Partie II
Physique mol´eculaire
Chapitre 5
L’approximation de Born et
Oppenheimer
Il s’agit de pr´esenter l’approximation fondamentale sur laquelle repose la physique mol´eculaire et la physique de
la mati`ere condens´ee.
5.1 Ordres de grandeur
Une mol´ecule (ou un solide) est un assemblage complexe d’´electrons (particules peu massives, donc l´eg`eres) et de
noyaux (particules lourdes)eninteraction mutuelle, ´edifice compliqu´edontonnesait´evidemment pas trouver
les ´etats propres exacts. Le bien-fond´edel’approximation fondamentale d´ecrite ci-dessous repose sur la grande
diff´erence d’inertie entre ´electrons et noyaux1et conduit `al’approximation dite de Born et Oppenheimer.
Le point central est en effet l’´enorme diff´erence des masses entre la masse ´electronique met une masse
nuceaire typique, M:m
M1.(5.1)
D’un autre ot´e, toutes ces particules sont en interaction mutuelle par des forces qui sont toutes du eme
ordre de grandeur e2
a2
0.Desforces comparables mais des inerties tr`es diff´erentes donnent classiquement des
mouvements caract´eries par des ´echelles de temps dont les unes sont courtes et les autres longues : les particules
massives se d´eplacent lentement, les particules l´eg`eres vont vite. Intuitivement (et de fa¸con imag´ee), on peut
donc affirmer que les ´electrons ont un mouvement rapide autour des centres attracteurs que constituent les
noyaux, lesquels se d´eplacent lentement.
Corr´elativement, l’´etude des ordres de grandeur de l’´energie d’une mol´ecule permet de d´egager simplement
trois ´echelles typiques qui, par le jeu de E=,redonnent tout naturellement plusieurs ´echelles de temps ν1
tr`es diff´erentes. Une moecule poss`ede deux sortes de deges de libert´e:lescoordonn´ees ´electroniques {qi}et les
coordonn´ees des noyaux {Qj}.Touslesmouvements sont confin´es et se produisent `al’int´erieur d’un domaine
de dimension atomique, de l’ordre de 2a01˚
A. Avec la seulemasse de l’´electron, l’´energie la plus simple
que l’on peut former est 2
m(2a0)2et c’est forc´ement l’ordre de grandeur de l’´energie associ´ee au mouvement des
´electrons, Eel :
Eel 2
4ma2
0
=1
2En=1 7eV (5.2)
1Il est souvent physiquement plus utile de faire une distinction entre certains ´electrons et ce que l’on appelle les cœurs ; ces
derniers sont une sorte de souvenir tenace des constituants s´epar´es (atomes, ions, . . . ) et sont eux-mˆeme un assemblage robuste
d’´electrons et de noyaux, peu sensibles en 1`ere approximation aux processus physico-chimiques ordinaires.
2CHAPITRE 5. L’APPROXIMATION DE BORN ETOPPENHEIMER
En ce qui concerne les noyaux, deux types de mouvement sont possibles : les mouvements de vibration
et les mouvement de rotation en bloc2.
Pour estimer l’´energie lee `alavibration, consid´erons une mol´ecule diatomique stable AB, dont les noyaux
sont s´epaes par la distance R.Physiquement, il doit ˆetre possible ded´efinir une certaine fonction E(R)
repr´esentant la variation d’´energie lorsque,touteschoses´egales parailleurs, on fait varier la longueur de la
liaison AB. Elle a forc´ement l’allure donn´ee sur la figure 5.1 : fortement r´epulsive `acourtedistance (chacun
des partenaires A et B esiste `al’invasion par l’autre de son domaine r´eserv´e), pr´esentant un minimum en une
certaine valeur R0et tendant vers une constante quand Rtend vers l’infini – d’o`ul’identification d’une ´energie
de dissociation, Ediss.Exp´erimentalement, cette ´energie est typiquement de l’ordre de l’eV, soit Ediss Eel.
R
E(R)
R0
Ediss
Figure 5.1: Variation typique de la fonction E(R).
