Chapitre 1
Groupes. Groupes et alg`ebres de Lie
1. en´eralit´es sur les groupes
1.1. D´efinitions de base et premiers exemples
On consid`ere un groupe G,avecuneop´erationnot´eeselonlescas.,×ou +, un ´el´ement
neutre e(ou 1 ou Iou 0), et un inverse g1(ou a). Si l’op´eration est commutative, le
groupe est dit ab´elien.Silegroupeestni,cest-`a-direaunnombred´el´ementsfini, on
appelle ce nombre l’ordre du groupe. On s’int´eressera dans ce cours surtout `a des groupes
infinis, discrets ou continus.
Exemples (que le physicien peut rencontrer...)
–Groupesnis
*legroupecycliqueZpd’ordre p,consid´er´eg´eom´etriquementcommelegroupe
d’invariance de rotation d’un cercle avec ppoints marqu´es ´equidistants, ou comme
le groupe multiplicatif des racines p-i`emes de l’unit´e, {e2iπq/p},q=0,1,···,p1,
ou comme le groupe additif des entiers modulo p;
*lesgroupesdinvariancederotationetlesgroupesdinvariance de rotations et
eexions des solides r´eguliers ou des r´eseaux r´eguliers, d’une grande importance
en physique des solides et en cristallographie ;
*legroupedepermutationSnde nobjets, appel´e aussi groupe sym´etrique, d’ordre
n!;
*lesgroupesdhomotopie,quenousallonsrencontrerbientˆo t , s o n t d ’ a u t r e s e x e m -
ples, etc, etc.
–Groupesinnisdiscrets.Lexempleleplussimpleestlegroupe additif Z.Citonsaussi
les groupes de translations des r´eseaux r´eguliers.
Ou encore les groupes engendr´es par les r´eflexions dans un nombre fini d’hyperplans de Rn,quisont
finis ou infinis, selon l’arrangement de ces hyperplans, cf. les groupes de Weyl au Chapitre 4.
Un autre exemple important est le groupe modulaire PSL(2,Z)des matrices A=!ab
cd
"`a c o e -
cients entiers, de d´eterminant unit´e adbc = 1, o`u on identifie les matrices Aet A.´
Etant donn´e un r´eseau
`a 2 d i m e n s i o n s e n g e n d r ´e d a n s l e p l a n c o m p l e x e p a r d e u x n o m b res complexes de rapport non r´eel ω1et
ω2, ce groupe d´ecrit les changements de base (ω1,ω
2)T(ω"
1,ω
"
2)T=A(ω1,ω
2)Tlaissant invariant l’aire
de la cellule ´el´ementaire (#mω
2ω
1=#mω
"
2ω"
1)etleureetsurτ=ω2/ω1:τ(aτ+b)/(cτ+d).
Ce groupe joue un rˆole important en math´ematiques dans l’´etude des fonctions elliptiques, des formes
modulaires, etc, et en physique dans l’´etude des th´eories conformes et des th´eories de cordes...
94 M2/CFP/Parcours de Physique Th´eorique.
–Groupescontinus.Nousnaurons`afairequ`adesgroupesde matrices de dimension
finie, c’est-`a-dire des sous-groupes des groupes lin´eaires GL(n, R)ouGL(n, C), pour
un certain n.Enparticulier
*U(n), groupe des matrices unitaires complexes, UU=I,quiestlegroupe
d’invariance de la forme sesquilin´eaire (x, y)=#xiyi;
*SU(n)sonsous-groupeunimodulaire,desmatricesunitairesded´e t e r m i n a n t
det U=1;
*O(n)etSO(n)sontlesgroupesorthogonauxlaissantinvariantelaformebilin´eaire
#n
i=1 xiyi.LesmatricesdeSO(n)sontenoutreded´eterminant1;
*U(p, q), SU(p, q), resp. O(p, q), SO(p, q), les groupes d’invariance d’une forme
sesquilin´eaire, resp. bilin´eaire, de signature ((+)p,()q).
On consid`ere le plus souvent les groupes O(n,R), SO(n,R) de matrices `a coecients eels mais les
groupes O(n,C), SO(n,C) d’invariance de la mˆeme forme bilin´eaire sur les complexes peuvent aussi jouer
un rˆole.
*Sp(2n, R): SoitZla matrice 2n×2nfaite d’une diagonale de nblocs iσ2:
Z=diag$01
10
%,et consid´erons la forme bilin´eaire antisym´etrique
(X, Y )=XTZY =
n
&
i=1
(x2i1y2iy2i1x2i).(1.1)
Le groupe symplectique Sp(2n, R)estlegroupedematricesBeelles 2n×2n
pr´eservant cette forme BTZB =Z.La forme ci-dessus apparaˆıt naturellement
en m´ecanique hamiltonienne dans la 2-forme symplectique ω=#n
i=1 dpidqi=
1
2Zij dξidξjavec les coordonees ξ=(p1,q
1,p
2,···,q
n);ωest invariante par
action de Sp(2n, R)surξ.Pourn=1,v´erierqueSp(2,R)=SL(2,R).
