cours 5, le lundi 7 février 2011 Suites décroissantes d`ensembles

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cours 5, le lundi 7 février 2011
Suites décroissantes d’ensembles
Pour T
une suite décroissante d’ensembles (An ) ⊂ F , il est naturel de dire que l’intersection
A = n An est la hh limite ii de la suite de ces ensembles — la fonction 1A est bien la
limite simple de la suite (1An ) des fonctions indicatrices des (An ) — mais le passage à
la limite de la mesure,
toujours vrai pour les suites croissantes (Bn ), dont la limite est
S
la réunion B = n Bn , ne marche pas toujours dans le cas décroissant : si An = [n, +∞[
et si la mesure utilisée est la mesure de Lebesgue sur R, la limite
A=
\
An =
n>0
\
[n, +∞[
n>0
est l’ensemble vide, de mesure nulle, alors que tous les ensembles An sont de mesure
infinie.
T
Si An décroı̂t vers A = n An et si on fixe un rang n0 , on peut considérer pour tout
entier n ≥ n0
Bn = An0 \ An ;
c’est une suite croissante (Bn ) d’ensembles qui tend vers B = An0 \ A, donc la mesure
de Bn croı̂t vers la mesure de B par la propriété de monotonie des mesures σ-additives.
De plus, An0 est la réunion disjointe de Bn et An , donc
µ(An0 ) = µ(An ) + µ(Bn ).
Quand la mesure de An0 est infinie, on ne peut pas calculer la mesure de An à partir de
cette équation, et on ne peut pas exploiter le fait que la mesure de Bn tend vers celle
de B. Mais si la mesure de An0 est finie (donc les deux autres aussi), on peut calculer
µ(An ) par différence, par conséquent
µ(An ) = µ(An0 ) − µ(Bn ) → µ(An0 ) − µ(B) = µ(A) ;
on obtient ainsi
µ(An0 ) < +∞ ⇒ µ(A) = lim µ(An ).
n
Remarque. On vient de voir que le seul cas qui ne marche pas pour les suites décroissantes
est celui où tous les ensembles An sont de mesure infinie ; dans l’exemple donné, la mesure
de la limite est 0, mais on pourrait facilement trouver des exemples avec n’importe
quelle valeur pour la mesure limite (ajouter à chaque An un même ensemble C fixé).
Cette hypothèse de domination par une valeur finie reviendra de façon essentielle dans
le théorème de convergence dominée.
1
Fonctions mesurables réelles
Si f est une fonction sur E à valeurs dans R et c un nombre réel, on notera
{f > c} = {x ∈ E : f (x) > c} ;
de façon analogue, on notera {f ≤ 1}, {0 ≤ f < 2}, etc. Si B est un sous-ensemble de R
on notera aussi
{f ∈ B} = {x ∈ E : f (x) ∈ B} = f −1 (B).
Définition. On dit que f est F -mesurable si l’ensemble {f > c} est dans la tribu F
pour tout c réel.
Dans ce cas, les ensembles {f ≥ c}, {f < c}, {f ≤ c}, {a ≤ f < b} sont tous dans
la tribu F : par exemple
\
{f ≥ c} =
{f > c − 2−n }
n>0
est aussi dans F ; on obtient {f < c} en passant au complémentaire, {a ≤ f < b} en
intersectant deux ensembles de l’une des formes précédentes. En fait, on verra plus loin
que {f ∈ B} est dans F pour tout borélien B de R, quand f est F -mesurable.
Exemples.
— Si f est F -mesurable, la fonction −f : x ∈ E → −f (x) est F -mesurable aussi.
En effet, l’ensemble {−f > c} = {f < −c} est dans F pour tout c.
— Si f est monotone sur [a, b], ou si f est continue sur [a, b], et si B désigne la tribu
borélienne de [a, b], alors f est B-mesurable.
Dans le cas monotone, l’ensemble {f > c} est un intervalle I contenu dans [a, b], et I est un
borélien ; dans le cas continu, l’ensemble {f > c} est un ouvert de [a, b], donc un borélien.
— On a vu que les fonctions F -étagées sont F -mesurables.
Remarque : les fonctions en escalier sur [a, b] (de la théorie de l’intégrale de Riemann)
sont un cas (très) particulier de fonctions B-étagées.
Opérations sur les fonctions mesurables
Si (fi )i∈I est une famille finie ou dénombrable de fonctions F -mesurables à valeurs
dans R, on voit que la fonction supi∈I fi est F -mesurable ; en effet, pour tout c réel
on a
[
{sup fi > c} =
{fi > c}
i
i∈I
qui est dans F comme union dénombrable d’ensembles de F . Si (fn ) est une suite
croissante de fonctions F -mesurables, sa limite (simple) est égale à supn fn , donc elle est
F -mesurable.
