ . En inversant les rôles de MP et N , on obtient de même ψ ◦ ϕ = idJ 0 . Terminons cette section en montrant qu’il suffit de prouver le théorème 3.1 pour une extension suffisamment grande de k. On utilise pour cela un argument de théorie de descente. Notation 3.1 (σV ) : Soit k 0 une extension Galoisienne finie sur k, de groupe de Galois G et soit V une variété sur k 0 . Soit σ ∈ G, on note σV la variété sur k 0 dont le morphisme structural est σ ∗−1 V → Spec(k 0 ) → Spec(k 0 ), de sorte que σV ' V ×Spec(k0 ) Spec(k 0 ), produit fibré construit à partir de σ ∗ : Spec(k 0 ) → Spec(k 0 ). On note aussi pour Q ∈ V (k 0 ), σQ ∈ σV (k 0 ) le point Q ◦ σ ∗ . Notation 3.2 (σf [CS98] (p170)) : Soient V, W est une variété sur k et k 0 une extension Galoisienne finie sur k. Pour σ ∈ Gal(k 0 /k), on considère l’isomorphisme ϕσ : σVk0 = V ×Spec(k0 ) Spec(k 0 ) id×σ ∗−1 −→ V ×Spec(k0 ) Spec(k 0 ). Pour f : Vk0 → Wk0 , on note σf : σVk0 → σWk0 la composée ϕσ−1 ◦ f ◦ ϕσ . Plus généralement, si V 0 = Vk00 et W 0 = Wk0 0 sont des variétés sur k 0 et f : V 0 → W 0 , on définit de manière analogue une application σf : σV 0 → σW 0 . Définition 3.5 (Donnée de descente [CS98] (p170)) : Soit k 0 une extension Galoisienne finie sur k, de groupe de Galois G et soit V une variété sur k 0 . On appelle donnée de descente pour V relativement à k 0 /k une collection d’isomorphismes ϕσ : σV → V (pour chaque σ ∈ G) tels que ϕτ σ = ϕτ ◦ τ ϕσ pour tous σ, τ ∈ G. Si V est une variété sur k et V 0 = Vk0 , alors une donnée de descente sur un OV 0 -module M est une famille d’isomorphismes ϕσ : σM → M tels que ϕτ σ = ϕτ ◦ τ ϕσ pour tous σ, τ ∈ G. 30 3. PREMIÈRE APPROCHE DE LA JACOBIENNE Remarque 3.3 : Si V est une variété sur k, les morphismes ϕσ : σVk0 → Vk0 (notation 3.2) déterminent une donnée de descente canonique sur Vk0 . On donne sans démonstration la proposition suivante. Proposition 3.3 ( [CS98] (p170)) : Soit k 0 /k une extension Galoisienne finie, de groupe de Galois G. – L’application envoyant une k-variété V sur Vk0 muni de sa donnée de descente canonique définit une équivalence entre la catégorie des k-variétés quasi-projectives et la catégorie des k 0 -variétés quasiprojectives muni d’une donnée de descente. – Soit V une k-variété et V 0 = Vk0 . L’application envoyant un OV -module M sur M0 = OV 0 ⊗ M muni de sa donnée de descente canonique définit une équivalence entre la catégorie des OV -modules cohérents et celle des OV 0 -modules cohérents munis d’une donnée de descente. De plus, si M0 est localement libre, alors M l’est aussi. On peut alors démontrer la proposition qui nous intéresse ici : Proposition 3.4 : Soit k 0 une extension finie séparable de k. Si le théorème 3.1 est vrai pour Ck0 , alors il l’est aussi pour C. Démonstration. Quitte à prendre une nouvelle extention de k 0 , on peut supposer que k 0 est une extension Galoisienne de k et que C(k 0 ) est non vide. On peut donc considérer J 0 , la jacobienne de Ck0 . Alors J 0 représente PC0 k0 et il existe un élément universel M dans PC0 k0 (J 0 ) = PC0 (J 0 ). Pour tout σ ∈ G, on a σM ∈ PC0 (σJ 0 ) et donc il existe une unique application ϕσ : σJ 0 → J 0 telle que (1 × ϕσ )∗ M = σM (dans PC0 (σJ 0 )). L’unicité permet de montrer que les ϕσ vérifient ϕτ σ = ϕτ ◦ τ ϕσ , et donc que chaque ϕσ est un isomorphisme. On a ainsi obtenu une donnée de descente sur J 0 et la proposition 3.3 (a) montre que J 0 descend en un model sur k. Par ailleurs les applications PC0 (Tk0 ) → J(Tk0 ) sont G-équivariantes pour tout k-schéma T . En particulier, il existe une composée : ' PC0 (T ) −→ PC0 (Tk0 )G −→ J(Tk0 )G = J(T ), la dernière égalité provenant de [Liu02] (p93). Pour voir que cette application est un isomorphisme lorsque C(T ) est non vide, il suffit donc de montrer que PC0 (T ) → PC0 (Tk0 )G en est un. Soit s ∈ C(T ), que l’on voit comme un élément s ∈ C(Tk0 ) via le morphisme de projection Tk0 → T . En raisonnant comme dans la démonstration du lemme 3.2, on montre que PC0 (Tk0 ) peut être identifié avec l’ensemble des classes d’isomorphisme de paires (L, α) où L ∈ P ic(C × Tk0 ) dont les fibres sont de degré 0 et α est une trivialisation du faisceau inversible (s, 1)∗ L sur Tk0 . On montre alors qu’il existe une donnée de descente sur de telles paires fixes par G. La proposition 3.3 (b) permet de conclure. 3. L’application canonique de C dans sa jacobienne On considère toujours C un courbe complète non singulière et J sa variété jacobienne, supposée exister. Nous allons voir dans cette partie les premiers liens existant entre une courbe et sa variété jacobienne. Proposition 3.5 ( [CS98] (p171)) : L’espace tangent à J en 0 est canoniquement isomorphe à H 1 (C, OC ). En particulier, la dimension de J est égal au genre de C. Démonstration. Comme rappelé au premier chapitre, l’espace tangent T0 (J) de J en 0 est donné par le noyau de l’application J(k[ε]) → J(k). De la même manière, on définit l’espace tangent T0 (PC0 ) en 0 de PC0 comme étant le noyau de PC0 (k[ε]) → PC0 (k). La définition de J fournit un morphisme ι : PC0 → J. 3. L’APPLICATION CANONIQUE DE C DANS SA JACOBIENNE 31 Celui induit une application linéaire de k-espaces vectoriels T0 (PC0 ) → T0 (J). En effet, on a le diagramme commutatif suivant : P 0 (k[ε]) P 0 (k) ι(k[ε]) ι(k) / J(k[ε]) / J(k). Par ailleurs, si C(k) 6= ∅, cette application est un k-isomorphisme. Maintenant, quitte à considérer une extension de k 0 /k sur laquelle C admet un point rationnel (par exemple k 0 = ks ), cette application T0 (PC0 ) → T0 (J) est un k 0 -isomorphisme : on en déduit que cette application est toujours un isomorphisme en tant qu’application k-linéaire. Posons Cε = Ck[ε] . Alors par définition PC0 (k[ε]) n’est rien d’autre que le groupe des (classes de) faisceaux inversibles sur Cε dont les restrictions au sous-schéma fermé C de Cε a degré 0. Il s’ensuit que T0 (PC0 ) est égal au noyau de l’application × × H 1 (Cε , OC ) → H 1 (C, OC ). ε Par ailleurs, le schéma Cε a le même espace topologique sous-jacent que C et OCε = OC ⊗k k[ε] = OC ⊕ OC · ε, × (où l’on voit ici k[ε] comme faisceau contstant sur C). Ainsi, on peut identifier le faisceau OC sur Cε avec ε × le faisceau OC ⊕ OC · ε sur C. Alors × × H 1 (Cε , OC ) = H 1 (C, OC ) ⊕ H 1 (C, OC · ε). ε Ainsi, T0 (PC0 ) est égal au noyau de l’application × × H 1 (C, OC ) ⊕ H 1 (C, OC · ε) → H 1 (C, OC ). × D’où l’on tire que T0 (PC0 ) ' H 1 (C, OC · ε). Finalement l’application a 7→ exp(aε) = 1 + aε de OC → OC = ε × 1 1 0 OC ⊕ OC · ε induit un isomorphisme H (C, OC ) ' H (C, OC · ε) ' T0 (PC ). En particulier, dim J = dim H 1 (C, OC ) = g(C), le genre (géométrique) de C (par définition de g(C)). Soit P ∈ C(k) et soit LP le faisceau inversible L(∆ − C × {P } − {P } × C) sur C × C où ∆ désigne la diagonale de C × C. Notons que LP est symétrique, c’est-à-dire que si α : (x, y) 7→ (y, x), alors α∗ L ' L. Remarquons également que pour Q ∈ C différent de P LP |C×{Q} ' LC×{Q} ({Q} × {Q} − {P } × {Q}) ' LC×{Q} (Q − P ) en tant que faisceau inversible sur C × {Q}. Pour Q = P , on trouve de même ∨ LP |C×{P } ' LC×{P } ({P } × {P } − {P } × {P }) ⊗ LC×C (C × {P }) ' OC×{P } . P P Ainsi LP est une correspondance divisorielle entre |C×{P } est trivial (et donc aussi L|{P }×C ), auquel cas L (C, P ) et lui-même. Par conséquent, d’après le théorème 3.2, il existe une unique application f P : C → J telle que f P (P ) = 0 et (1 × f P )∗ MP ' LP . Sur les points rationnels, f P induit une application telle que P MP f P (Q) ' L|C×{Q} ' L(Q − P ). Alors en termes de faisceaux, f P : Q 7→ L(Q) ⊗ L(P )∨ et en termes de diviseurs, f P : C(k) → J(k) Q 7→ [Q − P ] 32 3. PREMIÈRE APPROCHE DE LA JACOBIENNE où [Q − P ] désigne la classe d’équivalence linéaire du diviseur Q − P . Notons également que f P induit naturellement une application hX i X X fP : nQ Q ∈ Div 0 (C) → nQ f P (Q) = nQ Q ∈ J(k) et que cette application coïncide avec l’application ι du théorème 3.1. En particulier, cette application est indépendante de P , surjective, de noyau les diviseurs principaux. De même, la définition de f P sur les points de C(k) montre que si P 0 est un second point de C, alors 0 f P est la composée de f P avec l’application de translation t[P −P 0 ] et que si P est défini sur une extension Galoisienne k 0 de k, alors σf P = f σP pour tout σ ∈ Gal(k 0 /k). En effet, σf P s’identifie à la composée : f P ×id ϕσ ϕ −1 σ σf P : σCk0 (k 0 ) −→ Ck0 (k 0 ) −→ Jk0 (k 0 ) −→ σJk0 (k 0 ) Q 7→ σ −1 Q 7→ [σ −1 Q − P ] 7→ [Q − σP ]. Poursuivons notre étude. Si C est de genre zéro, alors la proposition 3.5 montre que J = 0. Nous supposerons donc dans tout ce qui suit que C est de genre g > 0. Proposition 3.6 ( [CS98] (p172)) : L’application (f P )∗ : Γ(J, Ω1J ) → Γ(C, Ω1C ) est un isomorphisme. Avant de démontrer cette proposition, précisons déjà la manière dont est construite cette application (f ) . Toute section globale de ΩJ détermine naturellement une section globale de (f P )−1 ΩJ et par suite une section globale de (f P )∗ ΩJ (en tensorisant par 1). Par ailleurs, l’application f P induit naturellement un morphisme de faisceaux (f P )∗ ΩJ → ΩC (voir par exemple [Har77] p176). Ce morphisme, sur les sections globales, induit donc un morphisme Γ(J, ΩJ ) ⊂ Γ(C, (f P )∗ ΩJ ) → Γ(C, ΩC ) : c’est ce morphisme, noté (f P )∗ , que l’on considère ici. P ∗ Démonstration. Comme pour toute variété de groupes l’application canonique hJ : Γ(J, Ω1J ) → T0 (J)∨ est un isomorphisme ( [Mum85] p42 (iii)). De même, puisque C est non singulière et propre sur k, on sait, par dualité de Serre, que Γ(C, Ω1C ) ' H 1 (C, OC )∨ . Il est laissé aux soins du lecteur de vérifier que le diagramme suivant est commutatif pour conclure : Γ(J, Ω1J ) hJ f∗ ' T0 (J)∨ / Γ(C, Ω1 ) C ' ' / H 1 (C, OC )∨ L’isomorphisme T0 (J)∨ → H 1 (C, OC )∨ étant l’isomorphisme dual de la proposition 3.5. Proposition 3.7 ( [CS98] (p172)) : L’application f P est une immersion fermée. En particulier, f P (C) est aussi non singulière. Pour démontrer cette proposition, on a besoin du lemme suivant : Lemme 3.2 ( [CS98] (p172)) : Soit f : V → W une application entre variétés sur un corps algébriquement clos et supposons que V est complète. Si l’application sur les points V (k) → W (k) définie par f est injective et, pour tout point fermé Q de V , l’application sur les espaces tangents TQ (V ) → Tf (Q) (W ) est injective, alors f est une immersion fermée. 3. L’APPLICATION CANONIQUE DE C DANS SA JACOBIENNE 33 Preuve du lemme. Commençons par montrer que l’application f est injective sur les espaces topologiques sous-jacents. Supposons que v1 , v2 sont de points distincts de V tels que f (v1 ) = f (v2 ). On note Zi := {vi } ⊂ V et Z := {f (xi )} ⊂ W. Comme v1 6= v2 , on a Z1 6= Z2 . En effet, les vi sont des points génériques des fermés irréductibles Zi et un schéma irréductible admet un unique point générique : l’hypothèse Z1 = Z2 aboutirait donc à la contradiction v1 = v2 . On peut donc supposer que Z1 6⊂ Z2 . Ensuite, comme f est continue pour la topologie de Zariski, on a f (Zi ) ⊂ Z. Par ailleurs, puisque V est complète, et que W est séparé, f : V → W est propre, auquel cas f est une application fermée et les f (Zi ) sont fermés. Puisque (trivialement) {f (xi )} ⊂ f (Zi ), on a alors Z ⊂ f (Zi ) et on a donc montré que Z = f (Z1 ) = f (Z2 ). Comme les k-points sont denses dans les variétés, il existe un k-point s ∈ Z1 \Z2 . On en déduit que f (s) ∈ Z(k) = (f (Z2 ))(k). On considère alors la fibre de Z2 au-dessus de f (s) par le morphisme f|Z2 : Z2 → Z(k) : c’est une k-sous-variété de Z2 , non vide (car f (s) ∈ f (Z2 )). En particulier elle admet un point rationnel s0 ∈ Z2 (k). Dans ce cas, on a trouvé deux points rationnels s ∈ Z1 (k) \ Z2 (k) ⊂ V (k), et s0 ∈ Z2 (k) ⊂ V (k) nécessairement distincts, ayant même image par f . Ceci vient contredire l’injectivité de f sur les points rationnels. On a donc montré que f est injective et puisque c’est une application fermée, f induit un homéomorphisme de V sur le fermé f (V ). Pour voir que f est une immersion fermée, il reste à voir que pour tout x ∈ V , l’application induite ] fx : OW,f (x) → OV,x est surjective. Puisque k est algébriquement clos, en considérant par exemple le k-sousschéma fermé {x} ⊂ V , on montre que chaque fibre OV,x est un localisé d’une fibre OV,y en un point fermé y ∈ {x} ⊂ V . Par exactitude du foncteur de localisation, on se ramène donc à montrer la surjectivité sur les fibres en les points fermés. On suppose donc dans ce qui suit que x (et f (x)) sont des points fermés. Il s’ensuit que l’on a des isomorphismes OW,f (x) /mf (x) ' k ' OV,x /mx . Par ailleurs, l’hypohèse faite dans la proposition affirme que l’on a un morphisme injectif Tx (V ) → Tf (x) (W ), ou encore par dualité, un morphisme surjectif mf (x) /m2f (x) − mx /m2x . Autrement dit, on a une surjection mf (x) − mx /m2x . Enfin, fx] munit naturellement OV,x d’une structure de OW,f (x) -module de type fini. En effet, comme V, W sont des