SUR LA DÉRIVÉE DE FONCTIONS LIPSCHITZIENNES - IMJ-PRG

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SUR LA DÉRIVÉE DE FONCTIONS
LIPSCHITZIENNES D’UNE VARIABLE
THIERRY DE PAUW
On dit d’une fonction f : R → R qu’elle est lipschitzienne s’il existe
0 ≤ c < ∞ tel que |f (y) − f (x)| ≤ c|y − x| quels que soient x, y ∈ R,
et l’on note Lip f le plus petit réel qui vérifie cette relation. Dans cette
note on se propose de donner une démonstration du
Théorème 1. Si fR : R → R est lipschitzienne alors f est dérivable
b
presque partout, et a f 0 = f (b) − f (a) quels que soient les réels a < b.
Dans le théorème 1 on se réfère à la mesure de Lebesgue dans R,
quel l’on notera λ. On adoptera aussi les notations suivantes. Pour
−∞ < a < b < ∞ on pose (a, b) := R ∩ {a + t(b − a) : 0 < t < 1} et
[a, b] := R ∩ {a + t(b − a) : 0 ≤ t ≤ 1}, et l’on appelle intervalles les
ensembles de ce type.
Un nombre dérivé de f en x est un réel α ∈ R ayant la propriété
suivante : il existe des réels non nuls h1 , h2 , . . . tels que limj hj = 0 et
α = lim
j
f (x + hj ) − f (x)
.
hj
L’ensemble des nombres dérivés de f est noté Der(f ; x). Si f est lipschitzienne alors Der(f ; x) 6= ∅. En effet
f (x + hj ) − f (x) ≤ Lip f
(1)
hj
pour chaque j = 1, 2, . . . ; par compacité il existe des entiers j(1) <
j(2) < . . . et α ∈ R tels que h−1
j(k) (f (x + hj(k) ) − f (x)) → α quand
k → ∞. Il résulte aussi de (1) que Der(f ; x) ⊂ [−Lip f, Lip f ]. Il est
aisé de vérifier que f est dérivable en x si et seulement si Der(f ; x) est
un singleton.
Date: Le 4 mars 2003.
The research of the author was supported by a Marie Curie fellowship of the
European Community program Human Potential under contract HMPF-CT-200101235.
L’auteur est chercheur qualifié du Fonds National de la Recherche Scientifique,
Belgique.
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THIERRY DE PAUW
Une pré-dérivée de f est une fonction mesurable g : R → R telle
que g(x) ∈ Der(f ; x) pour presque tout x ∈ R. On a alors |g| ≤ Lip f
presque partout.
Proposition 2. SiR f : R → R est lipschitzienne et si g est une préb
dérivée de f alors a g = f (b) − f (a) quels que soient les réels a < b.
Démonstration. Choisissons un ensemble négligeable N ⊂ (a, b) tel que
chaque x ∈ (a, b) \ N ait les propriétés suivantes :
(A) x est un point de Lebesgue de g ;
(B) g(x) ∈ Der(f ; x).
Soit ε > 0, et x ∈ (a, b) \ N . D’après
a, b − x} tel que
Z
g(x)λ(I) −
(2)
I
(A) il existe 0 < δ(x) < min{x −
g < ελ(I)
pour chaque intervalle I ⊂ R tel que x ∈ I et diam I < δ(x). D’après
(B) il existe une suite h1 , h2 , . . . telle que 0 < |hj | < δ(x) et
f (x + hj ) − f (x)
(3)
− g(x) < ε,
hj
pour chaque j = 1, 2, . . .. On pose I(x, j) := [x, x + hj ] si hj > 0 et
I(x, j) := [x + hj , x] si hj < 0, j = 1, 2, . . ., de sorte que (3) se récrit
(4) |f (max I(x, j)) − f (min I(x, j)) − g(x)λ(I(x, j))| < ελ(I(x, j)) .
Ensuite on choisit un ouvert U ⊂ (a, b) tel que N ⊂ U et λ(U ) < ε,
et pour chaque x ∈ N une suite d’intervalles fermés I(x, 1), I(x, 2), . . .
contenus dans U et tels que limj diam I(x, j) = 0.
Observons que
V = ∪{I(x, j) : x ∈ (a, b), j = 1, 2, . . .}
est un recouvrement de Vitali de l’intervalle (a, b), par conséquent il
existe une sous-famille dénombrable d’intervalles deux à deux disjoints
I1 , I2 , . . . ∈ V telle que λ((a, b) \ ∪∞
k=1 Ik ) = 0. Il existe un entier κ tel
que
(5)
λ((a, b) \ ∪κk=1 Ik ) < ε.
Remarquons que (5) entraı̂ne
Z
κ Z
b
X
(6)
g−
g < εLip f
a
Ik k=1
3
puisque |g| ≤ Lip f presque partout. Ensuite observons que (a, b) \
∪κk=1
PIpk est réunion finie d’intervalles ouverts que l’on note U1 , . . . , Up ,
et i=1 λ(Ui ) < ε. Il est dès lors évident que
f (b) − f (a) =
κ
X
(f (max Ij ) − f (min(Ij )) +
p
X
(f (sup Ui ) − f (inf Ui ))
i=1
k=1
d’où
κ
X
(f (maxIk ) − f (min Ik ))
f (b) − f (a) −
k=1
(7)
≤
p
X
|f (sup Ui ) − f (inf Ui )|
i=1
< εLip f.
Finalement, posons K := {1, . . . , κ} et notons Kr ⊂ K l’ensemble des
indices k tels que Ik = I(x, j) pour un certain x ∈ (a, b) \ N et un
certain entier j. Il apparaı̂t alors, d’après (2) et (4), que
Z κ X
g f (maxIk ) − f (min Ik ) −
Ik
k=1
Z X g ≤
f (max Ik ) − f (min Ik ) −
Ik
k∈Kr
Z X g +
f (max Ik ) − f (min Ik ) −
(8)
Ik
k∈K\Kr
X
2ελ(Ik )
<
k∈Kr
+
X
2Lip(f )λ(Ik )
k∈K\Kr
< 2ε(b − a) + 2εLip f.
Il suit de (6), (7) et (8) que
Z b
< 2ε(b − a) + 4εLip f.
g
−
(f
(b)
−
f
(a))
a
Puisque ε > 0 est arbitrairement petit, la preuve est complète.
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THIERRY DE PAUW
On termine la démonstration du théorème 1 de la manière suivante.
On remarque que
f (x + h) − f (x)
g∗ (x) := lim inf
h→0
h
et
f (x + h) − f (x)
g ∗ (x) := lim sup
h
h→0
sont des pré-dérivées de f . La proposition 2 entraı̂ne que
Z b
Z b
g∗ ,
g∗ = f (b) − f (a) =
a
a
et donc aussi
Z
b
(g ∗ − g∗ ) = 0
a
quel que soit l’intervalle [a, b] ⊂ R. Comme g ∗ − g∗ ≥ 0 il en résulte
aussitôt que g ∗ = g∗ presque partout. Puisque Der(f ; x) ⊂ [g∗ (x), g ∗ (x)]
pour tout x ∈ R, cela montre que f est dérivable presque partout. Enfin
la formule fondamentale du calcul différentiel et intégral découle à son
tour de la propisition 2 car f 0 est une pré-dérivée de f .
Université Paris-Sud, Equipe d’analyse harmonique, Bâtiment 425,
91405 Orsay CEDEX, France
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