Cours d’algèbre M1 Mathématiques et applications M1 Mathématiques et enseignement 2012/2013 Table des matières Chapitre I. Quelques rappels sur les groupes 1 Chapitre II. Action d’un groupe sur un ensemble 13 Chapitre III. Les théorèmes de Sylow 21 Chapitre IV. Groupes abéliens 28 Chapitre V. Anneaux commutatifs 40 Chapitre VI. Anneaux principaux, anneaux factoriels 51 Chapitre VII. Corps et extensions de corps 61 Chapitre VIII. Extensions algébriques, extensions finies 71 Chapitre IX. Fermeture algébrique, corps de décomposition 75 Chapitre X. Corps finis 81 Chapitre XI. Théorie de Galois I 85 Chapitre XII. Théorie de Galois II 90 Chapitre XIII. Théorie de Galois III 94 Chapitre XIV. Quelques exemples 97 Archives : Sujets d’examens et de partiels des années précédentes 101 CHAPITRE I Quelques rappels sur les groupes 1. Préliminaires Ce chapitre contient uniquement des révisions. On suppose connues les notions de groupe, de sous-groupe, d’homomorphisme de groupes, de noyau et d’image d’un homomorphisme. . . Exercice 1. Soit G un groupe. a) Montrez que toute intersection (finie ou infinie) de sous-groupes de G est une sous-groupe de G. b) Soient H et K deux sous-groupes de G. Montrez que H ∪ K est un sous-groupe de G si et seulement si l’un des deux sous-groupes H ou K contient l’autre. Notations. Si A est un ensemble fini, on note |A| son nombre d’éléments. Le nombre d’éléments d’un groupe fini est appelé son ordre. 1.1. Groupes isomorphes. Définition I.1. Soient G et H deux groupes et f : G → H une application. On dit que f est un isomorphisme de groupes si f est bijective et si f et l’application réciproque f −1 : H → G sont des homomorphismes de groupe. On dit que les groupes G et H sont isomorphes s’il existe un isomorphisme de G dans H. Si deux groupes sont isomorphes alors ils ont les mêmes propriétés. Cette remarque pourra être appliquée plusieurs fois dans ce chapitre et dans la suite de ce cours. Exercice 2. Soient G et H deux groupes et f : G → H un homomorphisme de groupes qui est une bijection. Montrez que f est un isomorphisme de groupes. Définition I.2. Un automorphisme d’un groupe est un isomorphisme de ce groupe sur lui-même. Proposition I.3 (et définition). Soient G un groupe et g ∈ G. L’application ig : G → G définie par ig (x) = gxg −1 pour tout x ∈ G est un automorphisme de G, appelé la conjugaison par g. Les automorphismes de ce type sont aussi appelés les automorphismes intérieurs de G. Démonstration. On vérifie facilement que ig est un homomorphisme de groupes. C’est aussi une bijection, l’application réciproque étant ig−1 : x 7→ g −1 xg. 1.2. Sous-groupe engendré par un sous-ensemble. Proposition I.4 (et définition). Soient G un groupe et S un sous-ensemble non vide de G. Alors, la famille de tous les sous-groupes de G contenant S admet un plus petit élément. Ce sous-groupe est appelé le sous-groupe de G engendré par S et il est noté gp(S). 1 2 I. QUELQUES RAPPELS SUR LES GROUPES Ainsi, gp(S) est caractérisé par les deux propriétés suivantes : i) gp(S) est un sous-groupe de G contenant S ; ii) si H est un sous-groupe de G contenant S alors H contient gp(S). Le cas le plus important est celui où S est formé d’un seul élément a, on y reviendra plus loin (Corollaire I.19). Démonstration. Soit S la famille de tous les sous-groupes de G contenant S. Cette famille est non vide puisque G ∈ S. Posons \ K= H . H∈S Comme toute intersection de sous-groupes de G est un sous-groupe de G, K est un sous-groupe de G. Comme tous les éléments de S contiennent S, K ⊃ S. Soit maintenant H un sous-groupe de G contenant S. Alors H ∈ S, c’est donc l’un des ensembles dont l’intersection est K, et donc H ⊃ K. ainsi, l’ensemble gp(S) := K vérifie toutes les propriétés annoncées. 2. Classes à gauche modulo un sous-groupe 2.1. Les définitions. Notation. Soient H un sous-groupe du groupe G et x, y ∈ H. On note : xH = {xh : h ∈ H} ; Hy = {hy : h ∈ H} ; xHy = {xhy : h ∈ H} . Exercice 3. Soient G un groupe, a ∈ G et H un sous-groupe de G. Montrer que aHa−1 est un sous-groupe de G. Proposition I.5 (et définition). Soient G un groupe, H un sous-groupe de G, et x, y ∈ G. Les propriétés suivantes sont équivalentes : i) x−1 y ∈ H ; ii) y ∈ xH ; iii) yH ⊂ xH ; iv) y −1 x ∈ H ; v) x ∈ yH ; vi) xH ⊂ yH ; vii) xH = yH . Si ces propriétés sont réalisées on dit que y est congru à gauche à x modulo H. Démonstration. Toutes les vérifications sont immédiates. i) ⇒ ii). Soit h = x−1 y. d’après i), h ∈ H. On a y = xh, d’où ii). ii) ⇒ i). Si y ∈ xH, il existe h ∈ H avec y = xh et on a x−1 y = h ∈ H d’où i). ii) ⇒ iii). Si y ∈ xH, il existe h ∈ H avec y = xh. Pour tout h0 ∈ H on a yh0 = xhh0 ∈ xH, d’où yH ⊂ xH. iii) ⇒ ii). Comme 1G ∈ H, y ∈ yH. Si yH ⊂ xH on a donc y ⊂ xH. i) ⇔ iv). Pour que x−1 y appartienne à H il faut et il suffit que son inverse −1 −1 (x y) = y −1 x appartienne à H. iv) ⇔ v)⇔ vi). Comme plus haut, en échangeant les rôles de x et de y. vii) ⇔ i). vii) implique évidement iii) qui implique i). On a vu que i) implique iii) et vi), et donc i) implique vii). Dans ce chapitre, nous notons « y ≡H x » pour « y est congru à gauche à x modulo H ». Cette notation est définie pour ce chapitre seulement, elle ne doit pas être considérée comme « classique ». D’après la caractérisation vii), la relation ≡H est une relation d’équivalence sur G. En effet, cette relation est 2. CLASSES À GAUCHE MODULO UN SOUS-GROUPE 3 – reflexive : pour tout x ∈ G on a x ≡H x ; – symétrique : pour tous x, y ∈ G, si x ≡H y alors y ≡H x ; – transitive : pour tous x, y, z ∈ G, si x ≡H y et si y ≡H z alors x ≡H z. Soit x ∈ G. On rappelle que la classe d’équivalence de x est {y ∈ G : y ≡H x} . Cette classe d’équivalence est appelée la classe de congruence à gauche de x modulo H. D’après la caractérisation ii) de la proposition I.5, la classe de congruence à gauche de x modulo H est égale à xH. D’après les propriétés générales des classes d’équivalence, nous avons : – Chaque x ∈ G appartient à sa propre classe de congruence. – Si x et y sont congrus à gauche modulo H, alors leurs classes de congruence à gauche modulo H sont confondues. – Si x et y ne sont pas congrus à gauche modulo H, alors leurs classes de congruence à gauche modulo H sont disjointes. – Ainsi, les classes de congruence à gauche modulo H forment une partition de G. De plus, on vérifie immédiatement que – La classe de congruence à gauche modulo H de 1G est H. 2.2. Cas d’un groupe fini. Définition I.6 (et notation). Soient G un groupe et H un sous-groupe de G. Le nombre (fini ou infini) de classes de congruence à gauche modulo H est appelé l’indice de H dans G et est noté (G : H) Supposons maintenant que G est fini. Comme les classes de congruence à gauche modulo H forment une partition de G, elles sont en nombre fini et (G : H) est fini. Soit x ∈ G. L’application h 7→ xh de h dans G est injective et son image est xH. Le nombre d’éléments |xH| de xH est donc égal à l’ordre |H| de H. Toutes les classes de congruence à gauche modulo H ont donc le même nombre d’éléments, égal à l’ordre de H. Comme les classes de congruence à gauche modulo H forment une partition de G, nous avons : Théorème I.7. Soient G un groupe fini et H un sous groupe de G. Alors |G| = (G : H) · |H| . En particulier, l’ordre de H divise l’ordre de G. Exercice 4. Soient H et K deux sous-groupes finis d’un groupe G et def HK = {hk : h ∈ H, k ∈ K} . a) On note π : H × K → G l’application définie par π(h, k) = hk, de sorte que HK est par définition l’image de cette application. Montrez que pour tout x ∈ HK on a |π −1 {x}| = |H ∩ K|. |H| · |K| b) En déduire que |HK| = . |H ∩ K| c) On suppose de plus que |H| et |K| sont premiers entre eux. Démontrez que |H ∩ K| = 1. En déduire que |HK| = |H| · |K|. 4 I. QUELQUES RAPPELS SUR LES GROUPES 2.3. Ensemble quotient. Définition I.8. Soient G un groupe et H un sous-groupe de G. L’ensemble quotient G/H est l’ensemble formé des classes de congruence à gauche modulo H. En particulier, si G est fini, (G : H) = |G/H|. L’application qui à chaque x ∈ G associe sa classe de de congruence à gauche xH modulo H est appelée l’application quotient. Cette application est évidement surjective. Si α appartient à l’ensemble quotient G/H, un représentant de α est un élément arbitraire de la classe de congruence α. Proposition I.9. Soient G un groupe, H un sous-groupe et π : G → G/H l’application quotient. Si α ∈ G/H et x ∈ G, les propriétés suivantes sont équivalentes. i) π(x) = α ; ii) x ∈ α ; iii) x est un représentant de α ; iv) α = xH . Démonstration. L’équivalence des trois premières propriétés provient immédiatement des définitions. Si x appartient à la classe de congruence α, alors la classe de congruence xH de x est égale à α. Ainsi, ii) entraîne iv). Inversement, comme x ∈ xH, on a que iv) entraîne ii). 3. Sous-groupe distingué, groupe quotient 3.1. Sous-groupe distingué. Proposition I.10 (et définition). Soient G un groupe et H un sous-groupe de G. Les propriétés suivantes sont équivalentes : i) pour tout x ∈ G on a xH ⊂ Hx ; ii) pour tout x ∈ G on a xH ⊃ Hx ; iii) pour tout x ∈ G on a xH = Hx ; iv) pour tout x ∈ G on a xHx−1 ⊂ H ; v) pour tout x ∈ G on a xHx−1 ⊃ H ; vi) pour tout x ∈ G on a xHx−1 = H. Si ces propriétés sont vérifiées on dit que H est un sous-groupe distingué de G. Démonstration. i) ⇒ ii). Soit x ∈ G. En appliquant i) à x−1 on obtient que x−1 H ⊂ Hx−1 . Soit h ∈ H. On a x−1 h ∈ Hx−1 donc il existe h0 ∈ H avec x−1 h = h0 x−1 d’où hx = xh0 et donc hx ∈ xH. On a montré ii). De cette implication on déduit immédiatement que i) ⇔ iii). La démonstration de ii) ⇒ i) est similaire à celle de i) ⇒ ii). On vérifie facilement que i) ⇔ iv), que ii) ⇔ v) et que iv) ⇔ vi). Exercice 5. On veut montrer que tout sous-groupe H d’indice 2 d’un groupe G est distingué. a) Montrez que les classes à gauche modulo H sont H et G \ H. b) Soit x ∈ H. Vérifier que Hx = H = xH. c) Soit x ∈ G \ H. Montrez que xH = G \ H. Montrez que Hx ∩ H = ∅. En déduire que Hx ⊂ xH. d) Conclure. Proposition I.11. Si G est abélien alors tout sous-groupe de G est distingué. Démonstration. Soit H un sous-groupe de G. Soit x ∈ G. Pour tout h ∈ H on a xhx−1 = h ∈ H, donc xHx−1 ⊂ H. 3. SOUS-GROUPE DISTINGUÉ, GROUPE QUOTIENT 5 Proposition I.12. Soient G et H deux groupes et f : G → H un homomorphisme de groupes. Alors ker(f ) est un sous-groupe distingué de G. Démonstration. Soit x ∈ G. Pour tout h ∈ ker(f ) on a f (xhx−1 ) = f (x)f (h)f (x−1 ) = f (x)1H f (x−1 ) = f (x)f (x−1 ) = f (x)f (x)−1 = 1H donc xhx−1 ∈ ker(f ). On a ainsi montré que x ker(f )x−1 ⊂ ker(f ). 3.2. Groupe quotient. Théorème I.13. Soient G un groupe et H un sous-groupe distingué de G. Alors on peut munir l’ensemble quotient G/H d’une structure de groupe de sorte que l’application quotient G → G/H soit un homomorphisme de groupes. De plus, il existe une seule multiplication sur G/H vérifiant ces propriétés. Nous aurons besoin d’un lemme. Lemme I.14. Soient G un groupe et H un sous-groupe distingué de G. Si x ≡H x0 et y ≡H y 0 alors xy ≡H x0 y 0 . Démonstration du lemme. On a (xy)−1 (x0 y 0 ) = y −1 (x−1 x0 )(y 0 y −1 )y. Par hypothèse, x−1 x0 et y 0 y −1 ) appartiennent à H, donc (x−1 x0 )(y 0 y −1 ) appartient à H. Comme H est distingué, y −1 (x−1 x0 )(y 0 y −1 )y appartient à H. Nous concluons que xy ≡H x0 y 0 . Démonstration du théorème. Notons π : G → G/H l’application quotient. Définition d’une multiplication dans G/H. Soient α, β ∈ G/G. Soient a, a0 ∈ G deux représentant de α et b, b0 ∈ G deux représentants de β. Autrement dit, π(a) = π(a0 ) = α et π(b) = π(b0 ) = β. Ou encore, a, a0 ∈ α et b, b0 ∈ β. Comme a et a0 appartiennent à la même classe de congruence, a ≡ a0H . De même, b ≡H b0 . D’après le lemme, ab ≡H a0 b0 , autrement dit π(ab) = π(a0 b0 ). Ainsi, on peut définir sans ambiguïté αβ ∈ G/H en choisissant arbitrairement un représentant a de α et un représentant b de β et en posant αβ = π(ab) : le résultat ne dépend pas des choix de a et b que nous avons faits. Par construction, (1) pour tous a, b ∈ G, π(a)π(b) = π(ab) . Vérifions que G/H muni de cette application est un groupe. Posons 1G/H = π(1G ). Autrement dit, 1G/H est la classe à gauche H modulo H. Soient α ∈ G/H. Soit a un représentant de α. D’après (1) on a 1G/H α = π(1G )π(a) = π(1G a) = π(a) = α ; α1G/H = π(a)π(1G ) = π(a1G ) = π(a) = α et donc 1G/H est un élément neutre de G/H. Soient α ∈ G et a un représentant de α. Montrons que π(a−1 ) est un inverse de α dans G/H. D’après (1) on a απ(a−1 ) = π(a)π(a−1 ) = π(aa−1 ) = π(1G ) = 1G/H et on montre de même π(a−1 )α = 1G/H . 6 I. QUELQUES RAPPELS SUR LES GROUPES Vérifions que la multiplication dans G/H est associative. Soient α, β et γ ∈ G/H. Choisissons des représentants a, b et c de α, β et γ, respectivement. En utilisant (1) encore et encore, on obtient (αβ)γ = (π(a)π(b))π(c) = π(ab)π(c) = π((ab)c) = π(a(bc)) = π(a)π(bc) = α(π(b)π(c) = α(βγ) et nous avons ainsi montré que G/H muni de la multiplication définie plus haut est un groupe. D’après (1) il est immédiat que π : G → G/H est un homomorphisme de groupes. Unicité. Soit ∗ une multiplication dans G/H et supposons que si G/H est muni de cette multiplication alors c’est un groupe et π : G → G/H est un homomorphisme de groupes. Il faut montrer que la multiplication ∗ est identique à la multiplication définie plus haut, c’est à dire que α ∗ β = αβ pour tous α, β ∈ G/H. Soient a et b des représentants de α et β, respectivement. On a π(a) = α et π(b) = β. Comme π : (G, .) → (G/H, ∗) est un homomorphisme, α ∗ β = π(a) ∗ π(b) = π(ab) = π(a)π(b) d’après (1) = αβ . Exercice 6. Soit G un groupe. Soit Aut(G) le groupe formé de tous les automorphismes de G, muni de la composition. Soit aussi Int(G) le sous-ensemble de Aut(G) formé des automorphismes intérieurs (voir Proposition I.3). Montrer que Int(G) est un sous-groupe distingué de Aut(G). Exercice 7. (Les commutateurs) Cet exercice est plutôt un problème ; il porte sur les notions de sous-groupe engendré (proposition I.4) et d’automorphisme intérieur (proposition I.3). Soit G un groupe. Pour x, y ∈ G, on écrit [x, y] = xyx−1 y −1 . Préliminaires a) Vérifiez les formules suivantes : (2) ∀x, y ∈ G, [y, x] = [x, y]−1 . (3) ∀x, y, z ∈ G, [xy, z] = ix ([y, z]) · [x, z] . (4) Identité de Hall-Witt : ∀x, y, z ∈ G, ix [x−1 , y], z · iz [z −1 , x], y · iy [y −1 , z], x = 1 . b) Vérifiez que si f : G → G0 est un homomorphisme de groupes, alors f ([x, y]) = [f (x), f (y)] pour tous x, y ∈ G . Première partie c) Si X et Y sont des sous-ensembles non vides de G, on écrit [X, Y ] = gp [x, y] : x ∈ X, y ∈ Y . Vérifiez que, pour tous X, Y ⊂ G non vides, on a [Y, X] = [X, Y ]. d) Montrez que si f : G → G0 est un homomorphisme de groupes et si X, Y sont des sous-ensembles non vides de G on a f ([X, Y ]) = [f (X), f (Y )]. Méthode : utilisez la la question b) et la caractérisation du sous-groupe engendré par un sous-ensemble. 3. SOUS-GROUPE DISTINGUÉ, GROUPE QUOTIENT 7 e) Soient H et K deux sous-groupes distingués de G. Montrez que [H, K] est un sous-groupe distingué de G. Méthode : utilisez la question d) en l’appliquant aux automorphismes intérieurs ig . f ) On note G2 = [G, G]. D’après la question précédente, G2 est un sous-groupe distingué de G. Montrez que le groupe quotient G/G2 est abélien. g) Soit H un sous-groupe de G contenant G2 . Montrez que H est distingué et que G/H est abélien. h) Inversement, montrez que si H est un sous-groupe distingué de G tel que G/H soit abélien, alors H contient G2 . Deuxième partie i) Soient N un sous-groupe distingué de G et x un élément de G. En utilisant (3), montrez que l’ensemble Q := {w ∈ G : [w, x] ∈ N } est un sous-groupe de G. j) (Lemme des trois groupes) Soient H, K et L trois sous-groupes de G et N un sous-groupe distingué de G. Montrez que si [H, K], L ⊂ N et [L, H], K ⊂ N alors [K, L], H ⊂ N . Méthode : En utilisant l’identité (4), montrez que pour tout x ∈ H, tout y ∈ K et tout z ∈ L on a [[y, z], x] ∈ N . Utilisez ensuite la question i). k) On définit par récurrence une suite (Gk ; k ≥ 1) de sous-groupes de G par G1 = G et Gk+1 = [Gk , G] pour tout k ≥ 1 . (Ainsi, G2 désigne le même sous-groupe que plus haut). Montrez que cette suite de sous-groupes est décroissante, et que tous ces sous-groupes sont distingués. Méthode : procédez par récurrence. Vous pourrez utiliser la question e). l) Montrez que pour tous k, ` ≥ 1 on a [Gk , G` ] ⊂ Gk+` . (5) Méthode : en utilisant le lemme des trois groupes, montrez par récurrence sur k la propriété P(k) : la formule (5) est valable pour tout `. Troisième partie : Un passage au quotient m) On note p : G → G/G2 et q : G2 → G2 /G3 les homomorphismes quotient. On définit une application φ : G × G → G2 /G3 par ψ(x, y) = q([x, y]) . Montrez qu’il existe une unique application ψ : G/G2 × G/G2 → G2 /G3 telle que φ(x, y) = ψ(p(x), p(y)) pour tous x, y ∈ G . Montrez que, pour tout α ∈ G/G2 , l’application ξ 7→ ψ(α, ξ) est un homomorphisme de groupes. 3.3. Le cas abélien. Proposition I.15. Si G est un groupe abélien et si H est un sous-groupe de G alors G/H est abélien. On rappelle que d’après la proposition I.11, H est un sous-groupe distingué de G. La démonstration de la proposition I.15 est laissée en exercice. Méthode : Utilisez la définition de la multiplication dans G/H. 8 I. QUELQUES RAPPELS SUR LES GROUPES 4. Passage au quotient 4.1. Le théorème d’isomorphisme. Théorème I.16. Soient G, H deux groupes et f : G → H un homomorphisme de groupes. Alors le groupe quotient G/ ker(f ) est isomorphe au sous-groupe f (G) de H. Plus précisément, en notant π : G → G/ ker(f ) l’homomorphisme quotient, il existe un isomorphisme φ : G/ ker(f ) → f (G) tel que f = φ ◦ π. Démonstration. Définition de l’application φ Soit α ∈ G/H et soient a, a0 ∈ G deux représentants de α. Comme a et a0 appartiennent à la même classe de congruence α modulo ker(f ), on a a ≡ker(f ) a0 et donc a−1 a0 ∈ ker(f ). Ainsi, f (a0 ) = f (a.a−1 a0 ) = f (a)f (a−1 a0 ) = f (a)1H = f (a). On peut donc définir sans ambiguïté un élément φ(α) de H en choisissant un représentant a de α et en posant φ(α) = f (a) : l’élément φ(α) ne dépend pas du choix de a que nous avons fait. Remarquons que, par construction, φ(α) appartient au sous-groupe f (G) de H. De plus, par construction, pour tout a ∈ G on a φ(π(a)) = f (a) c’est à dire f =φ◦π . (6) Vérifions que φ est un homomorphisme de groupes. Soient α, β ∈ G/ ker(f ) et a, b ∈ G des représentants de α, β, respectivement. On a π(a) = α, π(b) = β et donc, d’après (6), φ(α)φ(β) = f (a)f (b) = f (ab) = φ(π(ab)) de nouveau d’après (6) = φ(π(a)π(b)) car π est un homomorphisme = φ(αβ) . Vérifions que φ : G/ ker(f ) → f (G) est injectif. Soit α ∈ ker(φ) et montrons que α = 1G/ ker(φ) . Soit a ∈ G un représentant de α. D’après (6), f (a) = φ(π(a)) = φ(α) = 1H donc a ∈ ker(f ). Ainsi, a appartient à la classe ker(f ) de 1G modulo ker(f ) et donc π(a) = π(1G ) c’est à dire α = 1G/ ker(f ) . Vérifions que φ : G/ ker(f ) → f (G) est surjectif. Comme π est surjectif, on déduit immédiatement de (6) que f et φ ont la même image. Exercice 8. Avec les hypothèses et notations précédentes, montrez qu’il existe un unique homomorphisme φ : G/ ker(f ) → H vérifiant f = φ ◦ π. Exercice 9. Soient G un groupe et H, K deux sous-groupes distingués de G avec K ⊂ H. a) Expliquez pourquoi H/K est un sous-ensemble de G/K. Montrez que H/K est un sous-groupe distingué de G/K. b) Montrez que les deux sous-groupes quotient G/H et (G/K)/(H/K) sont isomorphes. Méthode : soient p : G → G/K et q : G/K → (G/K)/(H/K) les homomorphismes quotient. Montrez que le noyau de q ◦ p est H. 4. PASSAGE AU QUOTIENT 9 4.2. Le théorème de factorisation. Théorème I.17. Soient G, H deux groupes et f : G → H un homomorphisme de groupes. Soient K un sous-groupe distingué de G inclus dans ker(f ) et π : G → G/K l’homomorphisme quotient. Alors il existe un unique homomorphisme de groupes φ : G/K → H tel que f =φ◦π . (7) Démonstration. Définition de φ Soit α ∈ G/K et a, a0 ∈ G deux représentants de α. On a a ≡K a0 , c’est à dire a−1 a0 ∈ K, donc a−1 a0 ∈ ker(f ), et donc f (a0 ) = f (a.a−1 a0 ) = f (a)f (a−1 a0 ) = f (a). Ainsi, on définit sans ambiguïté un élément φ(α) de H en choisissant un représentant arbitraire a ∈ G de α et en posant φ(α) = f (a) : le résultat ne dépend pas du choix de a. Par construction, pour tout a ∈ G, en posant α = π(a) on a que a est un représentant de α donc, par construction, φ(α) = f (a) c’est à dire φ ◦ π(a) = f (a) : on a ainsi montré (7). Montrons que φ est un homomorphisme. Soient α, β ∈ G/K. Soient a, b ∈ G des représentants de α, β, respectivement. Par construction, φ(α)φ(β) = f (a)f (b) = f (ab) = φ(π(ab)) d’après (7) = φ(π(a))π(b)) = φ(α)φ(β) . Unicité. Soit ψ : G/K → H un homomorphisme vérifiant f = ψ◦π. Soit α ∈ G/K. Soit a ∈ G un représentant de α. On a π(a) = α donc φ(α) = φ ◦ π(a) = f (a) = ψ ◦ π(a) = ψ(α) . Exercice 10. Avec les hypothèses et notations précédentes, déterminez le noyau et l’image de φ. Exercice 11. Expliquez comment le théorème de factorisation entraîne le théorème d’isomorphisme. Exercice 12. R et Z sont munis (comme toujours) de l’addition, et le cercle unité def S 1 = {z ∈ C : |z| = 1} de la multiplication. Montrez que S 1 est isomorphe à R/Z. Exercice 13. Les résultats de cet exercice seront utilisés dans la section 1.2 du chapitre III. Soient G un groupe et H un sous-groupe de G. Le normalisateur de H est Norm(H) = {g ∈ G : gHg −1 ⊂ H} . Ainsi, Norm(H) = G si et seulement si H est distingué. a) Vérifiez que Norm(H) est un sous-groupe de G contenant H. Soit encore K un sous-groupe de G. On suppose que K ⊂ Norm(H) . On pose HK = {hk : h ∈ H, k ∈ K} . b) Montrez que HK est un sous-groupe de G. 10 I. QUELQUES RAPPELS SUR LES GROUPES c) Montrez que H est un sous-groupe distingué de HK. d) Soient i : K → HK l’homomorphisme d’inclusion et π : HK → (HK)/H l’homomorphisme quotient. Montrez que π ◦ i : K → (HK)/H est surjectif. e) Montrez que le noyau de π ◦ i est K ∩ H. f ) En déduire que K ∩ H est un sous-groupe distingué de K et que K ∼ HK . = K ∩H H 5. Groupes monogènes, groupes cycliques 5.1. Un homomorphisme. Dans cette section, G est un groupe. Notation. Soient G un groupe et a ∈ G. Pour tout entier n on note n fois z }| { aa · · · a si n > 0 ; (8) an = 1 si n = 0 ; −n −1 a si n < 0 . Proposition I.18. Soit a ∈ G. Alors l’application n 7→ an est un homomorphisme de groupes de Z dans G. Démonstration à compléter. Il faut montrer que pour tous m, n ∈ Z, (9) am+n = am an . Si m = 0 ou n = 0, la propriété (9) est évidente puisque a0 = 1. En considérant séparément les cas où k < −1, où k = −1, où k = 0 et où k > 0, on vérifie sur la définition (8) que (10) ∀k ∈ Z, aak = ak a = ak+1 . Si m > 0, on utilisant deux fois (10), on écrit am an = am−1 aan = am−1 an+1 et par récurrence on se obtient am an = a0 am+n = am+n : on obtient (9). Si m < 0, on utilisant (10), on écrit am+1 = am a et donc am = am+1 a−1 . Puis, de nouveau par (10), an−1 a = an donc a−1 an = an−1 . Ainsi, am an = am+1 a−1 an = am+1 an−1 . Par récurrence on se ramène à m = 0 et on obtient am an = a0 an+m = am+n . 5.2. Sous-groupe engendré par un élément. Corollaire I.19 (et notation). Soit a ∈ G. Alors {an : n ∈ Z} est un sous-groupe de G. Ce sous-groupe est le plus petit sous-groupe de G contenant a, c’est donc le sous-groupe engendré par a, défini dans la Proposition I.4. On note en général ce sous-groupe gp(a) au lieu de gp({a}), et on le note aussi souvent < a >. Démonstration. L’ensemble {an : n ∈ Z} est l’image de l’homomorphisme défini dans la proposition précédente, c’est donc un sous-groupe de G. Ce sous-groupe contient a = a1 . Inversement, si un sous-groupe H de G contient a, alors il contient 1 et a−1 . Par récurrence, en utilisant (10), il contient an pour tout n ∈ Z, et il contient donc gp(a). 5. GROUPES MONOGÈNES, GROUPES CYCLIQUES 11 Soient a ∈ G et φ : Z → G l’application n 7→ an , qui est un homomorphisme de groupes d’après la proposition I.18. Alors ker(φ) est un sous-groupe de Z et on sait qu’il existe un entier d ≥ 0 tel que ker(φ) = dZ. Notons que φ est injectif si et seulement si ker(φ) = {0}, c’est à dire si d = 0. Notons aussi que l’image de φ est le sous-groupe trivial {1} de G si et seulement si ker(φ) = Z, c’est à dire si d = 1. Cette condition équivaut à a = 1. Nous concluons : Proposition I.20. Tout élément a ∈ G satisfait une et une seule des deux propriétés suivantes. i) tous les éléments an , n ∈ Z, sont deux à deux distincts. Dans ce cas, sous-groupe gp(a) engendré par a est alors isomorphe à Z. On dit alors que a est d’ ordre infini ; ii) Les éléments an , n ∈ Z, ne sont pas distincts. Le sous-groupe gp(a) est alors isomorphe à Z/dZ pour un certaine entier d ≥ 1 et en particulier | gp(a)| = d. La suite (an ; n ∈ Z) est alors périodique de période d. On dit alors que a est d’ ordre d. Le seul élément de G d’ordre 1 est l’élément neutre 1. Si G est fini, alors tout élément de G est évidement d’ordre fini et, d’après le théorème I.7 on a Proposition I.21. Si G est fini, alors l’ordre de tout élément de G divise l’ordre de G. 5.3. Groupe monogène, groupe cyclique. Définition I.22. On dit qu’un groupe G est monogène s’il est engendré par un seul élément. Si de plus il est fini on dit que ce groupe est cyclique. D’après la proposition I.20 nous avons : Corollaire I.23. Tout groupe monogène infini est isomorphe à Z. Tout groupe cyclique est isomorphe à Z/dZ pour un certain entier d ≥ 1. En particulier, tout groupe monogène est abélien. Exercice 14. (Cet exercice sera utilisé plus tard) Réécrire toute cette section dans le cas où le groupe G est abélien et où on utilise la notation additive pour G. Exercice 15. Soit G un groupe dont l’ordre est un nombre premier p. Montrer que G est cyclique. Exercice 16. Soient G un groupe et a, b ∈ G. Le sous-groupe gp(a, b) de G engendré par a et b est par définition le plus petit-sous-groupe de G contenant a et b. On suppose que a et b commutent, c’est à dire que ab = ba. Montrez que gp(a, b) = {am bn : m, n ∈ Z}. Si a et b ne commutent pas, le groupe gp(a, b) est en général beaucoup plus difficile à décrire. Exercice 17. Soit G un groupe. Le centre de G est def Z = {z ∈ G : zx = xz pour tout x ∈ G} . a) Montrer que Z est un sous-groupe distingué de G. 12 I. QUELQUES RAPPELS SUR LES GROUPES b) On suppose désormais que G n’est pas abélien. Montrer que le groupe quotient G/Z n’est pas monogène. Méthode : On raisonne par l’absurde. Soit α un générateur de G/Z. Soit a ∈ G un représentant de α. Que pouvez-vous dire de l’ensemble {an z : n ∈ Z, z ∈ Z} ? Conclure. CHAPITRE II Action d’un groupe sur un ensemble Notations. Sauf mention du contraire, tous les groupes de ce chapitre sont notés multiplicativement. On rappelle que si X est un ensemble fini, |X| désigne le nombre d’éléments de X. Pour tout ensemble X non vide, on appelle permutation de X une bijection de X sur lui-même. On note Perm(X) le groupe formé des permutations de X, muni de la composition ; l’élément neutre de ce groupe est la permutation identité de X notée idX . Pour tout entier n ≥ 1, Sn désigne le groupe Perm({1, 2, . . . , n}) des permutations de {1, 2, . . . , n}. On rappelle que |Sn | = n!. Soit X = {x1 , x2 , . . . , xn } un ensemble ayant n éléments. Pour tout σ ∈ Sn , l’application σ e de X dans lui-même définie par σ e(xj ) = xσ(j) pour 1 ≤ j ≤ n est une permutation de X. Les permutations σ e pour σ ∈ Sn sont deux à deux distinctes, et on obtient ainsi toutes les permutations de X. Autrement dit, l’application σ 7→ σ e est une bijection de Sn sur Perm(X), et on vérifie facilement que cette application est un isomorphisme de groupes. On convient souvent d’identifier σ e et σ, et donc Perm(X) et Sn 1. Définitions et exemples 1.1. Deux définitions équivalentes. Définition II.1. Soient G un groupe et X un ensemble non vide. Une action de G sur X est une application (g, x) 7→ g · x de G × X dans X vérifiant i) Pour tous g, h ∈ G et tout x ∈ X on a g · (h · x) = (gh) · x ; ii) pour tout x ∈ X on a 1G · x = x. On notera les actions avec un point comme dans cette définition, ou par un symbole analogue comme •, ◦, . . . Donnons-nous une action d’un groupe G sur un ensemble X. Pour chaque g ∈ G notons i(g) l’application de X dans lui même donnée par i(g)(x) = g · x pour tout x ∈ X . (1) La condition i) de la définition s’écrit : (2) pour tous g, h ∈ G, i(gh) = i(g) ◦ i(h) et la condition ii) s’écrit i(1G ) = idX . Pour tout g ∈ G on a donc i(g)i(g −1 ) = i(gg −1 ) = i(1G ) = idX et i(g −1 )i(g) = i(g −1 g) = i(1G ) = idX . 