variétés, en particulier sont des k-schémas noetheriens, et comme f est un morphisme propre, [GD61] Proposition 3.2.1 (p460) montre que R0 f∗ (OV ) = f∗ OV est un OW -module cohérent. En particulier, f∗ OV est de type fini et chaque fibre OV,x est naturellement muni d’une structure de OW,f (x) -module de type fini. On utilise alors le Lemme 7.4 (p153) [Har77] avec A = OW,f (x) , B = OV,x , f = fx] , mA = mf (x) et mB = mx pour obtenir la surjectivité de fx] et donc que f est une immersion fermée. Preuve de la proposition. On applique le lemme précédent avec f P . Si f P (Q) = f P (Q0 ) pour certains Q, Q0 ∈ C(k), alors les diviseurs Q − P et Q0 − P sont linéairement équivalents (par définition de f ). Ceci implique que Q − Q0 est linéaire équivalent à 0, ce qui est impossible si Q 6= Q0 car C est supposé de genre > 0. Par conséquent, f P est injective et il reste à voir que les applications sur les espaces tangents 34 3. PREMIÈRE APPROCHE DE LA JACOBIENNE (df P )Q : TQ (C) → Tf P (Q) (J) sont injectives. Puisque f Q diffère de f P par une translation, on se ramène où Q = P et f P (Q) = f P (P ) = 0. Par ailleurs, l’application duale, ((df P )P )∨ , de (df P )P : TP (C) → T0 (J) s’identifie à la composée h−1 (f P )∗ h J C T0 (J)∨ −→ Γ(J, Ω1 ) −→ Γ(C, Ω1 ) −→ TP (C)∨ où hC est l’application canonique. En effet, on a le diagramme commutatif (d’après 3.6) suivant : ((df P )P )∨ T0 (J)∨ h−1 J ' Γ(J, Ω1J ) ' (f P )∗ / TP (C)∨ O / H 1 (C, OC )∨ k5 k kkkk k k hC k kk ' kkkk / Γ(C, Ω1 ) . C P ∗ On se ramène donc à montrer la surjectivité de la composée hC ◦ (f P )∗ ◦ h−1 J . Comme (f ) et hJ sont des isomorphismes, il nous suffit de montrer que hC est surjective. Or, le noyau de hC est donné par {ω ∈ Γ(C, Ω1 ) | ω(P ) = 0} = Γ(C, Ω1 (−P )). Comme, Γ(C, Ω1 (−P )) = H 0 (C, Ω1 (−P )) = H 0 (C, Ω1 ⊗ L(−P )) = H 0 (C, Ω1 ⊗ L(P )∨ ) ' H 1 (C, L(P ))∨ , le théorème de Riemann-Roch montre que ce dernier espace a dimension g − 1. En effet, on a d’une part h1 (C, L(P )) = h0 (C, L(P )) − deg(P ) − 1 + g = h0 (C, L(P )) − 1 + (g − 1), et d’autre part h0 (C, L(P )) = 1. En effet, comme C est propre et géométriquement intègre, k ' H 0 (C, OC ) ⊂ H 0 (C, L(P )) donc h0 (C, L(P )) ≥ 1 et cette dimension ne peut pas être ≥ 2 car dans le cas contraire il existerait une fonction rationnelle avec un unique pôle, simple en P , ce qui contredirait l’hypothèse que C est de genre > 0. Finalement, ker hC 6= Γ(C, Ω1 ) car dim Γ(C, Ω1 ) = dim H 1 (C, OC ) = g. Ainsi la forme linéaire hC est non nulle, donc surjective ; ce qui achève la démonstration. 4. Lien entre variété jacobienne algébrique et analytique On esquisse très brièvement dans cette section le lien qu’il existe entre la définition algébrique de jacobienne que l’on donne dans ce mémoire et sa définition analytique. Pour plus de détails, on pourra se référer à [Mum85] ou encore à [Mir95]. On suppose dans cette section que k = C. Alors dans ce cas Γ(C(C), Ω1 ) (où Ω1 désigne le faisceau des 1-formes différentielles holomorphes au sens de l’analyse complexe) est un espace vectoriel de dimension g et on a une application bien définie de H1 (C(C), Z) sur le C-espace vectoriel Γ(C(C), Ω1 )∨ : H1 (C(C), Z) −→ Γ(C(C), Ω1 )∨ Z γ 7→ ω 7→ ω . γ Définition 3.6 (Périodes [Mir95] (p248)) : Une forme linéaire λ : Ω1 → C est appelée une période si λ R est de la forme ω 7→ γ ω pour une certaine classe d’homologie γ ∈ H1 (C(C), Z). On définit alors la jacobienne (analytique) de C de la manière suivante. 4. LIEN ENTRE VARIÉTÉ JACOBIENNE ALGÉBRIQUE ET ANALYTIQUE 35 Définition 3.7 (J an ) : On définit J an := Γ(C(C), Ω1 )∨ /H1 (C(C), Z), le quotient de l’espace des 1-forme holomorphes modulo les périodes. Puisque H1 (C(C), Z) ' Z2g , J an est un tore complexe de dimension g. On dispose par ailleurs, par dualité de Poincaré, d’une polarisation H1 (C(C), Z) × H1 (C(C), Z) → Z qui confère à J an la structure de variété abélienne sur C. Pour tout point P , on dispose d’une application R canonique g P : C → J an envoyant un point Q sur l’élément représenté par ω 7→ γ ω, où γ est un chemin de P à Q. Définissons enfin une application e : Γ(C(C), Ω1 )∨ → J(C) comme étant la surjection donnée dans le diagramme suivant : / / J(C) Γ(C(C), Ω1 )∨ O (f P )∗∨ exp ' Γ(J, Ω1 )∨ ' ∨ (h−1 J ) / T0 (J). On peut observer que e s’identifie à l’application exp ◦(df P )P . Ainsi, (de)0 = (d exp(df P )P (0) ) ◦ (df P )P = exp((df P )P (0))(df P )P = exp(0)(df P )P = (df P )P . R Il s’ensuit que si γ est un chemin de P à Q et l = (ω 7→ γ ω), alors e(l) = f P (Q). (2) Théorème 3.3 ( [CS98] (p173)) : La surjection canonique e : Γ(C(C), Ω1 )∨ J(C) induit un isomorphisme J an → J faisant correspondre g P et f P . Démonstration. Il s’agit de montrer que le noyau de e est H1 (C(C), Z). Ceci est une conséquence du théorème d’Abel-Jacobi. Théorème 3.4 (Abel) : Soient P1 , . . . , Pr et Q1 , . . . , Qr des éléments de C(C). Alors il existe une fonction méromorphe sur C(C) avec ses pôles en les Pi et ses zéros en les Qi si et seulement si pour tout chemin γi de P à Pi et γi0 de P à Qi , il existe un élément γ ∈ H1 (C(C), Z) tel que Z XZ XZ 1 ∀ω ∈ Γ(C(C), Ω ), ω− ω= ω. γi0 γi P 0 P γ R Autrement dit, ker[AJ : ni Pi ∈ Div (X) 7→ ni e(ω 7→ γi ω) ∈ J(C)] est exactement l’ensemble diviseurs principaux (de degrés 0). Le théorème de Jacobi, énoncé ci-dessous, assure quant à lui la surjectivité de cette application. Théorème 3.5 (Jacobi) : Soit l une application linéaire Γ(C(C), Ω1 ) → C. Alors il existe g points PR P1 , . . . , Pg de C(C) et des chemins γ1 , . . . , γg joignant P à Pi tels que l(ω) = ω pour tout ω ∈ γi 1 Γ(C(C), Ω ). Le théorème en découle : soit l ∈ Γ(C(C), Ω1 )∨ , on peut supposer (par le théorème de Jacobi) que l P P est définie par g points P1 , . . . , Pg . Alors 0 = e(l) = f P ( Pi ) = [ Pi − gP ] si et seulement si le diviseur P Pi − gP est linéairement équivalent à zéro, c’est-à-dire est principal. Le théorème d’Abel montre que ceci est équivalent à ce que l est défini par un élément de γ ∈ H1 (C(C), Z). Le fait que l’isomorphisme J an → J induit par e fait correspondre g P et f P est une reformulation de l’égalité (2). Chapitre 4 Puissances symétriques et construction de la jacobienne 1. Puissances symétriques d’une courbe Pour construire la jacobienne de C, nous introduisons dans cette partie la notion de puissance symétrique d’une variété. Pour toute variété V , le groupe symétrique Sr agit naturellement (à droite) sur le produit de r copies V r de V par permutation des facteurs. On souhaite alors construire une variété V (r) qui serait essentiellement le quotient Sr \V r . L’existence de cette variété est donnée par la proposition suivante. Définition 4.1 (Morphisme symétrique) : Un morphisme de schémas ϕ : V r → T est dit symétrique si ϕ ◦ σ = ϕ pour tout σ ∈ Sr . Proposition 4.1 ( [CS98] (p174)) : Soit V une variété sur k. Alors il existe une variété V (r) et un morphisme symétrique π : V r → V (r) ayant les propriétés suivantes : – en tant qu’espace topologique, (V (r) , π) est le quotient de V r par Sr , – pour tout ouvert affine U de V , U (r) est un ouvert affine de V (r) et Γ(U (r) , OV (r) ) = Γ(U r , OV r )Sr (l’ensemble des points fixes par l’action de Sr ). La paire (V (r) , π) a la propriété universelle suivante : tout k-morphisme symétrique ϕ : V r → T se factorise de manière unique à travers π. L’application π est finie, surjective et séparable. Démonstration. Pour la démonstration de ce résultat, on pourra se référer à [Mum85] (chap. II,§7 p.66 et III. §11 p.112). Si V = Spec(A) est affine, il suffit de prendre V (r) = Spec((A ⊗k · · · ⊗k A)Sr ). Dans S (r) le cas général, on considère un recouvrement de V par des ouverts affines V = Ui et on recolle les Ui . Notons que le couple (V (r) , π) est uniquement déterminé à un unique isomorphisme près par les conditions de l’énoncé. Définition 4.2 (re puissance symétrique) : Si V est une variété sur k, la variété V (r) donnée dans la proposition précédente est appelée la re puissance symétrique de V . Proposition 4.2 ( [CS98] (p174)) : La puissance symétrique C (r) d’une courbe non singulière est une variété non singulière, de dimension r. Pour démontrer ce résultat, commençons par rappeler les deux résultats suivant dont la démonstration peut être trouvée dans [Liu02] (p132). 37 38 4. PUISSANCES SYMÉTRIQUES ET CONSTRUCTION DE LA JACOBIENNE b la complétion m-adic de Lemme 4.1 ( [Liu02] (p132)) : Soit (A, m) un anneau local, noetherien et soit A b = dim A. De plus, A est régulier si et seulement si A b est régulier. A. Alors dim A Proposition 4.3 ( [Liu02] (p132)) : Soit X une variété sur k et soit x ∈ X(k) un point régulier de X. bX,x la complétion mx -adic de OX,x . Alors on a un isomorphisme de Notons mx l’idéal maximal de OX,x et O k-algèbres bX,x ' k[[X1 , . . . , Xd ]], O où d = dim OX,x . Preuve de la proposition 4.2. Supposons que k soit algébriquement clos. Dans ce cas, il faut voir que C (r) est régulière en ses points fermés (qui sont ses points k-rationnels). Il est naturel de considérer que les éventuels points singuliers de C (r) sont les images (dans C (r) ) d’un point fixe (P, . . . , P ) de C r sous bP de l’anneau local en P ∈ C(k) est l’action de Sr , où P est un point fermé de C. La complétion formelle O isomorphe à k[[X]] (car C est est une courbe régulière en P ∈ C(k)), et donc, b(P,...,P ) ' O bP ⊗ bP ' k[[X]] ⊗ b ...⊗ b O b ...⊗ b k[[X]] ' k[[X1 , . . . , Xr ]]. O En en déduit que bQ ' k[[X1 , . . . , Xr ]]Sr , O où Sr agit par permutation des variables. Par ailleurs, le théorème fondamental concernant les fonctions symétriques assure que k[[X1 , . . . , Xr ]]Sr = k[[σ1 , . . . , σr ]], où σ1 , . . . , σr sont les polynômes symétriques élémentaires en les indéterminées X1 , . . . , Xr . Comme l’anneau k[[σ1 , . . . , σr ]] est régulier, de dimension r, il en est de même de Q. Plus généralement, si l’on considère un point Q = π(P, P, . . . , P 0 , . . .) où P apparaît r0 fois, P 0 apparaît r00 fois, etc..., on a de même bQ ' k[[X1 , . . . , Xr0 ]]Sr0 ⊗ b k[[X1 , . . . , Xr00 ]]Sr00 ⊗ b ... O et on a la même conclusion. Soit K/k une extension de k. On fait à présent le lien entre les K-points de C (r) (K) et les diviseurs effectifs de degré r sur CK . Supposons dans un premier temps que K soit algébriquement clos. Alors les Kpoints de C (r) correspondent aux points fermés de C (r) . Dans ce cas, la première affirmation de la proposition 4.1 montre que C (r) (K) = Sr \C(K)r . Autrement dit, un K-point de C (r) n’est rien d’autre qu’un r-uplet désordonné de K-points de C : il s’agit d’un diviseur effectif de degré r sur CK (car CK (K) = C(K)). Lorsque K est un corps parfait (c’est-à-dire si toute extension algébrique de K est séparable), les diviseurs sur CK peuvent être identifiés à ceux sur CK fixes sous l’action de Gal(K/K). Puisque la même chose est vraie pour les points de C (r) , c’est-à-dire (r) C (r) (K) = CK (K)Gal(K/K) . on a encore que C (r) (K) peut être identifié à l’ensemble des diviseurs effectifs de degré r sur C. Dans ce qui suit, on donnera une interprétation analogue à l’ensemble C (r) (T ) pour n’importe quel k-schéma T . Ceci se fera grâce à la notion de diviseur de Cartier effectif relatif que l’on introduit maintenant. 