On peut aussi consid´erer le groupe symplectique complexe Sp(2n,C). Un groupe rele, souvent not´e
Sp(n) mais que je noterai USp(n)pour´eviterlaconfusionaveclespr´ec´edents,estlegroupe symplectique
unitaire, groupe d’invariance d’une forme hermitienne quaternionique, USp(n)=U(2n)Sp(2n,C). Voir
Appendice A.
*legroupeded´eplacementdansR3,etlesgroupesobtenusenluiajoutantles
dilatations, puis les inversions par rapport `a un point ;
*legroupedetransformations conformes,cest-`a-direpr´eservantlesanglesdans
Rn,voirleProbl`eme`alafindecechapitre;
*legroupedeGalil´eedestransformationsx"=Rx+vt+x0,t"=t+t0,
*O(3,1),legroupedeLorentz,etlegroupedePoincar´e,
etc etc.
10 Septembre 2012 J.-B. Z.
Chapitre 1. Groupes. Groupes et alg`ebres de Lie 95
1.2. Classes d’un groupe
On d´efinit sur un groupe Gla relation d’´equivalence suivante:
absi gG:a=g.b.g1(1.2)
et on dit aussi que les ´el´ements aet bsont conjugu´es.
Les classes d’´equivalence qui en d´ecoulent r´ealisent unepartitiondeG,puisquetout
´e l ´e m e n t a p p a r t i e n t `a u n e c l a s s e e t u n e s e u l e . N o t e r q u e l ’ ´e l ´e m e n t n e u t r e c o n s t i t u e `a l u i s e u l
une classe. Pour un groupe fini, les di´erentes classes ont eng´en´eraldesordresdi´erents.
Par exemple, la classe de lidentie ene contient que le seul ´el´ement e.
On a d´ej`a not´e que dans le groupe SO(3), une classe de conjugaison est caract´eris´ee
par l’angle de rotation ψ(autour d’un vecteur unitaire n). Mais cette notion est aussi
famili`ere dans le cas du groupe U(n), o`u une classe est caract´eris´ee par un n-tuple non
ordonn´e de valeurs propres (eiα1,...,e
iαn). La notion de classe joue un rˆole important
dans la discussion des repr´esentations des groupes et sera abondamment illustr´ee par la
suite.
Pour le groupe sym´etrique Sn,quesontcesclassesdeconjugaison? Onpeutais´ementd´ecomposer
toute permutation σde Snen un produit de cycles (permutations cycliques) portant sur deel´ements
disjoints. (Pour s’en convaincre, on construit le cycle (1,σ(1),σ
2(1),···), puis une fois revenu en 1, on
construit un autre cycle `a partir d’un nombre pas encore atteint, etc.). Au final, si σest fait de p1cycles
de longueur 1, de p2de longueur 2, etc, avec #ipi=n, on ´ecrit σ[1p12p2···], et on d´emontre que
cette d´ecomposition en cycles caract´erise les classes de conjugaison : deux permutations sont conjugu´ees
sissi elles ont la mˆeme d´ecomposition en cycles.
1.3. Sous-groupes
La notion de sous-groupe, sous-ensemble d’un groupe lui-mˆeme dot´e de la structure de
groupe, est famili`ere. Le sous-groupe est propre s’il n’est pas identique `a G.SiHest
un sous–groupe, pour tout aG,lensemblea1.H.a des ´el´ements de la forme a1.h.a,
hHforme aussi un sous–groupe, dit sous–groupe conjugu´e de H.
Des exemples de sous-groupes particuliers sont donn´es par :
*lecentreZ:
Soit Gun groupe. On appelle centre de Gl’ensemble Zdes ´el´ements qui commutent avec
tous les ´el´ements de G:
Z={a|gG, a.g =g.a}(1.3)
Zest un sous-groupe de G,propresiGest non-ab´elien. Exemples : le centre du groupe
GL(2,R)desmatricesr´eguli`eres2×2estlensembledesmatricesmultiplesdeI;lecentre
de SU(2) est le groupe Z2des matrices ±I(le v´erifier par le calcul direct).
J.-B. Z. 10 Septembre 2012
96 M2/CFP/Parcours de Physique Th´eorique.
* le centralisateur d’un ´eement a:
Le centralisateur (ou commutant )duel´ementafix´e de Gest l’ensemble des ´el´ements de Gqui commutent
avec a.
Za={gG|a.g =g.a}(1.4)
Le commutant Zan’est jamais vide : il contient au moins le sous-groupe engende par a. Le centre Zest
l’intersection de tous les commutants. Exemple: dans le groupe GL(2,R), le commutant de la matrice de
Pauli σ1=!01
10
"est le groupe ab´elien des matrices de la forme a1+bσ1,a2b2&=0.
