ESPACES VECTORIELS QUOTIENT DAVID DOS SANTOS FERREIRA — M1 Table des matières 1. 2. Aspects algébriques Aspects analytiques 1 3 1. Aspects algébriques Soit E un espace vectoriel et soit F un sous-espace vectoriel de E. On définit la relation suivante entre vecteurs de E x ∼ y ⇔ x − y ∈ F. La relation précédente est une relation d’équivalence (1) elle est réflexive : x ∼ x puisque 0 ∈ F , (2) elle est symétrique : x ∼ y implique y ∼ x puisque x−y ∈ F implique y − x = −(x − y) ∈ F , (3) elle est transitive : x ∼ y et y ∼ z impliquent x ∼ z puisque x−y ∈ F et y − z ∈ F impliquent x − z = (x − y) + (y − z) ∈ F . Les classes d’équivalence correspondant à cette relation d’équivalence sont les sous-espaces affines de E (considéré comme un espace affine) parallèles à F x̄ = x + F = {x + f, f ∈ F } 1 et l’espace quotient que l’on note E/F est l’ensemble des sous-espaces affines parallèles à F . Par exemple si E est le plan, et F est une droite vectorielle du plan, alors c’est l’ensemble des droites affines parallèlles à la droite F . On peut munir E/F d’une structure vectorielle. Ainsi, la somme de deux classes de vecteurs est définie de la manière suivante x̄ + ȳ = x + y = x + y + F. Il s’agit d’abord de montrer que cette définition a un sens. Pour cela, il faut montrer que cette somme ne dépend pas des représentants x et y des 1. On rappelle que l’espace quotient est l’ensemble des classes d’équivalence. 1 2 classes x̄ et ȳ choisies. Ainsi il faut montrer que si x ∼ x0 et y ∼ y 0 alors x + y ∼ x0 + y 0 . Ceci découle simplement du fait suivant (x0 + y 0 ) − (x + y) = (x − x0 ) + (y − y 0 ) ∈ F si x ∼ x0 et y ∼ y 0 . De même, le produit par un scalaire λ peut être défini de la manière suivante λx̄ = λx = λx + F. Encore une fois, cette définition ne dépend pas du choix du représentant x de la classe x̄ puisque si x ∼ x̄ alors λx ∼ λx0 , ce qui se déduit de λx − λx0 = λ(x − x0 ) ∈ F. L’espace quotient (E/F, +, ·) muni de ces deux lois de composition est un espace vectoriel. Il n’est pas difficile de vérifier que (1) (E/F, +) est un groupe commutatif (dont l’élément neutre est 0̄), (2) 1x̄ = x̄, (3) λ(x̄ + ȳ) = λx̄ + λȳ, (4) (λ + µ)x̄ = λx̄ + µx̄, (5) λ(µx̄) = (λµ)x̄. Aussi curieux que cela puisse paraı̂tre, les vecteurs de cet espace vectoriel sont des sous-espaces affines ; dans le cas où E est le plan et F une droite vectorielle, cela veut dire en particulier que l’on a appris à sommer des droites et à les multiplier par un scalaire ! Théorème 1. Dans le cas particulier où E est de dimension finie, on a dim E/F = dim E − dim F. Démonstration. En effet, si l’on considère un supplémentaire G de F et (g1 , . . . , gk ) une base de G alors (g1 , . . . , gk ) est une base de E/F . Le fait que cette famille soit libre découle du fait que λ1 g1 + · · · + λk gk = 0̄ implique que λ1 g1 + · · · + λk gk ∈ G ∩ F = {0}, ce qui implique que tous les coefficients λj sont nuls puisque la famille (g1 , . . . , gk ) est libre. Le fait que cela soit une famille génératrice vient du fait que l’on peut compléter la famille (g1 , . . . , gk ) par des vecteurs (f1 , . . . , fm ) de F pour former une base de E. Il suffit alors de décomposer n’importe quel vecteur x de E selon cette base et passer cette égalité au quotient x= k X j=1 λj gj + m X µj fj j=1 | {z } ∈F implique x̄ = Pk j=1 λj gj + 0̄. Ceci permet en particulier de démontrer le théorème du rang. 3 Théorème du rang. Soit ϕ : E → H une application linéraire d’un espace vectoriel E de dimension finie vers un espace vectoriel H. On a la relation suivante dim E = dim ker ϕ + dim Im ϕ. Démonstration. Il suffit de montrer que E/ ker ϕ et Im ϕ sont isomorphes, et d’appliquer les calculs de dimension sur les espaces quotients. On construit un isomorphisme ϕ̄ entre E/ ker ϕ et Im ϕ à partir de l’application ϕ de la manière suivante ϕ̄ : E/ ker ϕ → Im ϕ x̄ 7→ ϕ̄(x̄) = ϕ(x). Encore une fois, il faut vérifier que la définition précédente a un sens en montrant que la valeur de ϕ̄ en x̄ ne dépend pas du choix du représentant x de la classe. Or ceci est évident car x ∼ x0 implique ϕ(x) = ϕ(x0 ) + ϕ(x − x0 ) = ϕ(x0 ) car x − x0 ∈ ker ϕ. Il est facile de vérifier que ϕ̄ est une application linéaire. De plus, elle est injective car ϕ(x̄) = 0 entraı̂ne x ∈ ker ϕ et donc x̄ = 0̄. La surjectivité est évidente. 