13 14 II. ACTION D’UN GROUPE SUR UN ENSEMBLE Par conséquent, pour tout g ∈ G, i(g) est une permutation de X. L’application i est donc une application de G dans Perm(X) et la relation (2) dit que i est un homomorphisme de groupes de G dans Perm(X). Inversement, donnons-nous un homomorphisme de groupes i de G dans Perm(X). Pour tout g ∈ G et tout x ∈ X définissons g · x par (1). On vérifie immédiatement que l’application (g, x) 7→ g · x ainsi définie satisfait les conditions i) et ii) de la définition II.1. C’est donc une action de G sur X. La définition suivante est donc équivalente à la précédente : Définition II.2 (Équivalente à la définition II.1). Une action d’un groupe G sur un ensemble X est un homomorphisme de groupes i de G dans Perm(X). La relation entre cette définition et la définition II.1 est donnée par la formule (1) i(g)(x) = g · x pour tout x ∈ X . Exercice 1. Soient G un groupe, X, Y deux ensembles non vides, (g, x) 7→ g · x une action de G sur X et (g, y) 7→ g ◦ y une action de G sur Y . Pour g ∈ G et (x, y) ∈ X × Y on note g • (x, y) = (g · x, g ◦ y). Montrez qu’on a ainsi défini une action de G sur X × Y . Exercice 2. Soient X un ensemble on vide. a) Soit σ ∈ Perm(X). Montrez qu’il existe une unique action de Z sur X vérifiant 1 · x = σ(x) pour tout x ∈ X. b) Soient σ, τ ∈ Perm(X). À quelle condition existe-t-il une action de Z2 sur X telle que (1, 0) · x = σ(x) et (0, 1) · x = τ (x) pour tout x ∈ X ? Montrer que cette action est alors unique. c) Soient σ ∈ Perm(X) et n ≥ 1 un entier. On note 1 l’image de l’entier 1 dans Z/nZ. À quelle condition existe-t-il une action de Z/nZ sur X telle que 1 · x = σ(x) pour tout x ∈ X. Montrer que cette action est alors unique. 1.2. Premiers exemples. 1.2.1. Soient G un groupe et X un ensemble on vide. Pour tout g ∈ G et tout x ∈ X posons g · x = x. C’est une action de G sur X appelée l’action triviale. L’homomorphisme i : G → Perm(X) est l’homomorphisme trivial : φ(g) = idX pour tout g ∈ G. 1.2.2. Pour tout ensemble X non vide, l’application identité Perm(X) → Perm(X) est un homomorphisme de groupes, et donc une action de Perm(X) sur X. Avec la notation de la première définition, σ · x = σ(x) pour tout σ ∈ Perm(X) et tout x ∈ X. Cette action est appelée l’action naturelle de Perm(X) sur X. 1.2.3. Restriction à un sous-groupe. Donnons-nous une action du groupe G sur l’ensemble X et soit H un sous-groupe de G. On définit une action de H sur X en restreignant l’application (g, x) 7→ g · x à H × X. De manière équivalente, on restreint à H l’homomorphisme de G dans Perm(X) donné par l’action. L’action obtenue s’appelle la restriction à H de l’action. Un cas fréquent est où H est un groupe de permutations de l’ensemble X, c’est à dire un sous-groupe de G = Perm(X). La restriction à H de l’action naturelle de Perm(X) sur X est encore appelée l’action naturelle de H sur X. Elle est donnée par g · x = g(x) pour x ∈ X et g ∈ H. 1. DÉFINITIONS ET EXEMPLES 15 1.2.4. Actions linéaires, représentations linéaires. Soit E un espace vectoriel sur un corps K. On note GL(E) le groupe (pour la composition) des applications K-linéaires bijectives de E dans lui-même. On note GL(n, K) au lieu de GL(Kn ). On identifie souvent une application linéaire de Kn dans lui-même avec sa matrice dans la base canonique et on identifie ainsi GL(n, K) au groupe des matrices n×n inversibles à coefficients dans K. Ces notations sont surtout utilisées dans les cas où K = R ou C. Revenons au cas général d’un espace vectoriel E sur le corps K. L’application qui à chaque Φ ∈ GL(E) et à chaque x ∈ E associe Φ(x) est une action de GL(E) sur E, appelée l’action linéaire naturelle. Beaucoup de groupes intervenant en géométrie sont des sous-groupes de GL(n, R), par exemple SL(n, R), O(n), SO(n) . . .Par restriction, on obtient des actions de ces groupes sur Rn . De même, les groupes SL(n, C) et ses sous-groupes comme U(n) agissent sur Cn . Définition II.3. Soient G un groupe et E un espace vectoriel sur un corps K. Une représentation linéaire de G dans E est un homomorphisme de groupes de G dans GL(E). Si π : G → GL(E) est une représentation linéaire, l’application (g, x) 7→ π(g)(x) est une action de G sur E, appelée une action linéaire. Si E est un espace euclidien (resp. hermitien) on définit de même la notion de représentation orthogonale (resp. unitaire) d’un groupe sur E. 1.2.5. Action induite sur un sous-ensemble invariant. Définition II.4. Donnons-nous une action d’un groupe G sur un ensemble X. On dit qu’un sous-ensemble non vide Y de X est invariant (ou stable) si pour tout g ∈ G et tout y ∈ Y on a g · y ∈ Y . Soit Y un sous-ensemble invariant de X. On obtient une action de G sur Y en restreignant l’application (g; x) 7→ g · X à G × Y . Cette action s’appelle l’action induite sur Y . Exercice 3. Soit (g, x) 7→ g · x une action d’un groupe G sur un ensemble X. On rappelle que P(X) désigne la famille de tous les sous-ensembles de X. Pour g ∈ G et E ∈ P(X) on note g • E = {g · x ; x ∈ E}. a) Vérifiez qu’on a ainsi défini une action de G sur P(X). b) Pour tout entier n ≥ 0 on note Pn (X) la famille des parties de X ayant n éléments. Vérifiez que Pn (X) est un sous-ensemble invariant de P(X) pour l’action ainsi définie. 1.3. Un peu de vocabulaire. Donnons-nous une action d’un groupe G sur un ensemble X. – On dit que cette action est fidèle si l’homomorphisme G → Perm(X) associé à cette action est injectif. – On dit que cette action est libre si pour tout x ∈ X et tout g ∈ G différent de 1G on a g · x 6= x. Exercice 4. a) Toute action libre est fidèle. La réciproque est fausse. b) Parmi toutes les actions données en exemple dans ce chapitre, dites lesquelles sont libres et lesquelles sont fidèles. 16 II. ACTION D’UN GROUPE SUR UN ENSEMBLE 1.4. Quelques actions qui interviennent en théorie des groupes. Soit G un groupe, noté multiplicativement. 1.4.1. On définit l’action de G sur lui-même par translations à gauche par g · x = gx pour tout g, x ∈ G . Cette action de G sur lui même est fidèle, c’est à dire que l’homomorphisme i : G → Perm(G) associé à cette action est injectif. En effet, si g ∈ ker(i) on a i(g) = idG , et donc g = g · 1G = i(g)(1G ) = idG (1G ) = 1G , et notre affirmation est démontrée. Exercice 5. L’application de G × G dans G donnée par g · x = xg est-elle une action en général ? Dans quel cas particulier est-ce une action ? Théorème (de Cayley). Tout groupe fini d’ordre n est isomorphe à une sous-groupe de Sn . Démonstration. On a vu que l’homomorphisme i : G → Perm(G) associé à l’action de G sur lui-même par translations à gauche est injectif. Il définit donc un isomorphisme de G sur son image, qui est un sous-groupe de Perm(G). Comme |G| = n on peut identifier Perm(G) et Sn , d’où le résultat. 1.4.2. Action de G sur G/H par translations à gauche. Soient G un groupe et H un sous-groupe. On rappelle que G/H désigne l’ensemble des classes de congruence à gauche xH modulo H. Pour toute classe à gauche xH et tout g ∈ G, notons g · xH la classe à gauche gxH. On définit ainsi une action de G sur G/H, qu’on appelle aussi action par translations à gauche. Exercice 6. Plus généralement, donnons-nous une action d’un groupe G sur un ensemble X et une relation d’équivalence ∼ sur x vérifiant pour tous x, y ∈ X et tout g ∈ G, si x ∼ y alors g · x ∼ g · y . On dit alors que l’action et la relation d’équivalence sont compatibles. Montrez comment définir naturellement une action de G sur l’ensemble quotient X/ ∼. 1.4.3. Action par conjugaison. Notation. On note Aut(G) le groupe des automorphismes de G, muni de la composition. Ainsi, Aut(G) est un sous-groupe de Perm(G). Pour tout g ∈ G, l’application i(g) : x 7→ gxg −1 est un automorphisme de G. Un automorphisme de ce type est appelé un automorphisme intérieur. L’application i : G → Aut(G) est un homomorphisme de groupes. C’est donc aussi un homomorphisme de groupes de G dans Perm(G). Ainsi, i définit donc une action de G sur lui-même, appelée action par automorphismes intérieurs. Soit H un sous-groupe distingué de G. Alors H est un ensemble invariant pour cette action, et on peut donc considérer l’action de G sur H par automorphismes intérieurs. Exercice 7. Soient G et H deux groupes et τ : h 7→ τh un homomorphisme de H dans Aut(G) (autrement dit, τ définit une action de H sur G par automorphismes). Pour tout (g, h) ∈ G × H on définit une application σg,h de G dans lui même par σg,h (x) = gτh (x) pour tout x ∈ G . a) Vérifiez que pour tout (g, h) ∈ G × H on a σg,h ∈ Perm(G), c’est à dire que l’application σg,h est une bijection de G sur lui-même. Vérifiez que l’application (g, h) 7→ σg,h est une injection de G × H dans Perm(G). 2. ORBITES ET STABILISATEURS 17 b) Vérifiez que pour tous (g, h) et (g 0 , h0 ) ∈ G × H, il existe un unique couple (g 00 , h00 ) ∈ G × H, avec σg,h ◦ σg0 ,h0 = σg00 ,h00 . On note ce couple (g, h) ∗ (g 0 , h0 ). Montrez que G × H muni de l’opération ∗ est un groupe. Ce groupe est noté G nj H et est appelé le produit tordu de G et H. Vérifiez que l’application (g, h) 7→ σg,h est un homomorphisme de groupes de G nj H dans Perm(G). On a ainsi défini une action fidèle de G nj H sur G. c) Soient i : G → Gnj H et π : G×j H → H les applications définies par i(g) = (g, 1H ) et π(g, h) = h. Montrez que ces applications sont des homomorphismes de groupes, que i est injectif et que ker(π) = i(G). En déduire que i(G) est un sous-groupe distingué de G nj H et que H nj G/i(G) est isomorphe à H. 2. Orbites et stabilisateurs 2.1. Orbites. Exercice 8. On dit qu’une action du groupe G sur l’ensemble X est transitive s’il existe x0 ∈ X tel que : pour tout x ∈ X il existe g ∈ G avec g · x0 = x. Supposons cette propriété vérifiée. Montrez que pour tous x, y ∈ X il existe g ∈ G tel que g · x = y. Définition II.5. Soit (g, x) 7→ g · X une action du groupe G sur l’ensemble non vide X. Pour tout x ∈ X, l’orbite de x est le sous-ensemble G · x = {g · x ; g ∈ G} de X. Définissons une relation ≡ sur X par x ≡ y si y ∈ G · x . Montrons que cette relation est une relation d’équivalence sur X. Cette relation est reflexive : pour tout x ∈ X on a x = 1G · x donc x ∈ G · x, c’est à dire x ≡ x. Elle est symétrique : en effet, si x ≡ y, il existe g ∈ G tel que g · x = y, et on a g −1 · y = g −1 g · x = x, donc x ∈ G · y et y ≡ x. Elle est transitive : en effet, si x ≡ y et y ≡ z, il existe g ∈ G avec y = g · x et il existe h ∈ G avec h · y = z et on a hg · x = z donc z ≡ x. Pour tout x ∈ X, la classe d’équivalence de x pour cette relation est l’orbite G · x de x par définition. On en déduit : Proposition II.6. Soit (g, x) 7→ g · x une action du groupe G sur l’ensemble non vide X. Alors deux orbites sont toujours identiques ou disjointes. Plus précisément, pour tous x, y ∈ X, – ou bien y appartient à l’orbite G · x de x et dans ce cas les orbites G · x et G · y sont identiques ; – ou bien y n’appartient pas à l’orbite G · x de x et dans ce cas les orbites G · x et G · y sont disjointes. Ainsi, les orbites forment une partition de X. Si X est fini, |X| est la somme des nombres d’éléments des différentes orbites. 18 II. ACTION D’UN GROUPE SUR UN ENSEMBLE Exercice 9. Soient une action d’un groupe G sur un ensemble X et Y un sousensemble non vide de X. Alors Y est invariant si et seulement si il est égal à une réunion d’orbites. Exercice 10. Soient G un groupe et H un sous-groupe. Considérons l’action de H sur G obtenue en restreignant à H l’action de G sur lui-même par translations à gauche. Alors l’orbite de x ∈ G est la classe de congruence à droite Hx modulo H. Un sous-ensemble non vide de G est invariant si et seulement si il est une réunion de classes de congruence à droite modulo H. Exercice 11. (Décomposition d’une permutation en cycles) Soient Y un ensemble fini, k = |Y | et τ ∈ Perm(Y ). On dit que τ est une permutation circulaire de Y si on peut écrire l’ensemble Y sous la forme Y = {y0 , y1 , . . . , yk−1 } de sorte que τ (i) = yi+1 pour 0 ≤ i < k − 1 et τ (yk−1 ) = y0 . Désormais, n ≥ 2 est un entier, σ ∈ Sn et G est le sous-groupe de Sn engendré par σ. On considère la restriction à G de l’action naturelle de Sn sur {1, 2, . . . , n}. a) Montrer que σ est une permutation circulaire de {1, 2, . . . , n} si et seulement si l’action de G sur {1, 2, . . . , n} est transitive. b) Soit O une orbite de G pour cette action. Montrer que la restriction de σ à O est une permutation circulaire de O. c) Soient O1 , . . . , O` les différentes orbites de l’action de G sur {1, 2, . . . , n}. Pour 1 ≤ j ≤ ` on définit l’application σj de {1, 2, . . . , n} dans lui-même par σj (i) = σ(i) si i ∈ Oj ; σj (i) = i sinon. Vérifiez que chacune des applications σj ainsi définie est une permutation de {1, 2, . . . , n}. Montrer que les permutations σj commutent entre elles, c’est à dire que σj ◦ σk = σk ◦ σj pour tous j, k ∈ {1, . . . , `}. Vérifier que σ = σ1 ◦ σ2 ◦ · · · ◦ σ` . d) Montrer que |G| = ppcm1≤j≤` |Oj | (utiliser la deuxième partie de la proposition II.8). 2.2. Stabilisateurs. Définition II.7 (et proposition). Soit (g, x) 7→ g · X une action du groupe G sur l’ensemble non vide X. Pour tout x ∈ X, le stabilisateur Gx de x est le sous-ensemble Gx = {g ∈ G ; g · x = x} de G. C’est un sous-groupe de G. Attention aux notations : il ne faut pas confondre Gx et G · x. Soient x ∈ G. Soient g, h ∈ G. Alors g · x = h · x si et seulement si h−1 g · x = x, c’est à dire si h−1 g ∈ Gx , c’est à dire si g et h sont congrus à gauche modulo Gx . L’application φ : g 7→ g · x de G dans X passe donc au quotient G/Gx et définit une application injective φ̄ : G/Gx → X. Cette application a la même image que φ, c’est à dire G · x. Nous avons ainsi construit une bijection entre G/Gx et G · x. On rappelle que l’indice (G : Gx ) de Gx dans G est le cardinal de G/Gx . Nous avons montré : Proposition II.8. Soit (g, x) 7→ g · X une action du groupe G fini sur l’ensemble fini non vide X. Alors toutes les orbites sont finies et, pour tout x ∈ X on a |G · x| = (G : Gx ) . En particulier, le cardinal de toute orbite divise l’ordre de G. 2. ORBITES ET STABILISATEURS 19 On utilise souvent les propositions II.6 et II.8 ensemble. Donnons-nous une action du groupe fini G sur un ensemble fini X et soient O1 , . . . , Ok les orbites de cette action. Pour 1 ≤ j ≤ k choisissons un élément xj de Oj ; on a donc Oj = G · xj . On obtient : k k k k X X X X |G| |X| = |Oj | = |G · xj | = (G : Gxj ) = . |Gxj | j=1 j=1 j=1 j=1 Exercice 12. On se donne une action d’une groupe G sur un ensemble X et un point x ∈ X. a) Soit y appartenant à l’orbite de x. Quelle relation y a-t-il entre Gy et Gx ? b) On suppose maintenant que l’action est transitive et fidèle. Montrez que Gx ne contient aucun sous-groupe distingué de G sauf le sous-groupe trivial. 2.3. Points fixes – une application aux p-groupes. Définition II.9. Donnons nous une action d’un groupe G sur un ensemble non vide X. Un point fixe de cette action est un élément x de X dont l’orbite est l’ensemble {x}, c’est à dire tel que g · x = x pour tout g ∈ G. Définition II.10. Soit p un nombre premier. Un p-groupe est un groupe fini non trivial dont l’ordre est une puissance de p. Proposition II.11. Donnons-nous une action d’un p-groupe G sur un ensemble fini non vide X. Soit F l’ensemble des points fixes de cette action. Alors : |F | = |X| mod p . Démonstration. Soient k le nombre de points fixes et x1 , . . . , xk ces points. Pour 1 ≤ i ≤ k, {xi } est une orbite de l’action, et on obtient ainsi toutes les orbites formées d’un seul élément. Soient m le nombre d’orbites ayant plus d’un élément et O1 , . . . , Om ces orbites. D’après la dernière partie de la proposition II.6, (3) |X| = |{x1 }| + · · · + |{xk }| + |O1 | + · · · + |Om | = k + |O1 | + · · · + |Om | . Pour 1 ≤ j ≤ m on a |Oj | > 1 par définition, et |Oj | divise |G| d’après la proposition II.8. Comme |G| est une puissance positive de p, |Oj | est aussi une puissance positive de p et en particulier |Oj | est est un multiple de p. L’égalité (3) précédente donne donc |X| = k mod p. On rappelle que le centre d’un groupe G est Z(G) = {g ∈ G ; gh = hg pour tout h ∈ G} = {g ∈ G ; hgh−1 = g pour tout h ∈ G} . Z(G) est un sous-groupe distingué de G. Théorème II.12. Soit p un nombre premier et G un p-groupe. Alors le centre de G est non trivial. Démonstration. Considérons l’action de G sur lui-même par conjugaison, comme dans la section 1.4.3. Les points fixes de cette action sont les éléments du centre de G. D’après la proposition II.11 on a donc |Z(G)| = |G| mod p, donc |Z(G)| est un multiple de p. Comme Z(G) est un sous-groupe de G c’est un ensemble non vide, donc |Z(G)| ≥ 1. Comme |Z(G)| est un multiple de p, on a donc |Z(G)| ≥ p > 1 et Z(G) est non trivial. 20 II. ACTION D’UN GROUPE SUR UN ENSEMBLE Exercice 13. Soit p un nombre premier. Dans cet exercice on montre que tout groupe d’ordre p2 est abélien. On raisonne par l’absurde et on suppose que G est un groupe non abélien d’ordre p2 . On note Z = Z(G). a) Montrez que Z est d’ordre p. b) en déduire que G/Z est isomorphe à Z/pZ. c) Conclure en utilisant le résultat de l’exercice 17 du chapitre I. Exercice 14. Un groupe non abélien d’ordre p3 . Soit p un nombre premier. On munit H = {0, 1, . . . , p − 1}3 de la multiplication donnée par : pour x, y, z, x0 , y 0 , z 0 ∈ {0, 1, . . . , p − 1}, (x, y, z) · (x0 , y 0 , z 0 ) = (x + x0 mod p, y + y 0 mod p, z + z 0 + xy 0 mod p) a) Montrez que G muni de cette multiplication est un groupe. Indication : Vérifiez que pour tous x, y, z, x0 , y 0 , z 0 ∈ Z/pZ on a 1 x z 1 x0 z 0 1 x + x0 z + z 0 + xy 0 0 1 y · 0 1 y 0 = 0 1 y + y0 0 0 1 0 0 1 0 0 1 et déduisez-en les propriétés recherchées. b) Quel est le centre Z de H ? Vérifiez que le quotient G/Z est isomorphe à Z/pZ × Z/pZ. (En fait on peut montrer que tout groupe non abélien d’ordre p3 est isomorphe à H.) Voir aussi : Exercice 3 de l’examen de janvier 2010 (page 106). CHAPITRE III Les théorèmes de Sylow Définition III.1. Soit G un groupe fini non trivial, p un diviseur premier de |G| et pr la plus grande puissance de p divisant |G|. Un p-sous-groupe de Sylow de G est un sous-groupe de G d’ordre pr . Dans ce chapitre nous montrons : Théorème III.2 (Les trois théorèmes de Sylow). Soient G un groupe fini non trivial et p un diviseur premier de |G|. – Premier théorème de Sylow. G admet au moins un p-sous-groupe de Sylow. Plus précisément, le nombre de p-sous-groupes de Sylow est congru à 1 modulo p. – Deuxième théorème de Sylow. Tout p-sous-groupe de G est inclus dans un p-sous-groupe de Sylow. – Troisième théorème de Sylow. Si H et H 0 sont deux p-sous-groupes de Sylow alors ils sont conjugués, c’est à dire qu’il existe g ∈ G avec H 0 = gHg −1 ; 1. Préliminaires 1.1. Un lemme arithmétique. Lemme III.3. Soient p un nombre premier, r ≥ 1 un entier et q un entier premier r avec p. Alors le coefficient binomial qp est congru à q modulo p. pr Notations. On utilise ici la notation « officielle » des coefficients du binôme, la pr qpr tradition en France était de noter Cqp . r au lieu de pr Soit p un nombre premier. Pour tout entier m ≥ 1 on note pv(m) la plus grande puissance de p divisant m. Démonstration. Soient p, r et q comme dans l’énoncé. Par définition des coefficients du binôme on a r qp qpr (qpr − 1)(qpr − 2) . . . (qpr − (pr − 1)) = pr pr (pr − 1)(pr − 2) . . . (pr − (pr − 1)) et donc r −1 r pY pr −1 Y qp r (1) q· (qp − j) = · (pr − j) . r p j=1 j=1 Dans cette égalité (1), pour 1 ≤ j ≤ pr − 1, divisons le terme qpr − j du membre de gauche et le terme pr − j du membre de droite par pv(j) ; nous obtenons : r −1 r pY pr −1 Y j qp j r−v(j) r−v(j) (2) q· qp − v(j) = · p − p pr pv(j) j=1 j=1 où tous les termes des deux produits sont des nombres entiers. En effet, pour 1 ≤ j < pr , j est divisible par pv(j) et donc j/pv(j) est un entier ; de plus, j n’est 21 22 III. LES THÉORÈMES DE SYLOW pas divisible par pr , donc v(j) < r et pr−v(j) est un entier. Plus précisément, pour 1 ≤ j < pr , r − v(j) > 0 et pr−v(j) est un multiple de p et nous avons qpr−v(j) − j pv(j) = − j pv(j) mod p et pr−v(j) − j pv(j) = − j pv(j) mod p . En reportant ces égalités dans (2), on obtient pr −1 q· Y j=1 − j pv(j) r −1 r pY j qp − = · mod p . pr pv(j) j=1 Par définition de v(j), tous les termes −j/pv(j) sont des entiers premiers avec p, leurs images dans Z/pZ sont donc inversibles et nous pouvons simplifier. Il vient qpr q = pr mod p ce qu’il fallait démontrer. 1.2. Un rappel sur la théorie élémentaires des groupes. Les résultats de cette section sont utilisés uniquement dans la section 4 ou l’on donne des démonstrations alternatives d’une partie des théorèmes de Sylow. Nous allons utiliser les définitions et résultats de l’exercice 13 du chapitre I, que nous rappelons ici. Lemme III.4. Soient G un groupe et H un sous-groupe de G. Le normalisateur de H est Norm(H) = {g ∈ G : gHg −1 ⊂ H} . Soit encore K un sous-groupe de G avec K ⊂ Norm(H). On pose HK = {hk : h ∈ H, k ∈ K} . Alors HK est un sous-groupe de G, H est un sous-groupe distingué de HK, K ∩ H est un sous-groupe distingué de K et K/(K ∩ H) ∼ = (HK)/H. Corollaire III.5. Soient G un groupe fini, p un nombre premier divisant |G|, L un psous-groupe de Sylow de G et K un p-sous-groupe de G contenu dans le normalisateur Norm(L) de L. Alors K est inclus dans L. Démonstration. Écrivons |G| = pr q avec r ≥ 1 et q premier avec p. D’après le lemme III.4, LK est un sous-groupe de G contenant L et |LK| / |L| = |K| / |L ∩ K| . Comme K est un p-groupe, son ordre est une puissance de p et donc |K|/|L∩K| = pm pour un certain entier m ≥ 0. On a donc |LK| = pm |L| = pm+r . On en déduit que pm+r divise |G|, d’où m = 0 par définition de r. On a donc |K|/|L ∩ K| = 1, c’est à dire K = L ∩ K et K ⊂ L. 2. La démonstration Nous écrivons |G| = n = pr q où p est un nombre premier, r ≥ 1 et q est un entier premier avec p. 2. LA DÉMONSTRATION 23 2.1. Démonstration du premier théorème de Sylow. On considère l’action de G sur lui-même par translations à gauche. Cette action induit une action de G sur P(G) (voir l’exercice 3 du chapitre II) : Pour E ∈ P(G) et g ∈ G g · E = {gx ; x ∈ E} . Soit X ⊂ P(G) l’ensemble des parties de G ayant pr éléments. Alors X est un sous-ensemble invariant de cette action. Nous considérons maintenant l’action induite sur ce sous-ensemble invariant. Soit E ∈ X (autrement dit, E est un sous-ensemble de G ayant pr éléments). Le stabilisateur de E ∈ X est GE = {g ∈ G ; g · E = E} = {g ∈ G ; g · E ⊂ E} car |g · E| = |E| pour tout g = {g ∈ G ; g · x ∈ E pour tout x ∈ E} . Montrons : Lemme III.6. Soit E ∈ X . Alors |GE | est une puissance de p, inférieure ou égale à pr et donc |G · E| = ps q pour un certain entier s avec 0 ≤ s ≤ r. De plus, pour que l’orbite G · E ait q éléments, il faut et il suffit que cette orbite contienne un p-sous-groupe de Sylow. Dans ce cas, cette orbite contient un seul p-sous-groupe de Sylow. Démonstration du lemme III.6. On rappelle que les classes de congruence à droite modulo un sous-groupe sont deux à deux distinctes ou confondues et qu’elles ont toutes le même nombre d’éléments que ce sous-groupe. Pour tout x ∈ E et tout g ∈ GE on a gx ∈ GE · E = E. Ainsi, pour tout x ∈ E, la classe à droite GE x modulo GE est contenue dans E. On a donc [ E= GE x x∈E et E est donc une réunion de classes à droite modulo GE . Chacune de ces classes ayant |GE | éléments, |E| est un multiple de |GE |. Comme |E| = pr , on obtient que |GE | = pr−s pour un certain entier s avec 0 ≤ s ≤ r. On a donc |G · E| = |G|/|GE | = ps q : la première partie du lemme est démontrée. On a |G · E| = q si et seulement si |GE | = pr , c’est à dire si GE est un p-sousgroupe de Sylow. Dans ce cas, comme |E| = pr = |GE | et que E est une réunion de classes à droite modulo GE ayant chacune pr éléments, E est une classe à droite hGE modulo GE . On a alors h−1 · E = GE et l’orbite de E contient le p-sous-groupe de Sylow GE . Inversement, supposons que l’orbite de E contienne un p-sous-groupe de Sylow H. Alors l’orbite de E est égale à l’orbite de H. Le stabilisateur GH de H contient clairement H, donc |GH | ≥ pr et d’après la première partie du lemme, GH = pr . On a donc |G · E| = |G · H| = |G|/|GH | = q. Il reste à montrer que si une orbite contient deux p-sous-groupes de Sylow H et H 0 alors ils sont égaux. Dans ce cas, il existe g ∈ G avec g · H = H 0 , donc 1 ∈ g · H, donc g −1 ∈ H, d’où g ∈ H et H 0 = g · H = H. Nous continuons maintenant la démonstration du premier théorème de Sylow. Soit k ≥ 0 le nombre de p-sous-groupes de Sylow. D’après la deuxième partie du lemme III.6, k est égal au nombre d’orbites ayant q éléments. D’après la première 24 III. LES THÉORÈMES DE SYLOW partie du lemme, toutes les autres orbites ont un nombre d’éléments de la forme ps q avec s > 0, qui est donc divisible par p. Comme le nombre d’éléments de X est la somme du nombre d’éléments des différentes orbites, on a |X | = kq mod p. On rappelle queX est le nombre de parties r à pr éléments de G et que |G| = pr q. On a donc |X | = pprq . D’après le lemme III.3 on a donc kq = q mod p et comme q est premier avec p on a k = 1 mod p. En particulier, k 6= 0. 