2. DIVISEURS DE CARTIER EFFECTIFS RELATIFS 39 2. Diviseurs de Cartier effectifs relatifs Soit X un k-schéma. On rappelle qu’un diviseur de Cartier effectif D est effectif s’il peut être représenté par une famille {(Ui , gi )i } où les gi ∈ Γ(Ui , OX ). Définition 4.3 (Faisceau d’idéaux I(D) [CS98] (p175)) : Soit D un diviseur de cartier effectif représenté par {(Ui , gi )i }. On définit le faisceau d’idéaux I(D) comme le sous-faisceau de OX tel que I(D)|Ui = gi OX|Ui . Dans ce cas, I(D) = L(−D) et on a une suite exacte 0 −→ I(D) −→ OX −→ OD −→ 0, où OD est le faisceau structural du sous-schéma fermé de X naturellement associé à D. Rappelons brièvement, ce qu’on entend par sous-schéma fermé naturellement associé à D. Soit i : Z → X une immersion fermée. On obtient ainsi un morphisme surjectif de faisceaux i] : OX → i∗ OZ . S Alors IZ := Ker(i] ) est un faisceau d’idéaux quasi-cohérent sur X. De plus, si X = j Uj avec Uj = Spec(Rj ), alors Ij := IZ (Uj ) est un idéal de Rj et l’immersion fermée Z ∩Uj → Uj est donnée par le morphisme surjectif Rj Rj /Ij (correspondant au morphisme de schémas Spec(Rj /Ij ) → Spec(Rj )). S Réciproquement, si I un faisceau d’idéaux quasi-cohérent sur X = j Uj (avec Uj = Spec(Rj )), alors Ij := I(Uj ) est un idéal de Rj et on montre, en notant Z le support du faisceau OX /I, que l’inclusion i : Z → X est une immersion pour un (unique) faisceau OZ sur Z tel que i∗ OZ = OX /I. On notera plus souvent par abus de notations OZ pour i∗ OZ . En particulier, si D = {(Uj , fj )j∈J } est un diviseur de Cartier (fj ∈ OX|Uj (Uj ) =: Rj ) sur X, le faisceau d’idéaux naturellement associé à D, ID := L(−D), permet de considérer D comme un sous-schéma fermé de X, localement donné par D ∩ Uj = Spec(Rj /(fj )). Notons que les sous-schémas fermés provenant d’un diviseur de Cartier effectif sont précisément ceux dont le faisceau d’idéaux peut être localement engendré (en tant que OX -module) par un seul élément ∗ (Uj ), qui n’est donc pas un diviseur de zéro. fj ∈ OX (Uj ) ∩ KX Dans la suite, on identifiera souvent D avec sa structure de sous-schéma fermé associée. Exemple 4.1 ( [CS98] (p176)) : Soit X = A1 = Spec(k[Y ]) et soit D le diviseur de Cartier associé au diviseur de Weil nP où P est l’origine. Alors D est représenté par le couple (Y n , A1 ) et le sous-schéma fermé associé est Spec(k[Y ]/(Y n )). Définition 4.4 (Diviseur de Cartier effectif relatif [CS98] (p176)) : Soit π : X → T un morphisme de k-schémas. Un diviseur de Cartier effectif relatif sur X/T est un diviseur de Cartier effectif sur X qui est plat sur T lorsqu’on le regarde en tant que sous-schéma de X. Intuitivement, la condition de platitude signifie que le diviseur n’a pas de composante verticale, c’est-àdire, n’a pas de composante contenue dans une fibre. Exemple 4.2 : Le schéma Spec(Z/pZ) n’est pas plat sur Spec(Z) (ou encore Z/pZ n’est pas plat sur Z). Cela se voit directement en utilisant la notion de platitude : on a une injection naturelle pZ ,→ Z, mais l’application induite pZ ⊗Z Z/pZ → Z ⊗Z Z/pZ n’en est pas une. Au niveau des fibres du morphisme f : Spec(Z/pZ) → Spec(Z), on vérifie que celles-ci sont concentrées en un point. On a en effet – f −1 ((p)) = Spec(Z/pZ), 40 4. PUISSANCES SYMÉTRIQUES ET CONSTRUCTION DE LA JACOBIENNE – f −1 ((q)) = ∅ si (q) 6= (p) dans Spec(Z). La notion de platitude étant locale, on pourra en pratique dans les démonstrations se ramener au cas où T est affine. Dans ce cas, on a une caractérisation locale des diviseurs de Cartier effectifs relatifs. Exemple 4.3 (Caractérisation locale) : Supposons que T est affine, disons T = Spec(R), alors un sousschéma D de X détermine un diviseur de Cartier effectif relatif si et seulement s’il existe un recouvrement S ouvert affine X = i∈I Ui et des sections gi ∈ Γ(Ui , OX ) = Ri tels que pour tout i ∈ I, (a) D ∩ Ui = Spec(Ri /gi Ri ), (b) gi n’est pas un diviseur de zéro, (c) Ri /gi Ri est plat sur R. Les deux premières conditions correspondent au fait que D soit un diviseur de Cartier effectif (car gi ∈ Ri ). La troisième condition traduit la platitude de D sur T . Détaillons pourquoi c’est effectivement le cas. Localement Spec(Ri /gi Ri ) est plat sur T = Spec(R) si OSpec(Ri /gi Ri ) est plat sur Spec(R) (par définition) ; ce qui signifie que pour tout x ∈ Spec(Ri /gi Ri ), la fibre OSpec(Ri /gi Ri ),x ' (Ri /gi Ri )x est un OT,π(x) ' Rπ(x) -module plat via l’application πx] : Rπ(x) → (Ri /gi Ri )x . Mais ceci signifie exactement que π : Spec(Ri /gi Ri ) −→ Spec(R) est un morphisme de schémas plat. La proposition 1.7 montre alors que ceci équivaut à demander que le morphisme d’anneaux R → Ri /gi Ri soit plat, ou encore (par définition), que Ri /gi Ri soit un R-module plat. Ceci justifie l’assertion (c). Remarque 4.1 : Remarquons aussi que dans ce cas D est représenté par {(Ui , gi )i∈I }. Dans tout ce qui suit, les diviseurs seront des diviseurs de Cartier. Lemme 4.2 ( [CS98] (p176)) : Si D1 et D2 sont des diviseurs effectifs relatifs sur X/T , alors il en est de même de leur somme D1 + D2 . Démonstration. Puisque la notion de platitude est locale, on peut se ramener au cas où T = Spec(R) est affine. Supposons que D1 et D2 sont localement donnés par les équations gi et gi0 respectivement et vérifiant les conditions (a),(b),(c) de l’exemple 4.3 précédent. Dans ce cas, D1 + D2 est représenté localement par les équations gi gi0 et il faut vérifier que (b) et (c) sont aussi valables pour gi gi0 . La condition (b) est triviale. Pour la condition (c), on a une suite exacte naturelle 0 −→ Ri /gi Ri −→ Ri /gi gi0 Ri −→ Ri /gi0 Ri −→ 0 auquel cas la platitude de Ri /gi Ri et celle de Ri /gi0 Ri sur R implique celle de Ri /gi gi0 Ri grâce à la proposition 1.6. Considérons maintenant D un diviseur effectif relatif sur X/T . En tensorisant l’inclusion I(D) ,→ OX avec L(D), on obtient une inclusion OX ' I(D) ⊗ L(D) ,→ L(D) et par conséquent on obtient une section globale canonique sD de L(D) en prenant l’image de 1 ∈ OX (X) par iX : OX (X) ,→ L(D)(X). Dans ce cas, sur les ouverts Ui , sD|Ui = iUi (1Ri ) où Ri = OX (Ui ). 2. DIVISEURS DE CARTIER EFFECTIFS RELATIFS 41 Réciproquement, si on se donne une classe d’isomorphismes de paires (L, s) où L est un faisceau inversible sur X et s ∈ Γ(X, L) une section globale régulière, c’est-à-dire telle que le morphisme de faisceaux s OX −→ L soit injectif, alors en tensorisant cette inclusion par L∨ , on obtient un morphisme injectif s∨ L∨ −→ OX , de sorte que L∨ est isomorphe à un faisceau d’idéaux de OX dont les sections sont localement engendrées × (en tant que OX -module) par des sections locales de OX . Par suite, si localement L∨ |Ui ' gi OX|Ui (avec × gi ∈ OX[Ui ), on obtient un diviseur de Cartier effectif représenté par la famille {(Ui , gi )}i . Finalement on obtient une bijection entre les diviseurs de Cartier effectifs, les faisceaux d’idéaux de OX × localement engendrés par une unique section inversible de OX , et les classes d’isomorphisme de paires (L, s) où L est un faisceau inversible sur X et s ∈ Γ(X, L) est une section régulière : D ←→ I(D) = L(D)∨ ←→ (L(D), sD ). Notons enfin que D 7→ (L(D), sD ) définit une bijection entre les diviseurs effectifs relatifs sur X/T et les classes d’isomorphismes de paires (L, s) où L est un faisceau inversible sur X et s ∈ Γ(X, L) est telle que la suite s 0 −→ OX −→ L −→ L/sOX −→ 0 est exacte et L/sOX est plat sur T . Cette identification des diviseurs de Cartier effectifs relatifs aura un intérêt pratique à plusieurs reprises. Signalons aussi que, dans le cas où X est plat sur T , L/sOX est plat sur T si et seulement si, pour tout t ∈ T , s ne détermine pas un diviseur de zéro dans L ⊗ OXt . La proposition suivante aborde le caractère fonctoriel des diviseurs de Cartier effectifs relatifs. Proposition 4.4 ( [CS98] (p177)) : Considérons le carré cartésien suivant : X o X0 T o T0 c’est-à-dire X 0 = X ×T T 0 . Si D est un diviseur effectif relatif sur X/T , alors le sous-schéma fermé D0 = D ×T T 0 de X 0 est un diviseur effectif relatif sur X 0 /T 0 . Démonstration. On peut supposer comme toujours que T et T 0 sont affines. Disons T = Spec(R) et T 0 = Spec(R0 ). Il faut alors vérifier que les conditions (a),(b) et (c) données dans l’exemple 4.3 sont stables par changement de base R → R0 . Puisque D est un diviseur de Cartier effectif relatif sur X, écrivons D = {(Ui , gi )i } comme dans cet exemple. Notons Ui0 = Ui ×T T 0 l’ouvert affine Spec(Ri ⊗ R0 ). On a alors D0 ∩ Ui0 = Spec(Ri /gi Ri ⊗ R0 ) ' Spec(Ri0 /gi Ri0 ) où Ri0 := Ri ⊗ R0 . Par ailleurs, la condition (b), valable pour D, se traduit par l’exactitude de la suite gi 0 −→ Ri −→ Ri −→ Ri /gi Ri −→ 0. La condition (c), vérifiée pour D, se traduit quant à elle par le fait que Ri /gi Ri est plat sur R. Ces deux assertions restent vraies après tensorisation avec R0 . En effet, pour voir que la suite gi 0 −→ Ri ⊗ R0 −→ Ri ⊗ R0 −→ Ri /gi Ri ⊗ R0 −→ 0. 42 4. PUISSANCES SYMÉTRIQUES ET CONSTRUCTION DE LA JACOBIENNE est exacte, on utilise le lemme 1.1 (car R0 est un R-module via le morphisme d’anneaux R → R0 induit par le morphisme de schémas affines T 0 = Spec(R0 ) → Spec(R) = T ). Le fait que Ri /gi Ri ⊗ R0 est un R0 module plat (condition (c)) signifie exactement que la notion de platitude est stable par changement de base, ce qui est vrai comme nous l’avons rappelé dans la proposition 1.7. D’où le résultat, D0 est bien un diviseur de Cartier effectif relatif sur X 0 . Dès lors que l’on introduit la notion de diviseur de Cartier relatif à un schéma T , il est tout naturel de s’interroger quant au lien qu’il peut exister entre un tel diviseur (vu comme un sous-schéma fermé) et ses fibres. La proposition qui suit traite de cette problématique. Proposition 4.5 ( [CS98] (p177)) : Soit D un sous-schéma fermé de X, et supposons que D et X sont tous les deux plats sur T . Si Dt := D ×T {t} est un diviseur effectif relatif sur Xt /t pour tout point t de T , alors D est un diviseur relatif effectif sur X/T . Démonstration. A partir de l’exactitude de la suite 0 −→ I(D) −→ OX −→ OD −→ 0 et de la platitude de X et D sur T , la proposition 1.6 montre que I(D) est plat sur T . Par ailleurs, on peut voir que la platitude de OD implique que pour tout t ∈ T , la suite 0 −→ I(D) ⊗OT k(t) −→ OXt −→ ODt −→ 0 est exacte. En effet, ceci découle du lemme 1.1 et du fait que pour tout t ∈ T , k(t) est un OT,t -module (via la surjection canonique OT,t k(t)). En particulier, I(D)t := I(D) ⊗ k(t) ' I(Dt ). Comme Dt est un diviseur de Cartier, I(Dt ) (et donc aussi I(D) ⊗ k(t)) est un OXt -module inversible. On utilise ensuite le résultat suivant : Lemme 4.3 : Si X est plat sur T et F est un OX -module cohérent qui est plat sur T et tel que Ft est un OXt -module plat (sur Xt ) pour tout t ∈ T , alors F est plat sur X Dans notre situation, on applique ce lemme avec X qui est plat sur T , F = I(D) qui est un faisceau cohérent, plat sur T comme on vient de le voir et tel que I(D)t est un OXt -module plat car localement libre (de rang 1). On obtient ainsi que I(D) est un OX -module plat, et puisqu’il est aussi cohérent, c’est un faisceau localement libre sur OX d’après la proposition 1.8 (e). Maintenant l’isomorphisme I(D) ⊗ k(t) ' I(Dt ) montre qu’il est de rang 1. Il est donc localement généré par un seul élément, et cet élément n’est pas un diviseur de zéro. Ceci prouve que D est un diviseur effectif relatif. On considère à présent un morphisme π : C → T propre, lisse et dont les fibres sont de dimension 1 : on dit que C est une courbe relative. Si D est un diviseur effectif relatif sur C/T , alors la proposition 4.4 montre que Dt est un diviseur effectif sur Ct , et si T est connexe, alors le degré de Dt est constant. Définition 4.5 (Degré d’un diviseur de Cartier effectif relatif [CS98] (p177)) : Cet entier est appelé le degré du diviseur de Cartier effectif relatif D. Remarque 4.2 : Notons que deg D = r si et seulement si OD est un OT -module localement libre de rang r. Corollaire 4.1 ( [CS98] (p178)) : Un sous-schéma fermé D de C est un diviseur effectif relatif sur C/T si et seulement s’il est fini et plat sur T . En particulier, si s : T → C est une section de π, alors s(T ) est un diviseur effectif relatif de degré 1 sur C/T . 2. DIVISEURS DE CARTIER EFFECTIFS RELATIFS 43 Démonstration. On rappelle qu’un sous-schéma fermé d’une courbe lisse sur un corps est un diviseur effectif si et seulement s’il est fini. Soit D un sous-schéma fermé de C. Si D est plat sur T et a des fibres finies, alors ces fibres Dt sont des diviseurs de Cartier sur la courbe Ct . Puisque C est plat sur T (par hypothèse sur π : C → T ), la proposition 4.5 montre que D est un diviseur de Cartier effectif relatif sur C. Réciproquement, si D est un diviseur de Cartier effectif relatif sur C/T , alors D est plat sur T et ses fibres, Dt , sont des diviseurs de Cartier sur la courbe Ct , donc sont finies. On a donc montré l’équivalence suivante : un sous-schéma fermé D de C est un diviseur effectif relatif sur C/T si et seulement s’il est plat sur T et a fibres finies. Mais par la proposition 1.3 (a),(b) un tel sous-schéma D est propre sur T et par la proposition 1.4, a des fibres finies si et seulement s’il est fini sur T . Définissons maintenant une relation d’ordre sur l’ensemble des diviseurs de Cartier effectifs relatifs. Définition 4.6 (D ≤ D0 [CS98] (p178)) : Si D et D0 sont des diviseurs effectifs relatifs sur C/T , alors on écrit D ≥ D0 si D ⊃ D0 en tant que sous-schémas de C. Remarque 4.3 : On a D ≥ D0 si I(D) ⊂ I(D0 ). En effet, si D = (Ui , fi ), et D0 = (Ui , gi ), dire que D ⊃ D0 revient à demander que pour tout i, gi divise fi dans OC (Ui ), ce qui signifie qu’il existe hi ∈ OC (Ui ) tel que fi = gi hi , ce qui implique I(D)(Ui ) = fi OC (Ui ) = gi hi OC (Ui ) ⊂ gi OC (Ui ) = I(D0 )(Ui ). Dans l’article de Milne que l’on suit tout au long de ce mémoire les démonstrations des propositions 3.10 et 3.11 sont incomplètes et/ou éronnées. Dans ce mémoire, on choisit ici de rajouter l’hypothèse « T est réduit » pour pallier (au moins en partie) ces lacunes. Proposition 4.6 ( [CS98] (p178)) : On suppose que T est réduit. Si Dt ≥ Dt0 (en tant que diviseurs sur Ct ) pour tout t ∈ T , alors D ≥ D0 . Démonstration. Identifions D à une paire (L, s) (voir la remarque 3.6 p176). Alors D ≥ D0 si et seulement si I(D) ⊂ I(D0 ) si et seulement si s devient nulle lorsqu’on la considère comme section de L|D0 = L ⊗ OD0 ' L/I(D0 )L. Par ailleurs, L⊗OD0 est un OT -module localement libre de rang fini, disons de rang d. Dans ce cas, localement on a des isomorphismes L(D) ⊗ OD0 ' OTd . Pour alléger les notations, on suppose donc dans ce qui suit que T = Spec(A) est affine et que L(D) ⊗ OD0 ' OTd . Notons (e1 , . . . , ed ) une base du OT -module libre OTd . En notant s l’image de s dans L ⊗ OD0 , s s’écrit (localement) sous la forme d X s= fi e i , i=1 pour certaines sections locales fi de OT . L’hypothèse du théorème étant que D × {t} =: Dt ≥ Dt0 = D0 × {t}, on en déduit que pour tout point t ∈ T , s est nulle dans Lt ⊗ ODt0 , ce qui signifie que s = 0 mod mt (où mt est l’idéal maximal de l’anneau local OT,t ). Par suite, pour tout i = 1, . . . , d, on a fi = 0 mod mt pour tout t ∈ T . En particulier, si t ∈ T est un point fermé, correspondant à un idéal maximal q de A, alors fi ∈ mq ∩ A = qAq ∩ A = q dans la fibre OSpec(A),q ' Aq . Ainsi, \ √ fi ∈ q= 0 q∈Specmax(A) 44 4. PUISSANCES SYMÉTRIQUES ET CONSTRUCTION DE LA JACOBIENNE car A est une k-algèbre de type fini ( [Liu02] lemme 1.18 p31). Celle-ci étant aussi réduite (par hypothèse sur T ), on en déduit que fi = 0 puis que (localement) s est nulle dans L ⊗ OD0 ; ce qu’il fallait démontrer. Définition 4.7 (Diviseur effectif relatif scindé [CS98] (p178)) : Soit D un diviseur effectif relatif de degré S r sur C/T . On dit que D est scindé si Supp(D) = i si (T ) pour certaines sections si de π. P Exemple 4.4 ( [CS98] (p178)) : Par exemple un diviseur D = ni Pi sur une courbe sur un corps k (T = Spec(k)) est scindé si et seulement si k(Pi ) = k pour tout i. En effet, une section si : Spec(k) → {Pi } = Spec(k(Pi )) provient d’un morphisme d’algèbre k(Pi ) → k, mais k(Pi ) étant une k-algèbre, on en déduit que k(Pi ) = k. Réciproquement si Pi est un point vérifiant k(Pi ) = k, c’est un point k-rationnel. On dispose donc d’une section si : Spec(k) → {Pi }. Proposition 4.7 ( [CS98] (p178)) : Si T est réduit, tout diviseur effectif relatif scindé D sur C/T s’écrit P de manière unique sous la forme D = ni si (T ) pour certaines sections si de π. S Démonstration. Soit Supp(D) = si (T ) et supposons que la composante de D à support dans si (T ) P soit de degré ni . Alors Dt = ( ni si (T ))t pour tout t ∈ T . Ainsi, par la proposition 3.10, on obtient que P D= ni si (T ). Montrons à présent l’unicité de cette décomposition. Supposons que D s’écrive sous la forme d X 0 ni si (T ) = D = i=1 d X n0i s0i (T ). i=1 On suppose que les si (T ) sont distincts (de même pour les s0i (T )). Raisonnons par récurrence sur le nombre de composantes irréductibles de Supp(D). Chaque si (T ) (et s0i (T )) correspond à une unique composante irréductible du support de D donc d = d0 . On obtient par la même occasion qu’il existe une permutation σ ∈ Sd telle que pour tout i ∈ J1, nK, si (T ) = s0σ(i) (T ). En admettant que deux sections ayant même image coïncident, on a alors pour tout i, si = s0σ(i) . En réitérant cette argument avec le diviseur relatif d X i=1 (ni − 1)si (T ) = D − d X i=1 si (T ) = D − d X s0i (T ) = i=1 d X (n0i − 1)s0i (T ), i=1 on montre que l’on doit avoir ni = n0σi , ce qui montre l’unicité de la décomposition (à permutation des termes près). Exemple 4.5 (Dcan [CS98] (p178)) : Considérons un courbe complète non singulière C sur un corps k. Pour tout i ∈ J1, rK il existe une section canonique si de q : C × C r → C r donnée par (P1 , . . . , Pr ) 7→ (Pi , P1 , . . . , Pr ). P Soit Di = si (C r ) vu comme un diviseur effectif relatif sur C × C r /C r et soit D = Di . Alors D est l’unique P diviseur effectif relatif sur C × C r /C r dont la fibre sur (P1 , . . . , Pr ) est Pi . Clairement, D est stable sous l’action du groupe symétrique Sr et donc Dcan = Sr \D (quotient en tant que sous-schéma de C × C r ) est un diviseur effectif relatif sur C × C (r) /C (r) dont la fibre sur D ∈ C (r) (k) est D. r Définition 4.8 (DivC [CS98] (p178)) : Soit C une courbe complète lisse sur k et T un k-schéma. On r définit DivC (T ) comme l’ensemble des diviseurs de Cartier effectifs relatifs sur C × T /T de degré r. La r proposition 4.4 montre que DivC est un foncteur sur la catégorie des k-schémas. L’étude des divseurs effectifs relatifs permet d’aboutir au théorème suivant que l’on admettra. Théorème 4.1 ( [CS98] (p179)) : Pour tout diviseur effectif relatif D sur C × T /T de degré r, il existe r un unique morphisme ϕ : T → C (r) tel que D = (1 × ϕ)−1 (Dcan ). Autrement dit, C (r) represente DivC . 3. CONSTRUCTION DE LA VARIÉTÉ JACOBIENNE Remarque 4.4 : La démonstration de ce résultat est plus facile pour les diviseurs D = avec les si distinctes. 45 Pr i=1 si (T ) scindés Nous avons à présent en notre possession tous les outils nécessaires pour prouver l’existence de la variété jacobienne telle qu’exprimée dans le théorème 3.1 . 3. Construction de la variété jacobienne Dans cette section, C est encore une courbe non singulière complète de genre g > 0 et P désignera un point k-rationnel de C. Rappelons que la proposition 3.4 nous autorise à construire J sur une extenion séparable finie de k. Pour un k-schéma T , posons PCr (T ) = {L ∈ P ic(C × T ) | deg Lt = r, ∀t ∈ T }/ ∼, où L ∼ L0 s’il existe un faisceau inversible M sur T tel que L ' L0 ⊗ q ∗ M. Notons Lr := L(rP ). Dans ce cas L 7→ L ⊗ p∗ Lr définit un isomorphisme PC0 (T ) → PCr (T ). Ainsi, pour prouver le théorème 3.1, il suffit de montrer que PCr est représentable pour un certain r. Faisons-le pour un r > 2g que l’on se fixe une fois pour toute. r → PCr envoyant un diviseur effectif relatif Remarquons qu’il existe un morphisme de foncteurs f : DivC D sur C × T /T sur la classe de L(D) (ou, en d’autres termes, (L(D), sD ) sur la classe de L(D)). On a le lemme suivant. r → PCr . Alors PCr est Lemme 4.4 ( [CS98] (p180)) : Supposons qu’il existe une section s de f : DivC (r) représentable par un sous-schéma fermé de C . Démonstration. Puisque f est un morphisme de foncteurs et que s est une section de f , alors la r r composée ϕ = s ◦ f est un morphisme de foncteurs DivC → DivC . On a en effet pour ψ : T 0 → T morphisme de schémas le diagramme commutatif suivant : / (1 × ψ)∗ (L, t0 ) ∈ Div r (T 0 ) C r (L, t) ∈ DivC (T ) f L ∈ P ic(C × T ) f / (1 × ψ)∗ L ∈ P ic(C × T 0 ) s r (L, u) = s(L) ∈ DivC (T ) s / (1 × ψ)∗ (L, u0 ) ∈ Div r (T 0 ). C r De plus, on sait d’après le théorème 4.1 que DivC est représentable par C (r) . Ainsi ϕ est représenté (par le lemme de Yoneda) par un morphisme de variétés ϕ : C (r) → C (r) . Définissons J 0 comme étant le produit fibré C (r) o (1,ϕ) C (r) × C (r) o ∆ J0 C (r) . 46 4. PUISSANCES SYMÉTRIQUES ET CONSTRUCTION DE LA JACOBIENNE Alors J 0 (T ) = {(a, b) ∈ C (r) (T ) × C (r) (T ) | a = b, ϕ(a) = b} ' {a ∈ C (r) (T ) | a = ϕ(a)} = {a ∈ C (r) (T ) | a = s(f (a))} = {a ∈ C (r) (T ) | ∃c ∈ PCr (T ), a = sc}. En effet, l’inclusion {a ∈ C (r) (T ) | a = s(f (a))} ⊂ {a ∈ C (r) (T ) | ∃c ∈ PCr (T ), a = sc} est immédiate. Pour l’inclusion réciproque, si a = sc pour un certain c ∈ PCr (T ), on utilise le fait que s est une section de f . Dans ce cas, f (a) = (f ◦ s)(c) = c et donc on a bien a = s(f (a)). Finalement, J 0 (T ) ' PCr (T ) puisque s est injective. Ceci montre que PCr est représenté par J 0 , qui est un sous-schéma fermé de C (r) car ∆ est une immersion fermée (C (r) est séparé) et que les immersions fermées sont stables par changement de base. Le problème est alors de définir une section s ou, en d’autres termes, de trouver un morphisme de foncteurs associant à chaque famille de faisceaux inversibles de degré r un diviseur effectir relatif. Cependant, ceci n’est pas évident globalement. L’idée va donc être de définir localement des sous-foncteurs de PCr dont on saura construire explicitement une section. La même idée que celle donnée dans le lemme précédent permettra ainsi d’obtenir des variétés, qui, une fois recollées, formeront la jacobienne. Avant cela, rappelons que pour L un faisceau inversible de degré r > 2g ≥ 2g − 2 sur C, la dimension de H 0 (C, L) est, par le théorème de Riemann-Roch, h0 (L) = r + 1 − g. Ainsi il existe un système linéaire de diviseurs effectifs D (r −g)-dimensionnel tel que L(D) ' L. Une manière de diminuer la taille de ce système est de fixer une famille γ = (P1 , . . . , Pr−g ) de points k-rationnels sur C P et de considérer seulement les diviseurs D dans ce système tel que D ≥ Dγ où Dγ = Pi . On verra que cette manière d’aborder le problème permettra de le résoudre (localement). La proposition suivante résoud localement la construction de la jacobienne tel qu’annoncé précédemment. Proposition 4.8 ( [CS98] (p180)) : Soit γ un (r − g)-uplet de points k-rationnels sur C et soit Lγ = P L P ∈γ P . (a) Il existe une sous-variété ouverte C γ de C (r) telle que, pour tout k-schéma T , r C γ (T ) = {D ∈ DivC (T ) | h0 (Dt − Dγ ) = 1, ∀t ∈ T }. De plus, si k est séparablement clos, alors C (r) est une union de sous-variétés C γ . (b) Pour tout k-schéma T , définissons P γ (T ) = {L ∈ PCr (T ) | h0 (Lt ⊗ L−1 γ ) = 1, ∀t ∈ T }. Alors P γ est un sous-foncteur de PCr et le morphisme de foncteurs évident f : C γ → P γ donné par (L(D), sD ) 7→ L(D) admet une section. Remarque 4.5 : Lorsque k est séparablement clos, le fait que C (r) soit noetherien (donc quasi-compacte) S montre que le recouvrement C (r) = i C γi peut être supposé fini. 3. CONSTRUCTION DE LA VARIÉTÉ JACOBIENNE 47 Preuve de (a). Notons que pour tout diviseur D de degré r sur 0, h0 (D − Dγ ) ≥ deg(D − Dγ ) + 1 − g = r − (r − g) + 1 − g = 1. et que cette égalité est valable pour au moins un diviseur D (par exemple, prendre D = Dγ + Q1 + . . . + Qg pour un choix convenable de points Qi ; voir le lemme 4.5 (b)). Soit Dcan le diviseur effectif relatif canonique de degré r sur C × C (r) /C (r) . Comme q : C × C (r) → C (r) est plat (parce que la platitude est stable par changement de base et que C est lisse donc plat sur k), on peut appliquer le théorème 2.3 (c) à L(Dcan −p−1 Dγ ) et ainsi en déduire qu’il existe un sous-schéma ouvert C γ de C (r) tel que h0 ((Dcan )t − Dγ ) = 1 pour t ∈ C γ et h0 ((Dcan )t −Dγ ) > 1 sinon. Il s’agit ensuite de vérifier que la variété C γ ainsi construite convient, c’est-à-dire que pour tout k-schéma T , r C γ (T ) = {D ∈ DivC (T ) | h0 (Dt − Dγ ) = 1 ∀t ∈ T }. On procède par double inclusion. Pour ⊂ : Si ϕ : T → C γ , alors D = (1 × ϕ)−1 (Dcan ) est un diviseur effectif relatif de degré r sur C × T /T tel que pour tout t ∈ T , h0 (Dt − Dγ ) = h0 ((1 × ϕ)−1 (Dcan ))t − Dγ ). Mais par ailleurs, ((1 × ϕ)−1 (Dcan ))t = Dcan,ϕ(t) . On a en effet d’une part ((1 × ϕ)−1 (Dcan ))t = Dcan,ϕ(t) : c’est une conséquence de la propriété universelle du produit fibré : X ) ((1 × ϕ)−1 (Dcan ))t = Dcan,ϕ(t) ( q0 / (1 × ϕ)−1 Dcan p0 q p C × {t} 1×t / C ×T /+ Dcan i 1×ϕ / C × C (r) . 5 1×ϕ(t) Ainsi, pour tout t ∈ T , on a bien h0 (Dt − Dγ ) = h0 ((Dcan )ϕ(t) − Dγ ) = 1 car Im(ϕ) ⊂ C γ . r Pour l’inclusion réciproque, si D ∈ DivC (T ) est tel que pour tout t ∈ T , h0 (Dt − Dγ ) = 1, alors le théorème 4.1 montre qu’il existe un unique morphisme ϕ : T → C (r) tel que (1 × ϕ)−1 (Dcan ) = D et les égalités ci-dessus montrent que Im(ϕ) ⊂ C γ (car en dehors de C γ , h0 (Dt − Dγ ) > 1 par construction de C γ ). Ceci prouve la première assertion. Supposons ensuite k séparablement clos, auquel cas les k-points de C (r) sont denses. Pour montrer que S S C (r) = C γ , il suffit donc de montrer C (r) (k) = C γ (k), ou encore, d’après la première assertion que l’on vient de démontrer, que pour tout diviseur D de degré r sur C, il existe un γ tel que h0 (D − Dγ ) = 1. Fixons une base e0 , . . . , er−g de H 0 (C, L(D)). Puisque D est très ample (car deg D = r ≥ 2g + 1), on peut considérer l’immersion fermée associée ι : C ,→ Pr−g P 7→ [e0 (P ) : . . . : er−g (P )]. Alors ι(C) est contenu dans aucun hyperplan. En effet, si ι(C) était contenu dans un hyperplan donné par P P une équation ai Xi = 0 avec les ai non tous nuls, alors ai ei serait nul sur C. Ainsi il existe r − g points 48 4. PUISSANCES SYMÉTRIQUES ET CONSTRUCTION DE LA JACOBIENNE distincts P1 , . . . , Pr−g de C, disjoints de D, dont les images ne sont contenues dans aucun sous-espace linéaire de codimension 2 (construire les Pi de proche en proche). Dans ce cas, le (r − g)-uplet γ = (P1 , . . . , Pr−g ) satisfait la condition parce que nX o X X H 0 (C, L(D − Pj )) = ai ei | ai ei (Pj ) = 0, j = 1, . . . , r − g est de dimension < 2 et de dimension ≥ 1 comme on l’a fait remarqué en début de preuve, donc de dimension exactement 1. Preuve de (b). Soit L = L(D) un faisceau inversible sur C × T représentant un élément de P γ (T ). Alors h0 (Dt − Dγ ) = 1 pour tout t ∈ T et le théorème de Riemann-Roch montre que h1 (Dt − Dγ ) = 0 pour tout t ∈ T . En effet, puisque L ∈ PCr (T ), deg Dt = deg Lt = r et h1 (Dt − Dγ ) = g − deg(Dt − Dγ ) = g − deg(Dt ) − deg(Dγ ) = g − r + (r − g) = 0. Puis le théorème 2.3 (e) montre que M := q∗ (L ⊗ p∗ L−1 γ ) est un faisceau inversible sur T et que sa construction commute avec le changement de base, auquel cas PCγ est un sous-foncteur de PCr . En tensorisant l’application canonique ∗ −1 q ∗ M = q ∗ q∗ (L ⊗ p∗ L−1 γ ) −→ L ⊗ p Lγ avec q ∗ M−1 , on obtient une application canonique ∗ −1 OC×T −→ L ⊗ p∗ L−1 . γ ⊗q M ∗ −1 Par ailleurs, l’application naturelle L−1 γ → OC induit une application p Lγ → OC×T . En combinant celle-ci avec l’application précédente, on obtient un application canonique sγ : OC×T −→ L ⊗ q ∗ M−1 . La paire (L ⊗ q ∗ M−1 , sγ ) est alors un diviseur effectir relatif sur C × T /T dont l’image par f dans P γ (T ) est représenté par L ⊗ q ∗ M−1 ∼ L en tant qu’élément de PCr (T ). Ceci définit une section de f : C γ (T ) → P γ (T ) et achève la preuve. Corollaire 4.2 ( [CS98] (p181)) : Le foncteur P γ est représentable par une sous-variété J γ de C γ . Démonstration. Le foncteur C γ est représentable car C γ est une variété. Le résultat se montre alors de la même manière que le lemme 4.4 . 