2. Aspects analytiques On suppose désormais que E est un espace normé et que F est un sousespace fermé de E. On veut définir une norme sur l’espace quotient ; on pose pour cela kx̄k = d(x, F ) et comme toujours, il faut montrer que cette quantité ne dépend pas du choix du représentant x de x̄. Si x ∼ x0 alors x − x0 ∈ F et par conséquent d(x, F ) = inf kx − f k = inf kx0 − (f + x0 − x) k | {z } f ∈F f ∈F =f 0 ∈F = inf kx0 − f 0 k = d(x0 , F ). 0 f ∈F On peut à présent vérifier que la fonction (à valeurs positives) que l’on a définie sur E/F est bien une norme. (1) Si kx̄k = 0 alors d(x, F ) = 0, ce qui implique que x ∈ F car F est un sous-espace fermé de E, donc que x̄ = 0̄, (2) On a k0̄k = d(0, F ) = 0 et si λ 6= 0 alors on a kλx̄k = inf kλx − f k = |λ| inf kx − λ−1 f k | {z } f ∈F f ∈F ∈F = |λ| d(x, F ) = |λ| kx̄k. 4 (3) Il reste à vérifier l’inégalité triangulaire, soit d(x + y, F ) ≤ d(x, F ) + d(y, F ). Or pour tout s, t ∈ F on a s + t ∈ F et donc d(x + y, F ) ≤ kx + y − s − tk ≤ kx − sk + ky − tk. En passant à la borne inférieure dans l’inégalité précédente successivement dans la variable s puis t, on obtient l’inégalité désirée. On considère alors l’application suivante π : E → E/F x 7→ x̄. C’est une application linéaire continue. En effet, on a kπ(x)k = kx̄k = d(x, F ) = inf kx − f k ≤ kxk f ∈F ce qui implique kπkL(E,E/F ) ≤ 1. En outre π est une application ouverte. Comme π est linéaire, il suffit de vérifier que π(BE (0, 1)) est un voisinage de l’origine. Ce dernier point découle de l’égalité π(BE (0, 1)) = BE/F (0, 1) qui se vérifie aisément : si x̄ ∈ BE/F (0, 1) alors d(x, F ) < 1 et il existe donc f ∈ F tel que kx − f k < 1 par conséquent x̄ = π(x − f ) ∈ π(BE (0, 1). Inversement, si x̄ = π(x) ∈ π(BE (0, 1)) alors kx̄k ≤ kπkL(E,F ) kxk < 1, donc x̄ ∈ BE/F (0, 1). Théorème 2. Si E est un espace de Banach et F un sous-espace fermé de E, alors E/F est un espace de Banach. Démonstration. Il suffit de montrer P que toute série absolument convergente dans E/F est convergente. Soit n≥0 x̄n une telle série, ainsi ∞ X kx̄n k = n=0 ∞ X d(xn , F ) n=0 converge, or il existe fn ∈ F tel que kxn − fn k ≤ d(xn , F ) + 2−n , ce qui implique que la série ∞ X (xn − fn ) n=0 5 P converge. Notons x ∈ E sa limite et montrons que n≥0 x̄n converge vers x̄ : la suite d’inégalités X n n ∞ n X X X x̄ − x̄k = d x − xk , F = d (xk − fk ) + fk , F k=0 k=0 k=n+1 k=0 X ∞ =d (xk − fk ), F k=n+1 X ∞ X ∞ ≤ (xk − fk ≤ kxk − fk k k=n+1 k=n+1 justifie cette convergence. Remarque 3. On peut utiliser le passage au quotient pour montrer que pour prouver le théorème de Banach, il suffit de supposer que l’application linéaire est un isomorphisme. En effet, supposons que l’on ait démontré que tout isomorphisme continu entre espaces de Banach est un homéomorphisme, alors si ϕ : E → F est une application linéaire continue surjective entre espaces de Banach, l’application ϕ̄ : E/ ker ϕ → F x̄ 7→ ϕ̄(x̄) = ϕ(x) est un isomorphisme entre deux espaces de Banach (ϕ étant continu, ker ϕ est bien un sous-espace vectoriel fermé de E et E/ ker ϕ est un espace de Banach). En outre cet isomorphisme est continu kϕ̄(x̄)kE/F = d(ϕ(x), ker ϕ) ≤ kϕ(x)kF ≤ kϕkL(E,F ) kxkE . C’est donc un homéomorphisme, en particulier une application ouverte. Comme ϕ = ϕ̄ ◦ π et que π est ouverte, on en déduit que ϕ est ouverte.