ARTICLE DE REVUE MIG 995
et tertiaire (hypothalamus). Les deux dernières formes
sont également désignées par le terme
insusance sur-
rénalienne centrale
. Dans la
forme primaire,
l’ensemble
de la glande surrénale est touchée, aectant ainsi la
sécrétion de glucocorticoïdes, de minéralocorticoïdes
et de DHEA/S-DHEA. En cas de surrénalite auto-immune,
la décience des diérentes hormones est soumise à
une séquence temporelle. La zone glomérulée produi-
sant l’aldostérone est d’abord touchée et la maladie se
caractérise initialement par un faible taux d’aldosté-
rone, des valeurs élevées de rénine, mais une sécrétion
intacte de cortisol [4]. La sécrétion de DHEA est elle
aussi limitée dès le stade préclinique [5]. En cas d’
insuf-
sance surrénalienne centrale,
un décit en CRH ou
ACTH entraîne rapidement une atrophie de la glande
surrénale. La sécrétion de cortisol et des androgènes
surrénaliens s’en trouve perturbée, mais la sécrétion
d’aldostérone reste
toujours
intacte. Dès lors, de faibles
taux de DHEA/S-DHEA constituent également une ano-
malie typique chez les patients sourant d’insusance
surrénalienne centrale [6,7].
Les
aections très graves,
telles que le sepsis, repré-
sentent une situation extrême pour l’axe corticotrope
et elles n’aectent pas uniquement la régulation, mais
également le métabolisme du cortisol et l’action hor-
monale dans les tissus périphériques et au niveau du
récepteur. Des données récentes montrent que chez les
malades critiques, la production de cortisol est unique-
ment augmentée de façon minime, voire pas du tout
[8, 9]. Au cours des premiers jours, la concentration
d’ACTH est accrue, puis elle diminue (phénomène ap-
pelé
dissociation ACTH-cortisol
) [10]. L’un des princi-
paux mécanismes qui assure des concentrations éle-
vées de cortisol sérique dans de telles situations est la
réduction rapide et drastique de la dégradation du cor-
tisol par inhibition des enzymes prévues à cet eet
(11β-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 2, 5α- et
5β-réductases) [8]. En outre, d’autres mécanismes adap-
tatifs assurent une disponibilité accrue du cortisol en
périphérie (diminution de la concentration de CBG
avec élévation du cortisol libre, augmentation de l’a-
nité du récepteur des glucocorticoïdes pour le cortisol
par les cytokines) [11]. L’existence d’une
insusance sur-
rénalienne relative
chez les malades critiques («critical
illness-related corticosteroid insuciency», CIRCI),
une dénition homogène de ce concept et les méca-
nismes sous-jacents restent toujours sujets à contro-
verse dans la littérature [12]. Les hypothèses émises
incluent l’inuence des cytokines pro-inammatoires
sur les récepteurs de l’ACTH et des glucocorticoïdes, les
ischémies critiques dans le système hypothalamo-
hypophysaire et la glande surrénale, la suppression des
eets trophiques en raison de faibles taux d’ACTH, les
décits de substrats en raison d’un faible taux de cho-
lestérol et le stress oxydatif [13].
La
crise addisonienne,
en tant que forme extrême du
décit absolu en glucocorticoïdes, illustre remarqua-
blement l’absence d’actions majeures des glucocorti-
coïdes en cas de réaction au stress [14], notamment la
disparition des eets
permissifs et suppressifs
.
L’eet permissif sur l’action des catécholamines est
médié par diérents mécanismes: les glucocorticoïdes
augmentent la concentration de catécholamines cir-
culantes par induction de l’enzyme clé de la synthèse
d’adrénaline (phényléthanolamine N-méthyltransfé-
rase, PNMT) ou inhibition des enzymes responsables
de sa dégradation (par ex. catéchol-O-méthyltrans-
férase, COMT) et par des actions directes sur les récep-
teurs adrénergiques (par ex. augmentation de la capa-
cité de liaison ou de l’anité) ou l’inuence de
mécanismes post-récepteurs [14]. La suppression de ces
eets permissifs entraîne une résistance aux catécho-
lamines et ainsi une hypotension. Cette dernière est
renforcée par une déplétion hydrosodée (en raison
d’un décit en minéralocorticoïdes, de vomissements
ou de diarrhées).
L’eet suppressif des glucocorticoïdes empêche une ré-
ponse immunitaire excessive, par ex. par inhibition de
la sécrétion et de l’action de cytokines inammatoires
(TNF-α, IL-1 et IL-6) et antagonisme de la résistance aux
glucocorticoïdes médiée par les cytokines au niveau
du récepteur [15]. Outre la première manifestation
d’une insusance surrénalienne, les infections (avant
tout gastro-intestinales), les opérations, le stress émo-
tionnel ou la non-prise/non-augmentation du traite-
ment par glucocorticoïdes constituent les déclencheurs
d’une crise addisonienne les plus fréquents [16,17].
Causes (tab. 1)
Insusance surrénalienne primaire
A l’heure actuelle, la
surrénalite auto-immune
constitue
la cause la plus fréquente de l’
insusance surrénalienne
primaire
en Europe [18]. Avec une incidence de 4,4–6/
1 million d’habitants/an, il s’agit d’une maladie rare,
qui est toutefois diagnostiquée de plus en plus fré-
quemment [19]. La surrénalite auto-immune constitue
une maladie auto-immune «classique». Des méca-
nismes immunitaires cellulaires provoquent une des-
truction de l’ensemble de la glande surrénale. La mala-
La crise addisonienne illustre remarquablement
l’absence d’actions majeures des glucocorticoïdes
en cas de réaction au stress.
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(46):993–1003