2.2. Démonstration du deuxième théorème de Sylow. Nous commençons par montrer : Lemme III.7. Si K est un p-sous-groupe de G et H un p-sous-groupe de Sylow de G alors il existe g ∈ G avec K ⊂ gHg −1 . Démonstration du lemme. Soient K et H comme dans l’énoncé. On rappelle que G/H désigne l’ensemble des classes à gauche modulo H et que |G/H| = (G : H) = |G|/|H| = q. On définit une action ◦ de K sur G/H par k ◦ (gH) = (kg)H por tout k ∈ K et tout g ∈ G. Soit ` le nombre de points fixes de cette action, c’est à dire le nombre d’orbites ayant 1 élément. D’après la proposition II.11, ` = q mod p. En particulier, ` 6= 0. Soit donc gH un point fixe de cette action. Pour tout k ∈ K on a donc kgH = gH, donc g −1 kg ∈ H, donc k ∈ gHg −1 . On a montré que K ⊂ gHg −1 . Démonstration du deuxième théorème de Sylow. Soit K un p-sous-groupe de G. D’après le premier théorème de Sylow, il existe un p-sous groupe de Sylow H. D’après le lemme III.7, il existe g ∈ G avec K ⊂ gHg −1 . Or gHg −1 est un p-sous-groupe de Sylow. 2.3. Démonstration du troisième théorème de Sylow. Soient K et H deux p-sous-groupes de Sylow de G. En particulier, K est un p-groupe. D’après le lemme III.7, il existe g ∈ G tel que K soit inclus dans L = gHg −1 . Comme K et gHg −1 ont le même ordre pr , ces groupes sont égaux. Ainsi, les groupes H et K sont conjugués. Exercice 1. Soient p un nombre premier et G un groupe fini non trivial. Montrez que G est un p-groupe si et seulement si l’ordre de tout élément de G est une puissance de p. 3. Un résultat sur le nombre de groupes de Sylow Théorème III.8. Soit G un groupe d’ordre pr q où p est un nombre premier, r ≥ 1 et q n’est pas divisible par p. Alors le nombre de p-sous-groupes de Sylow divise q. Démonstration. Soit S l’ensemble des p-sous-groupes de Sylow. On définit une action de G sur S par pour g ∈ G et H ∈ S, g • H = gHg −1 . D’après le troisième théorème de Sylow, cette action est transitive, c’est à dire qu’elle admet une seule orbite. Soit H ∈ S. L’orbite de H est donc égale à S. Le stabilisateur GH de H est un sous-groupe de G donc son ordre divise pr q. On a clairement H ⊂ GH donc l’ordre de GH est un multiple de |H| = pr . Finalement, |GH | = pr m où m divise q. 4. VARIANTES On a donc |S| = |G|/|GH | = q/m, qui est un diviseur de q. 25 4. Variantes Dans cette section, p est un nombre premier. Les démonstrations données ici sont à compléter. 4.1. Une autre démonstration de la première partie du premier théorème de Sylow. On procède par récurrence sur l’ordre n = ph de G. Le premier cas à considérer est celui où h = 1. Dans ce cas G est un p-sous-groupe de Sylow de G et il n’y a rien à montrer. On se donne maintenant h > 1 et on suppose que tout groupe dont l’ordre est de la forme ph0 avec 1 ≤ h0 < h admet un p-sous-groupe de Sylow. Soit G un groupe d’ordre n = ph. Nous devons montrer que G admet un p-sousgroupe de Sylow. Nous écrivons n = pr q avec r ≥ 1 et q premier avec p. 4.1.1. Supposons d’abord que G admet un sous-groupe H d’ordre pr q 0 avec 1 ≤ q 0 < q. Alors on conclut facilement en appliquant l’hypothèse de récurrence à ce sous-groupe. 4.1.2. Nous supposons maintenant que (*) G ne contient aucun sous-groupe d’ordre pr q 0 avec 1 ≤ q 0 < q. On considère l’action de G sur lui-même par conjugaison et on procède comme dans la démonstration de la proposition II.11 : en utilisant (*), on montre que toute orbite qui n’est pas réduite à un seul élément a un ordre qui est un multiple de p. On en déduit que le centre Z(G) est non trivial et que |Z(G)| est un multiple de p. 4.1.3. Z(G) contient un sous-groupe H d’ordre p. Si r = 1, H est un p-sousgroupe de Sylow de G et on a terminé. Sinon, on remarque que H est un sous-groupe distingué de G et on conclut en appliquant l’hypothèse de récurrence au groupe G/H 4.2. Autre démonstration de la deuxième partie du premier théorème de Sylow. D’après le premier théorème de Sylow, G admet au moins un p-sous-groupe de Sylow. Choisissons un tel sous-groupe H. On note S l’ensemble des p-sous-groupes de Sylow de G et on fait agir G sur S par conjugaison : pour g ∈ G et H ∈ S, g • H = gHg −1 . On considère la restriction de cette action au sous-groupe H de G. On remarque que H est un point fixe de cette action. Montrons que c’est le seul point fixe. Si H 0 ∈ S est un point fixe alors H est inclus dans le normalisateur de H 0 et d’après le corollaire III.5, H ⊂ H 0 donc H = H 0 . Toutes les autres orbites de l’action ont un cardinal qui est une puissance positive de p et qui est donc divisible par p. On a donc |S| = 1 mod p. 4.3. Autre démonstration du deuxième théorème de Sylow. Soit K un p-sous-groupe de G. On continue à noter S l’ensemble des p-sous-groupes de Sylow de G et (g, H) 7→ g • H = gHg −1 l’action de G sur S par conjugaison. D’après le premier théorème de Sylow, G admet au moins un p-sous-groupe de Sylow. Choisissons un tel sous-groupe H. Soient O l’orbite de H et GH son stabilisateur pour cette action. Par définition, GH contient H, donc |GH | est un multiple de |H| = pr et donc |O| = (G : GH ) est un diviseur de n/pr = q et donc 26 III. LES THÉORÈMES DE SYLOW |O| est premier avec p. Considérons l’action de K sur S obtenue par restriction de l’action • et remarquons que O est un ensemble invariant pour cette action. Nous notons ∗ l’action de K sur O obtenue en restreignant cette action à O : Pour k ∈ K et L ∈ O, k ∗ L = kLk −1 . On sait que |O| est la somme des nombres des éléments des orbites de cette dernière action. Comme |O| est premier avec p, l’une au mois de ces orbites a un nombre d’éléments qui n’est pas un multiple de p. Soit L ∈ O tel que l’ordre |K ∗ L| de son orbite K ∗ L ne soit pas divisible par p. Comme |K ∗ L| divise |K| qui est une puissance de p, on a donc que |K • L| = 1. Ainsi, L est donc un point fixe de l’action ∗. Nous récapitulons. L appartient à l’orbite O de H pour l’action •, et donc il existe g ∈ G avec gHg −1 = L. De plus, L est un point fixe pour l’action ∗, c’est à dire h ∗ L = L pour tout h ∈ K, c’est à dire hLh−1 = L pour tout h ∈ K. Autrement dit, K est inclus dans le normalisateur de L. Or L est un p-sous-groupe de Sylow et K est un p-groupe. D’après le corollaire III.5, K ⊂ L, ce qui démontre le deuxième théorème de Sylow. 5. Une application : groupes d’ordre pq Proposition III.9. Soient p, q deux nombres premiers avec p < q et supposons que q 6= 1 mod p. Alors tout groupe d’ordre pq est abélien. Remarque. On en peut pas supprimer l’hypothèse q = 6 1 mod p. En effet, |S3 | = 6 = 2 × 3 et S3 n’est pas abélien. Démonstration. Soit G un groupe d’ordre pq. a) Comme |G| = pq, un q-sous-groupe de Sylow de G est un sous-groupe de G d’ordre q. D’après le théorème III.8, le nombre ` de q-sous-groupes de Sylow de G divise p donc est égal à 1 ou à p, et en particulier ` ≤ p donc ` < q par hypothèse. D’après le premier théorème de Sylow, ` est congru à 1 modulo q. Le seul entier ` vérifiant ces conditions est ` = 1, donc G admet un unique q-sous-groupe de Sylow qu nous notons K. b) Pour tout g ∈ G, |gKg −1 | = |K| = q donc gKg −1 est un q-sous-groupe de Sylow donc gKg −1 = G d’après ce qui précède. Ainsi, K est un sous-groupe distingué de G. c) Un p-sous-groupe de Sylow de G est un sous-groupe de G d’ordre p. D’après le théorème III.8, le nombre k de p-sous-groupes de Sylow divise q, donc k = 1 ou k = q. D’après le premier théorème de Sylow, k est congru à 1 modulo p. Par hypothèse, q 6= 1 mod p donc k 6= q. On obtient que k = 1, c’est à dire qu’il existe un unique p-sous-groupe de Sylow que nous notons H. On en déduit come plus haut que H est un sous-groupe distingué de G. d) H ∩ K est un sous-groupe de G inclus dans H, c’est donc un sous groupe de H et donc |H ∩ K| divise |H| = p. De même, |H ∩ K| divise q. Comme p et q sont des nombres premiers distincts, |H ∩ K| = 1 et H ∩ K est le sous-groupe trivial {1G } de G. 5. UNE APPLICATION : GROUPES D’ORDRE pq 27 e) Montrons que pour tout h ∈ H et tout k ∈ K on a hk = kh. On a hkh−1 k −1 = h(kh−1 k −1 ) ∈ H car h ∈ H, h−1 ∈ H et H est distingué ; = (hkh−1 )k −1 ∈ K car k ∈ K, K est distingué et k ∈ K et donc hkh−1 k −1 ∈ H ∩ K donc hkh−1 k −1 = 1H d’après ce qui précède, et donc hk = kh. e) Soit φ : H × K → G l’application donnée par φ(h, k) = hk. Pour (h, k) et 0 (h , k 0 ) ∈ H × K, φ (h, k) · (h0 , k 0 ) = φ(hh0 , kk 0 ) = hh0 kk 0 = hkh0 k 0 d’après (e) = φ(h, k) · φ(h0 , k 0 ) et l’application φ est un homomorphisme de groupes. Si (h, k) ∈ ker(φ), on a h ∈ H, k ∈ K et hk = 1G donc k = h−1 , donc k ∈ H et enfin k ∈ H ∩ K. D’après d), k = 1G donc h = 1G . Le noyau de φ est réduit à l’élément neutre (1G , 1G ) de H × K et l’homomorphisme φ est injectif. On a donc |φ(H × K)| = |H × K| = pq = |G| et comme φ(H × K) ⊂ G on a φ(H × K) = G. On a ainsi montré que φ est surjective. Nous concluons que φ est un isomorphisme. Ainsi, G est isomorphe à H × K. e) Comme p et q sont premiers, H est isomorphe à Z/pZ et K est isomorphe à Z/qZ. Finalement, G est isomorphe à Z/pZ × /Z/qZ, donc est abélien. Exercice 2. Dans cet exercice on construit un groupe non abélien d’ordre 21 = 3×7. On note φ l’application x : x 7→ 2x de Z/7Z dans lui-même. a) Vérifiez que π est un automorphisme du groupe Z/7Z et que φ ◦ φ ◦ φ est l’identité. En déduire que l’application j : Z/3Z → Aut(Z/7Z) définie par j(0̄) = id, j(1̄) = φ et j(2̄) = φ ◦ φ est un homomorphisme de groupes. b) Soit K = Z/7Z nj Z/3Z le produit tordu construit dans l’exercice 7 du chapitre II. Vérifiez que |K| = 21 et que K n’est pas abélien. c) (Nettement plus difficile) Soit φ0 : x 7→ 4x de Z/7Z dans lui-même. On lui associe comme ci-dessus un homomorphisme j 0 : Z/3Z → Aut(Z/7Z) et un groupe K 0 = Z/7Z nj 0 Z/3Z. Montrez que K et K 0 sont isomorphes. Montrez que tout groupe d’ordre 21 est ou bien abélien, ou bien isomorphe à K. CHAPITRE IV Groupes abéliens Dans ce chapitre, tous les groupes sont supposés abéliens et sont notés additivement. 1. Notations et rappels 1.1. Ordre d’un élément. On rappelle qu’un groupe engendré par un élément est appelé un groupe cyclique ou monogène. Soit G un groupe abélien. On rappelle (exercice 14 du chapitre I) : pour A, B ⊂ G, on note A + B = {a + b ; a ∈ A, b ∈ B} ; k fois z }| { a + a + · · · + a si k > 0 ; pour a ∈ G et k ∈ Z, on note k · a = 0 si k = 0 ; −(−k)a si k < 0 . pour A ⊂ G et k ∈ Z, on note k · A = {k · a ; a ∈ A} Pour a ∈ G donné, l’application n 7→ n · a est un homomorphisme de groupes de Z dans G. Son image gp(a) = Z · a = {k · a n ∈ Z} est le sous-groupe de G engendré par a. Deux cas sont possibles : – ou bien tous les éléments n · a avec n ∈ Z sont distincts ; on dit alors que a est d’ordre infini. Dans ce cas, gp(a) est isomorphe à Z. – ou bien il existe un entier k ≥ 1 tel que k · a = 0 et on dit que a est un élément d’ordre fini (on dit aussi élément de torsion). Le plus petit entier k ≥ 1 tel que k · a = 0 s’appelle l’ordre de a. Si k est l’ordre de a alors gp(a) est isomorphe à Z/kZ. 0 est le seul élément d’ordre 1 de G. On rappelle encore que si G est fini, l’ordre de tout élément de G est fini et divise l’ordre de G. 1.2. Somme et somme directe de sous-groupes. Soient G un groupe abélien, k ≥ 2 un entier et H1 , H2 . . . , Hk des sous-groupes de G. Soit s : H1 × H2 × · · · × Hk → G l’application donnée par (1) s(h1 , h2 , . . . , hk ) = h1 + h2 + · · · + hk . On vérifie immédiatement que cette application est un homomorphisme de groupes. Son image def H1 + H2 + · · · + Hk = {h1 + h2 + · · · + hk ; h1 ∈ H1 , h2 ∈ H2 , . . . , hk ∈ Hk } est donc un sous-groupe de G appelé la somme des sous-groupes H1 , H2 . . . , Hk . 28 2. GROUPES ABÉLIENS FINIS 29 Définition IV.1. On dit que G est la somme direct des sous-groupes H1 , H2 . . . , Hk , et on note G = H1 ⊕ H2 ⊕ · · · ⊕ Hk , si les propriétés équivalentes suivantes sont satisfaites : – L’application s définie par (1) est un isomorphisme de groupes ; – pour tout g ∈ G il existe un unique k-uple (h1 , h2 , . . . , hk ) avec h1 ∈ H1 , h2 ∈ H2 , . . ., hk ∈ Hk et g = h1 + h2 + · · · + hk . Exercice 1. (Cet exercice sera utilisé plus tard) Soient H1 , . . . , Hk des sous groupes du groupe abélien fini G. Montrez que G = H1 ⊕ · · · ⊕ Hk si et seulement si G = H1 + · · · + Hk et |G| = |H1 ] . . . |Hk |. Lemme IV.2. Soient H1 et H2 deux sous groupes du groupe abélien G. Pour que G soit somme directe de H1 et H2 il faut et il suffit que G = H1 + H2 et que H1 ∩ H2 = {0}. Attention ! Le résultat analogue n’est pas vrai pour plus que 2 sous-groupes (voir l’exercice 2). Démonstration. – La condition est nécessaire. Supposons que G = H1 ⊕ H2 et soit a ∈ H1 ∩H2 . Alors (a, −a) appartient à H1 ×H2 et au noyau de l’homomorphisme s défini plus haut, donc a = 0. – La condition est suffisante. Soit (x, y) ∈ H1 × H2 avec s(x, y) = 0. On a x ∈ H1 , y ∈ H2 et x + y = 0 donc x = −y ∈ H2 et enfin x ∈ H1 ∩ H2 . Par hypothèse, x = 0 donc y = −x = 0. Ainsi l’homomorphisme s est injectif. Il est surjectif par hypothèse, c’est donc un isomorphisme. Exercice 2. Soient G = Z/30Z, H1 = 6 · G, H2 = 10 · G et H3 = 15 · G. Vérifiez que Hi ∩ Hj = {0} pour 1 ≤ i 6= j ≤ 3, que G = H1 + H2 + H3 et que G 6= H1 ⊕ H2 ⊕ H3 . 2. Groupes abéliens finis 2.1. Décomposition en somme de p-groupes. Théorème IV.3. Soit G un groupe d’ordre n > 1 et soit n = pr11 pr22 . · · · .prkk la décomposition de n en facteurs premiers. Alors, pour tout i ∈ {1, 2, . . . , k}, G admet un unique sous-groupe Hi d’ordre pri i . De plus, G = H1 ⊕ H2 ⊕ · · · ⊕ Hk . On rappelle que p1 , p2 , . . . , pk sont des nombre premiers distincts et que r1 , r2 , . . . , rk sont strictement positifs. La démonstration qui suit utilise les théorèmes de Sylow ; il existe des preuves beaucoup plus « élémentaires », mais plus longues. Démonstration. D’après le premier théorème de Sylow, pour tout i ∈ {1, . . . , k}, G admet un pi -sous-groupe de Sylow, c’est à dire un sous-groupe d’ordre pri i . D’après le troisième théorème de Sylow, tout autre sous-groupe Hi0 d’ordre pri i est conjugué de Hi , donc égal à Hi puisque G est abélien. La première partie du théorème est démontrée. Soit s : H1 × · · · × Hk → G l’homomorphisme de groupes défini comme en (1). Montrons que s est injectif. Nous devons montrer que si (g1 , . . . , gk ) ∈ H1 × · · · × Hk vérifie s(h1 , . . . , hk ) = 0, c’est à dire si g1 + · · · + gk = 0 30 IV. GROUPES ABÉLIENS on a h1 = · · · = hk = 0. Soit j ∈ {1, . . . , k} et montrons que hj = 0. Posons Y q= pri i . 1≤i≤k ; i6=j On a q · gj + X q · gi = 0 . 1≤i≤k, i6=j Pour i 6= j, comme gi appartient au groupe Hi d’ordre pri i on a pri i · gi = 0 et, comme q est un multiple de pri i , on a donc q · gi = 0. Nous concluons que q · gj = 0 et l’ordre r de gj divise donc q. D’autre part, gj appartient au groupe Hj d’ordre pj j et donc r r l’ordre de gj divise pj j . Comme q et pj j sont premiers entre eux, l’ordre de gj est égal à 1 et nous avons montré que gj = 0. On a ainsi montré que s est injectif. Comme |H1 × · · · × Hk | = pr11 . . . prkk = |G|, s est bijectif et est donc un isomorphisme. On a ainsi montré la deuxième partie du théorème. 2.2. p-groupes abéliens. Théorème IV.4. Soient p un nombre premier et G un p-groupe abélien. Alors il existe un entier k ≥ 1 et des entiers strictement positifs n1 ≥ n2 ≥ · · · ≥ nk tels que (2) G∼ = Z/pn1 Z × · · · × Z/pnk Z . De plus, l’entier k et les entiers n1 , . . . , nk vérifiant cette propriété sont uniques. On vérifie facilement que la propriété (2) est équivalente à : Pour 1 ≤ i ≤ k, G admet un sous-groupe Gi cyclique d’ordre pni et (3) G = G1 ⊕ G2 ⊕ · · · ⊕ Gk . Exercice 3. Démontrez cette dernière affirmation. 2.2.1. Démonstration de l’existence de la décomposition (3). Soit pn l’ordre de G. Nous raisonnons par récurrence sur n. Tout groupe d’ordre p est isomorphe à Z/pZ, ce qui achève la démonstration dans le cas n = 1. Nous supposons maintenant que n > 1 et que le résultat est valable pour tout p groupe abélien d’ordre < pn et le montrons pour un p groupe G d’ordre pn . Soit a1 ∈ G un élément d’ordre maximal ; cet ordre divise |G| = pn donc est égal n1 à p où n1 ≥ 1 est un entier. Le sous-groupe G1 = gp(a1 ) est isomorphe à Z/pn1 Z. Si n1 = n alors G = G1 est isomorphe à Z/pn1 Z et la démonstration de l’existence est terminée. Nous supposons maintenant que n1 < n. a) Le groupe G/G1 est un p-groupe d’ordre pn−n1 et d’après l’hypothèse de récurrence, G/G1 peut s’écrire (4) G/G1 = H2 ⊕ H3 ⊕ · · · ⊕ Hk où k ≥ 1 est un entier et où chaque groupe Hi est cyclique d’ordre pni avec n2 ≥ · · · ≥ nk ≥ 1. Pour 1 ≤ i ≤ k soit αi un générateur du groupe cyclique Hi . b) On note π : G → G/G1 l’homomorphisme quotient. Nous montrons maintenant : Lemme IV.5. Pour 2 ≤ i ≤ k, l’élément αi de G/G1 admet un représentant ai ∈ G d’ordre pni . 2. GROUPES ABÉLIENS FINIS 31 Démonstration du lemme. Fixons i ∈ {2, . . . , k} et soit b un représentant de αi dans G. L’ordre de b divise |G| = pn et, par définition de n1 , il est majoré par pn1 . Il divise donc pn1 . On a donc pn1 · b = 0, donc pn1 · αi = π(pn1 · b) = 0. L’ordre pni de αi est donc ≤ pn1 et donc ni ≤ n1 . Soit c = pni b. On a π(c) = π(pni b) = pni αi = 0 donc c ∈ G1 . Il existe donc un entier ` tel que c = ` · a1 . D’autre part, on a vu que pn1 · b = 0 et on a donc pn1 −ni · c = 0 c’est à dire n1 −ni p ` · a1 = 0. Comme a1 est d’ordre pn1 , on a donc que pn1 −ni ` est un multiple de pn1 . Ainsi, ` est un multiple de pni . On écrit ` = pni q et on pose ai = b − q · a1 . Comme a1 ∈ G1 , on a π(a1 ) = 0, donc π(ai ) = π(b) − q · π(a1 ) = π(b) = αi et ai est un représentant de αi . De plus, pni · ai = pni b − pni q · a1 = c − ` · a1 = 0 et l’ordre de ai est ≤ pni . Enfin, pour 1 ≤ r < pni , on a π(r · ai ) = r · αi 6= 0 car l’ordre de αi est pni , donc r · ai 6= 0. L’ordre de ai est donc ≥ pni ce qui achève la démonstration du lemme. c) Pour 2 ≤ i ≤ k soit Gi = gp(ai ). Le groupe Gi est ainsi cyclique d’ordre pni . Nous montrons maintenant que G = G1 + G2 + · · · + Gk . Soit g ∈ G. D’après (4), il existe des entiers `2 , . . . , `k avec π(g) = `2 · α2 + · · · + `k · αk . Posons h = g − (`2 · a2 + · · · + `k · ak ). On a π(h) = 0, donc h ∈ G1 . Notre affirmation est démontrée. On conclut en utilisant le résultat montré dans l’exercice 1. 2.2.2. Démonstration de l’unicité de la décomposition. On commence par une remarque. On a p · Z/pZ = {0}. Pour tout r > 1, le sous-groupe p · Z/pr Z de Z/pr Z est engendré par p · 1 = p, qui est un élément d’ordre pr−1 de Z/pr Z. Ainsi, p · Z/pr Z est cyclique d’ordre pr−1 et est donc isomorphe à Z/pr−1 Z. Pour monter l’unicité, il faut montrer que si k, k 0 ≥ 1 sont des entiers, et si n1 ≥ n2 ≥ · · · ≥ nk ≥ 1 et n01 ≥ n2 ≥ · · · ≥ n0k0 ≥ 1 sont des entiers tels que les groupes (5) 0 0 G = Z/pn1 Z × · · · × Z/pnk Z et G0 = Z/pn1 Z × · · · × Z/pnk0 Z sont isomorphes, alors k = k 0 , n1 = n01 , . . ., nk = n0k . On raisonne par récurrence sur l’ordre pn des groupes G et G0 . Si n = 1 on a k = k 0 = 1 et n1 = n01 = 1 et le résultat annoncé est démontré. Soit maintenant n > 1 et supposons que le résultat est montré pour tous les p-groupes abéliens d’ordre < pn . On se donne G et G0 comme en (5), on suppose que ces groupes sont isomorphes et que |G| = pn . On remarque que (6) n = n1 + · · · + nk = n01 + · · · + n0k0 . On définit deux entiers ` et `0 avec 0 ≤ ` ≤ k et 0 ≤ `0 ≤ k 0 : si n1 = 1 on pose ` = 0 ; sinon, soit ` le plus grand des entiers j tel que nj > 1. On définit `0 de la même manière. Pour 1 ≤ j ≤ k on a ainsi nj > 1 si j ≤ ` et nj = 1 si j > `. D’après la première égalité de (5) et la remarque qui précède, on a p·G∼ = Z/pn1 −1 Z × · · · × Z/pn` −1 Z . 32 IV. GROUPES ABÉLIENS On a un isomorphisme analogue pour le groupe p · G0 . Comme les deux groupes G et G0 sont isomorphes, les groupes p · G et p · G0 sont isomorphes et donc Z/pn1 −1 Z × · · · × Z/pn` −1 Z ∼ =p·G∼ = p · G0 ∼ = Z/pn1 −1 Z × · · · × Z/pn` −1 Z Comme (n1 − 1) + · · · + (n` − 1) < n, d’après l’hypothèse de récurrence on a ` = `0 , n1 = n01 , . . . , n` = n0` . (7) Par définition de ` on a nj = 1 pour ` < j ≤ k et de même n0j 0 = 1 pour ` < j 0 ≤ k 0 . Par (6) et (7), on a que k = k 0 et que nj = n0j pour tout j. Exercice 4. (Cet exercice sera utilisé plus tard) Si G est un groupe abélien fini, on note ordremax(G) = max{ordre(a) ; a ∈ G} . a) Soit G = H1 ⊕ H2 ⊕ · · · ⊕ Hk la décomposition de G en somme de p-groupes donnée par le théorème IV.3. Pour 1 ≤ i ≤ k soit xi ∈ Hi et soit x = x1 + · · · + xk . Montrer que ordre(x) = ordre(x1 ). · · · . ordre(xk ) . b) En déduire que ordremax(G) = ordremax(H1 ). · · · . ordremax(Hk ) . c) Montrer que, pour 1 ≤ i ≤ k et xi ∈ Hi , ordre(xi ) divise ordremax(Hi ). d) En déduire que, pour tout x ∈ G, ordre(x) divise ordremax(G). e) On suppose maintenant que pour tout n ≥ 1 le groupe G contient au maximum n éléments x tels que n · x = 0. Montrez que G est cyclique. Méthode : Soient n = ordremax(G) et a ∈ G avec ordre(a) = n. D’après la question précédente, n · x = 0 pour tout x ∈ G et donc |G| ≤ n d’après l’hypothèse. Or | gp(a)| = n. Conclure. 3. Groupes abéliens libres de type fini 3.1. Les définitions. Définition IV.6. Soit G un groupe abélien non trivial et {a1 , . . . , an } un sousensemble fini de G. – On dit que {a1 , . . . , an } est un système générateur de G, ou que {a1 , . . . , an } engendre G si gp(a1 , . . . , an ) = G, c’est à dire si tout élément g de G peut s’écrire sous la forme (8) g = m1 · a1 + · · · + mn · an avec m1 , . . . , mn ∈ Z . – On dit que {a1 , . . . , an } est un système libre de G si pour tous m1 , . . . , mn ∈ Z , si m1 · a1 + · · · + mn · an = 0 alors m1 = · · · = mn = 0 . – On dit que {a1 , . . . , an } est une base de G si ce sous-ensemble est libre et engendre G, c’est à dire si tout élément g de G s’écrit de façon unique sous la forme (8). 3. GROUPES ABÉLIENS LIBRES DE TYPE FINI 33 Il est souvent commode de formuler les définitions précédentes de la façon suivante. Soient G un groupe abélien et a1 , . . . , an ∈ G. L’application φ : Zn → G donnée par (9) φ(m1 , . . . , mn ) = m1 · a1 + · · · + mn · an est un homomorphisme de groupes. – (a1 , . . . , an ) est un système générateur de G si et seulement si φ est surjectif. – (a1 , . . . , an ) est une base de G si et seulement si φ est un isomorphisme. Définition IV.7. Soit G un groupe abélien. – Si G admet un système générateur fini, on dit que G est de type fini. – Si G admet une base finie on dit que G est libre de type fini. Exemple. Tout groupe abélien fini est de type fini. Exemple. Z est libre de type fini, avec pour base {1}. Exemple. Pour tout n ≥ 1, Zn est libre et a pour base {e1 , . . . , en } où e1 = (1, 0, . . . , 0), e2 = (0, 1, 0, . . . , 0) et, de manière générale, pour 1 ≤ j ≤ n, toutes les coordonnées de ej sont nulles saur la j ième qui vaut 1. Cette base est appelée la base canonique de Zn . Proposition IV.8. Soit G un groupe abélien non trivial. – G est de type fini si et seulement si il existe un entier n ≥ 1 et un homomorphisme de groupes surjectif φ : Zn → G. Dans ce cas, G admet un système générateur ayant n éléments. – G est libre de type fini si et seulement si il existe un entier n ≥ 1 et un isomorphisme de groupes φ : Zn → G. Dans ce cas, G admet une base ayant n éléments. Démonstration. Immédiate en utilisant les remarques précédentes. Exercice 5. Soit G un groupe abélien. a) Si G est un groupe abélien de type fini et H un sous-groupe de G alors G/H est de type fini. b) Si G est libre de type fini alors G est infini. c) Si a ∈ G est non nul et d’ordre infini alors gp(a) est libre. d) Si {a1 , . . . , an } est un système libre alors gp(a1 , . . . , an ) est un groupe libre. La réciproque n’est pas vraie. 3.2. Groupes de type fini et homomorphismes. Proposition IV.9. Soient G et H deux groupes abéliens, a1 , . . . , an ∈ G et b1 , . . . , bn ∈ H. – Si (a1 , . . . , an ) est un système générateur de G alors il existe au maximum un homomorphisme de groupes φ : G → H tel que φ(ai ) = bi pour tout i ∈ {1, . . . , n}. – Si (a1 , . . . , an ) est une base de G alors il existe un et un seul homomorphisme de groupes φ : G → H tel que φ(ai ) = bi pour tout i ∈ {1, . . . , n}. Démonstration. Soient (a1 , . . . , an ) un système générateur de G et b1 , . . . , bn ∈ H. Soient φ et φ0 deux homomorphismes de G dans H avec φ(ai ) = φ0 (ai ) = bi pour 34 IV. GROUPES ABÉLIENS tout i. Soit x ∈ G. Il existe des entiers m1 , . . . , mn avec x = m1 · a1 + · · · + mn · an . On a φ(x) = m1 · φ(a1 ) + · · · + mn · φ(an ) = m1 · b1 + · · · + mn · bn = φ0 (x) et donc φ = φ0 . Supposons maintenant que (a1 , . . . , an ) est une base de G. L’application φ : Zn → G donnée par (9) est un isomorphisme de Zn sur G ; l’application σ : Zn → H donnée par σ(m1 , . . . , mn ) = m1 · b1 + · · · + mn · bn est un homomorphisme. L’homomorphisme σ ◦ φ−1 : G → H vérifie la condition imposée. Proposition IV.10 (et définition). Soient G un groupe abélien, H un groupe abélien libre de type fini et φ : G → H un homomorphisme surjectif. Alors – il existe un homomorphisme σ : H → G avec φ ◦ σ = idH . On dit que σ est une section de φ. Soit K l’image de σ. Alors – la restriction de φ à K est un isomorphisme de K sur H ; – G = K ⊕ ker(φ) ; – en particulier, G ∼ = H × ker(φ). Démonstration. Soit {a1 , . . . , an } une base de H. Comme φ est surjectif on peut choisir b1 , . . . , bn ∈ G avec φ(bi ) = ai pour 1 ≤ i ≤ n. D’après la deuxième partie de la proposition IV.9, il existe un unique homomorphisme σ : H → G avec σ(ai ) = bi pour tout i. Pour tout i on a alors φ◦σ(ai ) = ai = idH (ai ) donc φ◦σ = idH d’après la première partie de la proposition IV.9. Notons K l’image de σ et φ0 la restriction de φ à K. Ainsi, φ0 ◦ σ = idH donc 0 φ : K → H est surjective et, comme σ : H → K est surjective, φ0 est injective. (Pourquoi ? ) Ainsi, φ0 est un isomorphisme de K sur H. Soit g ∈ G. Écrivons h = σ ◦ φ(g) et k = g − h. Alors φ(h) = φ ◦ σ ◦ φ(g) = φ(g) et φ(k) = φ(g) − φ(h) = 0 donc k ∈ ker(φ). Comme h ∈ K et que g = h + k on a G = H + K. Comme φ0 : K → H est injective, K ∩ ker(φ) = ker(φ0 ) = {0}. D’après le lemme IV.2, G = K ⊕ ker(φ). 