S’agissant toujours de egager des ordres de grandeur, on fait l’hypoth`ese de petites amplitudes autour
de R0,cequipermetde confondre le creux de potentiel avec sa parabole osculatrice, en ´ecrivant :
E(R)E(R0)+ 1
2k(RR0)2Eharm(R),k=d2E
dR2R=R0
,|RR0|
R01.(5.3)
Quand R=2R0,ona´etielaliaison de deux fois sa longueur et on peut raisonnablement admettre que
l’augmentation d’´energie est du mˆeme ordre que l’´energie de dissociation :
E(2R0)E(R0)+Ediss ⇐⇒ 1
2kR2
02
4ma2
0
,(5.4)
et comme R02a0,laconstante de raideur est `apeupr`es3:
k2
8ma4
0
.(5.5)
Parailleurs, kest de la forme 2
vibr o`uMest une masse nucl´eaire (par exemple, la masse r´eduite de deux
noyaux), d’o`u:
ωvibr
(2a0)2mM .(5.6)
Finalement, l’´energie de vibration, Evibr =ωvibr est environ :
Evibr 2
(2a0)2mM .(5.7)
Par comparaison avec (5.2), on voit que :
Evibr
Eel 2
(2a0)2mM
(2a0)2
2=m
M1; (5.8)
2On suppose ´evacu´edembl´ee le mouvement de translation d’ensemble de la mol´ecule (translation uniforme par rapport `aun
rep`ere galil´een), sans int´erˆet.
3Plus directement, on peut aussi ´ecrire que k=E (R0)´energie ´electronique/carr´edune longueur 2
m(2a0)2(2a0)2=
2
m(2a0)4.
L6 –Applications de la M. Q. 5 Avril 2006 Cl. A. – FIP 1 - 2005/2006
5.2. APPROXIMATION DEBORNETOPPENHEIMER 3
il convient de noter au passage que si le rapport m
Mest en effet tr`es petit, c’est sa racine carr´ee qui intervient ;
elle peut ne pas ˆetre si petite que cela.
Enfin, trouvons l’ordre de grandeur de l’´energie de rotation, Erot.Elle est dugenre J2
2I,o`uJest un
moment cin´etique et o`uIest un moment d’inertie typique, soit IM(2a0)2.est l’ordre de grandeur
fondamental pour un moment cin´etique en ecanique Quantique, donc J,desorte que :
Erot 2
M(2a0)2.(5.9)
Par comparaison avec (5.7), il vient :
Erot
Evibr 2
M(2a0)2
(2a0)2
2mM =m
M1.(5.10)
Ainsi, `achaquefois, c’est le petit param`etre ε=m
M1quiressort et :
Erot εEvibr ε2Eel =Erot Evibr Eel .(5.11)
En associant sa pulsation `achaquenergie, on voit que la rotation est lente compar´ee `alavibration,laquelle est
´egalement lente par rapport `alarotationdeelectrons. En terme de transitions spectrales, si on accepte que
les transitions ´electroniques sont dans l’UV (λ1000 ˚
A) et en prenant m/M 104,onvoitquela longueur
d’onde d’une transition vibrationnelle est λvibr 107/102=10
9m, soit 10 µ,donnant un spectre dans
l’infrarouge. De la mˆeme fcon, une longueur d’onde rotationnelle sera λrot 10 µ/102=1000 µ=1mm.
En termes de fequences (ω=c/λ):
1000 ˚
A−→ ωel =3×108
107=3×1015 rd/s ⇐⇒ νel 5×1014 Hz ,(5.12)
et :
ωvibr =3×1013 rd/s ⇐⇒ νel 5×1012 Hz ,(5.13)
ωrot =3×1011 rd/s ⇐⇒ νel 5×1010 Hz = 50 Ghz .(5.14)
5.2 Approximation de Born et Oppenheimer
Compte tenu de l’analyse pr´ec´edente des ordres degrandeurs, la di´erence de rapidiedesmouvements des
´electrons et des noyaux sugg`ere de traiter dans une premi`ere ´etape le seul mouvement des ´electrons, les noyaux
´etant priscarr´ement immobiles, quitte `aintroduire ult´erieurement le mouvement lent de ces derniers.
Dans l’approximation ´electrostatique, le Hamiltonien d’une mol´ecule s’´ecrit :
H=
j
P2
j
2Mj
+
i
p 2
i
2m+V({qi},{Qj})TN+H0(pi,q
i;Qj).(5.15)
Vcontient toutes les interactions de Coulomb (´electrons - ´electrons, ´electrons - noyaux, noyaux - noyaux). La
premi`ere ´etape consiste `aradicaliser la situation en posant Mj=+dans (5.15), ce qui revient `adireque les
noyaux sont fixes. Notons que H0ne contient pas d’op´erateurs diff´erentiels par rapport aux Qj,desorte que :
[H0,Q
j]=0 j. (5.16)
Cl.A.–FIP1-2005/2006 5 Avril 2006 L6 – Applications de la M. Q.
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