0 0 0 Les foncteurs P γ,γ = P γ ∩ P γ sont des sous-foncteurs de P γ et P γ . Ils sont donc représentables par 0 0 0 0 0 des sous-variétés fermées J γ,γ de C γ ∩ C γ et les inclusions P γ,γ ,→ P γ et P γ,γ ,→ P γ fournissent des 0 0 0 0 immersions J γ,γ ,→ J γ et J γ,γ ,→ J γ . Ceci va nous permettre de recoller les variétés J γ et J γ le long de 0 J γ,γ et ainsi construire la variété jacobienne de C. S γi Précisément, choisissons des (r − g)-uplets γ1 , . . . , γm de points dans C(ks ) tels que C (r) = C . Après avoir pris une extension de k, on peut supposer que les γi sont des multiplets de points k-rationnels. Définissons J en recollant les variétés J γi grâce aux immersions ouvertes J γi ,γj ,→ J γi , J γj . On obtient ainsi un k-schéma J. Proposition 4.9 : Le k-schéma J représente le foncteur PC0 . 3. CONSTRUCTION DE LA VARIÉTÉ JACOBIENNE 49 Démonstration. Un T -point de J, c’est-à-dire un élément f de M ork (T, J), s’identifie à un m-uplet de morphismes fi ∈ M ork (T γi , J γi ) qui coïncident sur les T γi γj := T γi ∩ T γj où l’on a posé T γi = f −1 (J γi ). Or chaque J γi représente P γi auquel cas M ork (T γi , J γi ) = J γi (T γi ) ' P γi (T γi ). Ainsi, les T -points de J s’identifient aux m-uplets de faisceaux inversibles de P γi (T γi ) qui se recollent sur Sm T = i=1 T γi , donnant ainsi lieu à un unique élément de PCr (T ). Finalement, J représente le foncteur PCr et par conséquent, aussi le foncteur PC0 ' PCr . Puisque PC0 est un foncteur de groupes, J est naturellement muni d’une structure de k-schéma en groupes. On définit donc la loi de J à partir de l’isomorphisme de foncteurs ι : PC0 → J. Proposition 4.10 : Le k-schéma J est séparé. Démonstration. Pour voir que J → Spec(Z) est séparé, il suffit de montrer, grâce à la proposition 1.2 et au corollaire 1.1 (b), que J → Spec(k) est séparé ; ce que l’on montre maintenant en utilisant le critère valuatif de séparabilité 1.1. Soit R un anneau de valuation dont on note K le corps des fractions. Notons U = Spec(K) et T = Spec(R) ainsi que i : U → T le morphisme induit par l’inclusion R ⊂ K. Soit h : U → J et g : T → Spec(k) faisant commuter le diagramme /J h U f i T / Spec(k). g et supposons qu’il existe deux morphismes j1 , j2 : T → J faisant commuter tout le diagramme / ;J h U j1 i T f / Spec(k). j2 g Montrons que j1 = j2 . Puisque le premier diagramme est commutatif, h ∈ M ork (U, J) = J(U ) et puisque le second diagramme est commutatif, j1 , j2 ∈ M ork (T, J) = J(T ). Comme on a un isomorphisme de foncteur ι : PC0 → J, il existe pour i = 1, 2 un unique faisceau inversible Li ∈ PC0 (T ) tel que ι(T )(Li ) = ji , de même qu’il existe un unique faisceau inversible Lh ∈ PC0 (U ) tel que ι(U )(Lh ) = h. Précisément, on a (par fonctorialité) pour i = 1, 2 le diagramme commutatif suivant : PC0 (T ) 3 Li _ ι(T ) ' (1×i)∗ ' PC0 (U ) 3 Lh = (1 × i)∗ (Li ) ι(U ) / ji ∈ J(T ) _ ◦i / h = j ◦ i ∈ J(U ). Ainsi, L1|C×U = (1 × i)∗ L1 = Lh = (1 × i)∗ L2 = L2|C×U . Ainsi, L1 , et L2 coïncident sur l’adhérence de C × U dans C × T . Or T = Spec(R) est irréductible (même intègre, puisque R est intègre), donc U est dense dans T . Par suite, L1 = L2 dans PC0 (T ), puis j1 = j2 dans J(T ). Il existe donc bien au plus un morphisme T → J faisant commuter le second diagramme et on conclut que J est séparé. 50 4. PUISSANCES SYMÉTRIQUES ET CONSTRUCTION DE LA JACOBIENNE Proposition 4.11 : J est géométriquement intègre. Démonstration. La propriété d’être réduit est locale. Or, J est recouvert par les variétés J γi dont on sait qu’elles sont géométriquement réduites. Donc J est géométriquement réduit. Par ailleurs, le morphisme r de foncteurs DivC → PCr → PC0 induit un morphisme f (r) : C (r) → J. Comme r > 2g ≥ g, le théorème de Riemann-Roch prouve que ce morphisme est surjectif. En effet, si D est un diviseur sur C de degré r ≥ g, alors on a h0 (D) ≥ r + 1 − g ≥ 1 et il s’ensuit qu’il existe un diviseur effectif P1 + . . . + Pr ∼ D. Autrement dit, f (r) (P1 , . . . , Pr ) = L(P1 + . . . + Pr − rP ) ' L(D − rP ). Dans ce cas, comme C (r) est géométriquement irréductible (c’est une variété), on en déduit d’après [GD75] (proposition 4.5.4 p61) que J est aussi géométriquement irréductible. Théorème 4.2 : J est une variété abélienne. Démonstration. Comme dans la proposition précédente, puisque l’on a une surjection C (r) → J, que C (r) est un k-schéma de type fini complet et que J est séparé, J est aussi complète ( [Liu02] prop 3.16 (f) p104). Finalement, J une variété abélienne. La variété abélienne J a, par construction, toutes les propriétés requises dans le théorème 3.1, ce qui achève la démonstration de celui-ci. Terminons ce chapitre en étudiant l’application canonique de C (r) dans J. 4. L’application canonique des puissances symétriques de C dans sa jacobienne Tout au long de cette section C est toujours une courbe complète non singulière de genre g > 0. On suppose qu’il existe un point k-rationnel P dans C et on écrira plus simplement f pour l’application f P définie au chapitre précédent. Soit f r : C r → J l’application définie par (P1 , . . . , Pr ) 7→ f (P1 ) + . . . + f (Pr ). Sur les points, f r est simplement l’application (P1 , . . . , Pr ) 7→ [P1 + . . . + Pr − rP ]. C’est une application symétrique induisant alors une application f (r) : C (r) → J. En terme de diviseurs, l’application f (r) envoit un diviseur effectif D de degré r de C sur la classe d’équivalence linéaire de D − rP . Remarquons aussi que la fibre de l’application f (r) : C (r) (k) → J(k) contenant D peut être identifiée avec l’espace des diviseurs effectifs linéairement équivalents à D, c’est-à-dire avec le système linéaire |D|. Enfin, l’image de C (r) dans J est un sous-variété fermée (car C (r) est complète) W r de J, qui peut aussi être notée W r = f (C) + . . . + f (C) . {z } | r fois Théorème 4.3 ( [CS98] (p182)) : (a) Pour tout r ≤ g, le morphisme f (r) : C (r) → W r est birationnel. En particulier, f (g) est une application birationnelle de C (g) sur J. (b) Soit D un diviseur effectif de degré r sur C, et soit F la fibre de f (r) contenant D. Alors aucun vecteur tangent de C (r) en D ne s’envoit sur zéro par (df (r) )D à moins qu’il ne soit dans la direction de F . En d’autres termes, la suite (di)D (df (r) )D 0 −→ TD (F ) −→ TD (C (r) ) −→ Ta (J), a = f (r) (D), est exacte. En particulier, si |D| est de dimension zéro, alors (df (r) )D : TD (C (r) ) → Ta (J) est injective. 4. L’APPLICATION CANONIQUE DES PUISSANCES SYMÉTRIQUES DE C DANS SA JACOBIENNE 51 Démonstration. Pour un diviseur D sur C, on rappelle que l’on note h0 (D) la dimension de H 0 (C, L(D)) = {f ∈ K(C) | (f ) + D ≥ 0} et h1 (D) pour la dimension de H 1 (C, L(D)). On rappelle aussi le théorème de Riemann-Roch qui se réécrit : h0 (D) − h1 (D) = deg D + 1 − g et que H 1 (C, L(D))∨ = H 0 (C, Ω1 (−D)) peut être identifié avec l’ensemble des ω ∈ Ω1K(C)/k dont le diviseur (ω) ≥ D. Notons déjà qu’une fois montré l’assertion f (r) : C (r) → W r est birationnel, on obtiendra immédiatement que f (g) est une application birationnelle de C (g) sur J pour des raisons de dimension : dim W g = dim C (g) = g = dim J et J est irréductible. Pour ce faire, nous aurons besoin du lemme suivant. Lemme 4.5 ( [CS98] (p182-183)) : (a) Soit D un diviseur sur C tel que h1 (D) > 0. Alors il existe un ouvert non vide U de C tel que h1 (D + Q) = h1 (D) − 1 pour tout point fermé Q ∈ U , et h1 (D + Q) = h1 (D) pour Q 6∈ U . P (b) Pour tout entier r ≤ g, il existe un ouvert U de C r tel que h0 ( Pi ) = 1 pour tout (P1 , . . . , Pr ) dans U. Preuve du lemme. (a) On veut trouver un ouvert U tel que pour tout point fermé Q ∈ U , on ait h (D + Q) = h1 (D) − 1 et pour Q 6∈ U , h1 (D + Q) = h1 (D). En utilisant la remarque que si Q n’est pas dans le support de D, alors H 1 (C, L(D + Q))∨ = Γ(C, Ω1 (−D − Q)) s’identifie au sous-espace de Γ(C, Ω1 (−D)) des différentielles s’annulant en Q, on est amené à considérer l’ouvert U complémentaire des zéros communs d’une base de Γ(C, Ω1 (−D)) auquel on soustrait (éventuellement) certains points (en nombre fini) du support de D (les points fermés Q du support de D en lesquels h1 (D + Q) = h1 (D)). (b) Soit D0 le diviseur nul sur C. Alors h1 (D0 ) = g (par Riemann-Roch) et en appliquant (a) plusieurs P fois, on montre l’existence d’un ouvert U de C r tel que h1 ( Pi ) = g − r pour tout (P1 , . . . , Pr ) ∈ U . Le théorème de Riemann-Roch montre alors que X h0 Pi = r + (1 − g) + (g − r) = 1 1 pour tout (P1 , . . . , Pr ) dans U . Pour prouver le théorème 4.3, on peut se placer sur une extension algébrique de k. On suppose donc dans ce qui suit que k est algébriquement clos. On note U 0 = Sr \U (ou U est l’ouvert du 4.5 (b) qui est clairement stable sous l’action de Sr ). Corollaire 4.3 : Le morphisme f (r) : C (r) → W r est soit birationnel, soit purement inséparable de degré > 1. Preuve du corollaire. La fibre au dessus d’un point Q0 ∈ U 0 (k) par f (r) est de dimension 0 d’après le 4.5 (b). Or la fibre de f (r) contenant un certain point Q ∈ C (r) (k) s’identifie au système linéaire complet de Q : celui-ci est donc réduit à un point, donc f (r) : U (k) → J(k) est injective. Dans ce cas, si l’extension K(C (r) )/K(W r ) induite par f (r) : C (r) → W r est de degré 1, on obtient un morphisme birationnel f (r) : C (r) → W r . Sinon deg f (r) = [K(C (r) ) : K(W r )] > 1 et il faut encore voir que l’extension K(C (r) )/K(W r ) est purement inséparable. Or on suppose ici k algébriquement clos. D’après [GD71] Proposition 3.7.1 (c’) (p246), si on a l’injectivité de C (r) (K 0 ) → W r (K 0 ) pour tout corps algébriquement clos K 0 , le morphisme est purement inséprable. Ici, on a l’injectivité de U (k) ⊂ C (r) (k) → W r (k) sur les points d’un ouvert dense de C (r) , ce qui est suffisant pour conclure car 52 4. PUISSANCES SYMÉTRIQUES ET CONSTRUCTION DE LA JACOBIENNE – d’une part les corps des fonctions d’un schéma intègre est invariant par passage à un ouvert dense, – d’autre part si K 0 est un corps algébriquement clos, (r) C (r) (K 0 ) = CK 0 (K 0 ) = (CK 0 )(r) (K 0 ) et donc l’injectivité C (r) (K 0 ) → W r (K 0 ) (sur un ouvert dense) découle de celle de (CK 0 )(r) (K 0 ) → (WK 0 )r (K 0 ) (sur un ouvert dense). Admettons temporairement la partie (b) du théorème 4.3 et voyons comment celle-ci permet en fait d’exclure le cas purement inséparable de degré > 1. Si le morphisme était purement inséparable de degré > 1, alors on aurait une injection sur les points C (r) (k) → W r (k), auquel cas chaque fibre serait réduite à au plus un point. Ainsi, d’après la partie (b) du théorème 4.3, on a des applications linéaires injectives (df (r) )D : TD (C (r) ) → Ta (J) où a = f (r) (D)) ou encore, par dualite, on a une surjection sur les fibres génériques Ω1K(J)/k − Ω1K(C (r) )/k En considérant alors la suite exacte Ω1K(J)/k − Ω1K(C (r) )/k − Ω1K(C (r) )/K(J) −→ 0, on en déduit que Ω1K(C (r) )/K(J) = 0. Par suite, l’extension purement inséparable K(C (r) )/K(J) est aussi séprable, auquel cas K(C (r) ) = K(J), ce qui vient contredire le fait que [K(C (r) : K(J)] > 1. Il ne nous reste donc plus qu’à démontrer la partie (b) du théorème. Nous aurons besoin pour cela de la proposition suivante. (a) Pour tout r ≥ 1, il existe des isomorphismes canoniques Proposition 4.12 ( [CS98] (p183)) : ' ' Γ(C, Ω1 ) −→ Γ(C r , Ω1 )Sr −→ Γ(C (r) , Ω1 ). Soit ω ∈ Γ(C, Ω1 ) correspondant à ω 0 ∈ Γ(C (r) , Ω1 ). Alors pour tout diviseur effectif de degré r sur C, (ω) ≥ D si et seulement si ω 0 s’annule D. (b) Pour tout entier r ≥ 1, l’application f (r)∗ : Γ(J, Ω1 ) → Γ(C (r) , Ω1 ) est un isomorphisme. Preuve de la proposition. Une 1-forme globale sur un produit de variétés projectives est une somme de 1-formes globales sur chacun des facteurs. Par conséquent, on peut écrire : M Γ(C r , Ω1 ) = p∗i Γ(C, Ω1 ), où pi est la projection sur le ie facteur. Dans ce cas, il est clair que l’application X ω 7→ p∗i ω identifie Γ(C, Ω1 ) avec Γ(C r , Ω1 )Sr . Puisque π : C r → C (r) est séparable, l’application π ∗ : Γ(C (r) , Ω1 ) → Γ(C r , Ω1 ) est injective ( [Har77] proposition IV.2.1) et son image est fixe sous l’action de Sr . Ceci permet de bien définir la composée f (r)∗ π∗ Γ(J, Ω1 ) −→ Γ(C (r) , Ω1 ) ,→ Γ(C r , Ω1 )Sr = Γ(C, Ω1 ) envoyant ω sur l’élément ω 0 ∈ Γ(C, Ω1 ) tel que X p∗i ω 0 = π ∗ ◦ f (r)∗ (ω) = (f (r) ◦ π)∗ (ω) = f r∗ (ω). 