REVUE MÉDICALE SUISSE
WWW.REVMED.CH
13 avril 2016
736
dard empirique16 (tableau 2). En cas de portage de SARM hos-
pitalier (au contraire du SARM communautaire), les taux de
guérison sont similaires en cas d’antibiothérapie empirique
couvrant le SARM ou non.16
On peut s’interroger sur la pénétration des antibiotiques oraux
notamment jusqu’au tissu osseux en cas d’artériopathie sous-
jacente. Pour certains antibiotiques (clindamycine, fluoroqui-
nolones, linézolide, rifampicine, tétracyclines et co-trimoxa-
zole), des études rapportent une biodisponibilité orale accep-
table, associée à une pénétration suffisante dans la synovie et
dans l’os, étonnamment même en présence d’une macroangio-
pathie ischémique.17 Concernant les bêtalactames en adminis-
tration orale, les concentrations tissulaires peuvent parfois
être basses.
Une revue systématique de la littérature réalisée par l’IWGDF
(douze études randomisées contrôlées, retenues pour l’ana-
lyse) conclut qu’aucun antibiotique n’est supérieur aux autres
pour les infections du pied diabétique.14,17,18 Finalement, au-
cune étude n’a clairement montré la supériorité des agents
bactéricides par rapport aux bactériostatiques, ni la supériorité
d’une voie d’administration ou d’une durée d’antibiothérapie.17,18
Cas particulier de l’ostéomyélite
La durée optimale du traitement de l’ostéomyélite du pied
diabétique non amputé n’est pas connue avec certitude. Un
traitement de 4-6 semaines, associé à une intervention chirur-
gicale (débridement et résection des tissus mous et osseux in-
fectés ou nécrotiques), est recommandé.3 Pourtant, certaines
études rapportent des taux de guérison atteignant parfois 60-
70 % en l’absence de traitement chirurgical. En fonction de la
situation clinique, si une chirurgie n’est pas envisageable ou
n’est pas souhaitée par le patient, en l’absence d’ischémie cri-
tique ou d’altérations anatomiques favorisant l’hyper-appui,
un traitement antibiotique seul peut être raisonnablement
effectué dans un premier temps ; ceci tout en informant le pa-
tient qu’il n’y a pas de garantie claire de guérison (ce qui est
cependant aussi valable pour l’approche chirurgicale, notam-
ment en cas d’ischémie compromettante associée).
CONCLUSION
Les infections du pied diabétique sont un problème fréquent,
associé à une importante morbidité et dont la prise en charge
est multidisciplinaire.2 La recherche clinique et dans le domaine
de la microbiologie a permis d’améliorer notre compréhension
de la pathophysiologie des infections du pied diabétique et
autorisera à l’avenir des traitements davantage ciblés. Pour
l’antibiothérapie empirique, le choix doit être basé sur l’his-
toire du patient, la sévérité de la situation clinique et l’épidé-
miologie microbienne locale ; pour les infections légères à
modérées, l’antibiothérapie empirique doit assurer la couver-
ture pour S. aureus, les streptocoques et entérobactéries, et
doit être étendue pour les infections sévères à la couverture
des Gram négatif. Pour l’antibiothérapie ciblée, l’antibiotique
est choisi en fonction des résultats des cultures, en tenant
compte de la qualité des prélèvements. La littérature à dispo-
sition ne permet pas de faire ressortir une classe d’antibio-
tique, une voie d’administration ou une durée de traitement
idéale ; les recommandations des sociétés comme l’IDSA font
donc encore référence. La prise en charge de l’ostéomyélite
destructive ou ischémique du pied diabétique associe inter-
vention chirurgicale et antibiothérapie, bien qu’aucune étude
n’ait permis de conclure que cette prise en charge était dans
tous les cas supérieure à une antibiothérapie seule. Finalement,
rappelons que toute infection du pied diabétique risque de
progresser et / ou récidiver si certaines conditions (l’hyper-ap-
pui, le mauvais équilibre glycémique, le tabagisme, l’hyperten-
sion, le respect des techniques de décharge, le chaussage adé-
quat, le bon soin des plaies et le suivi podologique) ne sont pas
respectées ou corrigées, et ceci tout au long de la vie du patient.
Remerciements : Les auteurs remercient M. Christophe Paoli (podologie), M. Alain
Lacraz (physiothérapie prothétique) et Mme Michelle Le Braz (Itinéraires cliniques)
ainsi que les équipes des Services de diabétologie, d’orthopédie et du Laboratoire
de bactériologie des HUG.
Conflit d’intérêts : Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
avec cet article.
Les infections du pied diabétique sont un problème fréquent,
associé à une importante morbidité et dont la prise en charge est
multidisciplinaire
Il faut distinguer l’antibiothérapie empirique, qui doit assurer la
couverture des pathogènes les plus fréquents en fonction de
l’épidémiologie microbiologique locale, de la sévérité de la situation
clinique et des antécédents de traitements antibiotiques, et
l’antibiothérapie ciblée, qui doit être adaptée aux résultats des
cultures de prélèvements tissulaires
Les pathogènes les plus fréquemment responsables des infections
du pied diabétique non sévères sont Staphylococcus aureus, les
streptocoques et les entérobactéries
Chez les patients avec une infection sévère, l’antibiothérapie
doit être élargie pour assurer la couverture des bactéries Gram
négatif
La littérature à disposition ne permet pas de faire ressortir une
classe d’antibiotique, une voie d’administration ou une durée de
traitement idéale ; les recommandations des sociétés comme
l’IDSA (Infectious Diseases Society of America) font donc pour le
moment référence
implicaTions praTiques
1 AlMayahi M Cian A Kressmann B et
al Associations of diabetes mellitus with
orthopaedic infections Infect Dis Lond
2 Darbellay P Uçkay I Dominguez D et
al Traitement du pied diabétique infecté
une approche multidisciplinaire par ex
cellence Rev Med Suisse
3 Lipsky BA Berendt AR Cornia PB
et al Infectious Diseases Society of
America clinical practice guideline for the
diagnosis and treatment of diabetic foot
infections Clin Infect Dis
4 Newman LG Waller J Palestro CJ et
al Unsuspected osteomyelitis in diabetic
foot ulcers Diagnosis and monitoring by
leukocyte scanning with indium in
oxyquinoline JAMA
5 Lipsky BA Peters EJ Senneville E et
al Expert opinion on the management of
infections in the diabetic foot Diabetes
Metab Res Rev
6 Senneville E Morant H Descamps D
et al Needle puncture and transcutaneous
bone biopsy cultures are inconsistent in
patients with diabetes and suspected
osteomyelitis of the foot Clin Infect Dis
7 Dinh MT Abad CL Safdar N Diagnostic
accuracy of the physical examination and
imaging tests for osteomyelitis underlying
diabetic foot ulcers Metaanalysis Clin
12_17_39111.indd 736 07.04.16 13:45