De même, inf dénombrable, limite décroissante, et
lim sup fn = lim sup fn ,
lim inf fn = lim inf fn ,
m n>m
m n>m
sont des opérations qui préservent les fonctions F -mesurables. Si une suite (fn ) de fonctions F -mesurables tend simplement vers une fonction f , cette fonction est F -mesurable.
2
II.2.2. Intégrale des fonctions mesurables positives
On suppose qu’on a donné un espace mesuré (E, F , µ), consistant en un ensemble E,
une tribu F de parties de E et une mesure µ sur F (toujours σ-additive, à valeurs dans
l’ensemble [0, +∞], sauf mention contraire).
Si ψ est une fonction F -étagée à valeurs dans [0, +∞], on remarque que d’après la
croissance de l’intégrale,
Z
nZ
o
ψ dµ = sup
ϕ dµ : 0 ≤ ϕ ≤ ψ, ϕ F -étagée .
E
E
Définition. Si f est une fonction F -mesurable
sur E, à valeurs dans [0, +∞], on définit
R
son intégrale sur E par rapport à µ, notée E f dµ, en posant
Z
nZ
o
f dµ = sup
ϕ dµ : 0 ≤ ϕ ≤ f, ϕ F -étagée .
E
E
La remarque qui précède la définition garantit que la nouvelle définition coı̈ncide
avec l’ancienne dans le cas où f est F -étagée positive.
Notons des conséquences immédiates de la définition : on peut toujours prendre
ϕ = 0 comme fonction étagée plus petite que f ≥ 0, donc l’intégrale de f est ≥ 0 ; le sup
peut être égal à +∞, par exemple si µ(E) > 0 et si f est égale à +∞ en tout point ; en
résumé
Z
f dµ ∈ [0, +∞].
E
La monotonie de l’intégrale est évidente : si 0 ≤ f ≤ g, alors
Z
Z
0≤
f dµ ≤
g dµ.
E
E
Inégalité de Markov
Elle est aussi appelée de Tchebychev, de Bienaymé-Tchebychev (prouvée vers 1869), mais
si l’idée en est la même, elle n’est pas exactement celle de Markov, qui est ultérieure et
donne le principe extrêmement simple et général, qui est (en renversant le cours de
l’histoire) à l’origine de celle de Bienaymé-Tchebychev.
Lemme. Soit f une fonction F -mesurable sur E, à valeurs dans [0, +∞] ; pour tout
nombre réel a > 0, on a
Z
1
f dµ.
µ {f ≥ a} ≤
a E
Preuve. — Considérons l’ensemble A = {f ≥ a} ; puisque f est F -mesurable, on sait
que A ∈ F et on remarque que la fonction F -étagée ϕ = a1A vérifie l’encadrement
0 ≤ ϕ = a1A ≤ f ;
en effet, si x ∈ A on a f (x) ≥ a = ϕ(x), et si x ∈
/ A on a ϕ(x) = 0 ≤ f (x) ; il résulte de
l’inégalité ϕ ≤ f , par définition de l’intégrale des fonctions positives, que
Z
Z
aµ(A) =
ϕ dµ ≤
f dµ,
E
hh
E
ce qu’il fallait démontrer ii.
3
R
Corollaire 1. Soit f une fonction F -mesurable ≥ 0, alors E f dµ = 0 si et seulement si
µ {f 6= 0} = µ {f > 0} = 0.
R
Si E f dµ < +∞, alors
µ {f = +∞} = 0.
Preuve. — Si l’intégrale de f est nulle, on obtient par Markov, pour tout a > 0,
Z
1
f dµ = 0,
µ {f ≥ a} ≤
a E
donc la mesure de {f ≥ a} est nulle ; on applique ceci successivement à an = 2−n , pour
tout entier n ≥ 0, et on remarque la formule de réunion suivante : on a
[
{f ≥ 2−n } = {f > 0} = {f 6= 0},
n>0
qui est donc de mesure nulle comme union dénombrable d’ensembles de mesure nulle,
ce qui termine la première direction de l’équivalence annoncée. Inversement, supposons
que la mesure de
A = {f > 0}
soit nulle. Soit ϕ une fonction F -étagée positive telle que 0 ≤ ϕ ≤ f ; on exprime ϕ sous
la forme habituelle
m
X
ϕ=
bk 1Bk
k=1
où B1 , . . . , Bm est une partition de E en ensembles Bk ∈ F , et où bk ≥ 0. On va vérifier
que l’hypothèse 0 ≤ ϕ ≤ f entraı̂ne que bk µ(Bk ) = 0 pour tout k ; en effet, c’est clair
si bk = 0, et si bk n’est pas nul, on a bk > 0 et par conséquent ϕ est > 0 en tout
point de Bk , ce qui implique Bk ⊂ A. Comme µ(A) est supposée nulle, on a µ(Bk ) = 0
et bk µ(Bk ) = 0. On a donc pour toute fonction F -étagée ϕ ≤ f
Z
m
X
ϕ dµ =
bk µ(Bk ) = 0,
E
k=1
R
par conséquent E f dµ = 0 d’après la définition de l’intégrale.