4. L’APPLICATION CANONIQUE DES PUISSANCES SYMÉTRIQUES DE C DANS SA JACOBIENNE 53 P P ∗ 0 P ∗ ∗ Comme f r = f ◦ pi (somme dans J), on obtient pi ω = pi f ω. Il vient alors que ω 0 = f ∗ ω dans r 1 Γ(C , Ω ). Ainsi la composée ci-dessus coïncide avec l’application f ∗ dont on sait depuis la proposition 3.6 qu’elle est un isomorphisme. En particulier, π ∗ est surjectif : étant déjà injectif, c’est un isomorphisme. Dans ce cas, f (r)∗ = (π ∗ )−1 ◦ f ∗ est ausi un isomorphisme. Ceci démontre la proposition, exceptée pour la deuxième partie de (a) qui nécessite un autre résultat intermédiaire, que l’on donne à présent. Lemme 4.6 ( [CS98] (p183)) : Soit σ1 , . . . , σr les polynômes symétriques élémentaires en X1 , . . . , Xr et Pr soit τj = i=1 Xij dXi . Alors σm τ0 − σm−1 τ1 + · · · + (−1)m τm = dσm+1 , ∀m ≤ r − 1. Preuve du lemme. Soit m ≤ r − 1. Notons σm (i) le me polynôme symétrique élémentaire en les variables X1 , . . . , Xi−1 , Xi+1 , . . . , Xr . Dans ce cas, pour n ∈ J0, m − 1K, σm−n = σm−n (i) + Xi σm−n−1 (i), égalité qui reste valable si l’on convient que σ−1 (i) = 0. Il vient alors en multipliant cette égalité par (−1)n Xin , (−1)n σm−n Xin = (−1)n Xin σm−n (i) + (−1)n Xin+1 σm−n−1 (i), puis en sommant sur n, on obtient l’égalité suivante : m X (−1) n σm−n Xin m X = (−1) n Xin σm−n (i) + (−1)n Xin+1 σm−n−1 (i). n=0 n=0 n=0 m X On reconnaît dans le second membre de cette égalité une somme télescopique. Finalement, comme σ0 = 1 et σ−1 (i) = 0, on obtient m X (−1)n σm−n Xin = σm (i). n=0 Finalement, en multipliant ceci par dXi et en sommant à nouveau sur i, on obtient r X m X (−1)n σm−n Xin dXi = i=1 n=0 σm (i)dXi . i=1 Comme dσm+1 = r X ∂σm+1 i=1 on obtient r X m X ∂Xi dXi = r X σm (i)dXi , i=1 (−1)n σm−n τn = dσm+1 , n=0 ce qu’il fallait démontrer. On peut à présent achever la démonstration de la proposition 4.12. Considérons dans un premier temps bQ = k[[X]] et O bD = k[[σ1 , . . . , σr ]] comme on l’a déjà vu dans la proposition 4.2 (ici OD D = rQ. Alors O désigne l’anneau local au point D de C (r) et non pas le faisceau strucutral du sous-schéma fermé associé à D). Si ω = (a0 + a1 X + a2 X 2 + · · · )dX, ai ∈ k 54 4. PUISSANCES SYMÉTRIQUES ET CONSTRUCTION DE LA JACOBIENNE lorsqu’on le regarde comme un élément de Ω1Ob /k , alors ω 0 = a0 τ0 + a1 τ1 + · · · . En effet, ω 0 s’identifie à Q Pr l’élément de Γ(C r , Ω1 )Sr donné par j=1 p∗j ω et r X j=1 p∗j ω = r X X j=1 i≥0 ai Xji dXj = X ai τi . i≥0 Par ailleurs, la condition (ω) ≥ D est équivalente à a0 = a1 = · · · = ar−1 = 0. En effet, dire que (ω) ≥ D c’est dire que ω à un zéro d’ordre au moins r en Q ce qui (par définition) est équivalent à ce que la valuation bQ = k[[X]] est d’ordre au moins du germe a0 + a1 X + . . . définissant ω dans l’anneau de valuation discrète O r, c’est-à-dire que a0 = a1 = . . . = ar−1 = 0. bD -module et le De même, on sait que la famille {dσ1 , . . . , dσr } forme une base de Ω1Ob /k en tant que O D lemme 4.6 montre que {τ0 , . . . , τr−1 } en est aussi une famille génératrice : c’est en fait une base et on montre que la condition ω 0 (D) = 0 est aussi équivalente à ce que a0 = a1 = . . . = ar−1 = 0. On pourra se référer à l’annexe A pour plus de détails concernant cette affirmation. La preuve pour un autre diviseur se traite de la même manière. Ceci achève la démonstration de la proposition. On est à présent en mesure de terminer la démonstration du théorème 4.3. Considérons la fibre F contenant D : c’est un fermé de C (r) . L’injectivité de (di)D provient alors du fait que i : F ,→ C (r) est une immersion fermée. De plus, la suite de l’énoncé est un complexe parce que f ◦ i est simplement l’application constante x 7→ a (donc Im((di)D ) ⊂ ker((df (r) )D )). Il reste à voir que dim Im (di)D = dim ker(df (r) )D . Identifions Ta (J)∨ avec Γ(C, Ω1 ) en utilisant l’isomorphisme de la proposition 3.6. Alors la proposition 4.12 montre que ω ∈ Γ(C, Ω1 ) est nul sur l’image de TD (C (r) ) si et seulement si ω 0 (D) = 0 ce qui est équivalent à ce que (ω) ≥ D, c’est-à-dire ω ∈ Γ(C, Ω1 (−D)). Autrement dit, (Im(df (r) )D )⊥ = H 0 (C, Ω1 (−D)) ' H 1 (C, L(D))∨ . Puisque Ta (J) est de dimension finie égale à g (par la proposition 3.5), par dualité, il s’ensuit que l’image de (df (r) )D a dimension dim Im(df (r) )D = dim Ta (J) − dim(Im(df (r) )D )⊥ = g − dim H 1 (C, L(D))∨ = g − h1 (D) et donc son noyau est de dimension dim ker df (r) = dim TD (C (r) ) − dim Im(df (r) )D = r − g + h1 (D) par le théorème du rang. D’autre part, l’image de (di)D a dimension |D|, c’est-à-dire dim Im((di)D ) = dim |D| = h0 (D) − 1 = r − g + h1 (D) = dim ker((df (r) )D ) et le théorème 4.3 est démontré. Corollaire 4.4 ( [CS98] (p184)) : Pour tout r ≤ g, f r : C r → W r est de degré r!. Démonstration. On a f r = f (r) ◦ π. Or f (r) est birationnel d’après le théorème 4.3, donc de degré 1 et π : C r → C (r) est clairement de degré r!. On en déduit le résultat par multiplicativité des degrés. Remarque 4.6 ( [CS98] (p184)) : Le théorème montre que J est l’unique variété abelienne birationnellement équivalente à C (g) . En effet, si J 0 est une autre variété abélienne birationnellement équivalente à C (g) (via ϕ : C (g) 99K J 0 ), alors on obtient des applications birationnelles J → J 0 et J 0 → J inverses l’une de l’autre. Puisque toute variété abélienne est non singulière comme on l’a rappelé dans la remarque 2.9, le théorème 2.2 montre que ces applications sont des isomorphismes de variétés abéliennes. Cette remarque est à la base de la construction de Weil de la jacobienne. Chapitre 5 Variété jacobienne, variété Albanese et autodualité On considère toujours une courbe complète non singulière C de genre g > 0 et sa jacobienne J. Nous allons voir que la jacobienne possède d’autres propriétés universelles remarquables. Puis nous verrons que c’est aussi une variété abélienne principalement polarisée et autoduale. 1. Variété jacobienne et Albanese Proposition 5.1 ( [CS98] (p185)) : Soit P un point k-rationnel de C. L’application f P : C → J possède la propriété universelle suivante : pour toute application ϕ : C → A de C dans une variété abélienne envoyant P sur 0, il existe unique homomorphisme ψ : J → A tel que ϕ = ψ ◦ f P . P Démonstration. Considérons l’application ϕ e : C g → A définie par (P1 , . . . , Pg ) 7→ ϕ(Pi ) ; C’est (g) une application symétrique, induisant ainsi une application ϕ : C → A. Puisque J est birationnellement (g) équivalent à C , on obtient une application rationnelle ψ : J → A, qui, d’après le théorème 2.2, est un morphisme. En remarquant que f P est donnée par la composée de Q 7→ Q + (g − 1)P : C → C (g) avec f (g) : C (g) → J, on obtient ψ ◦ f P = ϕ. En effet, on a le diagramme commutatif suivant : ϕ * / ϕ(Q) ∈ A ? j5 jjjj j j j π jjj jjjj ϕ / Q + (g − 1)P ∈ C (g) / (Q, P, . . . , P ) ∈ C g Q∈C fP [Q − P ] ∈ J f (g) −1 ϕ e ψ En particulier, ψ(0) = 0 et d’après le corollaire 2.1, ψ est un homomorphisme. D’où l’existence de ψ. Maintenant, si ψ 0 est un autre homomorphisme tel que ψ 0 ◦ f P = ϕ, alors ψ et ψ 0 coïncident sur J tout entier puisque J = f P (C) + . . . + f P (C) (g fois). D’où l’unicité. Remarque 5.1 ( [CS98] (p186)) : La proposition 5.1 affirme que (J, f P ) est la variété Albanese de C. Corollaire 5.1 ( [CS98] (p185)) : Soit N une correspondance divisorielle entre (C, P ) et J telle que (1 × f P )∗ N ' LP . Alors N ' MP . 55 56 5. VARIÉTÉ JACOBIENNE, VARIÉTÉ ALBANESE ET AUTODUALITÉ Démonstration. En utilisant le lemme 2.2, on peut supposer que k est algébriquement clos. D’après le théorème 3.2 , il existe une unique application ϕ : J → J telle que N ' (1 × ψ)∗ MP . Sur les points, ψ est l’application envoyant a ∈ J(k) sur l’unique point b tel que MP |C×{b} ' N|C×{a} . En particulier, pour a = f P (Q) ∈ J(k), puis en utilisant que (1 × f P )∗ N ' LP et (1 × f P )∗ MP ' LP , on obtient P P MP |C×{ψ◦f P Q} ' N|C×{f P Q} ' L|C×{Q} ' M|C×{f P Q} . Ainsi, (ψ ◦ f P )(Q) = f P (Q) pour tout point rationnel Q. En utilisant l’unicité exprimée dans la proposition 5.1 avec ϕ = f P et A = J, on en déduit que ψ est l’application identité. Corollaire 5.2 ( [CS98] (p185)) : Soient C1 et C2 deux courbes sur k admettant des points k-rationnels P1 et P2 respectivement, et soient J1 et J2 leurs jacobiennes. Il existe une correspondance bijective entre Homk (J1 , J2 ) et l’ensemble des classes d’isomorphismes de correspondances divisorielles entre (C2 , P2 ) et (C1 , P1 ). Démonstration. Une correspondance divisorielle entre (C2 , P2 ) et (C1 , P1 ) fournit (d’après le théorème 3.2) un morphisme (C1 , P1 ) → J2 , et ce morphisme induit un homomorphisme J1 → J2 (d’après la proposition 5.1). Réciproquement un homomorphisme ψ : J1 → J2 définit une correspondance divisorielle (1 × (ψ ◦ f P1 ))∗ MP2 entre (C2 , P2 ) et (C1 , P1 ). En effet, comme ψ ◦ f P1 : C1 → J2 , on a (1 × (ψ ◦ f P1 ))∗ MP2 ∈ P ic(C2 × C1 ) et les faisceaux P2 P2 P2 2 (1 × (ψ ◦ f P1 ))∗ MP |C2 ×{P1 } = M|C2 ×{ψ◦f P1 (P1 )} = M|C2 ×ψ(0)} = M|C2 ×{0} et P2 2 (1 × (ψ ◦ f P1 ))∗ MP |{P2 }×C1 = M|{P2 }×J2 sont triviaux car MP2 est une correspondance divisorielle entre (C2 , P2 ) et J2 . Dans le cas où C admet un point k-rationnel P , définissons F : C × C → J par l’application (P1 , P2 ) 7→ f P (P1 ) − f P (P2 ). 0 Cette définition est indépendante du choix de P . En effet si P 0 est un autre point rationnel, f P et f P diffèrent d’une translation. Considérons un point P ∈ C(k 0 ) pour une certaine extension Galoisienne k 0 /k et F : Ck0 × Ck0 → Jk0 est l’application correspondante. On a déjà fait remarquer que σf P = f σP . L’indépendance de F par rapport à P implique alors que σF = F pour tout σ ∈ Gal(k 0 /k). Il s’ensuit que F peut être définie sur k que C admette ou non un point k-rationnel. Remarquons également que, par définition, F est nul sur la diagonale ∆ de C × C. Proposition 5.2 ( [CS98] (p186)) : Soit A une variété abélienne sur k. Pour toute application ϕ : C × C → A telle que ϕ(∆) = 0, il existe un unique homomorphisme ψ : J → A tel que ϕ = ψ ◦ F . Démonstration. Soit k 0 une extension Galoisienne finie sur k et supposons qu’il existe un unique homomorphisme ψ : Jk0 → Ak0 tel que ψ ◦ Fk0 = ϕk0 . Dans ce cas, pour tout σ ∈ Gal(k 0 /k), on a σψ ◦ Fk0 = σψ ◦ σFk0 = σ(ψ ◦ Fk0 ) = σϕk0 = ϕk0 2. AUTODUALITÉ 57 car σFk0 = Fk0 et σϕk0 = ϕk0 puisque ϕ est déjà définie sur k. Alors l’unicité implique que σψ = ψ pour tout σ ∈ Gal(k 0 /k) et donc ψ est définie sur k. Il suffit donc de prouver la proposition après avoir pris une extension de k. On peut donc supposer que C admet un point k-rationnel P . On utilise ensuite le corollaire 2.2 pour obtenir l’existence et l’unicité des applications ϕ1 , ϕ2 : C → A telles que ϕ1 (P ) = 0 = ϕ2 (P ) et ϕ(a, b) = ϕ1 (a) + ϕ2 (b) pour tout (a, b) ∈ C × C. Puisque ϕ est nulle sur la diagonale, on a ϕ1 = −ϕ2 . Par la proposition 5.1, on sait également qu’il existe un unique homomorphisme ψ : J → A tel que ϕ1 = ψ ◦ f P , et alors ψ est aussi l’unique homomorphisme tel que ϕ = ψ ◦ F . En effet, on a pour tout (a, b) ∈ C × C, ϕ(a, b) = ϕ1 (a) − ϕ1 (b) = ψ ◦ f P (a) − ψ ◦ f P (b) = ψ(f P (a) − f P (b)) car ψ est un homomorphisme = ψ ◦ F (a, b). Ceci prouve l’existence d’un homomorphisme ψ : J → A tel que ϕ = ψ◦F . Pour voir qu’un tel homomorphisme est unique, il suffit de constater que si ϕ = ψ 0 ◦ F (avec ψ 0 : J → A homomorphisme), alors pour tout a ∈ C, ϕ1 (a) = ϕ1 (a) − ϕ2 (P ) = ϕ(a, P ) = ψ 0 ◦ F (a, P ) = ψ 0 ◦ f P (a) auquel cas ψ 0 est nécessairement l’unique homomorphisme tel que ϕ1 = ψ 0 ◦ f P , c’est-à-dire ψ 0 = ψ. Remarque 5.2 ( [CS98] (p186)) : Les paires (J, f P ) et (J, F ) sont caractérisées par les propriétés universelles des propositions 5.1 et 5.2 respectivement. Ceci se démontre formellement en effectuant un raisonnement analogue à celui détaillé au chapitre 3 pour le couple (J, MP ). 2. Autodualité Etudions maintenant la variété duale de J. Nous aurons besoin de quelques notions supplémentaires que l’on donne à présent. 