* Plus en´eralement, ´etant donn´ee une partie Sd’un groupe G,ond´enitsoncentralisateur Z(S)
et son normalisateur N(S) comme les sous-groupes commutant respectivement individuellement avec tout
´e l ´e m e n t d e Sou globalement avec Stout entier
Z(S)={y:sSy.s=s.y}
N(S)={x:x1.S.x =S}.
1.4. Homomorphisme d’un groupe Gdans un groupe G"
Un homomorphisme d’un groupe Gdans un groupe G"est une application ρde Gdans G"
qui respecte la loi de composition:
g, h G, ρ(g.h)=ρ(g).ρ(h)(1.6)
En particulier, `a l’´el´ement neutre de Gcorrespond par ρcelui de G",`alinversedeg
correspond celui de g"=ρ(g): ρ(g1)=(ρ(g))1.
Un exemple d’homomorphisme que nous allons particuli`erement ´etudier est celui d’une
repr´esentation lin´eaire de groupe, dont la d´efinition a ´et´e donn´ee au chapitre 00 et sur
laquelle on va revenir au chap. 2.
Le noyau de l’homomorphisme not´e ker ρ(“Kern” en allemand, “kernel” en anglais)
est l’ensemble des ant´ec´edents de l’´el´ement neutre e"de G":kerρ={xG:ρ(x)=e"}.
C’est un sous-groupe de G.
Par exemple, la parit´e (ou signature) dune permutation de Snenit un homomor-
phisme de Sndans Z2.Sonnoyauestconstitu´edespermutationspaires:cestlegroupe
altern´e And’ordre n!/2.
1.5. Classes par rapport `a un sous-groupe
Soit Hun sous-groupe d’un groupe G.Ond´enitlarelationentre´el´ementsdeG:
gg"⇐⇒ g.g"1H, (1.7)
10 Septembre 2012 J.-B. Z.
Chapitre 1. Groupes. Groupes et alg`ebres de Lie 97
ce qu’on peut encore ´ecrire comme
gg"⇐⇒ hH:g=h.g"ou encore gH.g".(1.8)
C’est une relation d’´equivalence (le erifier), dite ´e q u i v a l e n c e `a d r o i t e .Onpeutd´enirde
la mˆeme fa¸con une ´e q u i v a l e n c e `a g a u c h e par
ggg"⇐⇒ g1.g"Hgg".H. (1.9)
La relation (disons `a droite) d´efinit des classes d’´equivalence qui donnent une partition
de G;sigjest un repr´esentant de la classe j,onpeutnotercettederni`ereH.gj.(Les
anglophones utilisent le terme “right-coset” pour cette classe). Les ´el´ements de Hforment
`a e u x - s e u l s u n e c l a s s e . O n n o t e G/H l’ensemble quotient, c’est-`a-dire l’ensemble des classes
d’´equivalence. Si Hest d’ordre fini |H|,touteslesclassesont|H|´e l ´e m e n t s , e t s i Gest lui-
eme dordre fini |G|,ilestpartitionn´een|G|/|H|classes, et on obtient comme corollaire
le th´eor`eme de Lagrange : l’ordre |H|de tout sous-groupe Hdivise celui de G,etlerapport
|G|/|H|est l’ordre de l’ensemble quotient G/H.
L’´equivalence `a gauche donne en g´en´eral une partition di´erente. Par exemple, le
groupe S3poss`ede un sousgroupe Z2engendr´e par la permutation des deux ´el´ements 1 et
2. Exercice : erifier que les classes `a gauche et `a droite neco¨ıncidentpas.
1.6. Sous-groupe invariant.
Soit Gun groupe, Hun sous-groupe de G.Hest un sous-groupe invariant (on dit aussi
normal)silunedespropri´et´es´equivalentessuivantesestvraie
-gG,hH,ghg1H.
-lesclasses`agaucheet`adroiteco¨ıncident;
-Hest ´egal `a tous ses conjugu´es, gG, gHg1=H.
Exercice : erifier l’´equivalence entre ces trois assertions.
La propri´et´e importante `a retenir est la suivante :
Si Hest un sous-groupe invariant de G,onpeutmunirlensemblequotientG/H de la
structure de groupe.
Noter qu’en g´en´eral on ne peut pas consid´erer le groupe quotient G/H comme un
sous-groupe de G.
Esquissons la d´emonstration. Si g1g"
1et g2g"
2,h1,h
2H:g1=h1.g"
1,g
2=g"
2.h2,donc
g1.g2=h1.(g"
1.g"
2).h2c’est-`a-dire g1.g2g"
1.g"
2et g1
1=g"1
1.h1
1g"1
1. La relation d’´equivalence est
compatible avec les op´erations de produit et de passage `a l’inverse. Si [g1]et[g2]sontdeuxclasses,on
J.-B. Z. 10 Septembre 2012
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