souhaitable en cas d’évolution défavorable après les pre-
mières 48 heures de traitement.
Diagnostic d’ostéomyélite : le rôle-clé du radio-
logue et de l’orthopédiste
Le diagnostic d’ostéomyélite aiguë ou chronique est un
des défis de la prise en charge.14 L’exposition osseuse di-
recte (
likelihood ratio
(LR) 9,2) et un test du contact osseux
positif (LR 6,4) suggèrent une ostéomyélite14 sans en affir-
mer le diagnostic. Ce test, réalisable au cabinet, consiste à
explorer le fond de l’ulcère avec une aiguille boutonnée.
Le contact avec une structure solide et granuleuse, sans in-
terposition de tissu mou au fond de la plaie, est un test po-
sitif. Un ulcère L 2 cm2 augmente la probabilité14 d’une os-
téomyélite sous-jacente tandis qu’une inflammation péri-
lésionnelle ou au bilan sanguin ne la modifie pas.14 Comme
pour toute ostéomyélite infectieuse, le
gold standard
reste
la biopsie osseuse avec confirmations histologique et mi-
crobiologique dans plusieurs prélèvements.3,4,14 En cas de
doute, un avis infectiologique s’impose. La biopsie de l’or-
teil est souvent difficile à réaliser au vu de l’insuffisance
artérielle concomitante mettant en péril la cicatrisation du
site de biopsie ; et portant même le risque d’aggraver l’isché-
mie locale. Pratiquement, cet examen est peu réalisé, l’in-
dication à une antibiothérapie ou à une prise en charge
chirurgicale reposant sur d’autres critères. L’alternative reste
le diagnostic radiologique. La radiographie conventionnelle
suffit 3,4 pour le diagnostic d’ostéomyélite chronique, mon-
trant des lyses osseuses distales des orteils. L’IRM 3,14 est
l’examen le plus sensible, mais pêche par son manque de
spécificité. Par exemple, une inflammation osseuse lors d’une
infection des tissus mous adjacents est probablement la
traduction d’une ostéite d’accompagnement, mais ne de-
vrait pas être prise en considération seule pour définir les
modalités du traitement. Notamment, il n’est pas clair si
une ostéite d’accompagnement nécessite des durées de
traitement antibiotique prolongées comme c’est le cas dans
l’ostéomyélite sans altération osseuse ou non liée au pied
diabétique. Les scintigraphies au Technetium et aux leuco-
cytes manquent de spécificité, en particulier en cas de pied
de Charcot, ou en postopératoire,14 et ne sont plus utili-
sées dans la pratique quotidienne.
traitement : une approche step-by-step
Rétablir les conditions locales
Une prise en charge multidisciplinaire 8,9 a montré une
amélioration de la survie et une réduction du taux d’ulcé-
ration, d’amputation et des coûts à long terme.8 En effet, un
modèle néerlandais a montré qu’une prise en charge mul-
tidisciplinaire adoptée pour tout patient diabétique a un
rapport coût-efficacité favorable, avec une réduction des
taux d’ulcération et d’amputation de 50-60%.8 Le traitement
du pied diabétique septique est limité par l’atteinte vas-
culaire.4 La première étape consiste à rétablir les condi-
tions locales d’une cicatrisation, en assurant l’apport de
nutriments, d’oxygène et d’antibiotiques au site de l’infec-
tion. C’est le travail du chirurgien vasculaire ou du radiolo-
gue interventionnel. Les déficits nutritionnels ralentissent
la guérison des ulcères de pression,15 imposant parfois la
consultation du nutritionniste. Le diabétologue, en optima-
lisant le contrôle glycémique, améliore le fonctionnement
des neutrophiles.7,8 Le prothésiste est consulté pour con-
fectionner une attelle ou un chaussage adapté évitant toute
zone d’hyperappui pathologique. Les soins locaux du pédi-
cure-podologue visent à diminuer l’hyperkératose.
Choix de l’antibiothérapie
L’indication à une antibiothérapie ne dépend pas de la
présence de bactéries, mais repose sur la présence de pus
ou d’au moins deux des manifestations suivantes : rougeur,
chaleur, tuméfaction ou induration, douleur.3 Il n’y a pas d’in-
dication à traiter un ulcère non infecté.3 Le choix de l’anti-
biothérapie empirique est laissé au premier cercle, en res-
pectant les règles suivantes :
1. Il n’y a pas d’évidence en faveur d’une administration
topique, seule ou en combinaison. Les experts proposent
indifféremment une administration orale ou intraveineuse.3,4
2. Le traitement est ciblé sur l’antibiogramme (si disponi-
ble), avec le spectre le plus restreint possible.3,4 La ques-
tion de la couverture de tous les germes mis en évidence
en microbiologie versus une antibiothérapie ciblée est dé-
battue.4 Les infections sévères peuvent être polymicrobien-
nes, associant des germes Gram-positifs, des pathogènes
Gram-négatifs et des anaérobes dans les cas graves ou
ayant bénéficié d’un traitement antibiotique préalable.3,4
Lors d’une situation d’antibiothérapie préalable, il est dif-
ficile de distinguer un vrai pathogène d’un colonisateur
sélectionné par l’antibiotique précédent. A noter que la
«fenêtre antibiotique» idéale avant tout prélèvement mi-
crobiologique est considérée d’au moins deux semaines.
L’antibiothérapie empirique se choisit en fonction de la sé-
vérité de l’infection. Une approche graduelle est préconi-
sée pour les infections non sévères, avec couverture des
Gram-positifs 3,4 virulents tels le staphylocoque doré ou le
streptocoque,4 par exemple par de la clindamycine ou de
l’amoxicilline/acide clavulanique. En cas d’évolution défavo-
rable à 48 heures, nécessitant un élargissement du spectre
(couverture des Gram-négatifs et anaérobes stricts), le pa-
tient est référé à un infectiologue.
3. Les infections sévères à type de dermo-hypodermite
foudroyante, fascéite, gangrène étendue, ou infection à ré-
percussion systémique (fièvre, frissons) sont à référer pré-
cocement, ainsi que les ostéomyélites, tant en ce qui con-
cerne le choix des molécules que l’évaluation de la durée
du traitement.
Chirurgie orthopédique
La revascularisation et le traitement antibiotique sont
insuffisants s’ils ne sont pas couplés à des soins locaux
comprenant le nettoyage de la plaie, le débridement des
callosités et des tissus nécrotiques, et une décharge.3 Ces
soins sont à réaliser par une équipe spécialisée. Un avis
chirurgical est requis en présence d’un abcès, d’une infec-
tion avec atteinte osseuse ou arthrite septique associée,
d’une nécrose étendue ou d’une gangrène.3 En revanche,
la nécrose sèche de petite taille et l’ostéomyélite chroni que
asymptomatique sont des indications chirurgicales faculta-
tives. La nécrose sèche est prise en charge par des infirmiers
spécialistes des plaies. Les indications franches à l’ampu-
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