2.1. Variété abélienne duale et faisceau de Poincaré. Pour plus de détails sur cette section, on pourra se référer à [Mil08] §9 et §10 ou encore à [Mum85]. Soit L un faisceau inversible sur une variété abélienne A. On obtient un morphisme défini sur les points de A par l’application ϕL : A(k) −→ P ic(A) a 7→ t∗a L ⊗ L−1 . Par le théorème du carré (Théorème 6.7 et Remarque 6.8 p112 [CS98]), c’est un homomorphisme. On définit KL = {a ∈ A | la restriction de m∗ L ⊗ q ∗ L−1 à {a} × A est trivial}. C’est une partie fermée de A que l’on munit de sa structure réduite de sous-schéma fermé. Alors, KL (k) = {a ∈ A(k) | t∗a L ' L}. On a les propositions suivantes. Proposition 5.3 : Soit L un faisceau inversible sur A tel que H 0 (A, L) 6= 0. Alors L est ample si et seulement si KL est de dimension zéro, c’est-à-dire si et seulement si t∗a L ' L sur Ak pour un nombre fini de a ∈ A(k). Proposition 5.4 ( [CS98] (p117)) : Soit L un faisceau inversible sur A. Les conditions suivantes sont équivalentes : (a) KL = A, 58 5. VARIÉTÉ JACOBIENNE, VARIÉTÉ ALBANESE ET AUTODUALITÉ (b) t∗a L ' L sur Ak pour tout point a ∈ A(k), (c) m∗ L ' p∗ L ⊗ q ∗ L. Notation 5.1 (P ic0 (A)) : On note encore P ic0 (A) ⊂ P ic(A) le groupe des classes d’isomorphismes de faisceaux inversibles sur A vérifiant l’une des trois conditions équivalentes données dans la proposition précédente. Proposition 5.5 ( [CS98] (p119)) : Soit L un faisceau inversible sur A. Alors l’image de ϕL : A(k) → P ic(A) est contenue dans P ic0 (A). De plus, si L est ample et k est algébriquement clos, alors ϕL applique surjectivement A(k) sur P ic0 (A). On peut alors démontrer le théorème suivant : Théorème-Définition 5.1 (Variété duale A∨ et faisceau de Poincaré P) : Soit A une variété abélienne sur k. Il existe une variété abélienne A∨ , appelée variété duale (ou encore variété de Picard) de A tel que A∨ (k) = P ic0 (Ak ). De plus, il existe un faisceau inversible P sur A × A∨ , appelé faisceau de Poincaré (ou encore le fibré de Poincaré), tel que – P|{0}×A∨ est trivial et P|A×{a} ∈ P ic0 (Ak(a) ) pour tout a ∈ A∨ , et – pour tout k-schéma T et tout faisceau inversible L sur A×T tel que L|{0}×T est trivial et L|A×{t} ∈ P ic0 (Ak(t) ) pour tout t ∈ T , il existe une unique morphisme ψ : T → A∨ vérifiant (1 × ψ)∗ P ' L. Précisément, pour une variété abélienne A, le foncteur de Picard relatif P icA/k (T ) = P ic(A × T )/q ∗ P ic(T ) est représentable par un schéma en groupe lisse sur k dont A∨ est la composante neutre (généralement notée P ic0A/k ). Remarque 5.3 ( [CS98] (p118) Remarque 9.4 (a)) : La paire (A∨ , P) est déterminée de manière unique à un unique isomorphisme. Remarque 5.4 : Signalons que le point 0 ∈ A∨ correspond à la classe triviale, autrement dit P|A×{0} ' OA×{0} . Introduisons une notation que l’on réutilisera à plusieurs reprises. Notation 5.2 : Soit A une variété abélienne sur k et L un faisceau inversible sur A. On notera plus simplement L0 = m∗ L ⊗ p∗ L−1 ⊗ q ∗ L−1 ∈ P ic(A × A). Sous les hypothèses du théorème 5.1, on montre que l’unique morphisme ψ vérifiant (1 × ψ)∗ P ' L0 est donné par ψ = ϕL . Remarquons aussi que lorsque L est ample, le morphisme universel ψ = ϕL est une isogénie. Précisément, L0|{0}×A est trivial et pour tout a ∈ A(k), L0|A×{a} = ϕL (a) ∈ P ic0 (Ak ). Dans ce cas, les propositions 5.5 et 5.3 montrent que L0 définit une famille de faisceaux sur A paramétrés par A tels que chaque élément de P ic0 (Ak ) soit représenté par L0a := L0|A×{a} pour un nombre (non nul) fini de 2. AUTODUALITÉ 59 points a ∈ A(k). Ainsi, ψ = ϕL est une isogénie et les fibres de ϕL : A(k) → A∨ (k) sont en correspondance avec les classes d’équivalence pour la relation a ∼ a0 si et seulement si L0a ' L0a0 . En fait, on montre que L est ample si et seulement si ϕL est une isogénie. Ceci nous amène à la notion de polarisation. Définition 5.1 (Variété abélienne polarisée [CS98] (p126-127)) : Une polarisation λ sur une variété abélienne A est une isogénie λ : A → A∨ telle que λk = ϕL pour un certain faisceau inversible ample L sur Ak . Le degré d’une polarisation est son degré en tant qu’isogénie. Une variété abélienne munie d’une polarisation est qualifiée de variété abélienne polarisée. Une polarisation de degré 1 est appelée une polarisation principale. Utilisons à présent ces notions pour étudier la jacobienne d’une courbe. 2.2. Autodualité de la jacobienne. Supposons encore que C admet un point k-rationnel et posons Θ = W g−1 . C’est un diviseur sur J birationnellement équivalent à C (g−1) et si P est remplacé par un autre point k-rationnel, Θ est simplement translaté. Pour n’importe quel diviseur effectif D sur J, posons à l’instar de la section précédente L0 (D) = m∗ L(D) ⊗ p∗ L(D)−1 ⊗ q ∗ L(D)−1 = L(m−1 (D) − D × J − J × D). De plus, on a l’isomorphisme (1 × ϕL(D) )∗ (P) ' L0 (D) où P est le faisceau de Poincaré sur J × J ∨ . Notons également Θ− pour l’image de Θ par l’application (−1) = (−1)J : J → J la multiplication dans − J par −1 et notons Θa pour ta Θ = Θ + a, a ∈ J(k). On note enfin Θ− a = (Θ )a = (−1)J (Θ) + a. Profitons-en pour rappeler ( [Mil08], remarque 12.13) que ϕL(Θ− ) = (−1)2 ϕL(Θ) = ϕL(Θ) et que ϕL(Θa ) = ϕL(Θ) . Le théorème suivant exprime le caractère autodual de la jacobienne. Théorème 5.1 ( [CS98] (p186)) : L’application ϕL(Θ) : J → J ∨ est un isomorphisme. Par conséquent, 1 × ϕL(Θ) est un isomorphisme ' (J × J, L0 (Θ)) −→ (J × J ∨ , P). Démonstration. Quitte à prendre une extension algébrique de k, on peut là encore supposer que k est algébriquement clos. Pour démontrer ce théorème, on aura besoin de plusieurs lemmes. Voici le premier. Lemme 5.1 ( [CS98] (p187)) : Soit U le plus grand ouvert de J tel que (a) la fibre de f (g) : C (g) → J en tout point de U a dimension zéro, et (b) si a ∈ U (k) et D(a) est l’unique élément de C (g) (k) s’envoyant sur a, alors D(a) est la somme de g points distincts de C(k). P Alors f −1 (Θ− : C → J. a ) = D(a) (en tant que diviseur de Cartier) pour tout a ∈ U (k), où f = f Preuve du lemme. Pour commencer, notons que U peut être obtenu en enlevant le sous-ensemble fermé (voir [Sha94] I.6, théorème 7 p76) sur lequel les fibres ont dimension > 0, avec des sous-ensembles fermés de la forme f (g) (π(∆ × C g−2 )) = f g (∆ × C g−2 ). Ces derniers ensembles sont aussi fermés car f g : C g → J est 60 5. VARIÉTÉ JACOBIENNE, VARIÉTÉ ALBANESE ET AUTODUALITÉ propre : pour le voir on applique la proposition 1.3 (e) avec C g → J → k propre et J → k séparé. Il s’ensuit que U est un ouvert dense de J, en tant qu’ouvert non vide d’une variété irréductible. P Soit a ∈ U (k) et soit D(a) = Pi , avec Pi 6= Pj pour i 6= j. Par définition de Θ− a , un point Q1 de C Pg s’envoit sur Θ− (via f ) si et seulement s’il existe un diviseur Q sur C tel que a i=2 i X f (Q1 ) = − f (Qi ) + a. Pg Cette égalité implique que i=1 Qi est dans la fibre au-dessus a dont on a déjà fait remarquer (au début de la section 4) qu’elle s’identifie à |D|. Le fait que |D| soit de dimension 0, par hypothèse, implique alors que P −1 Qi = D. Ainsi, le support de f −1 (Θ− (Θ− a ) est {P1 , . . . , Pg }. Pour obtenir l’égalité f a ) = D(a) il suffit −1 − donc de montrer que f (Θa ) est de degré ≤ g (en fait égal à g). Pour ce faire, considérons l’application ψ : C × Θ → J envoyant (Q, b) sur f (Q) + b. Puisque la composée de ψ avec (1 × f g−1 ) : C × C g−1 −→ C × Θ est f g : C g → J et que ces applications sont de degré (g − 1)! et g! respectivement d’après le corollaire 4.4, on en déduit par multiplicativité des degrés que deg ψ ◦ (1 × f g−1 ) g! deg ψ = = = g. g−1 deg(1 × f ) (g − 1)! Par ailleurs, notons que ψ est projective et considérons alors un point a ∈ U . La fibre de ψ sur a est f −1 (Θ− a) −1 − (ou plus précisément, il s’agit du sous-schéma de C associé au diviseur de Cartier f (Θa )). Il s’ensuit que la restriction de ψ à ψ −1 (U ) est quasi-finie et projective, donc finie (d’après la proposition 1.4). Comme U est normale, cela implique que toutes les fibres de ψ sur les points de U sont des schémas finis de rang ≤ deg ψ = g (d’après [Sha94], II.6.3, théorème 3, p143). D’où le lemme. Passons maintenant à un autre lemme. Lemme 5.2 ( [CS98] (p187)) : (a) Soit a ∈ J(k) et soit f (g) (D) = a. Alors f ∗ L(Θ− a ) ' L(D). (b) Les faisceaux (f × (−1)J )∗ L0 (Θ− ) et MP sur C × J sont isomorphes. Preuve du lemme. D’après le lemme 5.1 précédent, l’isomorphisme de (a) est valable pour tout a dans un ouvert U dense dans J. En effet, pour a ∈ U (k), on a −1 f ∗ L(Θ− (Θ− a ) = L(f a )) = L(D). Notons aussi que l’application C → C × {a} → J × J → J Q 7→ m ◦ (f × (−1))(Q, a) n’est rien d’autre que l’application t−a ◦ f . Ainsi, − − (f × (−1))∗ m∗ L(Θ− )|C×{a} ' L(t−1 −a Θ )|f (C) = L(Θa )|f (C) ' f ∗ L(Θ− a ). De même, en considérant la composée C → C × {a} → J × J → J p Q 7→ (Q, a) 7→ (f (Q), −a) 7→ f (Q) 2. AUTODUALITÉ 61 on obtient (f × (−1))∗ p∗ L(Θ− )|C×{a} ' L(Θ− )|f (C) ' f ∗ L(Θ− ), et en considérant l’application C → C × {a} → J × J → J q Q 7→ (Q, a) 7→ (f (Q), −a) 7→ −a qui est constante égale à −a, on trouve aussi (f × (−1))∗ q ∗ L(Θ− )|C×{a} ' OC est trivial. Par ailleurs, MP est un faisceau inversible sur C × J tel que (g) (i) MP (D) = a, |C×{a} ' L(D − gP ) si D est un diviseur effectif de degré g sur C tel que f P (ii) M|{P }×J est trivial. En effet, la condition (ii) découle immédiatement de la définition de MP qui est une correspondance divisorielle entre (C, P ) et J. Pour la première condition, il suffit de faire la remarque suivante : f (g) (D) = a signifie que a = [D − gP ] = [(D − (g − 1)P ) − P ], donc que f (D − (g − 1)P ) = a. Dans ce cas, on obtient bien P MP |C×{a} = M|C×{f (D−(g−1)P )} ' L((D − (g − 1)P ) − P ) = L(D − gP ). Comme L(D) ' L(D − gP ) ⊗ L(gP ), on en déduit que l’assertion (a) du lemme est équivalente à ce que (f × (−1))∗ m∗ L(Θ− )|C×{a} ' MP ⊗ p∗ L(gP )|C×{a} , ∀a ∈ J(k) ou encore à ce que pour tout a ∈ J(k) le faisceau MP ⊗ p∗ L(gP ) ⊗ (f × (−1))∗ m∗ L(Θ− )−1 |C×{a} soit trivial. Puisque l’on sait que ceci est vrai pour tout a dans un ouvert dense de J (comme rappelé en début de preuve), le théorème 2.5 appliqué au faisceau inversible sur C × J suivant MP ⊗ p∗ L(gP ) ⊗ (f × (−1))∗ m∗ L(Θ− )−1 prouve que la condition f ∗ L(Θ− a ) ' L(D) est valable sur l’adhérence de cet ouvert dense de J, donc valable sur J tout entier. L’assertion (a) est donc démontrée. En particulier, en prenant a = 0, on trouve que f ∗ L(Θ− ) ' L(gP ), (f × (−1))∗ p∗ L(Θ− ) ' p∗ L(gP ). Maintenant on souhaite appliquer le théorème 2.4 aux faisceaux inversibles sur C × J suivants : (f × (−1))∗ (m∗ L(Θ− ) ⊗ p∗ L(Θ− )−1 ) et Mp . Ceci est licite. En effet, on a pour tout point a dans un ouvert dense de J MP |C×{a} ' L(D(a) − gP ) et (f × (−1))∗ (m∗ L(Θ− ) ⊗ p∗ L(Θ− )−1 )|C×{a} ' (f × (−1))∗ (m∗ L(Θ− )|C×{a} ⊗ (f × (−1))∗ p∗ L(Θ− )−1 )|C×{a} ∗ − −1 ' f ∗ L(Θ− a ) ⊗ f (L(Θ )) −1 ' f ∗ L(Θ− a ) ⊗ L(gP ) ' L(f −1 (Θ− a ) − gP ) ' L(D(a) − gP ). 62 5. VARIÉTÉ JACOBIENNE, VARIÉTÉ ALBANESE ET AUTODUALITÉ Ainsi, il existe un certain faisceau inversible N sur J tel que (f × (−1))∗ (m∗ L(Θ− ) ⊗ p∗ L(Θ− )−1 ) ' Mp ⊗ q 0∗ N , où q 0 : C × J → J est le seconde projection. On calcule ensuite les restrictions des faisceaux à {P } × J. On trouve d’une part : MP ⊗ q ∗ N|{P }×J ' q 0∗ N{P }×J ' N et d’autre part, grâce à un raisonnement analogue à celui effectué en début de preuve, on a (f × (−1))∗ (m∗ L(Θ− ) ⊗ p∗ L(Θ− )−1 )|{P }×J ' (f × (−1))∗ m∗ L(Θ− )|{P }×J ⊗ (f × (−1))∗ p∗ L(Θ− )−1 |{P }×J ' (−1)∗ L(Θ− ) ⊗ O{P }×J ' (−1)∗ L(Θ− ). Finalement, N ' (−1)∗ L(Θ− ), et (f × (−1))∗ (m∗ L(Θ− ) ⊗ p∗ L(Θ− )−1 ) ' Mp ⊗ q 0∗ (−1)∗ L(Θ− ). Pour conclure, il ne reste plus qu’à montrer que q 0∗ (−1)∗ L(Θ− ) ' (f × (−1))∗ q ∗ L(Θ− ). Mais ceci est une conséquence du principe de Seesaw rappelé dans le corollaire 2.3 (prendre v = P ∈ C(k)). En effet, en notant L = q 0∗ (−1)∗ L(Θ− ) et M = (f × (−1))∗ q ∗ L(Θ− ), faisceaux inversibles sur C × J, on a pour tout a ∈ J, que les faisceaux L|C×{a} et M|C×{a} sont triviaux et que L|{P }×J ' L(Θ− ) ' M|{P }×J . Donc L ' M. On obtient alors le résultat en tensorisant par (f × (−1))∗ q ∗ L(Θ− )−1 : (f × (−1))∗ m∗ L(Θ− ) ⊗ p∗ L(Θ− )−1 ⊗ q ∗ L(Θ− )−1 ' Mp . Considérons à présent le faisceau inversible (f × 1)∗ P sur C × J ∨ . C’est une correspondance divisorielle. En effet, (f × 1)∗ P|{P }×J ∨ ' P|{0}×J ∨ ' O{0}×J ∨ et, comme on l’a déjà rappelé, (f × 1)∗ P|C×{0} ' P|J×{0} ' OJ×{0} . On en déduit qu’il existe (par le théorème 3.2) un unique homomorphisme f ∨ : J ∨ → J tel que (1 × f ∨ )∗ MP ' (f × 1)∗ P. On termine par le lemme suivant : Lemme 5.3 ( [CS98] (p188)) : Les applications −f ∨ : J ∨ → J et ϕL(Θ) : J → J ∨ sont inverses l’une de l’autre. 3. RÉSUMÉ 63 Preuve du lemme. Ecrivons ψ = −ϕL(Θ) = −ϕL(Θ− ) (comme rappelé juste avant d’énoncer le théorème 5.1). On a (1 × ψ)∗ (1 × f ∨ )∗ MP ' (1 × ψ)∗ (f × 1)∗ P ' (f × ψ)∗ P ' (f × (−1))∗ (1 × ϕL(Θ) )∗ P ' (f × (−1))∗ (1 × ϕL(Θ− ) )∗ P ' (f × (−1))∗ L0 (Θ− ) ' MP . Par conséquent, f ∨ ◦ ψ est une application α : J → J telle que (1 × α)∗ MP ' Mp , mais la seule application vérifiant cette propriété est l’identité (d’après l’unicité dans le théorème 3.2), donc f ∨ ◦ ψ = idJ . De même, on montre que ψ ◦ f ∨ = idJ , de sorte que ψ = −ϕL(Θ) et f ∨ sont inverses l’une de l’autre et il en est de même de ϕL(Θ) et −f ∨ . Ceci achève par la même occasion la démonstration du théorème 5.1. Remarque 5.5 : On vient de voir dans le lemme 5.3 que MP ' (f × (−1))∗ (1 × ϕL(Θ) )∗ P. Alors, on a aussi l’isomorphisme MP ' (f × (−1))∗ (1 × ϕL(Θ) )∗ P ' (f × (−1))∗ L0 (Θ). Comme par ailleurs, D 7→ ϕL(D) est un homomorphisme, ϕL(−Θ) = −ϕL(Θ) , auquel cas on obtient également MP ' (f × (−1))∗ (1 × ϕL(Θ) )∗ P ' (f × 1)∗ (1 × ϕL(−Θ) )∗ P ' (f × 1)∗ L0 (−Θ). Remarque 5.6 ( [CS98] (p188)) : On peut montrer que le diviseur Θ est ample. Il s’ensuit que ϕL(Θ) est une polarisation principale de la jacobienne. 