Passons à la deuxième affirmation de l’énoncé. Si l’intégrale de f est finie, on applique
Markov avec a = n entier > 0 pour obtenir
Z
1
µ {f = +∞} ≤ µ {f ≥ n} ≤
f dµ,
n E
majorant qui peut être rendu arbitrairement petit, d’où le résultat.
Remarque. Si l’intégrale de f est finie, on a
Z
1{f =+∞} f dµ = 0.
E
En effet, l’ensemble N = {f = +∞} est de mesure nulle, donc l’ensemble des points où
la fonction 1{f =+∞} f est non nulle est de mesure nulle, donc l’intégrale est nulle par le
résultat précédent.
4
II.2.3. Théorème de convergence monotone
Le premier théorème important de convergence des intégrales concerne les suites croissantes de fonctions à valeurs dans [0, +∞], c’est-à-dire les suites (fn ) de fonctions sur E
telles que
∀n ∈ N, ∀x ∈ E, 0 ≤ fn (x) ≤ fn+1 (x) ≤ +∞.
Comme on travaille avec des valeurs dans [0, +∞], toute suite croissante admet une
limite et on peut poser pour tout x ∈ E
f (x) = lim fn (x) ∈ [0, +∞].
n
La limite est aussi le sup de la suite des valeurs, et en particulier on a fn ≤ f pour
tout n. Quand les fonctions fn sont F -mesurables, on a vu que la limite (simple) f est
elle aussi F -mesurable.
Théorème de convergence monotone. Si (fn )n>0 est une suite croissante de fonctions
F -mesurables sur E, à valeurs dans [0, +∞], et si f = limn fn désigne la limite simple,
alors f est F -mesurable et on a
Z
Z
f dµ = lim fn dµ.
n
E
E
R
R
Preuve. — Puisque fn ≤ fn+1 pour tout n, on a E fn dµ ≤ E fn+1 dµ, donc la suite
des intégrales
est croissante
et admet une limite dans [0, +∞]. Puisque fn ≤ f , il est
R
R
clair que E fn dµ ≤ E f dµ pour tout n, ce qui donne l’inégalité dans un sens,
Z
Z
f dµ.
lim fn dµ ≤
n
E
E
Inversement, on va fixer pour un bon moment une fonction ϕ qui est F -étagée et telle
que 0 ≤ ϕ ≤ f , qu’on peut écrire
ϕ=
K
X
ak 1Ak ,
k=1
où les Ak ∈ F sont deux à deux disjoints, et où on n’a gardé dans la représentation que
les ak > 0 (sinon ils ne contribuent pas à la valeur de ϕ). On introduit un nombre τ
tel que 0 < τ < 1, qu’on fera ensuite tendre vers 1 ; on a ainsi 0 < τ ak < ak pour tout
k = 1, . . . , K ; on pose pour tout n
Ak,n = {x ∈ Ak : fn (x) > τ ak } = Ak ∩ {fn > τ ak } ∈ F ,
et ϕ∗n =
K
X
τ ak 1Ak,n .
k=1
On vérifie que
ϕ∗n ≤ fn .
Comme la suite (fn ) est croissante, la suite d’ensembles (Ak,n ) est croissante en n et
comme pour tout x ∈ Ak , on a f (x) ≥ ϕ(x) = ak > τ ak , la valeur fn (x), qui tend vers
f (x), finit par dépasser τ ak , donc x est dans Ak,n pour n assez grand, ce qui montre que
Ak =
+∞
[
n=0
5
Ak,n .
Il résulte des axiomes de la mesure (monotonie) que pour chaque k fixé,
µ(Ak,n ) → µ(Ak ),
donc τ ak µ(Ak,n ) → τ ak µ(Ak )
quand n tend vers l’infini ; pour chaque n on a, puisque ϕ∗n ≤ fn est étagée,
K
X
τ ak µ(Ak,n ) =
Z
ϕ∗n
dµ ≤
E
k=1
Z
fn dµ
E
donc en prenant la limite en n des deux côtés,
τ
K
X
ak µ(Ak ) =
k=1
K
X
τ ak µ(Ak ) ≤ lim
n
k=1
Z
fn dµ.
E
Faisant tendre τ vers 1 en croissant, on obtient par un deuxième passage à la limite,
Z
ϕ dµ =
E
K
X
ak µ(Ak ) ≤ lim
n
k=1
Z
fn dµ.
E
Prenant le sup en ϕ ≤ f , on obtient l’inégalité manquante.
Z
Z
f dµ ≤ lim fn dµ.
E
n
6
E
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