3.3. Le rang d’un groupe abélien libre de type fini. Théorème IV.11 (et définition). Soit G un groupe abélien libre de type fini. Alors toutes les bases de G ont le même nombre d’éléments. Ce nombre s’appelle le rang de G. Démonstration. D’après la deuxième partie de la proposition IV.8, il suffit de montrer que si les groupes Zm et Zn sont isomorphes alors on a m = n. Soit φ : Zm → Zn un isomorphisme. Alors φ(2Zm ) = 2Zn et φ induit un isomorphisme du groupe quotient Zm /2Zm sur le groupe Zn /2Zn . Or le premier de ces groupes est d’ordre 2m et le deuxième d’ordre 2n . Convention. Par convention, le rang du groupe trivial est 0. Théorème IV.12. Soient G un groupe abélien libre de type fini et H un sous-groupe non trivial de G. Alors H est libre de type fini. De plus, le rang de H est inférieur ou égal au rang de G. 4. TORSION 35 Démonstration. Nous raisonnons par récurrence sur le rang de G. (i) Supposons que G est de rang 1, c’est à dire admet une base {a} formée d’un élément. Alors l’application φ : m 7→ m · a est un isomorphisme de Z sur G. L’image réciproque φ−1 (H) de H par φ est un sous-groupe non trivial de Z, il est donc égal à kZ pour un certain k ≥ 1. Ainsi {ka} est une base de H. (ii) Soit n ≥ 1 et admettons que les propriétés annoncées sont vraies lorsque G a un rang inférieur ou égal à n. Supposons que G est de rang n+1 et soit {a1 , . . . , an , an+1 } une base de G. Soit φ : G → Z l’homomorphisme caractérisé par φ(a1 ) = · · · = φ(an ) = 0 et φ(an+1 ) = 1 (voir la deuxième partie de la proposition IV.9). Le noyau de φ est le sous-groupe G0 = gp(a1 , . . . , an ) de G. Par définition, {a1 , . . . , an } est une base de G0 . Soit ψ la restriction de φ à H. Distinguons deux cas. – Si ψ est trivial alors H est un sous-groupe de G0 et d’après l’hypothèse de récurrence H est libre et admet une base ayant au plus n éléments. – Supposons maintenant que ψ n’est pas trivial. Son image est un sous-groupe non trivial de Z et est donc isomorphe à Z. D’après la proposition IV.10, H admet un sous-groupe K, isomorphe à l’image de ψ et tel que H = K ⊕ ker(ψ). K est isomorphe à Z donc admet une base formée d’un élément c. Comme ker(ψ) est un sous-groupe de G0 , d’après l’hypothèse de récurrence, ker(ψ) admet une base {c1 , . . . , cm } ayant m ≤ n éléments. Comme H = K ⊕ ker(ψ) on vérifie facilement que {c1 , . . . , cm , c} est une base de H. 4. Torsion Soit G un groupe abélien. On rappelle qu’un élément g de G est d’ordre fini ou de torsion s’il existe un entier k ≥ 1 tel que k · g = 0. Le plus petit entier k ≥ 1 vérifiant cette propriété est appelé l’ordre de g. Proposition IV.13 (et définition). Soit G un groupe abélien. On note tor(G) le sous-ensemble de G formé des éléments de torsion. Alors tor(G) est un sous-groupe de G, appelé le sous-groupe de torsion de G. De plus, le groupe G/ tor(G) est sans torsion. On dit que G est sans torsion si tor(G) est le sous-groupe trivial. On dit que G est de torsion si tor(G) = G. Démonstration. On a 0 ∈ tor(G). Soient g, h ∈ tor(G). Il existe des entiers k, ` > 0 tels que k · g = 0 et ` · h = 0. On a k · (−g) = 0 donc −g ∈ tor(G). On a aussi k` · (g + h) = 0 donc g + h ∈ tor(G). La première partie de la proposition est démontrée. Soient α ∈ G/ tor(G) et k ≥ 1 avec k · α = 0. Soit g un représentant de α dans G. Alors l’image de k · g dans G/ tor(G) est k · α = 0, donc k · g ∈ tor(G) et il existe m ≥ 1 tel que mk · g = 0. Ainsi, g est un élément de torsion de G, donc g ∈ tor(G) et donc α = 0. Remarque. Tout groupe fini est un groupe de torsion. La réciproque est fausse. Tout groupe libre de type fini est sans torsion. la réciproque est fausse. Proposition IV.14. Soit G un groupe abélien ayant un système générateur fini dont tous les éléments sont de torsion. Alors G est fini. 36 IV. GROUPES ABÉLIENS En particulier, si G est un groupe abélien de type fini et de torsion alors G est fini. Démonstration. Soit {a1 , . . . , an } un système générateur de G dont les éléments sont tous de torsion. Pour tout j ∈ {1, . . . , n} il existe un entier kj ≥ 1 tel que kj · aj = 0. Montrons que tout g ∈ G peut s’écrire g = r1 · a1 + · · · + rn · an , où r1 , . . . , rn sont des entiers avec 0 ≤ rj < kj pour tout j. En effet, il existe des entiers m1 , . . . , mn tels que g = m1 · a1 + · · · + mn · an . Pour tout j, soient qj et rj le quotient et le reste de la division de mj par kj . Nous avons g = (q1 k1 · a1 + · · · + qn kn · an ) + (r1 · a1 + · · · + rn · an ) = r1 · a1 + · · · + rn · an et notre affirmation est démontrée. On en déduit immédiatement que G a au maximum k1 k2 . . . kn éléments. Théorème IV.15. Soit G un groupe abélien de type fini sans torsion. Alors G est libre de type fini. Démonstration. Par hypothèse, G admet un système générateur fini {a1 , . . . , an } ; on peut toujours supposer que tous les éléments de A sont non nuls. Remarquons qu’il existe des sous-ensembles non vides E de {1, . . . , n} tels que que {ai : i ∈ E} soit un système libre : on peut par exemple prendre E = {a1 } puisque a1 n’est pas de torsion. Parmi tous les sous-ensembles E de {1, . . . , n} tels que {ai : i ∈ E} soit un système libre, choisissons-en un ayant le nombre maximal d’éléments. Ainsi, {ai : i ∈ E} est un système libre ; pour j ∈ / E, {ai : i ∈ E} ∪ {aj } n’est pas un système libre. Soit H le sous-groupe de G engendré par {ai : i ∈ E}. On rappelle que H est libre de type fini. Montrons que : (*) pour tout j ∈ {1, . . . , n} il existe un entier kj 6= 0 tel que kj · aj ∈ H. Si j ∈ E on peut prendre kj = 1. Supposons maintenant que j ∈ / E. Par maximalité de E, la famille {ai : i ∈ E} ∪ {aj } n’est pas libre et il existe donc des entiers mi , i ∈ E, et m, non tous nuls, tels que X maj + mi ai = 0 . j∈E Comme {ai : i ∈ E} est libre on a m = 6 0. Posons kj = m. On a kj · aj = −m1 · b1 − . . . − mq · bq ∈ H et l’affirmation (*) est démontrée. Pour chaque j, soit αj l’image de aj dans G/H. Alors {α1 , . . . , αn } est un système générateur de G/H et tous les éléments de ce système sont de torsion d’après (*). D’après la proposition IV.14, G/H est fini. Posons k = |G/H|. Pour tout β ∈ G/H on a k · β = 0, donc pour tout g ∈ G on a k · g ∈ H. L’application φ : g 7→ k · g envoie ainsi G dans H ; cette application est évidement un homomorphisme de groupes et cet homomorphisme est injectif car G est sans torsion. Ainsi, G est isomorphe à l’image φ(G) de φ. Or φ(G) est un sous-groupe de H qui est un groupe libre de type fini et d’après le théorème IV.12, φ(G) est un groupe libre de type fini, donc G est un groupe libre de type fini. 4. TORSION 37 Récapitulons : Théorème IV.16. Soit G un groupe abélien infini de type fini. Alors – tor(G) est un groupe fini ; – G/ tor(G) est un groupe abélien libre de type fini ; – il existe un sous-groupe libre de type fini H de G avec G = H ⊕ tor(G). Démonstration. Le groupe G/ tor(G) est de type fini et est sans torsion d’après la proposition IV.13, donc est libre d’après le théorème IV.15. La proposition IV.10 donne l’existence d’un sous-groupe H de G, libre de type fini et avec G = H ⊕ tor(G). Le groupe tor(G) est de torsion, isomorphe à G/H donc de type fini, donc fini d’après la proposition IV.14. 4.1. Conclusion. En regroupant tous les résultats de ce chapitre nous obtenons une description complète des groupes abéliens de type fini. Exercice 6. Soient G un groupe libre de type fini de rang d ≥ 1 et H un sous-groupe non trivial de G. On rappelle que H est libre de type fini et de rang ≤ d. On veut montrer que rang(H) = d si et seulement si G/H est fini. a) On suppose que G/H est fini. En procédant comme dans la fin de la démonstration du théorème IV.15, construire un homomorphisme injectif de G dans H. En déduire que rang(G) ≤ rang(H) et conclure. b) On suppose que G/H est infini. Montrez que G/H contient un élément β d’ordre infini. Soit b ∈ G un représentant de β. Soit d’autre part (a1 , . . . , an ) une base de H. Montrez que (a1 , . . . , an , b) est un système libre de G et conclure. Exercice 7. Dans cet exercice, tous les groupes sont abéliens et notés additivement. On dit qu’un groupe abélien H est divisible si, pour tout h ∈ H et tout entier k ≥ 1 il existe h0 ∈ G avec k · h0 = h. Remarquez que Q est divisible ; qu’aucun groupe fini non trivial n’est divisible ; que Z n’est pas divisible. Dans cet exercice, on montre : Théorème. Soient H un sous-groupe d’un groupe abélien G. Si le groupe H est divisible, alors l’homomorphisme quotient π : G → G/H admet une section, c’est à dire qu’il existe un homomorphisme de groupes σ : G/H → G avec π ◦ σ = idG/H . On rappelle que cela entraîne que G est isomorphe à H × (G/H). Dans toute la suite, G, H et π sont comme dans le théorème. a) Soient K un sous-groupe de H et τ : K → G un homomorphisme vérifiant π ◦ τ = idK . Soient α un élément de G/H et K 0 le sous-groupe de G/H engendré par K et α. Dans cette question on suppose que (Z·α)∩K = {0}. On a alors K 0 = (Z·α)⊕K. Soit a ∈ G un représentant de α. Montrer qu’il existe un unique homomorphisme τ 0 : K 0 → G vérifiant τ 0 |K = τ et τ 0 (α) = a. Vérifiez que π ◦ τ 0 = idK 0 . b) Soient K, τ , α et K 0 comme dans la question précédente. On suppose maintenant que (Z · α) ∩ K 6= {0}. Soit k le plus petit entier strictement positif tel que kα ∈ K. Par hypothèse, il existe a ∈ H avec k · a = σ(kα). Montrer qu’il existe un unique homomorphisme τ 0 : K 0 → G vérifiant τ 0 |K = τ et τ 0 (α) = a. Vérifiez que π◦τ 0 = idK 0 . c) On suppose dans cette question que G/H est de type fini. Montrer que π : G → G/H admet une section. Méthode : soit (α1 , . . . , αn ) un système générateur de ce groupe. En utilisant les questions précédentes, construire par récurrence un homomorphisme gp(α1 , . . . , αj ) → G. 38 IV. GROUPES ABÉLIENS d) Montrez l’existence d’une section dans le cas général en appliquant le lemme de Zorn. 5. Un problème Soit d ≥ 1 une entier. Démontrer ou admettre le lemme suivant. Lemme 1. Soient m ≤ d un entier et x1 , . . . , xm des vecteurs de Rd à coordonnées dans Q (c’est à dire des éléments de Qd ). On suppose que (x1 , . . . , xm ) est un système lié dans Rd , c’est à dire qu’il existe t1 , . . . tm ∈ R, non tous nuls, avec t1 x1 + · · · + tm xm = 0. Alors (x1 , . . . , xm ) est un système lié dans Qd , c’est à dire qu’il existe s1 , . . . sm ∈ Q avec s1 x1 + · · · + sm xm = 0. Démontrez tous les résultats suivants. Proposition 2. Soit E un sous espace vectoriel non trivial de Rd . Les propriétés suivante sont équivalentes. i) dim(E) = rang(E ∩ Zd ) ; ii) E a une base formée de vecteurs à coordonnées entières ; iii) E a une base formée de vecteurs à coordonnées rationnelles ; iv) E admet un système générateur formé de vecteurs à coordonnées rationnelles. Indications. Les implications ii) ⇒ iii) ⇒ iv) ⇒ iii) ⇒ ii) sont immédiates. Rappelez pourquoi E ∩Zd est un groupe abélien libre de type fini. Soit (a1 , . . . , am ) une base de ce groupe. En utilisant le lemme précédent, montrez que (a1 , . . . , am ) est un système libre sur R. On a donc m ≤ dim(E), d’où rang(E ∩ Zd ) ≤ dim(E). De ce qui précède, déduire l’implication i) ⇒ ii). Supposons ii) : E admet une base formée de vecteurs à coordonnées entières. Alors cette base est un système libre dans le groupe E ∩ Zd , donc le nombre d’éléments de cette base est ≤ rang(E ∩ Zd ). Conclure. Définition 3. Un sous-espace rationnel de Rd est une sous-espace vectoriel de Rd vérifiant les propriétés de la proposition précédentes. Lemme 4. Soit E un sous-espace rationnel de Rd . Alors Zd /(Zd ∩ E) est un groupe abélien libre. Proposition 5. Tout sous-espace rationnel de Rd admet un supplémentaire rationnel. Proposition 6. Soit Φ une application linéaire de Rd dans lui même dont la matrice dans la base canonique a des coefficients rationnels. Alors Φ(Rd ) est un sous-espace rationnel de Rd . Proposition 7. Soit Φ une application linéaire de Rd dans lui même dont la matrice dans la base canonique a des coefficients rationnels. Alors ker(Φ) est un sous-espace rationnel de Rd . Indication. On pourra commencer par se ramener au cas où la matrice est à coefficients entiers. Étudier la restriction de Φ à Zd . On munit désormais Rd du produit scalaire usuel. 5. UN PROBLÈME 39 Proposition 8. Soit E un sous-espace rationnel de Rd . Alors la projection orthogonale Rd → E sur E a des coefficients rationnels dans la base canonique. Corollaire 9. Si E est un sous-espace rationnel de Rd alors son orthogonal E ⊥ dans Rd est un sous-espace rationnel. CHAPITRE V Anneaux commutatifs Ce chapitre est principalement constitué de révisions. Les seules nouveautés sont contenues dans les sections 2 et 5. Prérequis. On ne rappelle pas ici la définition d’un anneau, d’un anneau unitaire, d’un anneau commutatif, d’un homomorphisme d’anneaux. . . L’élément neutre additif d’un anneau A est noté 0 ou 0A . L’élément neutre multiplicatif d’un anneau unitaire A est noté 1 ou 1A . Un anneau A est trivial s’il est réduit à 0A . On remarque que si l’anneau A est unitaire, alors A est trivial si et seulement si 1A = 0A . Dans ce cours on suppose implicitement que tous les anneaux considérés sont commutatifs, unitaires et non triviaux. Vocabulaire. Soient A et B deux anneaux unitaires. Un homomorphisme d’anneaux φ : A → B est appelé un homomorphisme unitaire si φ(1A ) = 1B . Dans ce cours, les homomorphismes d’anneaux considérés sont toujours unitaires. Soit A un anneau commutatif unitaire non trivial. Un élément a ∈ A est inversible s’il existe b ∈ A avec ab = 1. Cet élément est alors unique : en effet, si ab = ab0 = 1, alors b0 = 1b0 = (ab)b0 = (ab0 )b = 1b = b ; cet élément et est appelé l’inverse de a. L’ensemble des éléments inversibles de A muni de la multiplication est un groupe, noté A× . Un anneau commutatif unitaire non trivial est un corps si tout élément non nul de A est inversible. Définition V.1. Un anneau commutatif unitaire A est intègre s’il est non trivial et si, pour tous a et b ∈ A non nuls, on a ab 6= 0. Par exemple, tout corps est intègre. Z et R[X] sont intègres mais ne sont pas des corps. 1. Révisions sur les polynômes d’une variable Dans cette section, tous les anneaux sont commutatifs, unitaires et non triviaux. Proposition V.2. Si A est un anneau intègre alors A[X] est intègre et pour tous P, Q ∈ A[X] non nuls on a deg(P Q) = deg(P ) + deg(Q). Démonstration. Soient P (X) et Q(X) ∈ A[X], non nuls. Soient pm X m et qn X n les termes de plus haut degré de P et Q, respectivement. Alors pm 6= 0, qn = 6 0, donc pm qn 6= 0 puisque A est intègre. Le terme de plus haut degré de P Q est pm qn X m+n et P Q 6= 0. 1.1. Division euclidienne par un polynôme unitaire. Définition V.3. Soient A un anneau et P ∈ A[X]. On dit que P est un polynôme unitaire s’il est non nul et si le coefficient de son terme de plus haut degré est 1. 40 1. RÉVISIONS SUR LES POLYNÔMES D’UNE VARIABLE 41 Théorème V.4. On suppose que l’anneau A est intègre. Soient U (X) et V (X) ∈ A[X] avec V unitaire. Alors il existe un unique couple Q(X), R(X) dans A[X] vérifiant les deux conditions ( U =VQ+R ; ou bien R = 0 ou bien deg(R) < deg(V ) . Q s’appelle le quotient et R s’appelle le reste de la division euclidienne de U par V . On appliquera plus loin ce résultat dans le cas où A est un corps. Démonstration. Existence. On fixe le polynôme V que l’on écrit V (X) = X ` + v`−1 X `−1 + · · · + v0 avec ` ≥ 0 et v`−1 , . . . , v0 ∈ A. On démontre l’existence de Q et R vérifiant les conditions imposées par récurrence sur le degré k de U . Si U = 0 ou si k < ` on peut prendre Q = 0 et R = U . Supposons que k ≥ ` et que l’existence est montrée pour tout polynôme U de degré < k. On suppose que U est de degré k et on écrit U (X) = uk X k + uk−1 X k−1 + · · · + u0 avec uk , . . . , u0 ∈ A et uk ∈ A non nul. Posons W (X) = U (X) − uk X k−` V (X) Alors on a W = 0 ou deg(W ) < k. D’après l’hypothèse de récurrence, on peut écrire W = V Q0 + R avec R = 0 ou deg(R) < deg(V ) . On pose Q(X) = uk X k−` + Q0 (X) et les polynômes Q et R vérifient les conditions imposées. Unicité. Supposons que U = V Q + R avec R = 0 ou deg(R) < deg(V ) U = V Q0 + R0 avec R0 = 0 ou deg(R0 ) < deg(V ) . On a alors V (Q − Q0 ) = R0 − R. Le membre de droite de cette égalité est nul ou de degré < deg(V ). Si Q 6= Q0 le membre de gauche est non nul et de degré ≥ deg(V ) ce qui est impossible. On a donc Q = Q0 , d’où R = R0 . Exercice 1. a) Dans la démonstration précédente, où a-t-on utilisé le fait que A est intègre ? b) Où a-t-on utilisé le fait que V est unitaire ? Au moyen d’un contre-exemple, montrez que le résultat n’est pas valable sans cette hypothèse. Théorème V.5. Soient A un anneau intègre, ξ ∈ A et P (X) ∈ A[X] non nul. Alors P (ξ) = 0 si et seulement si P (X) est un multiple de X − ξ dans A[X], c’est à dire s’il existe Q(X) ∈ A[X] avec P (X) = (X − ξ)Q(X). 42 V. ANNEAUX COMMUTATIFS Démonstration. La condition est évidement suffisante. Supposons que P (X) est non nul et vérifie P (ξ) = 0. Soient Q(X) et R(X) le quotient et le reste de la division euclidienne du polynôme P (X) par le polynôme unitaire X − ξ : P (X) = (X − ξ)Q(X) + R(X) ; R = 0 ou deg(R) < 1 . Dans les deux cas, R est un polynôme constant. De plus, 0 = P (ξ) = R(ξ) donc le polynôme R est nul, et P est bien un multiple de X − ξ. Corollaire V.6. Soient A un anneau intègre et P (X) ∈ A[X] un polynôme non nul de degré d ≥ 0. Alors P a au maximum d racines distinctes dans A. Démonstration. On procède par récurrence sur le degré d de P . Si d = 0, P est un polynôme constant non nul et donc n’a pas de racine. Soit maintenant d > 0 et supposons le résultat vrai pour les polynômes de degré < d. Soit P un polynôme non nul de degré d, on doit montrer qu’il a au plus d racines distinctes dans A. Si P n’a pas de racine il n’y a rien à montrer. Sinon, soit ξ ∈ A une racine de P . D’après le théorème V.5, il existe Q(X) ∈ A[X] avec P (X) = (X − ξ)Q(X). D’après la proposition V.2, deg(Q) = d − 1 et donc, d’après l’hypothèse de récurrence, le polynôme Q admet au plus d − 1 racines distinctes. Or, si ξ 0 est une racine de P différente de ξ, on a 0 = P (ξ 0 ) = (ξ 0 − ξ)Q(ξ 0 ) donc Q(ξ 0 ) = 0 puisque A est intègre et ξ 0 est une racine de Q. Le polynôme P a donc au maximum d − 1 racines différentes de ξ, et donc au maximum d racines distinctes. 2. Polynômes à plusieurs variables Dans cette section, A est un anneau commutatif unitaire non trivial. 2.1. La définition. Soient k ≥ 1 un entier et X1 , . . . , Xk des symboles distincts. Pour les petites valeurs de k on utilise fréquemment les symboles X, Y, Z, . . . . On définit par récurrence l’anneau A[X1 , . . . , Xk ] des polynômes à k variables X1 , . . . , Xk à coefficients dans A. La définition de A[X1 ] est déjà connue. Pour k ≥ 2, on pose A[X1 , . . . , Xk−1 , Xk ] = A[X1 , . . . , Xk−1 ][Xk ] : c’est donc l’anneau des polynômes en une variable Xk à coefficients dans l’anneau des polynômes en k − 1 variables X1 , . . . , Xk−1 . Considérons le cas k = 2. Un élément P de A[X1 , X2 ] s’écrit par définition P (X1 , X2 ) = P0 (X1 ) + P1 (X1 )X2 + · · · + Pd (X1 )X2d avec P0 , . . . , Pd ∈ A[X]. Écrivons chacun des polynômes Pj sous la forme r Pj (X) = a0,j + a1,j X1 + · · · + arj ,j X1 j . En notant r = max{r0 , . . . , rd } et en posant ai,j = 0 pour rj < i ≤ r on se ramène au cas où r1 = · · · = rd = r. Remarquons que, pour chaque i ∈ {0, . . . , r} et chaque j ∈ {0, . . . , d}, ai,j X1j X2i est un élément de A[X1 , X2 ] et que la somme de ces éléments de A[X1 , X2 ] est égal à P (X1 , X2 ) : on a dans A[X1 , X2 ] = A[X1 ][X2 ] les identités d X r r X d d X r X X X j i i j i P (X1 , X2 ) = ai,j X1 X2 = ai,j X1 X2 = ai,j X1 X2j . j=0 i=0 i=0 j=0 j=0 i=0 3. IDÉAUX, ANNEAUX QUOTIENT 43 Pour chaque i et j, ai,j X1i X2j peut être considéré comme un élément de A[X2 ][X1 ] et ainsi P peut être considéré comme un élément de A[X1 ][X2 ] = A[X2 , X1 ]. Notons l’identification ainsi définie entre A[X1 , X2 ] et A[X2 , X1 ] est compatible avec les opérations de ces deux anneaux : c’est un isomorphisme d’anneaux unitaires. De la même façon, pour tout k ≥ 2 et pour toute permutation σ de {1, . . . , k}, on peut identifier A[X1 , . . . , Xk ] et A[Xσ(1) , . . . , Xσ(k) ]. 2.2. Les degrés. On distingue le degré en une variable et le degré total d’un polynôme. Les notations étant vraiment lourdes, on ne donne les définitions que pour les polynômes à 2 variables ; le cas général est analogue. Soit P (X1 , X2 ) ∈ A[X1 , X2 ] non nul que nous écrivons P (X1 , X2 ) = d X r X Ai,j X1i X2j . i=0 j=0 Le degré de P en la variable X1 est max i ∈ {1, . . . , d} ; ∃j ∈ {1, . . . , r}, ai,j 6= 0 le degré de P en X2 est défini de la même façon, et le degré total de P est max i + j ; i ∈ {1, . . . , d}, j ∈ {1, . . . , r}, ai,j 6= 0 . Le polynôme P est dit homogène de degré d si on a ai,j = 0 pour tous les couples (i, j) d’entiers tels que i + j 6= d. Notons que tout polynôme peut s’écrire comme somme de polynômes homogènes. 2.3. Fonctions polynômes de plusieurs variables. Soit B un anneau contenant A comme sous anneau unitaire. Pour tout P ∈ A[X1 , . . . , Xk ] et tous b1 , . . . , bk ∈ B, on note P (b1 , . . . , bk ) l’élément de B obtenu en remplaçant dans P chaque variable Xi par bi : Si X P (X1 , . . . , Xk ) = ai1 ,...,ik X1i1 . · · · .Xkik 0≤i1 ,...,ik ≤d alors P (b1 , . . . , bk ) = X ai1 ,...,ik bi11 . · · · .bikk . 0≤i1 ,...,ik ≤d Pour b1 , . . . , bk ∈ B fixés, l’application P 7→ P (b1 , . . . , bk ) est un homomorphisme d’anneaux unitaires de A[X1 , . . . , Xk ] dans B ; cet homomorphisme s’appelle l’évaluation au point (b1 , . . . , bk ) de B k . L’image de cette application est notée A[b1 , . . . , bk ]. C’est un sous-anneau unitaire de B. Si maintenant on fixe P ∈ A[X1 , . . . , Xk ], l’application (b1 , . . . , bk ) 7→ P (b1 , . . . , bk ) de B k dans B est appelée la fonction polynôme associée à P . 3. Idéaux, anneaux quotient Définition V.7. Soit A un anneau (commutatif, unitaire et non trivial). Un idéal de A est un sous-groupe additif I de A tel que pour tout x ∈ A et tout y ∈ I on ait xy ∈ I. L’idéal trivial de A est {0}. L’idéal impropre de A est A. Pour tout a ∈ A, l’idéal engendré par a est def def (a) = aA = {ax ; x ∈ A} ; 44 V. ANNEAUX COMMUTATIFS c’est le plus petit idéal de A contenant a. Un idéal engendré par un élément est appelé un idéal principal. Si I et J sont deux idéaux de A alors def I + J = {x + y ; x ∈ I, y ∈ J} est un idéal de A. Si un idéal contient un élément inversible il est impropre. Un idéal est impropre si et seulement si il contient 1. Proposition V.8. A est un corps si et seulement si ses seuls idéaux sont l’idéal trivial et l’idéal impropre. Démonstration. Supposons que A est un corps. Soit I un idéal non trivial de A. Alors I contient un élément non nul a. Comme A est un corps, a est inversible et I est l’idéal impropre. Supposons que les seuls idéaux de A sont l’idéal trivial et l’idéal impropre. Soit a ∈ A, non nul. Comme a ∈ (a), l’idéal (a) n’est pas trivial, il est donc impropre, donc il contient 1 ; il existe donc b ∈ A avec ab = 1 et a est inversible. 3.1. Idéaux et anneaux quotient. Proposition V.9. Soit I un idéal de A. Alors le groupe quotient A/I peut être muni d’une unique multiplication telle que l’application quotient π : A → A/I vérifie π(xy) = π(x)π(y) pour tous x, y ∈ A. Muni de cette multiplication, A/I est un anneau commutatif unitaire et π : A → A/I est un homomorphisme d’anneaux unitaires. On procède comme pour la démonstration du théorème I.13 en théorie des groupes. Lemme V.10. Soient x, x0 , y, , y 0 ∈ A avec π(x) = π(x0 ) et π(y) = π(y 0 ). Alors π(xy) = π(x0 y 0 ). Démonstration du lemme. Par hypothèse on a x − x0 ∈ I et y − y 0 ∈ I. Comme xy − x0 y 0 = (x − x0 )y + x0 (y − y 0 ) on a xy − x0 y 0 ∈ I donc π(xy) = π(x0 y 0 ). Démonstration abrégée de la proposition. Soient ξ, η ∈ A/I. Choisissons un représentant x ∈ A de ξ et un représentant y ∈ A de η. Alors, d’après le lemme, π(xy) ne dépend pas des choix des représentants x et y mais seulement de ξ def et de η. On peut donc définir ξη = π(xy). Par construction la multiplication ainsi définie sur A/I vérifie π(xy) = π(x)π(y) pour tous x, y ∈ A. Comme π est surjectif, il est clair que cette propriété ne peut pas être vérifiée par deux multiplications distinctes sur A/I. On vérifie que A/I, muni de sa structure de groupe additif quotient et de cette multiplication, est un anneau commutatif et que π(1A ) est une unité de cet anneau. Par définition de la multiplication dans A/I, π est un un homomorphisme d’anneaux unitaires. On remarque que A/I est trivial si et seulement si I est l’idéal impropre. Théorème V.11. Soient A, B deux anneaux et f : A → B un homomorphisme d’anneaux unitaires. Alors i) ker(f ) est un idéal de A, 3. IDÉAUX, ANNEAUX QUOTIENT 45 ii) f (A) est un sous-anneau unitaire de B et iii) les anneaux unitaires A/ ker(f ) et f (A) sont isomorphes. Démonstration. i) Comme f est un homomorphisme de groupes pour l’addition, on sait déjà que ker(f ) est un sous-groupe additif de A. Soient x ∈ ker(f ) et y ∈ A. On a f (xy) = f (x)f (y) = 0B f (y) = 0B donc xy ∈ ker(f ). ker(f ) est donc bien un idéal de A. ii) On sait déjà que f (A) est un sous-groupe additif de B. Soient y, y 0 ∈ f (A). Il existe x, x0 ∈ A avec y = f (x) et y 0 = f (x0 ). On a yy 0 = f (xx0 ), donc yy 0 ∈ f (A). Comme f est un homomorphisme unitaire, f (1A ) = 1B et 1B ∈ f (A). iii) Soit π : A → A/ ker(k) l’homomorphisme quotient. On sait déjà qu’il existe un isomorphisme de groupes φ : A/ ker(f ) → f (A) tel que f = φ ◦ π et il suffit de démontrer que φ est un homomorphisme d’anneaux unitaires. Soient α, β ∈ A/ ker(f ) et a, b ∈ A des représentants de α et β respectivement. On a π(a) = α, π(b) = β donc π(ab) = αβ puisque π est un homomorphisme d’anneaux. On a donc φ(α)φ(β) = φ ◦ π(a) · φ ◦ π(b) = f (a)f (b) = f (ab) = φ ◦ π(ab) = φ(αβ). Enfin, φ(1A/ ker(φ) ) = φ ◦ π(1A ) = f (1A ) = 1B . Théorème V.12 (Le théorème de factorisation). Soient A et B deux anneaux et f : A → B un homomorphisme d’anneaux unitaires. Soient I un idéal de A inclus dans ker(f ) et π : A → A/I l’homomorphisme quotient. Alors il existe un unique homomorphisme d’anneaux unitaires φ : A/I → B tel que (1) f =φ◦π . La démonstration est exactement la même que dans le cas des groupes (théorème I.17) et on ne la reproduit pas ici. Théorème V.13 (Idéaux et quotients). Soient A un anneau, L un idéal de A et π : A → A/L l’homomorphisme quotient. i) Si J est un idéal de A/L alors π −1 (J) est un idéal de A contenant L ; ii) Si I est un idéal de A alors π(I) est un idéal de A/L ; iii) Si I est un idéal de A contenant L alors π −1 (π(I)) = I. Les deux premières affirmations se vérifient immédiatement. Démonstration de iii). Par définition de l’image réciproque d’un ensemble, on a π −1 (π(I)) ⊃ I. Soit x ∈ π −1 (π(I)). Soit α = π(x). Par définition, α ∈ π(I). Il existe donc y ∈ I avec π(y) = α. On a donc π(y) = π(x), donc π(x − y) = 0 donc x − y ∈ L et, comme I ⊃ L, x − y ∈ I. Comme y ∈ I, nous concluons que x ∈ I. 3.2. Idéaux maximaux, idéaux premiers. Définition V.14. Un idéal I de l’anneau A est maximal si il est propre et si les seuls idéaux de A contenant I sont I et A. Remarque. A est un corps si et seulement si l’idéal trivial est maximal. Le théorème suivant est assez facile à montrer dans le cas où A est fini ou dénombrable, mais beaucoup plus difficile dans le cas général. Nous l’admettrons sans démonstration. Théorème V.15. Tout idéal propre est contenu dans (au moins) un idéal maximal. 