3. Résumé Entre (C, P ) et lui-même, il y a une correspondance divisorielle LP = L(∆ − {P } × C − C × {P }). Entre (C, P ) et J, il y a une correspondance divisorielle MP . Pour toute correspondance divisorielle L entre (C, P ) et un k-schéma pointé (T, t), il y a un unique morphisme de k-schémas pointés ϕ : T → J tel que ϕ(t) = 0 et (1 × ϕ)∗ MP ' L. En particulier, il y a une unique application f := f P : C → J telle que (1 × f )∗ MP ' LP et f (P ) = 0. Entre J et J ∨ , il y a une correspondance divisorielle canonique P, le faisceau de Poincaré, telle que pour toute correspondance divisorielle L entre J et un k-schéma pointé (T, t), il existe un unique morphisme de k-schémas pointés ψ : T → J ∨ tel que (1 × ψ)∗ P ' L. Entre J et J, il existe une correspondance divisorielle L0 (Θ). L’unique morphisme J → J ∨ tel que (1×ψ)∗ P ' L0 (Θ) est ψ = ϕL(Θ) , qui est par ailleurs un isomorphsime : la variété jacobienne J est autoduale. Ainsi ϕL(Θ) est une polarisation principale de J, appelée la polarisation canonique de J. Par ailleurs, on a les formules : MP ' (f × (−1))∗ L0 (Θ) ' (f × 1)∗ L0 (Θ)−1 . Par conséquent, LP ' (f × f )∗ L0 (Θ)−1 . Si f ∨ : J ∨ → J est le morphisme tel que (f × 1)∗ P ' (1 × f ∨ )∗ MP , alors on a f ∨ = −ϕ−1 L(Θ) . Annexe A Un résultat utilisé On souhaite démontrer le résultat issu de [CS98] utilisé dans la proposition 4.12 (p183). Théorème A.1 ( [CS98] (p183)) : Avec les notations de [CS98], on a l’équivalence ω 0 (D) = 0 ⇐⇒ a0 = a1 = . . . = ar−1 = 0. Démonstration. Pour démontrer ce résultat on commence par la proposition suivante. Proposition A.1 : Soient A un anneau commutatif unitaire et r ≥ 1. Soit σ1 , . . . , σr les polynômes symétriques élémentaires de A[X1 , . . . , Xr ] et soit τr,j = r X Xij dXi . i=1 Pour tout j ≥ r, il existe des polyômes (1) (r) Pr,j , . . . , Pr,j ∈ A[X1 , . . . , Xr ] tels que (i) – tous les monômes apparaissant dans la décomposition de Pr,j sont de poids j − i + 1. (1) – Pr,j est de la forme X1j + Qr,j (X1 , . . . , Xr ) avec Qr,j ∈ A[X1 , . . . , Xr ] de degré < j (et dont les monômes de Qr,j sont de poids j) – et r X (i) τr,j = Pr,j (σ1 , . . . , σr )dσi . i=1 Remarque A.1 (Poids d’un monôme) : On rappelle que le poids d’un monôme aX1α1 · · · Xrαr ∈ A[X1 , . . . , Xr ] Pr (a ∈ A\{0}) est l’entier i=1 iαi . Commeçons par quelques exemples. Exemple A.1 (r = 1) : Si r = 1, on a trivialement pour tout j ≥ 1, τ1,j = σ1j dσ1 . Exemple A.2 (r = 2) : Si r = 2, on vérifie que τ2,2 = (σ12 − σ2 )dσ1 − σ1 dσ2 τ2,3 = (σ13 − 2σ1 σ2 )dσ1 − (σ12 − σ2 )dσ2 τ2,4 = (σ14 − 3σ12 σ2 + σ22 )dσ1 − (σ13 − 2σ1 σ2 )dσ2 τ2,5 = (σ15 − 4σ13 σ2 + 3σ1 σ22 )dσ1 − (σ14 − 3σ12 σ2 + σ22 )dσ2 . 65 66 A. UN RÉSULTAT UTILISÉ Exemple A.3 (r = 3) : Si r = 3, on vérifie que τ3,3 = (σ13 − 2σ1 σ2 + σ3 )dσ1 − (σ12 − σ2 )dσ2 + σ1 dσ3 τ3,4 = (σ14 − 3σ12 σ2 + σ22 + 2σ1 σ3 )dσ1 − (σ13 − 2σ1 σ2 + σ3 )dσ2 + (σ12 − σ2 )dσ3 . Exemple A.4 (r = 4) : Si r = 4, on vérifie que τ4,4 = (σ14 − 3σ12 σ2 + σ22 + 2σ1 σ3 − σ4 )dσ1 − (σ13 − 2σ1 σ2 + σ3 )dσ2 + (σ12 − σ2 )dσ3 − σ1 dσ4 , τ4,5 = (σ15 − 4σ13 σ2 + 3σ12 σ3 + 3σ1 σ22 − 2σ1 σ4 − 2σ2 σ3 )dσ1 − (σ14 − 3σ12 σ2 + σ22 + 2σ1 σ3 − σ4 )dσ2 + (σ13 − 2σ1 σ2 + σ3 )dσ3 − (σ12 − σ2 )dσ4 . Admettons le lemme suivant (qui a au moins le mérite d’être vrai pour chacun des exemples ci-dessus). Lemme A.1 : On a les formules de récurrence suivantes : (3) ∀r ≥ 1, τr+1,r+1 = (1) Pr,r+1 (σ1 , . . . , σr ) r + (−1) σr+1 dσ1 − r X (i) Pr,r (σ1 , . . . , σr )dσi+1 , i=1 (4) ∀j ≥ r + 1, τr+1,j+1 = r+1 X ! (i) σi Pr+1,j (σ1 , . . . , σr+1 ) dσ1 − r X (i) Pr+1,j (σ1 , . . . , σr+1 )dσi+1 . i=1 i=1 Voyons à présent comment obtenir la proposition A.1 à partir de ce lemme. On procède par double récurrence sur r ≥ 1 et j ≥ r. Preuve de la proposition A.1. (1) Initialisation de la récurrence sur r : Ici, r = 1. D’après le premier exemple, pour j ≥ 1, τ1,j est de la forme souhaitée. On a effectivement, (1) τ1,j = P1,j (σ1 )dσ1 = (σ1j + Q1,j (σ1 ))dσ1 , (1) où Q1,j (X) = 0 et P1,j (X) = X j . (2) Hypothèse de récurrence sur r : Supposons que la propriété est vraie pour un certain r ≥ 1 et pour tout j ≥ r, c’est-à-dire que pour un certain r ≥ 1 fixé, et pour tout j ≥ r, τr,j est de la forme τr,j = r X (i) Pr,j (σ1 , . . . , σr )dσi , i=1 où (i) – tous les monômes de Pr,j sont de poids j − i + 1, (1) – et Pr,j est de la forme X1j + Qr,j (X1 , . . . , Xr ) avec Qr,j ∈ A[X1 , . . . , Xr ] de degré < j (et dont les monômes de Qr,j sont de poids j). (3) Hérédité de la récurrence sur r : (a) Initialisation de la récurrence sur j : D’après la formule (3), on a (1) τr+1,r+1 = (Pr,r+1 (σ1 , . . . , σr ) + (−1)r σr+1 )dσ1 − r X (i) Pr,r (σ1 , . . . , σr )dσi+1 . i=1 Posons alors (1) (1) Pr+1,r+1 (X1 , . . . , Xr+1 ) = Pr,r+1 (X1 , . . . , Xr ) + (−1)r Xr+1 , A. UN RÉSULTAT UTILISÉ 67 et pour tout i ∈ J2, r + 1K, (i) (i−1) Pr+1,r+1 (X1 , . . . , Xr+1 ) = Pr,r (X1 , . . . , Xr ). Pr+1 (i) Avec ces notations, on a τr+1,r+1 = i=1 Pr+1,r+1 (σ1 , . . . , σr+1 )dσi . De plus, par hypothèse de récurrence, (1) Pr+1,r+1 (X1 , . . . , Xr+1 ) = X1r+1 + Qr,r+1 (X1 , . . . , Xr ) + (−1)r Xr+1 | {z } Qr+1,r+1 (X1 ,...,Xr+1 ) a tous ses monômes de poids r + 1 et deg Qr+1,r+1 = max(1, deg Qr,r+1 ) < max(1, r + 1) = r + 1. (i) De même pour i ∈ J2, r + 1K, chaque monôme de Pr+1,r+1 est de poids r − (i − 1) + 1 = (r + 1) − i + 1, comme voulu. On vient donc de montrer que τr+1,r+1 est vraie. (b) Hypothèse de récurrence sur j : Supposons que la proposition est vraie pour un certain j ≥ r + 1, c’est-à-dire que pour un certain j ≥ r + 1, τr+1,j est de la forme τr+1,j = r+1 X (i) Pr+1,j (σ1 , . . . , σr+1 )dσi , i=1 avec (i) – tous les monômes de Pr+1,j sont de poids j − i + 1, (1) – et Pr+1,j est de la forme X1j + Qr+1,j (X1 , . . . , Xr+1 ) avec Qr+1,j ∈ A[X1 , . . . , Xr+1 ] de degré < j (et dont les monômes de Qr+1,j sont de poids j). (c) Hérédité de la récurrence sur j : D’après la formule (4), on a ! r r+1 X X (i) (i) Pr+1,j (σ1 , . . . , σr+1 )dσi+1 . τr+1,j+1 = σi Pr+1,j (σ1 , . . . , σr+1 ) dσ1 − i=1 i=1 Posons alors (1) Pr+1,j+1 (X1 , . . . , Xr+1 ) = r+1 X (i) Xi Pr+1,j (X1 , . . . , Xr+1 ), i=1 et pour tout i ∈ J2, r + 1K, (i) (i−1) Pr+1,j+1 (X1 , . . . , Xr+1 ) = −Pr+1,j (X1 , . . . , Xr+1 ). Avec ces notations, on a (1) Pr+1,j+1 (X1 , . . . , Xr+1 ) = X1 (X1j + Qr+1,j (X1 , . . . , Xr+1 )) = X1j+1 + Qr+1,j+1 (X1 , . . . , Xr+1 ), où Qr+1,j+1 (X1 , . . . , Xr+1 ) = X1 Qr+1,j (X1 , . . . , Xr+1 ). Dans ce cas deg Qr+1,j+1 = 1 + deg Qr+1,j < j + 1 et chaque monôme de Qr+1,j+1 a pour poids le poids de Qr+1,j augmenté de 1, c’est-à-dire (i) j + 1. De même, le poids de chaque monôme de Pr+1,j+1 (pour i ∈ J2, r + 1K) est de j − (i − 1) + 1 = (j + 1) − i + 1. La propriété est donc aussi valable pour τr+1,j+1 . La propriété étant vraie pour j = r + 1, elle est donc, par principe de récurrence, vraie pour tout j ≥ r + 1. 68 A. UN RÉSULTAT UTILISÉ Ceci prouve l’hérédité de la propriété pour r. Celle-ci étant vraie pour r = 1, elle est vraie pour tout r ≥ 1. D’où la proposition. (i) Corollaire A.1 : Avec les notations de la proposition précédente, on a pour tout j ≥ r ≥ 1, Pr,j est non constant et s’annule en (0, . . . , 0) ∈ Ar . (i) Démonstration. D’après la proposition A.1, pour 1 ≤ i ≤ r ≤ j, chaque monôme du polynôme Pr,j est de poids j − i + 1 ≥ 1. (i) Ainsi, Pr,j est non constant et s’annule en (0, . . . , 0) ∈ Ar . Corollaire A.2 : Avec les notations de Milne (Proposition 5.3 p183), on a ∀j ≥ r ≥ 1, τr,j (D) = 0. Démonstration. D’après le corollaire précédent, on a pour j ≥ r ≥ 1, τr,j (D) = r X Pr,j (σ1 , . . . , σr )(D)dσi = i=1 r X Pr,j (σ1 (D), . . . , σr (D))dσi = i=1 r X Pr,j (0, . . . , 0)dσi = 0. i=1 D’où le corollaire. P Rappelons à présent qu’on a ω 0 (D) = 0 si et seulement si j≥0 aj τr,j (D) = 0. Mais d’après le corollaire Pr−1 A.2, on a pour j ≥ r,τr,j (D) = 0. Ainsi ω 0 (D) = 0 si et seulement si j=0 aj τr,j (D) = 0. Il s’agit maintenant de voir que cette dernière condition est équivalente à ce que tous les a0 , a1 , . . . , ar−1 sont nuls. C’est en fait une conséquence de la liberté de la famille {τr,0 , . . . , τr,r−1 } dans le A[[σ1 , . . . , σr ]]-module Ω1A[[σ1 ,...,σr ]]/A . Toutefois, cette liberté n’est pas évidente (à priori). On utilise donc la proposition suivante. (i) Proposition A.2 : Pour tout 0 ≤ m ≤ r − 1, il existe des uniques polynômes Qr,m ∈ A[X1 , . . . , Xr ], i ∈ J1, mK, tels que m X (i) τr,m = Qr,m (σ1 , . . . , σr )dσi + (−1)m dσm+1 , i=1 en convenant que P0 i=1 · = 0. Démonstration. L’unicité découle de la liberté des dσi en tant que famille du A[[σ1 , . . . , σr ]]-module Pour l’existence on raisonne par récurrence (finie) sur m. Pr (1) Initialisation : Pour m = 0, on a trivialement τr,0 = i=1 dXi = dσ1 et le résultat est vrai. Ω1A[[σ1 ,...,σr ]]/A . (2) Hypothèse de récurrence : Supposons que la proposition est vraie pour tout 0 ≤ k ≤ m − 1 pour un certain m ∈ J1, r − 1K. (3) Hérédité : Il s’agit de voir que le résultat est vrai pour τr,m . Pour ce faire, on utilise le lemme 4.6 qui fournit la relation : τr,m = (−1)m σm τr,0 − σm−1 τr,1 + · · · + (−1)m−1 σ1 τr,m−1 + (−1)m dσm+1 = m−1 X (−1)m+j σm−j τr,j + (−1)m dσm+1 . j=0 Or, par hypothèse de récurrence, chaque τr,j , 0 ≤ j ≤ m − 1 s’écrit sous la forme τr,j = j X i=1 (i) Qr,j (σ1 , . . . , σr )dσi + (−1)j dσj+1 . A. UN RÉSULTAT UTILISÉ 69 Par suite, on obtient τr,m = m−1 X (−1) j=0 | m+j σm−j j X ! (i) Qr,j (σ1 , . . . , σr )dσi +(−1)m dσm+1 . j + (−1) dσj+1 i=1 ∈ Lm i=1 {z A[σ1 ,...,σr ]dσi } La propriété est donc héréditaire. On conclut par récurrence qu’elle est vraie pour tout 0 ≤ m ≤ r−1. Corollaire A.3 : La famille {τr,0 , . . . , τr,r−1 } est une base du A[[σ1 , . . . , σr ]]-module Ω1A[[σ1 ,...,σr ]]/A . Démonstration. On sait que la famille {dσ1 , . . . , dσr } est une base du A[[σ1 , . . . , σr ]]-module Ω1A[[σ1 ,...,σr ]]/A . Le caractère générateur de la famille {τr,0 , . . . , τr,r−1 } est exactement contenu dans le lemme 4.6. La liberté est une conséquence immédiate de la proposition précédente puisque la famille {τr,0 , . . . , τr,r−1 } est échelonnée par rapport à la famille libre {dσ1 , . . . , dσr }. Ce corollaire permet d’achever la démonstration du théorème. On a ω 0 (D) = 0 si et seulement si Pr−1 Pr−1 i=0 ai τr,i (D) = i=0 ai τr,i = 0, ce qui est équivalent, par liberté des τr,i , à la condition énoncée : a0 = a1 = . . . = ar−1 = 0. Remerciements Je tiens à remercier chaleureusement M. Noot pour sa remarquable disponibilité et les nombreuses explications qu’il m’a fournies tout au long de la rédaction de ce mémoire. Son aide m’a été précieuse et m’a conforté dans l’idée d’approfondir mes connaissances en géométrie algébrique et arithmétique. 71 Index Application degré d’une, 59 birationnelle, 22 isogénie, 22 rationnelle, 22 Jacobienne tangente, 16 algébrique, 27 Complétion formelle, 38 analytique, 35 Correspondance divisorielle, 28 Module plat, 10 Courbe Morphisme algébrique, 19 de type fini, 8 elliptique, 25 diagonal, 8 Dérivations, 17 fermé, 9 Diviseur Fibre d’un, 8 ample, 16 fidèlement plat, 11 de Cartier, 13 fini, 8 effectif, 13 plat, 11 effectif relatif, 39 projectif, 10 effectif relatif scindé, 43 propre, 9 principal, 14 quasi-fini, 8 de Weil, 12 universellement fermé, 9 degré d’un, 13 Nombres duaux, 16 principal, 13 theta, 59 Objet universel, 20 très ample, 16 Donnée de descente, 29 Polarisation, 59 Polynômes symétriques élémentaires, 52 Espace tangent de Zariski, 16 Principe de Seesaw, 23 Puissance symétrique, 37 Faisceau ample, 16 Schéma de Poincaré, 58 engendré par ses sections globales, 16 de type fini, 8 inversible, 14 en groupes, 20 très ample, 16 normal, 8 plat, 11 Foncteur de groupes, 20 point d’un, 7 de Picard relatif, 27 projectif, 10 représentable, 19 propre, complet, 10 quasi-projectif, 10 Genre géométrique, 30 régulier, 12 Groupe de Picard, 15 séparé, 9 Théorème Immersion, 16 d’Abel, 35 Isogénie 73 74 A. UN RÉSULTAT UTILISÉ de Jacobi, 35 de Riemann-Roch, 15 de rigidité, 22 Variété de groupes, 21 abélienne, 22 abélienne polarisée, 59 Albanese, 55 algébrique, 19 duale, 58 Bibliographie [Bou72] N. Bourbaki. Elements of Mathematics : Commutative Algebra. Hermann, 1972. [CS98] G. Cornell and J. H. Silverman. Arithmetic Geometry. Springer-Verlag, 1998. [GD61] A. Grothendieck and J. A. Dieudonné. Eléments de Géométrie Algébrique III, Etude cohomologique des faisceaux cohérents - Première partie. Publications Mathématiques de l’IHÉS, 1961. [GD71] A. Grothendieck and J. A. Dieudonné. Eléments de Géométrie Algébrique I. Springer-Verlag, 1971. [GD75] A. Grothendieck and J. A. Dieudonné. Eléments de Géométrie Algébrique IV, Etude locale des schémas et des morphismes de schémas - Seconde partie. Publications Mathématiques de l’IHÉS, 1975. [Har77] R. Hartshorne. Algebraic geometry. Springer-Verlag, New York, 1977. [Liu02] Q. Liu. Algebraic Geometry and Arithmetic Curves. 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