46 V. ANNEAUX COMMUTATIFS Théorème V.16. Soit I un idéal de l’anneau A. Alors I est maximal si seulement si A/I est un corps. Démonstration. Soit π : A → A/I l’homomorphisme quotient. Supposons que I est maximal et montrons que A/I est un corps. Soit J un idéal de A/I. D’après le théorème V.13, π −1 (J) est un idéal de A contenant I donc est égal à I ou à A. Comme π est surjectif, J = π(π −1 (J)) donc J est égal à π(I) = {0} ou à π(A) = A/I. Les seuls idéaux de A/I sont donc l’idéal trivial et l’idéal impropre, donc A/I est un corps d’après la proposition V.8. Inversement, supposons que A/I est un corps et montrons que I est maximal. Soit J un idéal de A contenant I. D’après le théorème V.13, π(J) est un idéal de A/I donc est égal à {0} ou à A/I d’après la proposition V.8. De nouveau d’après le théorème V.13, J = π −1 (π(J)) donc est égal à π −1 ({0}) = I ou a π −1 (A/I) = A. I est donc bien maximal. Définition V.17. Un idéal I propre de l’anneau A est premier si pour tous x, y ∈ A n’appartenant pas à I on a xy ∈ / I. Ainsi, A est intègre si et seulement si l’idéal trivial est premier. Proposition V.18. Soit I un idéal propre de I. Alors I est premier si et seulement si A/I est intègre. Démonstration. Soit π : A → A/I l’homomorphisme quotient. Supposons que A/I n’est pas intègre. Il existe alors α, β ∈ A/I, non nuls, avec αβ = 0. Soient a, b ∈ A des représentants de α et β, respectivement. Comme π(a) = α 6= 0, a n’appartient pas à I. De même, b ∈ / I. Par ailleurs, π(ab) = π(a)π(b) = αβ = 0 donc ab ∈ I. L’idéal I n’est donc pas premier. Supposons que l’idéal I n’est pas premier. Il existe a, b ∈ A avec a ∈ / I, b ∈ / I et ab ∈ I. On a π(a) 6= 0, π(b) 6= 0 et π(ab) = 0 donc A/I n’est pas intègre. Corollaire V.19. Tout idéal maximal est premier. Démonstration. Si I est un idéal maximal alors A/I est un corps d’après le théorème V.16, donc A/I est intègre, donc I est premier d’après la proposition V.18. Exercice 2. Démontrez directement ce résultat à partir des définitions d’un idéal maximal et d’un idéal premier. Exercice 3. (Cet exercice sera utilisé plus tard) Soit I l’idéal de Z[X] engendré par X. a) Vérifiez que I est l’ensemble des polynômes appartenant à Z[X] dont le coefficient constant est nul et que I = {P [X] ∈ Z[X] ; P (0) = 0} . b) Montrez que Z[X]/I est isomorphe à Z. Méthode : Utilisez l’homomorphisme d’évaluation e0 : P 7→ P (0). Montrez que I est un idéal premier de Z[X]. c) Soit J l’idéal de Z[X] engendré par 2 et X. Montrez que J = {P (X) ∈ Z[X] ; P (0) ∈ 2Z} . d) En déduire que I n’est pas maximal. 5. LE CORPS DES FRACTIONS D’UN ANNEAU INTÈGRE 47 e) Montrez que Z[X]/J est isomorphe à Z/2Z et que J est maximal. 4. Divisibilité dans les anneaux intègres Dans le reste de ce chapitre, les anneaux considérés sont implicitement supposés commutatifs, unitaires, non triviaux et intègres Définition V.20. Soient a, b ∈ A avec b non nul. On dit que a est un multiple de b, ou que b est un diviseur de a, s’il existe x ∈ A avec a = bx. Proposition V.21 (et définition). Soient a, b ∈ A, non nuls. i) On a (a) ⊂ (b) si et seulement si a est un multiple de b. ii) On a (a) = (b) si et seulement si il existe un élément inversible u de A avec b = au. On dit alors que b = a à multiplication par un inversible près. La relation d’égalité à multiplication par un inversible près est évidement une relation d’équivalence. Démonstration. i) Supposons que (a) ⊂ (b). Comme a ∈ (a) on a a ∈ (b) donc a est un multiple de b. Supposons maintenant que a est un multiple de b et écrivons a = bx avec x ∈ A. Pour tout y ∈ A, ay = b(xy) ∈ (b) donc (a) ⊂ (b). ii). Si b = au avec u inversible on a (b) ⊂ (a) d’après i). On a aussi a = bu−1 donc, pour la même raison, (a) ⊂ (b). Finalement, (a) = (b). Supposons maintenant que (a) = (b) et montrons qu’il existe u inversible avec b = au. Si a = 0 on a (a) = {0} donc (b) = {0} et b = 0 et on peut prendre u = 1. Supposons maintenant que a 6= 0. D’après i), comme (a) ⊂ (b), il existe u ∈ A avec a = bu. De même, il existe v ∈ A avec b = av. On a donc a = avu, donc a(1−vu) = 0. comme A est intègre, vu = 1 et u est inversible. Définition V.22. Soit a ∈ A. On dit que a est irréductible si a n’est ni nul ni inversible et ne peut pas s’écrire comme le produit de deux éléments non inversibles. Ainsi, les éléments irréductibles de Z sont les nombres premiers et leurs opposés. Remarque. Si p est irréductible et si q est égal à p à multiplication par un inversible près alors q est irréductible. Proposition V.23. Soit a ∈ A non nul. Si (a) est premier alors a est irréductible. Définition V.24. Soient a, b ∈ A non nuls. On dit que a, b sont premiers entre eux, et on écrit (a, b) = 1, si les seuls diviseurs communs de a et b sont les éléments inversibles de A. On définit de même une famille (finie) d’éléments premiers entre eux. Proposition V.25. Soient p un élément irréductible de A et a ∈ A non nul. Alors ou bien p divise a, ou bien p et a sont premiers entre eux. 5. Le corps des fractions d’un anneau intègre Dans cette section, A est un anneau commutatif unitaire intègre (non trivial). Nous allons construire un corps K, appelé le corps des fractions de A. Si A = Z, ce corps est le corps Q des nombres rationnels, et en fait la définition de Q est que c’est le corps des fractions de Z. 48 V. ANNEAUX COMMUTATIFS Un autre cas intéressant est celui où A = K[X] pour un certain corps K. Le corps des fractions K(X) de K[X] est appelé le corps des fractions rationnelles (à une variable) sur K. Dans la construction qui suit, nous notons A∗ l’ensemble des éléments non nuls de A. 5.1. La construction. 5.1.1. Deux opérations sur A × A∗ . e et e· par Munissons A × A∗ de deux opérations + pour tout (a, b) ∈ B et tout (c, d) ∈ B e d) = (ad + cb, bd) (a, b)+(c, et (a, b)e·(c, d) = (ac, bd) . On vérifie à la main (il n’y a pas de raccourci !) que : e est commutative et associative et elle admet (0, 1) comme i) l’opération + élément neutre ; ii) l’opération e· est commutative et associative et elle admet (1, 1) comme élément neutre. Ces opérations sont bien définies car dans les deux cas on a bd 6= 0 et donc bd ∈ A∗ . e n’est pas un groupe : Pour a ∈ A et b ∈ A∗ Remarquons que A × A∗ muni de + différent de 1, (a, b) n’a pas d’opposé. Remarquons enfin que pour tous (a, b), (c, d) et (e, f ) ∈ A × A∗ nous avons e d) e·(e, f ) = (ade + cbe, bdf ) et iii) (a, b)+(c, e (c, d)e·(e, f ) = (aedf + cebf, bf df ). iv) (a, b)e·(e, f ) + Ces deux termes sont différents en général, et la propriété de distributivité n’est donc pas satisfaite. 5.1.2. Une relation d’équivalence sur A × A∗ . Pour (a, b) et (a0 , b0 ) ∈ A × A∗ , on note (a, b) ≡ (a0 , b0 ) si ab0 − ba0 = 0. On vérifie à la main (encore une fois, il n’y a pas d’autre méthode) que ≡ est une relation d’équivalence sur A × A∗ . Nous remarquons que la classe d’équivalence de (0, 1) est l’ensemble des éléments de la forme (0, b) avec b ∈ A∗ et que la classe d’équivalence de (1, 1) est formée des éléments de la forme (a, a) avec a ∈ A∗ . Notons K l’ensemble quotient de A × A∗ par la relation ≡. Notons provisoirement π : A × A∗ → K l’application quotient. On vérifie encore que la relation d’équivalence ≡ est compatible avec les opérations définies sur A × A∗ , c’est à dire que pour tous (a, b), (a0 , b0 ), (c, d), (c0 , d0 ) ∈ A × A∗ , si (a, b) ≡ (a0 , b0 ) et si (c, d) ≡ (c0 , d0 ) e d) ≡ (a0 , b0 )+(c e 0 , d0 ) et (a, b)e·(c, d) ≡ (a0 , b0 )e·(c0 , d0 ) alors (a, b)+(c, e et e· passent donc au quotient : on peut définir deux opérations + Les opération + et · sur K vérifiant pour tous (a, b), (c, d) ∈ A × A∗ , e d)) et π((a, b)) · π((c, d)) = π((a, b)e·(c, d)) . π((a, b) + π((c, d)) = π((a, b)+(c, 5. LE CORPS DES FRACTIONS D’UN ANNEAU INTÈGRE 49 5.1.3. Montrons que, avec ces opérations, K est un corps. D’après i), l’opération + ainsi définie sur K est commutative et associative et admet π((0, 1)) comme élément neutre. Nous remarquons que chaque élément de K admet un opposé : −π(a, b) = π(−a, b). Muni de l’addition, K est donc un groupe commutatif. D’après ii), l’opération · définie sur K est commutative et associative et admet π((1, 1)) comme élément neutre. D’après iii) et iv), pour tous (a, b), (c, d) et (e, f ) ∈ A × A∗ nous avons e d) e·(e, f ) ≡ (a, b)e·(e, f ) + e (c, d)e·(e, f ) . (a, b)+(c, La propriété de distributivité est donc satisfaite et K est un anneau commutatif unitaire. Cet anneau n’est pas trivial puisque (1, 1) 6≡ (0, 1). Vérifions que K est un corps. Soit α un élément non nul de K et (a, b) ∈ A × A∗ un représentant de α. Comme (a, b) n’appartient pas à la classe de (0, 1) on a a 6= 0 et donc (b, a) ∈ A × A∗ . On a (a, b) · (b, a) = (ab, ab) ≡ (1, 1). Comme π((1, 1)) est l’élément neutre multiplicatif de K, α est inversible dans K et admet pour inverse π((b, a)). Ce corps est appelé le corps des fractions de A. 5.1.4. Le plongement de A dans son corps des fractions. Pour tout a ∈ A, notons j(a) = π((a, 1)). On vérifie immédiatement que j : A → K est un homomorphisme d’anneaux unitaires. Cet homomorphisme est injectif. En effet, si j(a) = 0K on a (a, 1) ≡ (0, 1) c’est à dire a = 0. Nous identifions chaque élément a de A à son image j(a) dans K. Ainsi, nous considérons A comme un sous anneau unitaire de K. 5.1.5. Une notation : les fractions. Pour a ∈ A et b ∈ A∗ notons a/b ou ab au lieu de π((a, b)) l’image de (a, b) dans K. On a ainsi : a0 a = 0 si et seulement si ab0 = ba0 ; b b ad + cb a c ac a c + = et · = . b d bd b d bd Pour a ∈ A non nul, l’inverse de a/1 = a est 1/a. Pour a ∈ A et b ∈ A non nul, a/b est non nul si et seulement si a 6= 0 et que dans ce cas l’inverse de a/b est b/a. Considérons le cas où A = Z. Chaque élément de A × A∗ s’appelle une fraction. Un élément de K s’appelle un nombre rationnel 5.2. Un exercice : la localisation. Dans cet exercice, A est un anneau commutatif unitaire non trivial et J est un e et e· sur A × A∗ comme dans la idéal premier de A. On définit les opérations + section 5.1. a) Vérifier que le sous-ensemble A × (A \ J) de A × A∗ est invariant pour l’addition e et la multiplication e· de A × A∗ . + b) On définit une relation ∼ = sur A × (A \ J) par pour tous (a, b), (a0 , b0 ) ∈ A × (A \ J), (a, b) ∼ = (a0 , b0 ) s’il existe t ∈ A \ J avec t(ab0 − ba0 ) = 0 . Montrez que ∼ = est une relation d’équivalence sur A × (A \ J). c) On note AJ = (A × (A \ J))/ ∼ = l’ensemble quotient et π : A × (A \ J) → AJ l’application quotient. 50 V. ANNEAUX COMMUTATIFS En procédant comme dans la section 5.1, montrez qu’il existe une addition + et une multiplication · sur AJ vérifiant pour tous (a, b), (c, d) ∈ A × (A \ J), e d) = π(a, b) + π(c, d) et π (a, b)e·(c, d) = π(a, b) · π(c, d) . π (a, b)+(c, Montrez que AJ muni de de ces opérations est un anneau commutatif unitaire. d) Montrez que l’application j : A → AJ donnée par j(a) = π(a, 1) est un homomorphisme d’anneaux. Quel est son noyau ? e) Pour (a, b) ∈ A × (A \ J), à quelle condition est-ce que π(a, b) est inversible dans AJ ? Montrez que les éléments non inversibles de AJ forment un idéal de AJ . Montrez que cet idéal est l’unique idéal maximal de AJ . f ) Dans cette question, on suppose que l’anneau A est intègre. Montrez que l’anneau AJ peut être considéré comme un sous-anneau du corps des fractions K de A. CHAPITRE VI Anneaux principaux, anneaux factoriels 1. Anneaux principaux : exemples et premières propriétés Définition VI.1. On dit que l’anneau commutatif unitaire non trivial A est principal si A est intègre et si tout idéal de A est principal (c’est à dire engendré par un élément). Tout corps est un anneau principal. Z est principal. En effet, tout idéal de Z est un sous-groupe additif donc est égal soit à {0} = (0) soit à kZ = (k) pour un certain k ≥ 1. Théorème VI.2 (La division euclidienne). Soient K un corps et A(X), B(X) ∈ K[X] avec B 6= 0. Alors il existe un unique couple Q(X), R(X) ∈ K[X] vérifiant les deux conditions ( A = BQ + R et (1) ou bien R = 0 ou bien deg(R) < deg(B) . Q s’appelle le quotient et R le reste de la division euclidienne de A par B. Démonstration. Écrivons B = bB 0 où b ∈ K est non nul et où B 0 ∈ K[X] est unitaire. D’après le théorème V.4, il existe un unique couple Q0 , R ∈ K[X] avec ( A = B 0 Q0 + R et (2) ou bien R = 0 ou bien deg(R) < deg(B 0 ) . Posons Q = bQ0 . Alors Q, R vérifient (1). Inversement, si Q, R vérifient (1) alors Q0 = b−1 Q, R vérifient (2). Théorème VI.3. Soit K un corps. Alors K[X] est un anneau principal. Démonstration. On sait déjà que K[X] est intègre. Soit I un idéal de K[X]. Si I est trivial, il est engendré par 0 donc il est principal. Supposons que I n’est pas trivial. L’ensemble d’entiers {deg(P ); P ∈ I, P = 6 0} est non vide. Soit d le plus petit élément de cet ensemble. Choisissons B ∈ I, non nul, avec deg(B) = d. Montrons que I = (B). Comme B ∈ I, on a I ⊃ (B). Soit A ∈ I et montrons que A ∈ (B). Soient Q le quotient et R le reste de la division euclidienne de A par B. On a R = A − BQ donc R ∈ I. Si R était non nul, au aurait deg(R) < deg(B) = d d’où une contradiction avec la définition de d. On a donc R = 0 et A ∈ (B). Exercice 1. On note Z[i] l’ensemble des nombres complexes dont la partie réelle et la partie imaginaire sont des nombres entiers. a) Vérifiez que Z[i] est un sous-anneau unitaire de C. Pour z = a + ib ∈ Z[i] on note N(z) = |z|2 = z z̄ = a2 + b2 ∈ Z. Il sera utile de remarquer que pour z, z 0 ∈ Z[i] on a N(zz 0 ) = N(z) N(z 0 ). 51 52 VI. ANNEAUX PRINCIPAUX, ANNEAUX FACTORIELS b) Vérifiez que z ∈ Z[i] est inversible si et seulement si N(z) = 1. Quels sont les éléments inversibles de Z[i] ? c) Soient u, v ∈ Z[i] avec v 6= 0. Montrez qu’il existe w ∈ Z[i] avec N(u − vw) ≤ N(v)/2. Méthode : Posez ξ = u/v ∈ C et considérerez le point w de Z[i] le plus proche de ξ, c’est à dire tel que |w − ξ| soit minimum. d) En procédant comme dans la démonstration du théorème VI.3 à partir du théorème VI.2, montrez que Z[i] est principal. Proposition VI.4. Z[X] n’est pas principal. Si A est un anneau alors A[X, Y ] n’est pas principal. Démonstration à compléter. Montrons la première assertion. Soit I l’idéal de Z[X] engendré par X et 2. Cet idéal est propre. Supposons que I est un idéal principal et soit P (X) ∈ Z[X] un générateur de cet idéal. Alors P (X) diviserait 2 et X. Or ces éléments sont premiers entre eux. P (X) serait donc inversible et donc I serait impropre, d’où une contradiction. Autre méthode : D’après l’exercice 3 du chapitre V, Z[X] admet un idéal premier non maximal. On conclut en utilisant la proposition VI.5 ci-dessous. Pour montrer la deuxième assertion, considérer l’idéal de A[X, Y ] engendré par X et Y . Proposition VI.5. Soient A un anneau principal et a ∈ A non nul et non inversible Alors les propriétés suivantes sont équivalentes : i) (a) est maximal : ii) (a) est premier ; iii) a est irréductible. Démonstration. On déjà a vu que i) entraîne ii) et que ii) entraîne iii). Supposons que a est irréductible et montrons que l’idéal (a) est maximal. Ce idéal est propre puisque a n’est pas inversible. Soit I est un idéal contenant (a). Alors il existe b ∈ A avec I = (b). Ainsi, (a) ⊂ (b) et b divise a. Alors ou bien b est inversible et I est l’idéal impropre, ou bien b = a à multiplication par un inversible près et I = (a). 2. Le théorème de Bézout et le lemme de Gauss Théorème VI.6 (Théorème de Bézout). Soit A un anneau principal. Pour tous a, b ∈ A premiers entre eux il existe x, y ∈ A avec ax + by = 1. Démonstration. Soient a, b ∈ A premiers entre eux. Soit I l’idéal de A engendré par a et b. On rappelle que I = {ax + by ; x, y ∈ A}. Comme A est principal, il existe c ∈ A tel que I = (c). Comme a ∈ I, a est un multiple de c et de même b est un multiple de c. Comme a et b sont premiers entre eux, c est inversible donc I = (c) = A. Ainsi, 1 ∈ I. Théorème VI.7 (Lemme de Gauss). Soit A un anneau principal. Pour tous a, b, c ∈ A non nuls on a si a divise bc et est premier avec b alors a divise c. Démonstration. Par hypothèse il existe m ∈ A avec bc = am. D’après le théorème de Bézout il existe u, v ∈ A avec ax + by = 1. On a a(my + xc) = c. 2. LE THÉORÈME DE BÉZOUT ET LE LEMME DE GAUSS 53 Dans cette démonstration on a utilisé seulement le théorème de Bézout. Exercice 2. On dit qu’un anneau intègre A vérifie la propriété de Bézout si, pour tous a, b ∈ A premiers entre eux il existe x, y ∈ A avec ax + by = 1. a) Montrez que Z[X] ne vérifie pas la propriété de Bézout. b) Soit A un anneau intègre. Montrez que A[X, Y ] ne vérifie pas la propriété de Bézout et n’est donc pas principal. Méthode : Considérez les éléments X et Y de A[X, Y ]. Remarque : On applique souvent ce résultat dans le cas où où A est un corps. Exercice 3. Soient K un corps et P (X) et Q(X) ∈ K[X] deux polynômes non constants. a) Montrez que P et Q sont premiers entre eux si et seulement si il existe A(X) et B(X) ∈ K[X] avec deg(A) < deg(Q) ; deg(B) < deg(P ) et AP + BQ = 1 . b) Montrez que P et Q ne sont pas premiers entre eux si et seulement si il existe A(X) et B(X) ∈ K[X] avec deg(A) < deg(Q) ; deg(B) < deg(P ) et AP + BQ = 0 . c) (Des cas particuliers de ce résultat seront étudiés dans les deux dernières questions de l’exercice 2 du chapitre VII). Notons m = deg(P ) et n = deg(Q). Construisez une matrice carrée M de dimension m + n, dont tous les coefficients s’expriment au moyen des coefficients des polynômes P et Q, et telle que det(M ) = 0 si et seulement si P et Q ne sont pas premiers entre eux. 2.1. Existence d’une décomposition en produit d’éléments irréductibles. Proposition VI.8. Soit A un anneau principal. Alors tout élément non nul et non inversible de A est un produit d’éléments irréductibles. Démonstration. Soient A un anneau principal et a ∈ A non nul et non inversible. On suppose que a n’est pas un produit d’éléments irréductibles et on cherche une contradiction. On construit par récurrence une suite (an : n ≥ 1) d’éléments non nuls de A de sorte que, pour tout n ≥ 1, an n’est pas un produit d’irréductibles et an = bn an+1 où bn n’est pas inversible. On pose a1 = a. Si an est construit, par hypothèse il n’est pas irréductible et il peut s’écrire an = bb0 avec b et b0 non inversibles. Comme an n’est pas un produit d’irréductibles, l’un au moins des éléments b pu b0 n’est pas un produit d’irréductibles. Si b n’est pas un produit d’irréductibles, on pose an+1 = b et bn = b0 ; sinon, on pose an+1 = b0 et bn = b. La suite (an ) ainsi construite vérifie les propriétés annoncées. Pour tout n, an+1 divise an donc la suite d’idéaux (an ) est croissante. Posons I= ∞ [ (an ) . n=1 Vérifions que (*) I est un idéal de A. 54 VI. ANNEAUX PRINCIPAUX, ANNEAUX FACTORIELS Comme 0 ∈ (a1 ) on a 0 ∈ I. Soit a ∈ I. Il existe n tel que a ∈ (an ). On a donc −a ∈ (an ) donc −a ∈ I. Soit x ∈ A. On a ax ∈ (an ) donc ax ∈ I. Soient a, b ∈ I. Il existe k et ` avec a ∈ (ak ) et b ∈ (a` ). Soit m = max(k, `). Comme la suite d’idéaux (an ) est croissante, (ak ) et (a` ) sont contenus dans (am ) et a et b appartiennent à (am ), donc a + b ∈ (am ) et finalement a + b ∈ I. Notre affirmation (*) est démontrée. Comme A est principal, il existe a ∈ I avec I = (a). Par définition de I, il existe n avec a ∈ (an ). On a donc I = (a) ⊂ (an ) et, par définition de I, on a I = (an ). Comme (an+1 ) ⊂ I on a (an+1 ) ⊂ (an ) et donc il existe u ∈ A avec an+1 = uan . Or an = an+1 bn , et comme an 6= 0 on a donc ubn = 1. bn est inversible, et on a une contradiction. La proposition est démontrée. 2.2. Unicité de la décomposition. Proposition VI.9. Soit A un anneau principal. Soient r, s ≥ 1 deux entiers et p1 , . . . , pr , q1 , . . . , qs des éléments irréductibles de A. Si p1 p2 . · · · .pr = q1 . · · · .qs alors r = s et il existe une permutation σ de {1, . . . , r} et des éléments inversibles u1 , . . . ur de A tels que pi = ui qσ(i) pour tout i ∈ {1, . . . , r} . Démonstration. On procède par récurrence sur r. Si r = 1 le résultat est évident. On suppose maintenant que r > 1 et que le résultat est vrai jusqu’au rang r − 1. Soient r, s, p1 , . . . , pr , q1 , . . . , qs comme dans l’énoncé. Montrons d’abord que (*) Il existe j ∈ {1, . . . , s} et un élément inversible u avec pr = uqj . Remarquons que pr divise q1 . . . . .qs . Si pr ne divisait aucun des éléments irréductibles q1 , . . . , qs , il serait premier avec chacun de ces éléments, ce qui contredirait le lemme de Gauss. Il existe donc j avec 1 ≤ j ≤ s tel que pr divise qj . Comme qj est irréductible, il existe un inversible u avec pr = uqj . L’affirmation (*) est démontrée. On a donc (up1 )p2 . · · · pr−1 = q1 q2 . · · · qj−1 qj+1 . · · · qs et le résultat annoncé se déduit immédiatement de l’hypothèse de récurrence. Remarque. Dans cette démonstration, les seules propriétés de l’anneau principal A que l’on a utilisées sont que A est intègre, et le lemme de Gauss. 3. Anneaux factoriels 3.1. Définition et exemples. Définition VI.10. Soit A un anneau intègre. On dit que A est un anneau factoriel s’il vérifie les deux propriétés suivantes. – Tout élément non nul et non inversible de A est un produit d’éléments irréductibles. – Soient r, s ≥ 1 deux entiers et p1 , . . . , pr , q1 , . . . , qs des éléments irréductibles de A. Si p1 p 2 . . . pr = q 1 . . . qs 3. ANNEAUX FACTORIELS 55 alors r = s et il existe une permutation σ de {1, . . . , r} et des éléments inversibles u1 , . . . ur de A tels que pi = ui qσ(i) pour tout i ∈ {1, . . . , r} . On dit que tout élément non nul et non inversible se décompose en produit d’éléments irréductibles et que cette décomposition est unique à permutation et multiplication par des éléments inversibles près. Soit a ∈ A non nul et non inversible. On préfère souvent écrire la décomposition de a en éléments irréductibles sous une forme un peu différente. Dans chaque classe d’équivalence d’irréductibles on choisit un représentant. Par exemple, si A = Z, chaque classe d’équivalence d’irréductibles est de la forme {p, −p} avec p premier, et dans cette classe on choisit p. Si A = K[X] où K est un corps, chaque classe d’irréductibles contient un unique polynôme unitaire, et on choisit ce polynôme. Convention. Dans la décomposition d’en élément a de A, non nul et non inversible, on regroupe tous les irréductibles équivalents à l’un de ces irréductibles choisis et on écrit : a = upr11 . . . prmm (3) où m ≥ 1 et – u est inversible ; – p1 , . . . , pm sont des irréductibles ; – pour i 6= j, pi n’est pas égal à pj à multiplication par un inversible près ; – r1 , . . . , rm sont des entiers strictement positifs. Par convention, si u est inversible on dira que sa décomposition en produit d’irréductibles est « u = u », et elle est donc de la forme (3) avec m = 0. Avec ces conventions, la décomposition de a ∈ A non nul est unique à permutation près. Les propositions VI.8 et VI.9 de la section précédente nous donnent immédiatement : Théorème VI.11. Tout anneau principal est factoriel. Nous démontrerons plus tard que si A est factoriel alors A[X] est factoriel. 3.2. Divisibilité dans les anneaux factoriels. Proposition VI.12. Soit A un anneau factoriel. Soit a ∈ A non nul et non inversible et écrivons a = p1 · · · pm où m ≥ 1 et p1 , . . . , pm sont irréductibles. Alors les diviseurs de a les éléments de A qui peuvent s’écrire Y (4) b=v pj j∈S où v est inversible et S ⊂ {1, . . . , m}. (Si S est vide alors le produit est égal à 1 par convention). Remarque VI.13. Si on utilise la convention précédente et qu’on écrit a = . . . prmm comme dans (3), alors la proposition dit que les diviseurs de a sont les éléments qui s’écrivent upr11 (5) b = vps11 . . . psmm où v est inversible et où 0 ≤ si ≤ ri pour 1 ≤ i ≤ m. 56 VI. ANNEAUX PRINCIPAUX, ANNEAUX FACTORIELS Démonstration. Si b est de la forme (4) alors b divise évidement a. Soit maintenant b un diviseur de a et soit c ∈ A avec a = bc. Si b ou c est inversible, alors b se met immédiatement sous la forme (4). Supposons que b et c ne sont pas inversibles. Comme ils sont non nuls, d’après la première partie de la définition d’un anneau factoriel nous pouvons les écrire b = q1 . . . qr et c = qr+1 . . . qr+s où r et s des entiers ≥ 1 et q1 , . . . , qr+s sont des irréductibles. On a donc p1 . . . pm = q1 . . . . qr .qr+1 . . . qr+s . D’après la deuxième partie de la définition d’un anneau factoriel, on a m = r + s et il existe des inversibles u1 , . . . , um et une permutation σ de {1, . . . , m} avec qi = ui pσ(i) pour 1 ≤ i ≤ m. On a donc r r Y Y b= ui · pσ(i) i=1 i=1 et cette expression est bien de la forme (4) annoncée avec S = σ({1, . . . , r}). Proposition VI.14. Si A est factoriel alors il vérifie la propriété de Gauss. Démonstration. Soient a, b et c ∈ A non nuls et supposons que a divise bc et est premier avec b. On doit montrer que a divise c. Écrivons bc = ad. On utilise la forme (3) des décompositions données dans la convention précédente. La décomposition de bc est obtenue et prenant le produit de la décomposition de b par celle de c. C’est aussi le produit de la décomposition de a par celle de d. Par unicité de la décomposition, ces deux produits sont égaux à permutation près. Soit a = upr11 . . . prmm la décomposition de a en facteurs irréductibles comme en (3). Fixons i ∈ {1, . . . , m}. Alors pi apparaît ri fois dans la décomposition de a, donc pi apparaît au moins ri fois dans la décomposition de ad, qui est égal à bc. Or, comme a et b sont premiers entre eux et que pi divise a, on a que pi ne divise pas b. pi n’apparaît donc pas dans la décomposition de b. Donc le nombre d’occurrence de pi dans la décomposition de c est le même que dans la décomposition de bc, et ce nombre est donc au moins égal à ri . Comme ce qui précède est vrai pour chaque i ∈ {1, . . . , m}, a divise c d’après le proposition VI.12. Proposition VI.15. Soit A un anneau factoriel. Soit a ∈ A non nul et non inversible. Alors l’idéal (a) est premier si et seulement si a est irréductible. Démonstration. D’après la proposition V.23, si l’idéal (a) est premier alors a est irréductible. Supposons que a est irréductible montrons que (a) est premier. Soient b, c ∈ A avec bc ∈ (a). On doit montrer que b ou c appartient à (a). Si l’un de ces éléments est nul c’est évident et nous pouvons supposer que b et c sont non nuls. Supposons que b ∈ / (a), c’est à dire que b n’est pas un multiple de a. Comme a est irréductible, a et b sont premiers entre eux. D’après la propriété de Gauss, a divise c, c’est à dire c ∈ (a). 4. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS UN ANNEAU FACTORIEL 57 3.3. pgcd et ppcm. Dans toute cette section, A est un anneau factoriel. Les deux théorèmes suivants se déduisent de la proposition VI.12 et de la remarque VI.13. Théorème VI.16 (et définition). Soient a, b ∈ A, non nuls. Alors il existe δ ∈ A tel que l’ensemble des diviseurs communs de a et b est égal à l’ensemble des diviseurs de δ. Cet élément δ est unique à multiplication par un inversible près. On l’appelle pgcd(a, b). Le pgcd δ de a et b est caractérisé par : (6) il existe x, y ∈ A, premiers entre eux, avec a = δx et b = δy . Théorème VI.17 (et définition). Soient A un anneau factoriel et a, b ∈ A, non nuls. Alors il existe µ ∈ A tel que l’ensemble des multiples communs de aet b est égal à l’ensemble des multiples de µ. Cet élément µ est unique à multiplication par un inversible près. On l’appelle ppcm(a, b). Le ppcm µ de a et b est caractérisé par : il existe x, y ∈ A, premiers entre eux, avec µ = ax = by . On a pgcd(a, b). ppcm(a, b) = ab, à multiplication par un inversible près. Notons qu’on écrit « le pgcd » et « le ppcm » par abus de langage : ces éléments ne sont définis qu’à multiplication par des inversibles près. 3.4. Le cas des anneaux principaux. Pour les anneaux principaux, on peut montrer l’existence du pgcd et du ppcm sans passer par la décomposition en éléments irréductibles. On a Théorème VI.18. Soient A un anneau principal et a, b deux éléments non nuls de A. Alors l’idéal engendré par a et b est égal à l’idéal engendré par pgcd(a, b). En particulier il existe x, y ∈ A avec pgcd(a, b) = ax + by. Démonstration. Soit d un générateur de l’idéal I = {ax + by : x, y ∈ A} engendré par a et b. Comme a ∈ (d), d divise a. De même, d divise b et c’est donc un diviseur commun de a et b. Par ailleurs, comme d appartient à I il existe x et y avec d = ax + by. Soit z un diviseur commun de a et b. Alors z divise ax, il divise aussi by, donc il divise d = ax + by. D’après la caractérisation du pgcd (théorème VI.16), on a d = pgcd(a, b). 4. Polynômes à coefficients dans un anneau factoriel Dans cette section, A est un anneau factoriel. 4.1. Définitions et premières propriétés. Définition VI.19. Soit P (X) ∈ A[X] un polynôme non nul. Le contenu c(P ) de P est le pgcd de ses coefficients non nuls (il est donc défini à multiplication par un inversible près). On dit que P est primitif si son contenu est égal à 1. Remarque. Tout polynôme unitaire est primitif. Un polynôme constant est primitif si et seulement si il est un élément inversible de A. 58 VI. ANNEAUX PRINCIPAUX, ANNEAUX FACTORIELS Remarque. Si P (X) est non nul et si a ∈ A est non nul, c(aP ) = ac(P ). En particulier, si A est primitif alors c(aP ) = a. Remarque VI.20. Tout polynôme non nul P ∈ A[X] est le produit de son contenu et d’un polynôme primitif. De plus, si P = aQ avec a ∈ A et Q ∈ A[X] primitif, alors a = c(P ) à multiplication par un élément inversible près. Lemme VI.21. Le produit de deux polynômes primitifs est primitif. Démonstration. Soient P, Q primitifs et supposons que P Q n’est pas primitif. Le contenu de P Q n’est donc pas un élément inversible de A et il est donc multiple d’un élément irréductible p de A. On peut donc écrire P Q = pR avec R ∈ A[X]. Notons B = A/(p) et π : A → B l’application quotient. Définissons une application Φ : A[X] → B[X] par Φ(a0 + a1 X + · · · + ad X d ) = π(a0 ) + π(a1 )X + · · · + π(ad )X d . On vérifie facilement que Φ est un homomorphisme d’anneaux unitaires, que Φ est surjectif et que ker(Φ) est l’idéal p.A[X] de A[X]. Ainsi, B[X] est isomorphe à A[X]/p.A[X]. Comme p est irréductible, (p) est un idéal premier de A (proposition VI.15) donc B = A/(p) est intègre, donc B[X] est intègre. Ainsi, A[X]/p.A[X] est intègre et p.A[X] est un idéal premier de A[X]. Comme P Q appartient à cet idéal l’un au moins des polynômes P et Q appartient à cet idéal et on a une contradiction. Proposition VI.22. Soient P, Q ∈ A[X] deux polynômes non nuls. Alors c(P Q) = c(P )c(Q) (à multiplication par un inversible près, bien sûr). Démonstration. On a vu dans la remarque VI.20 qu’il existait P 0 , Q0 primitifs avec P = P c(P )P 0 et Q = c(Q)Q0 et on a P Q = c(P )c(Q)P Q. D’après le lemme VI.21, P Q est primitif. D’après la deuxième partie de la remarque VI.20, c(P )cQ) = c(P Q), à multiplication par un inversible près. 4.2. Utilisation du corps des fractions. Désormais, K est le corps des fractions de A. Proposition VI.23. Tout polynôme non nul P à coefficients dans K peut s’écrire sous la forme P = zQ où z ∈ K et Q ∈ A[X] est un polynôme primitif. Cette écriture est unique à multiplication par des éléments inversibles de A près. Démonstration. On montre que tout polynôme non nul P = c0 + c1 X + · · · + cd X d ∈ K[X] peut être mis sous la forme annoncée. Pour 0 ≤ j ≤ d on écrit cj = aj /bj avec aj , bj ∈ A et bj 6= 0. Soient m = ppcm(b0 , . . . , bd ). Pour 0 ≤ j ≤ d on écrit m = bj ej avec ej ∈ A et on a 1 P (X) = R(X) avec R(X) = a0 e0 + a1 e1 X + · · · + ad ed X d ∈ A[X] . m D’après la remarque VI.20 on peut écrire R(X) = cQ(X) où Q(X) ∈ A[X] est un polynôme primitif et on a P (X) = mc Q(X) qui est de la forme annoncée. Montrons l’unicité. Supposons que zQ = z 0 Q0 avec z, z 0 ∈ K non nuls et Q, Q0 ∈ A[X] primitifs. On écrit z = a/b et z 0 = a0 /b0 avec a, b, a0 , b0 ∈ A non nuls. On a b0 aQ = ba0 Q0 . Par définition du contenu on a b0 a = ba0 u avec u ∈ A inversible et donc z 0 = zu et Q0 = z −1 Q. 4. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS UN ANNEAU FACTORIEL 59 Proposition VI.24. Soit P ∈ A[X] un polynôme primitif non constant. Alors P est irréductible dans A[X] si et seulement il est irréductible dans K[X]. Démonstration. Supposons d’abord que P est irréductible dans K[X] et que P = QR avec Q, R ∈ A[X]. Alors l’un des polynômes Q ou R est constant, disons que Q est constant égal à q. Alors q divise tous les coefficients de P et, comme ce polynôme est primitif, q est inversible dans A. On a montré que P est irréductible dans A[X]. Supposons maintenant que P est irréductible dans A[X] et que P = QR avec Q, R ∈ K[X]. D’après la proposition VI.23, il existe Q0 , R0 ∈ A[X] primitifs, et w, z ∈ K avec Q = wQ0 et R = zR0 . Écrivons wz = ab−1 avec a, b ∈ A et b 6= 0. On a bP = aQ0 R0 . Comme P, Q0 et R0 sont primitifs on a a = bu où u ∈ A est inversible, donc P = uQ0 R0 . Comme P est irréductible dans A[X], l’un au moins des polynômes Q0 ou R0 est constant, donc l’un au moins des polynômes Q ou R est constant. On a ainsi démontré que P est irréductible dans K[X]. √ Exercice 4. Soit a > 0 un entier. On suppose que a n’est pas entier. Montrer que √ a est irrationnel. Méthode : X 2 − a est irréductible dans Z[X]. Théorème VI.25. Les polynômes irréductibles de A[X] sont : i) Les polynômes constants, égaux à une constante p ∈ A irréductible ; ii) Les polynômes non constants primitifs qui sont irréductibles dans K[X]. Démonstration. Il est clair que tous les polynômes du premier type sont irréductibles et, d’après la proposition VI.24, les polynômes du deuxième type sont également irréductibles. Il faut montrer qu’il n’y en a pas d ’autres. Soit P ∈ A[X] irréductible. Si P est constant égal à p alors il est clair que p est irréductible dans A et P est du premier type. Si P n’est pas constant alors P est un multiple de c(P ), donc c(P ) est inversible et P est primitif. D’après la proposition VI.24, P est du deuxième type. 4.3. Théorème VI.26. Si A est factoriel alors A[X] est factoriel. Exemple. Z[X] est factoriel. Démonstration. Existence d’une décomposition en produit d’éléments irréductibles. Soit P ∈ A[X], non nul et non inversible. Si P n’est pas primitif on l’écrit P = p1 . . . pk P 0 où c(P ) = p1 . . . pk est la décomposition de c(P ) en produit d’éléments irréductibles et où P 0 est primitif. On rappelle que p1 , . . . , pk sont des éléments irréductibles A[X]. Si P 0 est inversible on a la décomposition recherchée. Sinon, on est ramené à montrer l’existence d’une décomposition de P 0 . Ainsi, on peut se restreindre à montrer l’existence d’une décomposition dans le cas d’un polynôme primitif non constant. Soit P ∈ A[X] primitif non constant. Nous considérons P comme un élément de K[X] et nous l’écrivons comme un produit P = P1 . . . P` de polynômes irréductibles de K[X]. D’après la proposition VI.23 chaque polynôme Pi s’écrit zi Qi , où zi ∈ K et où Qi ∈ A[X] est un polynôme primitif, irréductible dans K[X] et donc dans A[X] d’après le théorème VI.25. Nous avons P = zQ1 . . . Q` avec z ∈ K. Nous écrivons z = a/b avec a, b ∈ A non nuls et nous avons aP = bQ1 . . . Q` . Comme P et Q1 , . . . Q` sont primitifs, a = c(aP ) = c(bQ1 . . . Q` ) = b, à multiplication par un 60 VI. ANNEAUX PRINCIPAUX, ANNEAUX FACTORIELS élément inversible près, et z est un élément inversible de A. Ainsi, P = (zQ1 )Q2 . . . Q` et on a la décomposition recherchée. Unicité. Soient p1 , . . . , pk et p01 , . . . , p0k0 des éléments irréductibles de A et Q1 , . . . , Q` et Q01 , . . . , Q0`0 des polynômes appartenant à A[X], primitifs et irréductibles. Supposons que p1 . . . pk Q1 . . . Qk = p01 . . . p0k0 Q01 . . . Q0`0 . En considérant le contenu des deux membres on obtient que p1 . . . , pk = p01 . . . p0k0 , à multiplication par un inversible près. Comme A est factoriel on a k = k 0 et il existe une permutation σ de {1, . . . , k} et des éléments inversibles u1 , . . . , uk de A avec p0i = ui pσ(i) pour tout i ∈ {1, . . . , k}. On a donc Q1 . . . Q` = uQ01 . . . Q0`0 où u est un élément inversible de A. Comme les polynômes Q1 , . . . , Q` , Q01 , . . . , Q0`0 sont irréductibles dans K[X] et que K[X] est principal donc factoriel, on a ` = `0 et il existe une permutation τ de {1, . . . , `} et des éléments non nus z1 , . . . , z` de K avec Q0j = zj Qτ (j) pour tout j ∈ {1, . . . , `}. Pour chaque j ∈ {1, . . . , `} écrivons zj = aj /bj avec aj , bj ∈ A non nuls. Nous avons bj Q0j = aj Qσ(j) et comme Q0j et Qσ(j) sont primitifs, bj = aj à multiplication par un élément inversible de A près, et donc zj est un élément inversible de A. Comme u1 , . . . , uk et z1 , . . . , z` sont des éléments inversibles de A[X], on a ainsi démontré l’unicité. Corollaire VI.27. Si A est factoriel alors A[X1 , . . . , Xk ] est factoriel pour tout k. Démonstration. Par récurrence. Les cas les plus importants sont celui où celui où A est principal et celui où A est un corps K. On a vu que Z[X] et K[X1 , X2 ] ne sont pas des anneaux principaux. Ce sont cependant des anneaux factoriels, et ils possèdent donc une partie importante des propriétés des anneaux principaux. Exercice 5. Les résultats des deux premières questions de l’exercice 3 restent-ils valables si on remplace le corps K par un anneau factoriel A ? CHAPITRE VII Corps et extensions de corps Notations. On rappelle que dans ce cours le mot « corps » désigne un corps commutatif non trivial. Si p est un nombre premier, on note Fp le corps Z/pZ. 1. Préliminaires 1.1. La caractéristique d’un corps. Soit K un corps. On rappelle que pour tout x ∈ K et tout entier n > 0 on note n fois z }| { n.x = x + x + · · · + x , (−n).x = −(n.x) et 0.x = 0 . Théorème VII.1 (et définition). Soit K un corps. Alors K vérifie une et une seule des deux propriétés suivantes. – Ou bien, 1 est un élément d’ordre infini dans (K, +), c’est à dire que n · 1 6= 0 pour tout entier n 6= 0. Alors, tout x ∈ K non nul est un élément d’ordre infini dans (K, +). On dit alors que K est de caractéristique zéro. – Ou bien 1 est un élément d’ordre fini de (K, +), et cet ordre est un nombre premier p. Alors tout élément non nul x de K est d’ordre p dans (K, +), c’est à dire vérifie p · x = 0 et n · x 6= 0 pour 1 ≤ n < p. On dit alors que K est de caractéristique p. Démonstration. Vérifions que pour tous x, y ∈ K et tous m, n ∈ Z on a (m · x)(n · y) = (mn) · (xy) . (1) Si m = 0 ou n = 0 les deux membres sont nuls et il n’y a rien à montrer. Supposons que m et n sont positifs. Alors, par distributivité, m fois n fois mn fois z }| { z }| { z }| { (m · x)(n · y) = (x + x + · · · + x)(y + y + · · · + y) = (xy + xy + · · · + xy) = (mn) · (xy) . Supposons maintenant que m < 0 et n > 0. On a (m · x)(n · y) = −((−m) · x)(n · y) = −(−mn) · (xy) = (mn) · (xy) . On traite de même les deux autres possibilités pour les signes de m et n et la formule (1) est démontrée. En appliquant cette formule au cas où n = 1 on obtient que, pour tous x, y ∈ K et tout m ∈ Z (m · x)y = m · (xy) . (2) Pour tout n ∈ Z notons (3) φ(n) = n · 1 . 61 62 VII. CORPS ET EXTENSIONS DE CORPS On sait déjà que φ : (Z, +) → (K, +) est un homomorphisme de groupes. On a φ(1) = 1. D’après (1), pour tous m, n ∈ Z on a φ(m)φ(n) = (m · 1)(n · 1) = (mn) · 1 = φ(mn). On a ainsi montré que φ : Z → K est un homomorphisme d’anneaux unitaires. Premier cas. Supposons que 1 est un élément d’ordre infini du groupe (K, +), c’est à dire que φ est injectif. Soit x ∈ K, non nul. Pour tout entier n 6= 0, d’après la formule (2) on a (n · x)x−1 = n · (xx−1 ) = n · 1 = φ(n) 6= 0 donc n · x 6= 0. 1.1.1. Deuxième cas. Supposons φ n’est pas injectif, c’est à dire que 1 est un élément d’ordre fini p ≥ 1 de (K, +). Le noyau de φ est alors égal à pZ et en fait p ≥ 2 puisque φ n’est pas identiquement nul. L’image de φ est un sous-anneau de K et est donc un anneau intègre. Comme Z/pZ est isomorphe à cette image, c’est aussi un anneau intègre, donc l’idéal pZ de Z est premier, donc p est un nombre premier. Soit x ∈ K, non nul. D’après (2) on a p · x = (p · 1)x = 0 et l’ordre de x dans (K, +) divise p. Comme p est premier et que x 6= 0, cet ordre est égal à p. 1.2. Plongements, extensions. Le lemme suivant est constamment utilisé dans la suite, en particulier dans le cas de deux corps. Lemme VII.2. Soient K un corps, A un anneau (commutatif, unitaire, non trivial) et φ : K → A un homomorphisme d’anneau unitaires. Alors φ est injectif. Démonstration. En effet, le noyau de φ est un idéal de K, propre puisqu’il ne contient pas 1, et donc trivial puisque K est un corps. Définition VII.3. Soient K et L deux corps. Un homomorphisme d’anneaux unitaires de K dans L est appelé un plongement de K dans L. On dit aussi que L est une extension de K, ou que K est le corps de base de l’extension L. Convention. Très souvent, si φ est un plongement du corps K dans le corps L, on identifie chaque élément de K avec son image par φ et on considère K comme un sous-corps de L. 1.3. Un exemple. Soient K un corps et P ∈ K[X] un polynôme irréductible. On rappelle que l’idéal (P ) de K[X] est maximal. Notons L le corps K[X]/(P ), π : K[X] → L l’homomorphisme quotient et φ : K → L la restriction de π à K ⊂ K[X]. Alors φ est un plongement de K dans L. Nous reviendrons plus tard sur cet exemple. 1.4. Extensions considérées comme des espaces vectoriels. Cette section sera constamment utilisée dans la suite. Soient K un corps et L une extension de K. Nous considérons que K est inclus dans L. Considérons la restriction à K × L de la multiplication L × L → L. On vérifie facilement que L, muni de sa structure de groupe additif et de cette opération, est un espace vectoriel sur K. En effet, (L, +) est un groupe abélien et, pour tous x, y ∈ L et tous λ, µ ∈ K on a λ · (x + y) = λ · x + λ · y ; (λ + µ) · x = λ · x + µ · x ; 1 · x = x et (λµ) · x = λ · (µ · x) . Convention. Chaque fois qu’on a une extension L d’un corps K, on munit L de cette structure d’espace vectoriel sur K. Si L est une extension de K et si A est un sous-anneau de L contentant K alors, pour la même raison, A est un espace vectoriel sur K. 2. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS UN CORPS 63 Définition VII.4 (et notation). Soit L une extension de K. On dit que L est une extension finie de K si L est un espace vectoriel de dimension finie sur K. La dimension de l’espace vectoriel L sur K est appelée le degré de l’extension et est noté [L : K]. Par exemple, C est une extension de degré 2 de R. 1.5. Extensions et caractéristique. Proposition VII.5. Soit K un corps. i) Pour que K soit de caractéristique p il faut et il suffit qu’il soit une extension de Fp . ii) Pour que K soit de caractéristique zéro il faut et il suffit que K soit une extension de Q. Convention. Dans le premier cas on considère que K contient Fp , et dans le deuxième cas que K contient Q. Démonstration. i) Soit p un nombre premier. Supposons d’abord que K est de caractéristique p, c’est à dire que l’homomorphisme φ : Z → K défini par (3) a pour noyau pZ. Cet homomorphisme induit donc un homomorphisme d’anneaux unitaires de Z/pZ dans K, qui est le plongement recherché. Inversement, supposons que K est une extension de Fp , c’est à dire qu’il existe un plongement σ : Fp → K. Alors p · 1K = p · σ(1Fp ) = σ(p · 1Fp ) = σ(0) = 0 et K est de caractéristique p. ii) Supposons d’abord que K est une extension de Q, c’est à dire qu’il existe un plongement σ : Q → K. Pour tout entier n 6= 0 on a n · 1K = n · σ(1Q ) = σ(n · 1Q ) = σ(n) 6= 0 puisque σ est injectif. K est donc de caractéristique nulle. Supposons maintenant que K est de caractéristique nulle et montrons que K est une extension de Q. L’homomorphisme d’anneaux φ : Z → K défini par (3) est injectif par hypothèse. Pour tout (a, b) ∈ Z × Z∗ , posons ψ(a, b) = φ(a)φ(b)−1 . Soient (a, b) et (a0 , b0 ) ∈ Z × Z∗ avec ab0 − ba0 = 0. On a φ(a)φ(b0 ) = φ(b)φ(a0 ) et donc ψ(a, b) = φ(a)φ(b)−1 = φ(a0 )φ(b0 )−1 = ψ(a0 , b0 ). On rappelle que Q est le corps des fractions de Z. D’après la définition du corps de fractions (voir la section 5 du chapitre V), l’application ψ : Z × Z∗ → K induit une application ψ̃ : Q → K avec ψ̃(ab−1 ) = ψ(a, b) pour tout (a, b) ∈ Z × Z∗ . On vérifie facilement que ψ̃ est un homomorphisme d’anneaux unitaires, d’où la conclusion. Corollaire VII.6. Tout corps fini a une caractéristique non nulle. Corollaire VII.7. Si L est une extension de K alors K et L ont la même caractéristique. Exercice 1. Soit K un corps fini. Alors il existe un nombre premier p et un entier n > 0 tel que |K| = pn . 2. Polynômes à coefficients dans un corps Dans cette section, K est un corps. On rappelle que K[X] est un anneau principal. 64 VII. CORPS ET EXTENSIONS DE CORPS 2.1. Rappels. Théorème (Théorème V.5). Un polynôme non nul admet une racine ξ dans K si et seulement si il est un multiple de X − ξ dans K[X]. Corollaire (Corollaire V.6). tout polynôme de degré d ≥ 1 à coefficients dans K admet au maximum d racines dans K. 2.2. Polynômes irréductibles, polynômes premiers entre eux. On rappelle que les éléments inversibles de K[X] sont les polynômes constants non nuls. De plus, tout polynôme P (X) ∈ K[X] non nul s’écrit de façon unique comme produit d’un polynôme unitaire et d’un polynôme constant non nul. Ainsi, tout polynôme irréductible est égal à multiplication par un inversible près à un polynôme irréductible unitaire. Convention. Dans ce chapitre et les suivants, on supposera implicitement que tout polynôme irréductible est unitaire. Comme K[X] est principal, tout polynôme P (X) ∈ K[X] non constant s’écrit sous la forme P (X) = cP1 (X) . . . Pk (X) (4) avec c ∈ K non nul, k ≥ 1 et P1 , . . . , Pk irréductibles et unitaires, et cette écriture est unique à permutation des indices 1, 2, . . . , k près. On a c = 1 si et seulement si P est unitaire. Proposition VII.8. i) Tout polynôme de degré 1 est irréductible dans K[X]. ii) Si un polynôme de degré > 1 admet une racine dans K alors il n’est pas irréductible. iii) Un polynôme de degré 2 ou 3 qui n’a pas de racine dans K est irréductible. La réciproque de ii) est fausse : par exemple, (X 2 + 1)2 n’a aucune racine dans R mais n’est pas irréductible dans R[X]. Démonstration. i) Si P = QR et que deg(P ) = 1, comme deg(Q)+deg(R) = 1 on a que l’un des polynômes Q ou R est constant donc inversible dans K[X]. ii) Se déduit immédiatement du Théorème V.5. iii) Soit P (X) ∈ K[X] de degré 2 ou 3 sans racine. Supposons que P = QR avec Q, R ∈ K[X] non constants, donc de degré ≥ 1. Comme deg(Q) + deg(R) = deg(P ) = 2 ou 3, l’un au moins des deux polynômes Q ou R est de degré 1 et admet donc une racine ξ ∈ K. Alors ξ est une racine de P et on a une contradiction. Lemme VII.9. Soient P, Q ∈ K[X] deux polynômes premiers entre eux et L une extension de K. Considérons P et Q comme des polynômes à coefficients dans L. Alors P et Q sont premiers entre eux dans L[X]. Démonstration. D’après la propriété de Bézout, il existe U, V ∈ K[X] avec P U + QV = 1. Sot R un diviseur commun de P et Q dans L[X]. Il existe S, T ∈ L[X] avec P = RS et Q = RT . On obtient 1 = P U + QV = R(SU + T V ) et le polynôme R est donc constant. 2. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS UN CORPS 65 2.3. Corps algébriquement clos. Proposition VII.10 (Et définition). Soit K un corps. Les propriétés suivantes sont équivalentes. i) Tout polynôme P (X) ∈ K[X] non constant a au moins une racine dans K. ii) Les seuls polynômes irréductibles de K[X] sont les polynômes de degré 1. iii) Tout polynôme P (X) ∈ K[X] non constant est scindé, c’est à dire peut s’écrire sous la forme P (X) = c(X − α1 ) . . . (X − αd ) où c ∈ K est non nul, d est le degré de P et α1 , . . . , αd ∈ K. Si ces conditions sont vérifiées on dit que le corps K est algébriquement clos. Démonstration. L’implication i) ⇒ ii) se déduit immédiatement des parties i) et ii) de la proposition VII.8. L’implication ii) ⇒ iii) se déduit immédiatement de l’existence de la décomposition (4). L’implication iii) ⇒ i) est évidente. Théorème VII.11 (« Théorème fondamental de l’algèbre »). C est algébriquement clos. La démonstration utilise des méthodes d’analyse. On ne la donne pas ici. 2.4. Le cas de R. Théorème VII.12. Les polynômes irréductibles de R[X] sont les polynômes de degré 1 et les polynômes de degré 2 sans racines réelles. Démonstration. On sait déjà que les polynômes de ces deux types sont irréductibles, il faut montrer qu’il n’y en a pas d’autres. Soit P (X) ∈ R[X] un polynôme irréductible (unitaire) de degré d > 1. Comme C est algébriquement clos, P (X) considéré comme polynôme à coefficients dans C est scindé et on peut écrire ce polynôme : P (X) = (X − ξ1 ) . . . (X − ξd ) avec ξ1 , . . . , ξd ∈ C . Soit 1 ≤ i ≤ d. Comme les coefficients de P sont réels et que P (ξi ) = 0, on a P (ξi ) = 0 et il existe donc j ∈ {1, . . . , d} avec ξi = ξj . Comme P est irréductible dans R[X], ξi n’est pas réel et donc i 6= j. On en déduit que d est pair. On écrit d = 2m et on écrit le polynôme P (X) sous la forme P (X) = (X − η1 ) . . . (X − ηm )(X − η1 ) · . . . · (X − ηm ) = (X 2 − 2 Re(η1 )X + |η1 |2 ) · . . . · (X 2 − 2 Re(ηm )X + |ηm |2 ) . On a ainsi décomposé P (X) en produit de m polynômes à coefficients réels de degré 2. Comme P (X) est irréductible dans R[X] on a m = 1 et P est de degré 2. 2.5. Polynôme dérivé, racines multiples. Définition VII.13. Soient d ≥ 0, a0 , a1 , . . . , ad ∈ K et d P (X) = a0 + a1 X + · · · + ad X = d X k=0 ak X k ∈ K[X] . 66 VII. CORPS ET EXTENSIONS DE CORPS Alors le polynôme dérivé P 0 (X) de P (X) est 0 P (X) = a1 + 2a2 X + · · · + dad X (5) d−1 = d X kak X k−1 . k=1 Ainsi, le polynôme dérivé d’un polynôme constant est nul. La réciproque est vraie si K est de caractéristique zéro mais pas en général. Par exemple, le polynôme X p ∈ Fp [X] a un polynôme dérivé nul. L’application de dérivation P 7→ P 0 est clairement K-linéaire, ce qui signifie que pour P, Q ∈ K[X] et a, b ∈ K on a (aP + bQ)0 = aP 0 + bQ0 . Proposition VII.14. Soient P, Q ∈ K[X]. Alors (P Q)0 = P 0 Q + P Q0 . Démonstration. On écrit m n X X X k P (X) = pk X ; ; Q(X) q` X ` d’où (P Q)(X) = pk q` X k+` k=0 `=0 0≤k≤m 0≤`≤n Comme la dérivation est une opération K-linéaire, X X X (P Q)0 (X) = (k + `)pk q` X k+`−1 = kpk X k−1 q` X ` + pk X k `q` X `−1 = 0≤k≤m 0≤`≤n k+`≥1 m X kpk X k−1 k=1 0 1≤k≤m 0≤`≤n n X 0≤k≤m 1≤`≤n n n X X q` X ` + pk X k `q` X `−1 `=0 k=0 0 = P (X)Q(X) + P (X)Q (X) . `=1 Définition VII.15. Soit α ∈ K une racine du polynôme P (X) ∈ K[X]. On dit que α est une racine multiple de P si (X − α)2 divise P (X). Dans le cas contraire, on dit que α est une racine simple de P . 2.5.1. Le cas de la caractéristique zéro. Proposition VII.16. Soient K un corps de caractéristique zéro et P (x) ∈ K[X] un polynôme non constant. Soit α ∈ K une racine de P . Alors α est racine multiple de P si et seulement si P 0 (α) = 0. Démonstration. Soit d le degré de P et ad X d son coefficient dominant. On a d ≥ 1 et ad 6= 0. Alors le terme dominant de P 0 (x) est dad X d−1 et ce terme est non nul, donc P 0 (X) 6= 0. Soit α ∈ K une racine du polynôme P . Écrivons P (X) = (X − α)Q(X) avec Q(X) ∈ K[X]. On a P 0 (X) = Q(X) + (X − α)Q0 (X) donc P 0 (α) = Q(α). Ainsi, P 0 (α) = 0 si et seulement si Q(α) = 0, donc si et seulement si Q(X) est un multiple de (X − α), c’est à dire si et seulement si P (X) est un multiple de (X − α)2 . Proposition VII.17. Soient K un corps de caractéristique zéro et L une extension de K. Soit P (x) ∈ K[X] un polynôme irréductible. Alors toutes les racines de P dans L sont simples. Démonstration. Le polynôme P 0 est non nul. Comme P est irréductible dans K[X] et que deg(P 0 ) < deg(P ), les polynômes P et P 0 sont premiers entre eux dans K[X]. 3. ÉLÉMENTS ALGÉBRIQUES, ÉLÉMENTS TRANSCENDANTS 67 D’après le lemme VII.9, P et P 0 sont premiers entre eux dans L[X] et donc ne peuvent pas avoir une racine commune dans L. D’après la proposition VII.16, P ne peut pas avoir de racine multiple dans L. Exercice 2. Soit K un corps de caractéristique zéro. a) Soit P (X) ∈ K[X] un polynôme non constant. Montrez que les polynômes P et P 0 ne sont pas premiers entre eux si et seulement si il existe un polynôme irréductible Q(X) ∈ K[X] tel que Q2 divise P . b) On suppose désormais que K est algébriquement clos. Montrez que les polynômes P et P 0 ne sont pas premiers entre eux si et seulement si le polynôme P admet une racine multiple dans K. c) (Cette question et la suivante sont des cas particuliers de la dernière question de l’exercice 3 du chapitre VI) Soit P (X) = p0 + p1 X + p2 X 2 ∈ K[X] un polynôme de degré 2, et donc tel que p2 6= 0. En utilisant les 2 premières questions de l’exercice 3 du chapitre VI et un peu d’algèbre linéaire, montrez que ce polynôme admet une racine multiple dans K si et seulement si p0 p1 0 det p1 2p2 p1 = 0 p2 0 2p2 et retrouvez ainsi un résultat très bien connu. d) Par la même méthode, établissez une condition analogue pour qu’un polynôme P (X) = p0 + p1 X + p2 X 2 + P3 X 3 de degré 3 admette une racine multiple dans K. 2.5.2. Le cas de la caractéristique p. On montre de même : Proposition VII.18. Soient K un corps de caractéristique finie p et P (X) ∈ K[X] un polynôme non constant. On suppose que le degré d de P n’est pas divisible par p. Soit α ∈ K une racine de P . Alors α est racine multiple de P si et seulement si P 0 (α) = 0. Proposition VII.19. Soient K un corps de caractéristique finie p et L une extension de K. Soit P (x) ∈ K[X] un polynôme irréductible. On suppose que le degré d de P n’est pas divisible par p. Alors toutes les racines de P dans L sont simples. 3. Éléments algébriques, éléments transcendants Dans toute cette section, L est une extension du corps K, c’est à dire que K est un sous-corps de L. 3.1. La définition. Définition VII.20. Soient L une extension du corps K et ξ ∈ L. On dit que ξ est algébrique sur K s’il existe un polynôme non nul P ∈ K[X] avec P (ξ) = 0. Dans le cas contraire on dit que ξ est transcendant sur K. Tout élément a de K est algébrique que K ; en effet, le polynôme X − a s’annule en a. Si le corps de base est Q et si l’extension est C ou R ou plus généralement un sous-corps√de C, on dit « nombre algébrique » au lieu de « algébrique sur Q √ ». Par exemple, 2 est racine du polynôme X 2 − 2 ∈ Q[X], et on dit donc que 2 un nombre algébrique. De même, i est nombre algébrique. 68 VII. CORPS ET EXTENSIONS DE CORPS Proposition VII.21. L’ensemble des nombres algébriques est dénombrable. Idée de la démonstration, à compléter. Pour tout entier d ≥ 1, la famille des polynômes de degré d à coefficients dans Q est dénombrable. Chacun de ces polynômes n’a qu’un nombre fini de racines dans C. La famille formée par ces racines (c’est à dire la famille des nombres algébriques de degré ≤ d) est donc dénombrable. L’ensemble des nombres algébriques est la réunion de ces familles pour d ≥ 1, c’est donc une ensemble dénombrable. Il existe donc des réels et des complexes transcendants (beaucoup !), mais en donner un seul explicitement n’est pas facile. Il est connu que e et π sont transcendants. 3.2. L’homomorphisme d’évaluation. Soit ξ ∈ L. L’application eξ : P 7→ P (ξ) est un homomorphisme de K[X] dans L appelé l’homomorphisme d’évaluation au point ξ. Cet homomorphisme est injectif si et seulement ξ est transcendant. L’image de cet homomorphisme est noté K[ξ]. Ainsi : K[ξ] = P (ξ) : P (X) ∈ K[X] = a0 + a1 ξ + · · · + ad ξ d : d ≥ 0, a0 , a1 , . . . , ad ∈ K . Par construction, K[ξ] est un sous-anneau de L contenant ξ et K. On vérifie facilement que K[ξ] est le sous-anneau de L engendré par K et ξ, c’est à dire le plus petit sousanneau de L contenant K et ξ. 3.3. Le polynôme minimal. Soit ξ ∈ L et supposons que ξ est algébrique sur K. Le noyau def ker(eξ ) = {P ∈ K[X] ; P (ξ) = 0} de l’homomorphisme d’évaluation eξ est un idéal propre et non trivial de K[X]. Comme K[X] est principal, il existe un unique polynôme unitaire non constant Pξ ∈ K[X] tel que ker(eξ ) soit l’ensemble des multiples de Pξ . Ainsi, Pξ est le polynôme unitaire de plus petit degré vérifiant Pξ (ξ) = 0 et on a def (6) P ∈ K[X] ; P (ξ) = 0 = (Pξ ) = Pξ Q ; Q ∈ K[X] . Définition VII.22. Soit ξ ∈ L algébrique sur K. Le polynôme Pξ unitaire défini par (6) s’appelle le polynôme minimal de ξ. Le degré de Pξ est appelé le degré de ξ. Reprenons les notations précédentes. Comme (Pξ ) est le noyau de l’homomorphisme d’évaluation eξ et que K[ξ] est l’image de cet homomorphisme, on a (7) K[ξ] ∼ = K[X]/(Pξ ) . Proposition VII.23. Soit ξ ∈ L algébrique sur K. Alors le polynôme minimal Pξ de ξ est irréductible dans K[X] et K[ξ] est un sous-corps de L. Démonstration. Comme K[ξ] est un sous-anneau du corps L, K[ξ] est intègre. Comme K[ξ] ∼ = K[X]/(Pξ ), ce dernier anneau est intègre et donc l’idéal (Pξ ) est premier. Comme Pξ 6= 0, ce polynôme est irréductible. On en déduit que l’idéal (Pξ ) est maximal, et donc que K[X]/(Pξ ) est un corps, et enfin que K[ξ] est un corps. Exemple. Vérifions que les éléments algébriques de degré 1 sont exactement les éléments de K. Si ξ ∈ K, le polynôme minimal de ξ est X − ξ. Le degré de ξ est 1. Réciproquement, si ξ est un élément algébrique de degré 1 alors ξ est racine d’un polynôme non nul de degré 1 à coefficients dans K donc ξ ∈ K. 3. ÉLÉMENTS ALGÉBRIQUES, ÉLÉMENTS TRANSCENDANTS 69 √ Exemple. Ici K = Q, L = C et ξ = 2. Soit P (X) = X 2 − 2. On a P ∈ Q[X] et P (ξ) = 0 donc P est un multiple de Pξ . On a vu que P est irréductible dans Q[X] et on en déduit que Pξ = P . Exercice 3. Tout ξ ∈ C est algébrique sur R et de degré 1 ou 2. Exercice 4. Si L est une extension de C et si ξ ∈ L est algébrique que C alors ξ ∈ C. 3.4. Caractérisations des éléments algébriques. Dans tout le reste de cette section, K est un corps et L est une extension de K. On considère que K ⊂ L. On rappelle que L est un espace vectoriel sur K (section 1.4). Lemme VII.24. Soit A un sous-anneau de L contenant K. Si A est un espace vectoriel de dimension finie sur K alors A est un corps. Démonstration. Il faut montrer que pour a ∈ A non nul on a a−1 ∈ A. Pour tout x ∈ A on a ax ∈ A. L’application Φ : x 7→ ax de A dans A est clairement linéaire sur A considéré comme espace vectoriel sur K : en effet, pour tous x, y ∈ A et tous λ, µ ∈ K on a φ(λx + µy) = a(λx + µy) = λax + µax = λφ(x) + µφ(y) . Cette application est injective puisque ax = 0 entraîne x = 0. Comme A est de dimension finie elle est donc surjective. Il existe donc x ∈ A avec ax = φ(x) = 1, et donc a−1 ∈ A. Théorème VII.25. Soient L une extension du corps K et ξ ∈ L. les propriétés suivantes sont équivalentes : i) ξ est algébrique sur K ; ii) K[ξ] est un espace vectoriel de dimension finie sur K ; iii) K[ξ] est un sous-corps de L. De plus, si ces propriétés sont vérifiées, alors {1, ξ, . . . , ξ deg(ξ)−1 } est une base de l’espace vectoriel K[ξ] sur K et K[ξ] : K = deg(ξ). Démonstration. On a déjà vu (proposition VII.23) que la propriété i) entraîne la propriété iii). a) Montrons que i) entraîne ii). Plus précisément, montrons que si ξ est algébrique de degré d alors {1, ξ, . . . , ξ d−1 } est un système générateur du K-espace vectoriel K[ξ]. Soit x ∈ K[ξ]. Il existe P (X) ∈ K[X] avec P (ξ) = x. Soient Q(X) et R(X) le reste et le quotient de la division euclidienne de P (X) par Pξ (X). On a x = P (ξ) = Q(ξ)Pξ (ξ) + R(ξ) = R(ξ) De plus, R = 0 ou deg(R) < deg(Pξ ) = d et on peut donc écrire R(X) = a0 + a1 X + · · · + ad−1 X d−1 avec a0 , . . . ad−1 ∈ K et on a donc x = a0 ξ + · · · + ad−1 ξ d−1 . Ainsi, x est une combinaison linéaire à coefficients dans K des éléments 1, ξ, . . . , ξ d−1 , et {1, ξ, . . . , ξ d−1 } est un système générateur de K[ξ]. b) Supposons que que ξ est algébrique de degré d et montrons que {1, ξ, . . . , ξ d−1 } est une base de K[ξ]. D’après ce qui précède il suffit de montrer que c’est un système libre. 70 VII. CORPS ET EXTENSIONS DE CORPS Si a0 , a1 , . . . , ad−1 ∈ K vérifient a0 1 + a1 ξ + · · · + ad−1 ξ d−1 = 0, alors le polynôme P (X) = a0 + a1 X + · · · + ad−1 X d−1 admet ξ pour racine et il est donc un multiple du polynôme minimal Pξ . Comme deg(Pξ ) = d et que deg(P ) < d on a P (X) = 0, c’est à dire a0 = a1 = · · · = ad−1 = 0 ce qu’il fallait démontrer. c) D’après le lemme VII.24, la propriété ii) entraîne la propriété iii). d) Montrons que la propriété iii) entraîne la propriété i). Si ξ = 0 alors ξ ∈ K et est algébrique, il n’y a donc rien à démontrer. Supposons que ξ 6= 0. Comme ξ ∈ K[ξ], par hypothèse on a ξ −1 ∈ K[ξ] et il existe Q ∈ K[X] avec ξ −1 = Q(ξ). Posons P (X) = XQ(X) − 1 ∈ K[X]. Ce polynôme est non nul et admet ξ comme racine, donc ξ est algébrique sur K. 3.5. Suite de l’exemple de la section 1.3. Rappelons les notations de cet exemple. On se donne un polynôme P ∈ K[X] irréductible, on pose L = K[X]/(P ) et π : K[X] → L est l’homomorphisme quotient. On a noté φ : K → L la restriction de π à K. C’est un homomorphisme injectif. Nous convenons maintenant de noter de la même façon chaque élément de K et son image par φ dans L, et donc nous considérons K comme un sous-corps de L. Notons ξ = π(X). Pour tout polynôme Q(X) = a0 + a1 X + · · · + an X n ∈ K[X], on a π(Q) = a0 + a1 ξ + · · · + an ξ n . Ainsi, pour tout Q ∈ K[X], π(Q) = Q(ξ) . Comme π : K[X] → L est surjectif, on en déduit que L = K[ξ]. De plus, π(P ) = 0 par définition de π, donc P (ξ) = 0. Ainsi, l’élément ξ de L est algébrique sur K. Remarquons que, comme P est irréductible, P est le polynôme minimal de ξ. La définition de C. Le polynôme X 2 + 1 est irréductible dans R[X] et C est par définition le corps R[X]/(X 2 + 1). L’image dans C du polynôme X est notée i. Ainsi, i2 = −1 et C = R[i]. On vérifie facilement (ou on déduit de la section suivante) que C = {a + bi : a, b ∈ R}. C est donc un espace vectoriel de degré 2 sur R. CHAPITRE VIII Extensions algébriques, extensions finies Convention. Désormais, les symboles comme K, L, M, . . ., désignent toujours des corps. 1. Extensions finies 1.1. Extensions algébriques. Définition VIII.1. Soit L une extension de K. On dit que L est une extension algébrique de K si tout élément de L est algébrique sur K. Comme R et C ne sont pas dénombrables, d’après la proposition VII.21 ce ne sont pas des extensions algébriques de Q. Corollaire VIII.2. Toute extension finie est algébrique. Démonstration. Soient L une extension finie de K et ξ ∈ L. Comme K[ξ] est un sous-espace vectoriel de L, il est donc est de dimension finie sur K. D’après le théorème VII.25, ξ est algébrique sur K. Corollaire VIII.3. Soient L un extension de K et ξ un élément de L algébrique sur K. Alors K[ξ] est une extension algébrique sur K et le degré de cette extension est [K[ξ] : K] = deg(ξ). Démonstration. D’après le théorème VII.25, K[ξ] est un corps, c’est donc bien une extension de K et de plus K[ξ] est un espace vectoriel de dimension finie deg(ξ) sur K. Ainsi, K[ξ] est une extension finie de degré deg(ξ) de K et c’est donc une extension algébrique de K d’après le corollaire VIII.2. Soient P ∈ K[X] un polynôme irréductible et L = K[X]/(P ) comme dans les sections 1.3 et 3.5 du chapitre précédent. Alors L est une extension finie de K et son degré est égal au degré de P . √ Exercice 1. Démontrez «à la main» que tout élément de Q[ 2] est algébrique. 1.2. Extension finie d’une extension finie. Théorème VIII.4 (Théorème de multiplication des degrés). Soient L une extension finie de K et M une extension finie de L. Alors M est une extension finie de K et [M : K] = [M : L].[L : K] . Démonstration. Soient {α1 , . . . , αm } une base de l’espace vectoriel L sur K et {β1 , . . . , βn } une base de l’espace vectoriel M sur L. Nous montrons que def B = {αi βj ; 1 ≤ i ≤ m, 1 ≤ j ≤ n} est une base de l’espace vectoriel M sur K. Soit x ∈ M. Comme {β1 , . . . , βn } est une base de M sur L, il existe x1 , . . . , xn ∈ L avec x = x1 β1 + · · · + xn βn . Pour 1 ≤ j ≤ n, comme xj ∈ L et que {α1 , . . . , αm } 71 72 VIII. EXTENSIONS ALGÉBRIQUES, EXTENSIONS FINIES est une base de L sur K, il existe y1,j , . . . , ym,j ∈ K avec xj = y1,j α1 + · · · + ym,j αm . Nous avons donc m X n X (1) x= yi,j αi βj . i=1 j=1 Ainsi, B est un système générateur de l’espace vectoriel M sur K. Montrons que ce système est libre. Soient yi,j , 1 ≤ i ≤ m, 1 ≤ j ≤ n, dans K et supposons que la somme (1) est nulle. Ainsi, n X m X yi,j αi βj = 0 j=1 i=1 et chacune des sommes internes est un élément de L. Comme {β1 , . . . , βn } est une base de l’espace vectoriel M sur L, chacune de ces sommes est nulle : m X pour tout j, yi,j αi = 0 i=1 Fixons j ∈ {1, . . . , n}. Pour chaque i, yi,j ∈ K et comme {α1 , . . . , αm } est une base de l’espace vectoriel L sur K tous les coefficients yi,j sont nuls. Corollaire VIII.5. Soient L une extension de K, ξ ∈ L algébrique sur K et η ∈ L algébrique sur K[ξ]. Alors η est algébrique sur K. De plus, si degK (ξ) et degK (η) désignent respectivement le degré de ξ et de η sur K, et si degK[ξ] (η) désigne le degré de η sur K[ξ), on a degK (η) ≤ degK (ξ) degK[ξ] (η). Démonstration. Pour alléger les notations, notons M = K[ξ]. D’après le corollaire VIII.3, M est une extension finie de K et M[η] est une extension finie de M. D’après le théorème VIII.4, M[η] est une extension finie de K, c’est donc une extension algébrique de K d’après le corollaire VIII.2 et on a [M[η] : K] = [M[η] : M] · [M : K] = degM (η) degK (ξ). En particulier, comme ξ ∈ M[ξ], ξ est algébrique sur K. Comme K est inclus dans M, K[η] est inclus dans M[η], et c’est donc un sous-K-espace vectoriel de M[η]. On a donc degK (η) = [K[η] : K] ≤ [M[η] : K] = degM (η) degK (ξ). 2. Composition d’extensions 2.1. Extension engendrée par un nombre finie d’éléments algébriques. Notation. Soient L une extension de K, k ≥ 1 un entier, et ξ1 , . . . , ξk des éléments de L. On note K[ξ1 , . . . , ξk ] le sous-anneau de L engendré par ξ1 , . . . , ξk . Ainsi K[ξ1 , . . . , ξk ] = P (ξ1 , . . . , ξk ) : P ∈ K[X1 , . . . , Xk ] . Théorème VIII.6. Soient L une extension de K, k ≥ 1 un entier, et ξ1 , . . . , ξk des éléments de L, algébriques sur K. Alors – K[ξ1 , . . . , ξk ] est un sous-corps de L. – Ce corps est une extension finie de K et K[ξ1 , . . . , ξk ] : K ≤ deg(ξ1 ). · · · . deg(ξk ) . – K[ξ1 , . . . , ξk ] : K est un multiple de deg(ξi ) pour 1 ≤ i ≤ k. 2. COMPOSITION D’EXTENSIONS 73 Démonstration. On procède par récurrence. Si k = 1, tout a été montré dans le théorème VII.25. On suppose que k > 1 et que le résultat est montré pour moins de k éléments algébriques. Soient maintenant ξ1 , . . . , ξk ∈ L, algébriques sur K. Posons M = K[ξ1 , . . . , ξk−1 ] . D’après l’hypothèse de récurrence, M est un sous corps de L et ce corps est une extension finie de K. De plus, [M : K] est un multiple de deg(ξi ) pour 1 ≤ i ≤ k − 1 et est inférieur ou égal au produit de ces degrés. Par ailleurs, K[ξ1 , . . . , ξk−1 , ξk ] = K[ξ1 , . . . , ξk−1 ][ξk ] = M[ξk ] . Soit Pξk le polynôme minimal de ξk sur K. Ce polynôme est non nul, admet ξk comme racine et peut être vu comme un polynôme à coefficients dans M. Ainsi, ξk est algébrique sur M. Comme Pξk (ξk ) = 0, le polynôme minimal Q de ξk sur M divise Pξk dans M[X], et deg(Q) ≤ deg(Pξk ). D’après le théorème VII.25, on en déduit que M[ξk ] est un corps et que ce corps est une extension finie de M avec [M[ξk ] : M] = deg(Q) ≤ deg(ξk ) . Nous avons ainsi montré que K[ξ1 , . . . , ξk−1 , ξk ] est un corps et que ce corps est une extension finie de K et on a [K[ξ1 , . . . , ξk−1 , ξk ] : K] = [M : K] · [M[ξk ] : M] d’après le théorème VIII.4. D’après l’hypothèse de récurrence, cette expression est majorés par deg(ξ1 ) . . . deg(ξk−1 ) deg(ξk ) et est un multiple de deg(ξi ) pour 1 ≤ i ≤ k − 1. Enfin, comme K[ξ1 , . . . , ξk−1 , ξk ] ⊃ K[ξk ] ⊃ K, nous concluons que [K[ξ1 , . . . , ξk−1 , ξk ] : K] est un multiple de [K[ξk ] : K] d’après le théorème VIII.4. Corollaire VIII.7. Soient L une extension de K et ξ1 , ξ2 ∈ L, algébriques sur K. Alors −ξ1 , ξ1 + ξ2 et ξ1 ξ2 sont algébriques sur K. Si ξ1 6= 0 alors ξ1−1 est algébrique sur K. Démonstration. D’après le théorème VIII.6, K[ξ1 , ξ2 ] est une extension finie de K, donc est une extension algébrique de K d’après le corollaire VIII.2. Tous ses éléments sont donc algébriques sur K. Exercice 2. Soient L une extension deK et ξ, η ∈ L. On suppose que ξ et η sont algébriques sur K, de degrés p et q, respectivement. On suppose que p < q et que p et q sont premiers entre eux. a) Montrez que [K[ξ, η] : K] = pq. b) Montrez que ξ + η est algébrique sur K. Vérifiez que ξ + η ∈ K[ξ, η], déduisez-en que K[ξ + η] ⊂ K[ξ, η]. c) On pose r = [K[ξ + η] : K]. Montrez que r est égal à 1, p, q ou pq. d) Montrez par l’absurde que r 6= 1. Méthode : si r était égal à 1 on aurait ξ + η ∈ K, donc K[ξ] = K[η] d’où une contradiction. e) Montrez que K[ξ + η, ξ] = K[ξ, η]. En déduire que pq ≤ pr et que r 6= p. 74 VIII. EXTENSIONS ALGÉBRIQUES, EXTENSIONS FINIES 2.2. Composition d’extensions. Théorème VIII.8 (et définition). Soient M une extension de K et L, L0 deux souscorps de M contenant K et qui sont des extensions finies de K. Soit encore F le sous-anneau de M engendré par L et L0 . Alors F est un corps et est une extension finie de K. Cette extension est appelée la composée des deux extensions L et L0 de K. On On note ce corps LL0 . On a [LL0 : K] ≤ [L : K].[L0 : K]. De plus, [LL0 : K] est un multiple de [L : K] et de L0 : K]. Démonstration. a) Montrons que F est le sous K-espace vectoriel de M engendré par les éléments de la forme xx0 avec x ∈ L et x0 ∈ L0 . Soit E ce sous-espace vectoriel. On a clairement E ⊂ F et il reste à montrer que F ⊂ E. Montrons que que E est un sous-anneau de M, c’est à dire que le produit de deux éléments de E appartient à E. Tout élément de E est une combinaisons linéaire à coefficients dans K d’éléments de la forme xx0 avec x ∈ L et x0 ∈ L0 . Or, si on a x ∈ L, x0 ∈ L0 , y ∈ L et y 0 ∈ L0 alors on a (xx0 )(yy 0 ) = (xy)(x0 y 0 ) ∈ E. Par linéarité on obtient le résultat annoncé. Comme E contient L et L0 et que F est le plus petit sous-anneau de M contenant ces deux corps, on a F ⊃ E. b) Soient respectivement {α1 , . . . , αm } et {β1 , . . . , βn } des bases des espaces vectoriels L et L0 sur K. D’après a), F est le sous-espace vectoriel de M engendré par les éléments αi βj avec 1 ≤ i ≤ m et 1 ≤ j ≤ n. F est donc un espace vectoriel sur K de dimension ≤ mn. c) Comme F est un sous-anneau de M contenant K et aussi un espace vectoriel de dimension finie ≤ mn sur K, c’est un sous-corps de K d’après le lemme VII.24, et donc une extension finie de K, de degré ≤ mn = [L : K] · [L0 : K]. d) On a [LL0 : K] = [LL0 : L].[L : K] d’après le théorème VIII.4 donc [LL0 : K] est un multiple de [L : K] ; de même, [LL0 : K] est un multiple de [L0 : K]. Remarque. Soient ξ et ξ 0 sont des éléments de M algébriques sur K, L = K[ξ] et L0 = K[ξ 0 ]. Alors LL0 = K[ξ, ξ 0 ] et on retrouve le résultat du théorème VIII.6. Exercice 3. √ √ a) Montrez que Q[ 2, 3] est une extension de Q de degré 2 ou 4. √ √ b) Montrez que 2 + 3 n’est pas de degré 2 sur Q. √ √ √ √ √ √ c) En déduire que 2 + 3 est de degré 4 sur Q et que Q[ 2, 3] = Q( 2 + 3]. Exercice 4. √ √ a) Montrez que Q[ 2, 3 5] est une extension de degré 6 de Q. √ √ b) En déduire que 2 + 3 5 est algébrique, et que son degré divise 6. CHAPITRE IX Fermeture algébrique, corps de décomposition 1. La fermeture algébrique de K dans L 1.1. Fermeture algébrique. Soit L un extension du corps K. Définition IX.1. La fermeture algébrique clL (K) de K dans L est l’ensemble des éléments de L qui sont algébriques sur K. Définition IX.2. On dit que K est algébriquement fermé dans L si tout élément de L algébrique sur K appartient à K, c’est à dire si clL (K) = K. Théorème IX.3. La fermeture algébrique de K dans L est un sous-corps de L contenant K. De plus, clL (K) est algébriquement fermé dans L. Démonstration. a) La première affirmation a déjà été démontrée (corollaire VIII.7). b) Soit ξ ∈ L et supposons que ξ est algébrique sur clL (K). On doit montrer que ξ est algébrique sur K. Par définition il existe un polynôme P (X) = a0 + a1 X + · · · + ad X d non nul, à coefficients dans clL (K), avec P (ξ) = 0. Soit M = K[a0 , a1 , . . . , ad ]. Comme a0 , a1 , . . . , ad sont algébriques sur K, M est un corps et une extension finie de K d’après le théorème VIII.6. D’autre part, P (X) appartient à M[X] et admet ξ comme racine, donc ξ est algébrique sur M. D’après le théorème VII.25, M[ξ] est une extension finie de M et d’après le théorème VIII.4, M[ξ] est une extension finie de K. D’après le corollaire VIII.2, M[ξ] est une extension algébrique de K et en particulier ξ est algébrique sur K. √ √ Exercice 1. Trouver le polynôme minimal de 2 + 3 (ici K = Q et L = C). Corollaire IX.4. Si L est une extension algébrique de K et si M est une extension algébrique de L alors M est une extension algébrique de K. Démonstration. Par hypothèse, L ⊂ clM (K). Tout ξ ∈ M est algébrique sur L par hypothèse et est donc a fortiori algébrique sur clM (K). Comme clM (K) est algébriquement fermé dans M, ξ ∈ clM (K) et est donc algébrique sur K. 1.2. Retour que les corps algébriquement clos. On rappelle qu’un corps K est algébriquement clos si tout polynôme à coefficients dans K est scindé ou, de façon équivalente, si tout polynôme P ∈ K[X] irréductible est de degré 1 (voir proposiiton VII.10). Proposition IX.5. Un corps est algébriquement clos si et seulement il est algébriquement fermé dans toute extension. 75 76 IX. FERMETURE ALGÉBRIQUE, CORPS DE DÉCOMPOSITION Démonstration. Supposons d’abord que le corps K est algébriquement clos et soit L une extension de K. Soient ξ ∈ L algébrique sur K et P (X) ∈ K(X) son polynôme minimal. Alors P est irréductible et est donc de degré 1, donc ξ ∈ K. On a ainsi montré que K est algébriquement fermé dans L. Supposons maintenant que K est algébriquement fermé dans toute extension. Soient P (X) ∈ K[X] un polynôme irréductible et d son degré. Soit L = K[X]/(P (X)). On sait que L est une extension algébrique de degré d de K. Par hypothèse, K = clL (K) = L donc d = 1. 2. Corps de décomposition et clôture algébrique 2.1. Corps de décomposition d’un polynôme. Définition IX.6. Soit P ∈ K[X] un polynôme non constant. Un corps de décomposition de P est une extension L de K telle que i) P est scindé dans L(X) c’est-à-dire s’écrit P (X) = c(X − ξ1 ) . . . (X − ξk ) avec c ∈ K et ξ1 , . . . , ξk ∈ L ; ii) L = K[ξ1 , . . . ξd ]. Théorème IX.7. Soient K un corps et P (X) ∈ K[X] un polynôme non constant. Alors P admet un corps de décomposition. Démonstration. On peut se restreindre au cas où le polynôme P est unitaire. On raisonne par récurrence sur le degré de P . Si deg(P ) = 1 alors P (X) = X − ξ pour un certain ξ ∈ K. On a K = K[ξ] et K est un corps de décomposition de P . Soit d ≥ 1 et supposons le résultat vrai pour tout polynôme de degré ≤ d. Soit P (X) ∈ K[X] un polynôme de degré d + 1. Soit Q un polynôme irréductible unitaire divisant P et M = K[X]/(Q) (le cas où Q = P n’est pas exclu). On sait que M est un corps contenant K et que si ξ est l’image de X dans ce quotient on a M = K[ξ] et Q(ξ) = 0. Le polynôme Q(X) est donc un multiple de X − ξ dans M[X], et comme P (X) est un multiple de Q(X) nous pouvons écrire P (X) = (X − ξ)R(X) avec R(X) ∈ M[X] . Notons que le polynôme R est unitaire et de degré d. D’après l’hypothèse de récurrence, R admet un corps de décomposition L sur M. Montrons que L est un corps de décomposition de P sur K. Par définition, le polynôme R(X) s’écrit R(X) = (X − ξ1 ) . . . (X − ξd ) avec ξ1 , . . . , ξd ∈ L et donc P (X) = (X − ξ)(X − ξ1 ) . . . (X − ξd ). De plus, L = M[ξ1 , . . . , ξd ] = K[ξ][ξ1 , . . . , ξd ] = K[ξ, ξ1 , . . . , ξd ]. Voici une autre construction d’un corps de décomposition, lorsque le corps K est contenu dans un corps M algébriquement clos. Soit P (X) ∈ K[X], non constant. Ce polynôme appartien à M[X] et, comme M est algébriquement clos, il est scindé dans M[X] et s’écrit P (X) = c(X − ξ1 ) . . . (X − ξk ) où ξ1 , . . . , ξk ∈ M ; c est le coeffiicent du terme de plus haut degré dans P (X) donc c ∈ K. Posons L = K[ξ1 , . . . , ξk ]. D’après le héorème VIII.6, L est un corps, c’est donc une extension de K. Les deux propriétés de la définition d’un corps de décomposition sont clairement satisfaites par L. 2. CORPS DE DÉCOMPOSITION ET CLÔTURE ALGÉBRIQUE 77 2.2. Clôture algébrique. Définition IX.8. Soient K un corps et K une extension de K. On dit que K est une clôture algébrique de K si K est algébriquement clos et est une extension algébrique de K. Théorème IX.9. Tout corps admet une clôture algébrique. Nous ne démontrons pas ce théorème dans le cas général, mais seulement dans deux cas particuliers : le cas où on sait que K est inclus dans un corps algébriquement clos, et le cas où K est dénombrable. Les exemples les plus importants sont ceux où K = Q et où K = Fp . Proposition IX.10 (Théorème IX.9 dans le cas où on sait que K est inclus dans un corps algébriquement clos). Soient K un corps, M un corps algébriquement clos contenant K et L = clM (K) la fermeture algébrique de K dans M. Alors L est une clôture algébrique de K. Par exemple, si K ⊂ C alors clC (K) est une clôture algébrique de K. Démonstration. Par définition, L = clM (K) est une extension algébrique de K. Il faut montrer que ce corps est algébriquement clos. D’après la caractérisation ii) de la proposition VII.10, il suffit de montrer que tout polynôme P (X) irréductible de L[X] est de degré 1. On peut voir le polynôme P (X) comme un polynôme non constant à coefficients dans M. Comme M est algébriquement clos, ce polynôme admet une racine ξ dans M. D’après le théorème IX.3, L est algébriquement fermé dans M et ξ appartient donc à L. Le polynôme P irréductible dans L[X] a une racine dans L, il est donc de degré 1 d’après la partie ii) de la proposition VII.8. 2.3. Démonstration du théorème IX.9 dans le cas où K est dénombrable. Comme K est dénombrable, l’ensemble des polynômes non constants à coefficients dans K est dénombrable (pourquoi ? ) et il existe donc une bijection de N∗ sur cet ensemble. On peut donc écrire cet ensemble sous la forme {Pn ; n ≥ 1}. Nous construisons par récurrence une suite croissante (Kn : n ≥ 0) de corps. On pose K0 = K. Soit n ≥ 1 et supposons Kn−1 déjà défini. Nous considérons Pn comme un polynôme à coefficients dans Kn−1 et définissons Kn comme un corps de décomposition de ce polynôme. Par définition, pour chaque n ≥ 1, Kn est une extension finie de Kn−1 . Pour tout n ≥ 0, d’après le théorème VIII.4 et par récurrence, Kn est une extension finie donc algébrique de K (corollaire VIII.2). Posons [ K= Kn . n≥0 Comme la suite de corps (Kn ; n ≥ 0) est croissante, K est un corps (vérifiez cette affirmation). Tout élément de K appartient à l’un des corps Kn donc est algébrique sur K. Ainsi, K est une extension algébrique de K. Montrons que K est algébriquement clos. Il faut montrer que si M est une extension de K et si ξ ∈ M est algébrique sur K, alors ξ appartient à K. Montrons d’abord que ξ est algébrique sur K. Soit Q(X) = q0 + q1 X + · · · + qs X d ∈ K[X] le polynôme minimal de ξ sur K. Pour 0 ≤ i ≤ d, on a qi ∈ K et il existe donc mi tel que qi ∈ Kmi . Soit 78 IX. FERMETURE ALGÉBRIQUE, CORPS DE DÉCOMPOSITION m = max{m0 , m1 , . . . , md }. Alors tous les coefficients qi appartiennent à Km et on a donc Q(X) ∈ Km (X). Ainsi, ξ est algébrique sur Km et donc Km [ξ] est une extension finie de Km . Comme Km est une extension finie de K, Km [ξ] est une extension finie et donc algébrique de K d’après le théorème VIII.4. Ainsi, ξ est algébrique sur K. Soit Pξ ∈ K[X] le polynôme minimal de ξ sur K. Comme ce polynôme à coefficients dans K n’est pas constant, il existe par construction un entier n ≥ 1 avec Pξ = Pn . Ainsi, ξ est une racine de Pn , donc ξ ∈ Kn et enfin ξ ∈ K. 3. Un problème 3.1. Première partie : idéaux premiers de K[X, Y ] contenant X 2 +Y 2 −1. Notation. Dans cette partie, K est un corps, I est l’idéal de K[X, Y ] engendré par X 2 + Y 2 − 1. Convention. On rappelle que K[X, Y ] est identifié à K[X][Y ], c’est à dire à l’anneau des polynômes à coefficients dans l’anneau K[X] et en la variable Y . On considère donc K[X] comme le sous-anneau de K[X, Y ] = K[X][Y ] formé des polynômes constants. Tout polynôme appartenant à K[X] appartient donc aussi à K[X, Y ]. Question préliminaire. Montrez que tout polynôme P (X, Y ) ∈ K[X, Y ] peut s’écrire sous la forme (1) P (X, Y ) = (X 2 + Y 2 − 1)Q(X, Y ) + R(X)Y + S(X) avec Q(X, Y ) ∈ K[X, Y ], R(X) ∈ K[X] et S(X) ∈ K[X]. Méthode : Utilisez la convention ci-dessus et faire une division euclidienne en la justifiant. Notation. Dans la suite, M est un corps algébriquement clos contenant K. Pour tous ξ, η ∈ M avec ξ 2 + η 2 = 1, on note (2) Jξ,η = {P (X, Y ) ∈ K[X, Y ] : P (ξ, η) = 0} . Le but de cette partie est de montrer i) Si ξ n’est pas algébrique sur K, alors Jξ,η = I ; ii) si ξ est algébrique sur K, alors Jξ,η est un idéal maximal de K[X, Y ] contenant I et distinct de I ; iii) Les seuls idéaux premiers de K[X, Y ] contenant I sont I lui-même et les idéaux de la forme Jξ,η où ξ et η appartiennent à M, où ξ est algébrique sur K et où ξ 2 + η 2 = 1. a) Soient ξ et η ∈ M avec ξ 2 + η 2 = 1. Vérifiez que Jξ,η est un idéal propre de K[X, Y ] et que Jξ,η ⊃ I. Vérifiez que J1,0 6= I et en déduire que l’idéal I de K[X, Y ] n’est pas maximal. b) Montrez que X 2 + Y 2 − 1 est un élément irréductible de K[X, Y ]. Montrez que I est un idéal premier de K[X, Y ]. c) Soient ξ, η ∈ M avec ξ 2 + η 2 = 1. On note (3) K[ξ, η] = {Q(ξ, η) : Q(X, Y ) ∈ K[X, Y ]} . Montrez que K[ξ, η] est un sous-anneau de M contenant K et que K[X, Y ] ∼ = K[ξ, η] . Jξ,η 3. UN PROBLÈME 79 En déduire que Jξ,η est un idéal premier de K[X, Y ]. d) Démontrez l’affirmation ii) ci-dessus. Notation. Dans la suite de cette partie, J est un idéal premier de K[X, Y ], contenant X 2 + Y 2 − 1 et distinct de I. e) Montrez qu’il existe deux polynômes R(X) et S(X) ∈ K[X], non tous deux nuls, tels que le polynôme R(X)Y + S(X) appartienne à J. Vérifiez que le polynôme F (X) = R(X)2 (1 − X 2 ) − S(X)2 appartient à J. f ) Montrez que le polynôme F (X) n’est pas identiquement nul. g) Montrez que le polynôme F (X) n’est pas constant. En déduire qu’il existe un polynôme T (X) ∈ K[X], irréductible dans K[X], et appartenant à J. h) On choisit une racine ξ du polynôme T (X) dans M. On rappelle que ξ est algébrique sur K. On note L = K[ξ] et eξ : K[X] → L l’homomorphisme d’évaluation en ξ. On rappelle que eξ (P ) = P (ξ) pour tout P ∈ K[X]. Quel est le noyau de l’homomorphisme eξ ? Rappelez pourquoi L est un sous-corps de M. On définit une application φ : K[X, Y ] → L[Y ] de la façon suivante. Pour tout polynôme Q(X, Y ) ∈ K[X, Y ] on pose φ(P )(Y ) = P (ξ, Y ) . Vérifiez que φ : : K[X, Y ] → L[Y ] est un homomorphisme d’anneaux. Vérifiez que φ surjectif. i) Montrez que ker(φ) est l’idéal de K[X, Y ] engendré par le polynôme T (X), considéré comme un polynôme appartenant à K[X, Y ]. En déduire que ker(φ) ⊂ J. j) Montrez que K[X, Y ]/J est isomorphe à L[Y ]/φ(J). Montrez que φ(J) est un idéal premier de L[Y ]. Remarquez que l’idéal φ(J) de L[Y ] n’est pas trivial (il contient le polynôme Y 2 + ξ 2 − 1). Montrez qu’il existe un polynôme W (Y ) ∈ L[Y ], irréductible dans L[Y ], tel que φ(J) soit l’idéal de L[Y ] engendré par W (Y ). En déduire que φ(J) est un idéal maximal de L[Y ]. Conclure que J est un idéal maximal de K[X, Y ]. k) On choisit une racine η du polynôme W (Y ) dans M et on note eη : L[Y ] → M l’homomorphisme d’évaluation en η ; on rappelle que eη (P ) = P (η) pour tout P (Y ) ∈ L[Y ]. Quel est le noyau de eη ? Vérifiez que ker(eη ◦ φ) = J, que ker(eη ◦ φ) = Jξ,η et conclure que J = Jξ,η . l) Montrez l’affirmation iii) ci-dessus. Remarquez que si Jξ,η = Jξ0 ,η0 et si ξ est algébrique sur K alors ξ 0 est aussi algébrique sur K. Conclure en démontrant l’affirmation i) ci-dessus. 3.2. Deuxième partie : idéaux premiers de Z[X, Y ] contenant X 2 +Y 2 −1. Notation. Dans cette partie, R est l’idéal de Z[X, Y ] engendré par X 2 + Y 2 − 1. Le but de cette partie est de déterminer tous les idéaux premiers de Z[X, Y ] contenant R. 80 IX. FERMETURE ALGÉBRIQUE, CORPS DE DÉCOMPOSITION Notation. Pour tout idéal L de Z[X, Y ], on note LQ = {aP (X, Y ) : a ∈ Q, P (X, Y ) ∈ L} . a) Soit L un idéal de Z[X, Y ]. Montrez que LQ est un idéal de Q[X, Y ]. Montrez que que LQ est propre si et seulement si L ne contient aucune constante non nulle. b) Soit L un idéal de Z[X, Y ]. Montrez que LQ est un idéal premier de Q[X, Y ] si et seulement si L est un idéal premier de Z[X, Y ] ne contenant aucune constante non nulle et que dans ce cas on a L = LQ ∩ Z[X, Y ]. c) Montrez que l’idéal RQ est l’idéal I de Q[X, Y ] défini dans la première partie dans le cas où K = Q. En déduire que R est un idéal premier de Z[X, Y ]. d) En utilisant les résultats de la première partie, déterminer tous les idéaux premiers de Z[X, Y ] contenant X 2 + Y 2 − 1 et ne contenant aucune constante non nulle. Notation. Dans la suite de cette partie, L est un idéal premier de Z[X, Y ], contenant L et contenant au moins une constante non nulle. e) Montrer que L contient une constante p qui est un nombre premier. Montrer que L ∩ Z = pZ. f ) Dans cette question et les deux suivantes, p est un nombre premier. On note π : Z → Fp l’homomorphisme quotient et π̃ : Z[X, Y ] → FP [X, Y ] l’application obtenue en réduisant chaque coefficient modulo p. Autrement dit, n n X X π̃ ai,j X i Y j = π(ai,j )X i Y j i,j=0 i,j=0 pour tout entier n ≥ 0 et tous entiers ai,j , 0 ≤ i, j ≤ n. Vérifiez que π̃ est un homomorphisme d’anneaux et que π̃ est surjectif. Quel est son noyau ? g) Soit L un idéal premier de Z[X, Y ] contenant la constante p. Montrez que π̃(L) est un idéal de Fp [X, Y ], que L = π̃ −1 (π̃(L)) et que π̃(L) est un idéal premier de Fp [X, Y ],. h) En utilisant les résultats de la première dans le cas où K = Fp , déterminez tous les idéaux premiers de Z[X, Y ] contenant X 2 + Y 2 − 1 et la constante p. i) Conclure : quels sont les idéaux premiers de Z[X, Y ] contenant X 2 + Y 2 − 1 ? CHAPITRE X Corps finis 1. Préliminaires Lemme X.1. Soit K un corps fini. Alors sa caractéristique p est finie et K est une extension finie de Fp . Soit r = [K : Fp ]. On a |K| = pr . Démonstration. On sait (corollaire VII.6) que la caractéristique p de K est non nulle, que p est premier (théorème VII.1) et que K est une extension de Fp (proposition VII.5). Comme K est fini il ne peut pas contenir de système libre sur Fp arbitrairement grand et donc sa dimension r = [K : Fp ] en tant qu’espace vectoriel sur Fp est finie. Soit e1 , . . . , er une base du Fp espace vectoriel K. Alors l’application (n1 , . . . , nr ) 7→ n1 · e1 + · · · + nr · er est une bijection de {0, . . . , p − 1}r sur K. On a donc |K| = pr . Le résultat principal de ce chapitre est : Théorème X.2. Pour tout nombre premier p et tout entier r ≥ 1 il existe un corps d’ordre pr . De plus, ce corps est unique à isomorphisme près. Dans tout le reste de ce chapitre, p est un nombre premier. 2. Le groupe multiplicatif d’un corps fini On rappelle que si K est un corps, K∗ désigne le groupe multiplicatif formé des éléments non nuls de K. Les démonstrations du lemme et du corollaire suivants ont été faits en exercice (exercice 4 du chapitre IV). Lemme X.3. Soit G un groupe abélien fini et soit m = max{ordre(a) ; a ∈ G} . Alors pour tout a ∈ G, l’ordre de a divise m. Corollaire X.4. Soit G un groupe abélien fini. Si pour tout entier n ≥ 1 le groupe G contient au plus n éléments x tels que nx = 0 alors G est cyclique. Théorème X.5 (et définition). Soient r ≥ 1 un entier et K un corps d’ordre q = pr . Alors le groupe multiplicatif K∗ de K est cyclique. Tout générateur de ce groupe est appelé un élément primitif de K∗ . Ainsi, si ξ est un élément primitif de K∗ , on a ξ q−1 = 1, ξ j 6= 1 pour 0 ≤ ξ < q − 1 et K = {0} ∪ {1, ξ, ξ 2 , . . . , ξ q−2 }. Démonstration. Pour tout entier n ≥ 1, le polynôme X n − 1 au maximum n racines distinctes dans K et donc K∗ contient au maximum n éléments x tels que xn = 1. On conclut en utilisant le corollaire X.4. 81 82 X. CORPS FINIS Corollaire X.6. Soient r ≥ 1 un entier, K un corps ayant q = pr éléments et ξ un élément primitif de K∗ . Alors K = Fp [ξ] et X q−1 − 1 = (1) Y (X − α) = α∈K∗ q−2 Y (X − ξ j ) . j=0 Démonstration. On a évidemment Fp [ξ] ⊂ K. Comme ξ est un élément primitif de K∗ , on a K∗ = {1, ξ, . . . , ξ q−2 } ⊂ Fp [ξ] et donc K ⊂ Fp [ξ]. De plus, 1, ξ, . . . , ξ q−2 sont distincts. Les trois polynômes apparaissant dans (1) sont unitaires de degré q − 1 et ont les mêmes q − 1 racines distinctes, ils sont donc égaux. 3. L’automorphisme de Frobenius On rappelle le « petit théorème de Fermat » : Pour tout x ∈ Fp on a xp = x . (2) Théorème X.7 (et définition). Soit K un corps fini de caractéristique p. Alors l’application σ : x 7→ xp est un automorphisme de K. Cet automorphisme est appelé l’ automorphisme de Frobenius. L’ensemble des points fixes de cet homomorphisme est le sous-corps Fp de K. On rappelle qu’un point fixe de σ est un élément x de K tel que σ(x) = x. Démonstration. a) On a σ(1) = 1. Pour tous x, y ∈ K on a σ(xy) = (xy)p = x y = σ(x)σ(y). La formule du binôme d’écrit p p p p σ(x + y) = (x + y) = x + p−1 X Cpj xj y p−j + y p = xp + y p = σ(x) + σ(y) ; j=1 en effet, pour 1 ≤ j < p on a Cpj = 0 mod p et donc Cpj xj y p−j = 0. Ainsi, σ est un homomorphisme d’anneaux. b) On rappelle que σ est injectif puisque K est un corps. Considérons σ comme une application linéaire du Fp -espace vectoriel K dans lui-même. Comme cette application linéaire est injective et que K est un espace vectoriel de dimension finie, elle est bijective. C’est donc un automorphisme du corps K. c) La propriété (2) signifie que tout élément de Fp est un point fixe de σ. D’autre part, les points fixes de σ sont les racines dans K du polynôme X p − X. Ce polynôme de degré p ne peut avoir plus de p racines, donc σ ne peut pas avoir plus de p points fixes : σ n’a pas de point fixe autre que les éléments de Fp . Notation. Pour éviter les confusions on note n fois σ ◦0 = idK ◦n z }| { et σ (ξ) = σ ◦ · · · ◦ σ (ξ) pour tout entier n ≥ 1 . Proposition X.8. Si K est d’ordre q = pr alors σ ◦r = id. Démonstration. Remarquons que σ ◦r (x) = xq pour tout x ∈ K. Le groupe multiplicatif K∗ est d’ordre q − 1 donc, pour tout x ∈ K∗ on a xq−1 = 1 donc xq = x. Cette propriété est évidement vraie aussi si x = 0. 4. DÉMONSTRATION DU THÉORÈME PRINCIPAL 83 4. Démonstration du théorème principal 4.1. Existence d’un corps à pr éléments. Théorème (Première partie du théorème X.2). Soit r ≥ 1 un entier. Alors il existe un corps K d’ordre pr . Dans le reste de cette section on note q = pr . Lemme X.9. Soit K un corps de caractéristique p. Alors le polynôme X q−1 − 1 n’a pas de racine multiple dans K. Démonstration du lemme X.9. Posons P (X) = X q−1 − 1. On a P 0 (X) = (q − 1)X q−2 = −X q−2 puisque q est un multiple de p. On remarque que P 0 (X) est non nul et que −P (X) + XP 0 (X) = 1. Les polynômes P et P 0 sont donc premiers entre eux dans K[X]. Le polynôme P (X) ne peut donc avoir de racines multiples dans K. Démonstration de la première partie du théorème X.2. Soit K un corps de décomposition du polynôme P (X) = X q−1 − 1 ∈ Fp [X]. On rappelle que le polynôme P (X) est scindé dans K[X] : P (X) = (X − ξ1 ) . . . (X − ξq−1 ) avec ξ1 , . . . ξq−1 ∈ K et que K = Fp [ξ1 , . . . ξq−1 ]. D’après le lemme X.9, ξ1 , . . . , ξq−1 sont distincts. Comme K est une extension finie de Fp , c’est un corps fini. a) Soient σ l’automorphisme de Frobenius de K et L l’ensemble des points fixes de σ ◦r . Comme σ ◦r est un automorphisme du corps K, L est un sous-corps de K. Pour 1 ≤ i ≤ q − 1 on a ξiq−1 − 1 = 0 donc ξiq = ξ et donc σ ◦r (ξi ) = ξi . Ainsi, ξ1 , . . . , ξq−1 appartiennent à L. Comme L est un corps et que K est engendré par ces éléments, on a L = K. b) Pour tout x ∈ K on a donc σ ◦r (x) = x c’est à dire xq = x. Comme le polynôme X q −X ne peut pas avoir plus de q racines, l’ordre de K est ≤ q. Mais 0 et ξ1 , . . . , ξq−1 appartiennent à K et sont distincts. On a donc K = {0, ξ1 , . . . , ξq−1 } et en particulier K est d’ordre q. 4.2. Unicité. Théorème (Deuxième partie du théorème X.2). Soient r ≥ 1 un entier et q = pr . Alors tous les corps à q éléments sont isomorphes. Notation. On note Fq « le » corps à q éléments. Démonstration. Soient K et L deux corps ayant q éléments. On doit montrer que K et L sont isomorphes. Soient ξ un élément primitif de K∗ et Pξ (X) ∈ Fp [X] le polynôme minimal de ξ sur Fp . Comme le polynôme X q−1 −1 appartient à Fp [X] et admet ξ comme racine, il est un multiple du polynôme minimal et il existe R(X) ∈ Fp [X] avec R(X)Pξ (X) = X q−1 −1. D’après le corollaire X.6 on a Y (X − η) = X q−1 − 1 = Pξ (X)R(X) η∈L∗ et il existe donc η ∈ L∗ avec Pξ (η) = 0. 84 X. CORPS FINIS Pξ est donc un multiple du polynôme minimal Pη de η dans Fp [X] et comme Pξ est irréductible dans Fp [X], on a Pξ = Pη . On a donc Fp [X] ∼ Fp [η] ∼ = Fp [ξ] = K = (Pξ ) d’après le corollaire X.6. En particulier, |Fp [η]| = |K| = q = |L| et comme Fp [η] ⊂ L on a Fp [η] = L, d’où le résultat. Exercice 1. On conserve les mêmes notations : K est un corps d’ordre q = pr , ξ est un élément primitif de K∗ et Pξ est le polynôme minimal de ξ sur Fp . Soit σ l’automorphisme de Frobenius de K. On veut montrer : r−1 Y Pξ (X) = (X − σ ◦j (ξ)) . j=0 a) On écrit le membre de droite de cette égalité P (X) = a0 + a1 X + · · · + ar−1 X r−1 avec a0 , . . . , ar−1 ∈ K et on note Q(X) = σ(a0 ) + σ(a1 )X + · · · + σ(ar−1 )X r−1 . Montrez que σ ◦j (ξ) est racine de Q pour tout j ∈ {0, . . . , r − 1}. En déduire que P = Q. b) En déduire que a0 , . . . , ar−1 appartiennent à Fp , c’est à dire que P (X) ∈ Fp (X). c) Montrez que σ ◦j (ξ) est racine de Pξ pour tout j ∈ {0, . . . , r − 1} et conclure. Exercice 2. Soient p un nombre premier, r ≥ 1 et q = pr . Soient K et K0 deux corps contenus dans un même corps L et ayant q éléments q. Montrer que K = K0 . Plus généralement, montrez que si 1 ≤ s ≤ r et si K00 est un corps contenu dans L et d’ordre ps , alors K00 ⊂ K. Méthode : Soit σ l’automorphisme de Frobenius de L. Tous les éléments x ∈ K ∪ K00 sont des points fixes de σ ◦r , donc vérifient xq = x ; on a donc |K ∪ K00 | ≤ q. CHAPITRE XI Théorie de Galois I Dans ce chapitre et les suivants, tous les corps considérés sont implicitement supposés de caractéristique zéro. Exercice 1. Trouvez tous les endroits de ce chapitre où cette hypothèse est utilisée. 1. Préliminaires et vocabulaire 1.1. Plongements et polynômes. Lemme XI.1 (et notation). Soient K et M deux corps et σ : K → M un plongement. Soit σ e : K[X] → M[X] l’application définie par : σ e(a0 + a1 X + · · · + an X n ) = σ(a0 ) + σ(a1 )X + · · · + σ(an )X n . Alors σ e : K[X] → M[X] est un homomorphisme d’anneaux unitaires. Cet homomorphisme est injectif. Pour tout a ∈ K, en considérant a comme étant un polynôme constant et appartenant donc à K[X], on a σ e(a) = σ(a). Pour tout ξ ∈ K on a σ P (ξ) = σ e(P ) (σ(ξ) . Démonstration. Immédiate par vérification. Nous aurons besoin d’une petite généralisation de la proposition VII.17 : Proposition XI.2. Soient K et M deux corps et σ : K → M un plongement. Soit P ∈ K[X] un polynôme irréductible. Alors toutes les racines de σ e(P ) dans M sont simples. La démonstration est laissée en exercice : c’est la même que celle de la proposition VII.17. 1.2. Éléments conjugués. Définition XI.3. Soient L une extension dur corps K et ξ, η deux éléments de L, algébriques sur K. On dit que ξ et η sont conjugués s’ils ont le même polynôme minimal sur K. Proposition XI.4. Soient L une extension dur corps K et ξ ∈ L, algébrique de degré d sur K. Alors ξ a au maximum d conjugués dans L, y compris lui-même. Si L est algébriquement clos alors ξ a exactement d conjugués dans L, y compris lui-même. Démonstration. Le polynôme minimal Pξ est de degré d donc a au maximum d racines dans L, d’où la première affirmation. Si L est algébriquement clos, le polynôme Pξ est scindé dans L[X]. Comme Pξ est irréductible dans K[X] et d’après la proposition VII.17, ce polynôme a d racines distinctes dans L et ξ a d conjugués dans L. 85 86 XI. THÉORIE DE GALOIS I 1.3. Prolongements, plongements au dessus d’un corps de base. Définition XI.5. Soient K et M deux corps et σ : K → M un plongement. Soit de plus L un corps contenant K. K. Un prolongement de σ à L est un plongement τ : L → M dont la restriction à K coïncide avec σ. Le cas le plus simple est celui où K ⊂ M et où σ est l’inclusion. Définition XI.6. Soient L et M deux corps contenant le même corps K. Un plongement de L dans M au dessus de K est un plongement σ : L → M dont la restriction à K est l’identité. Proposition XI.7. Soient K et M deux corps et σ : K → M un plongement. Soit de plus L un corps contenant K, n ≥ 1 un entier et ξ1 , . . . , ξn ∈ L, algébriques sur K. Alors un prolongement τ de σ à K[ξ1 , . . . , ξn ] est déterminé de façon unique par les valeurs de τ (ξ1 ), . . ., τ (ξn ). Démonstration. Il faut montrer que si τ et τ 0 sont deux prolongements de σ à K[ξ1 , . . . , ξn ] et si τ (ξi ) = τ 0 (ξi ) pour tout i ∈ {1, . . . , n} alors τ = τ 0 . Soit en effet A = {η ∈ K[ξ1 , . . . , ξn ] : τ (η) = τ 0 (η)} . Comme τ et τ 0 sont des homomorphismes d’anneaux, A est un sous-anneau de K[ξ1 , . . . , ξn ]. Comme τ et τ 0 sont des prolongements de σ, on a K ⊂ A. Enfin, ξ1 , . . . , ξn appartiennent à A par hypothèse. Donc A contient le plus petit sous-anneau de K[ξ1 , . . . , ξn ] contenant K et ξ1 , . . . , ξn , et cet anneau est égal à K[ξ1 , . . . , ξn ] par définition. Dans le cas où K ⊂ M et où σ est l’inclusion, on obtient : Corollaire XI.8. Soient L et M deux corps contenant le même corps K, n ≥ 1 un entier et ξ1 , . . . , ξn ∈ L, algébriques sur K. Alors un plongement σ de K[ξ1 , . . . , ξn ] dans M au dessus de K est uniquement déterminé par les valeurs de σ(ξ1 ), . . ., σ(ξk ). Définition XI.9. Soient K et L deux corps avec K ⊂ L. Un automorphisme de L au dessus de K est un automorphisme de L dont la restriction à K est l’identité. Autrement dit, un automorphisme de L au dessus de K est un plongement de L dans lui-même au dessus de K qui de plus est une bijection de L sur lui-même. 2. Existence de prolongements 2.1. Prolongements à K[ξ]. Théorème XI.10. Soient K un corps, L un corps contenant K et ξ ∈ L un élément algébrique sur K, de polynôme minimal Pξ ∈ K[X]. Soient d’autre part M un corps, σ : K → M un plongement et η ∈ M. Pour qu’il existe un prolongement τ de σ à K[ξ] vérifiant τ (ξ) = η il faut et il suffit que η soit une racine du polynôme σ e(Pξ ) dans M. Dans ce cas, ce prolongement est unique. Ainsi, le nombre de prolongements de σ à K[ξ] est égal au nombre de racines de σ e(Pξ ) dans M. 2. EXISTENCE DE PROLONGEMENTS 87 Démonstration. La condition est nécessaire. Soit τ : K[ξ] → M comme dans l’énoncé. Comme τ : K[ξ] → M est un prolongement de σ : K → M et que Pξ ∈ K[X], nous avons τe(Pξ ) = σ e(Pξ ) et σ e(Pξ )(η) = τe(Pξ ) τ (ξ) = τ Pξ (ξ) d’après le lemme XI.1 = τ (0) = 0 . La condition est suffisante. Inversement, soit η ∈ M avec σ e(Pξ )(η) = 0. Notons π : K[X] → K[X]/(Pξ ) l’homomorphisme quotient et j : K[X]/(Pξ ) → K[ξ] l’isomorphisme canonique, de sorte que j ◦ π = eξ , où eξ : K[X] → K[ξ] est l’évaluation en ξ. Nous avons j −1 ◦ eξ = π . Notons encore eη : M[X] → M l’évaluation en η et φ = eη ◦ σ e : K[X] → M . Ainsi, φ est un homomorphisme d’anneaux unitaires et on vérifie immédiatement que φ|K = σ et φ(X) = eη (e σ (X)) = eη (X) = η . Par ailleurs, φ(Pξ ) = eη σ e(Pξ ) = σ e(Pξ )(η) = 0 par hypothèse. Le noyau de φ contient donc l’idéal (Pξ ) de K[X] engendré par Pξ et d’après le théorème de factorisation des homomorphismes (théorème V.12) il existe donc un homomorphisme d’anneaux ψ : K[X]/(Pξ ) → M avec ψ◦π =φ . Notons enfin τ = ψ ◦ j −1 : K[ξ] → M . τ est un plongement de K[ξ] dans M. Nous avons τ ◦ eξ = ψ ◦ j −1 ◦ eξ = ψ ◦ π = φ . Pour tout a ∈ K ⊂ K[X] nous avons eξ (a) = a, donc τ (a) = τ ◦ eξ (a) = φ(a) = σ(a) et τ est un prolongement de σ. Comme ξ = eξ (X) nous avons τ (ξ) = τ ◦ eξ (X) = φ(X) = η. L’application τ vérifie toutes les propriétés annoncées. L’unicité provient immédiatement de la proposition XI.7. Dans le cas particulier où K ⊂ L = M et où σ : K → M est l’application inclusion, le théorème XI.10 s’énonce : Théorème XI.11. Soient K et M deux corps avec K ⊂ M. Soient encore ξ ∈ M, algébrique sur K et η ∈ M. Pour qu’il existe un plongement τ : K[ξ] → M au dessus de K vérifiant τ (ξ) = η il faut et il suffit que η soit un conjugué de ξ. Dans ce cas, ce plongement est unique. Ainsi, le nombre de plongements de K[ξ] dans M au dessus de K est égal au nombre de conjugués de ξ dans M. Exercice 2. Ce théorème est un corollaire immédiat du théorème XI.10. Cependant, comme la démonstration de ce dernier théorème est un peu compliquée à cause des notations et parce qu’elle fait intervenir beaucoup d’homomorphismes différents, on demande d’écrire une démonstration directe du théorème XI.11, en simplifiant la démonstration du théorème XI.10. 88 XI. THÉORIE DE GALOIS I 2.2. Le cas d’un corps algébriquement clos. Corollaire XI.12 (Corollaire du théorème XI.10). Soient K un corps, L un corps contenant de K et ξ ∈ L un élément algébrique sur K. Soient d’autre part M un corps algébriquement clos et σ : K → M un plongement. Alors le nombre de prolongements de σ à K[ξ] est égal au degré K[ξ] : K de ξ sur K. Démonstration. Soit Pξ ∈ K[X] le polynôme minimal de ξ sur K. Le degré d de ξ sur K est égal au degré du polynôme Pξ . D’après le théorème XI.10, il suffit de montrer que le polynôme σ e(Pξ ) a d racines dans M. Ce polynôme de degré d est scindé dans M[X] puisque M est algébriquement clos. De plus, ce polynôme est irréductible dans K[X] d’après la proposition VII.23 et donc toutes ses racines dans M sont simples d’après la proposition XI.2 et notre affirmation est démontrée. Le cas le plus utile est celui où K ⊂ L = M et où σ : K → M est l’inclusion : Corollaire XI.13 (Corollaire du théorème XI.11 ou du corollaire XI.12). Soient K un corps, M un corps algébriquement clos contenant K et ξ ∈ M, algébrique sur K. Alorsle nombre de plongements de K[ξ] dans M au dessus de K est égal au degré K[ξ] : K de ξ sur K. 2.3. Le théorème des plongements. Théorème XI.14. Soient K un corps, L une extension finie de K, M un corps algébriquement clos et σ : K → M un plongement. Alors le nombre de prolongements de σ à L est égal à [L : K]. Le cas le plus simple est celui où K ⊂ M et où σ : K → M est l’inclusion : Corollaire XI.15. Soient K un corps, L une extension finie de K et M un corps algébriquement clos contenant K. Alors le nombre de plongements de L dans M au dessus de K est égal à [L : K]. Commentaire. Il est fréquent dans les applications que le plus important soit de remarquer qu’il existe au moins un plongement de L dans M au dessus de K. Démonstration du théorème XI.14. Soient m = [L : K] et {ξ1 , . . . , ξm } une base de l’espace vectoriel L sur K. En particulier, on a L = K[ξ1 , . . . , ξm ]. On montre par récurrence sur j que, pour 1 ≤ j ≤ m, le nombre de prolongements de σ à K[ξ1 , . . . , ξj ] est égal à [K[ξ1 , . . . , ξj ] : K]. Pour j = 1, le résultat annoncé est celui du corollaire XI.12. Soit maintenant j ∈ {2, . . . , m} et supposons que le résultat est montré pour j − 1, c’est à dire que le nombre de prolongements de σ à K[ξ1 , . . . , ξj−1 ] est égal à [K[ξ1 , . . . , ξj−1 ] : K]. Soit τ l’un d’entre eux. On rappelle que K[ξ1 , . . . , ξj ] = K[ξ1 , . . . , ξj−1 ][ξj ]. D’après le corollaire XI.12, τ admet [K[ξ1 , . . . , ξj ] : K[ξ1 , . . . , ξj−1 ]] prolongements distincts ρ à [K[ξ1 , . . . , ξj ]. Notons qu’on obtient ainsi tous les prolongements de σ à [K[ξ1 , . . . , ξj ]. De plus, si ρ et ρ0 sont des prolongements à K[ξ1 , . . . , ξj ] de deux prolongements distincts τ et τ 0 de σ à K[ξ1 , . . . , ξj−1 ]], alors ρ et ρ0 sont distincts. On a ainsi montré que le nombre de prolongements de σ à K[ξ1 , . . . , ξj ] est égal à [K[ξ1 , . . . , ξj−1 ] : K] · [K[ξ1 , . . . , ξj ] : K[ξ1 , . . . , ξj−1 ]] = [K[ξ1 , . . . , ξj ] : K] 3. LE THÉORÈME DE L’ÉLÉMENT PRIMITIF 89 d’après la règle de composition des degrés (théorème VIII.4) et notre affirmation est montrée par récurrence pour tout j ∈ {1, . . . , m}. En prenant j = m on obtient le résultat annoncé. 3. Le théorème de l’élément primitif Théorème XI.16 (et définition). Soient K un corps et L une extension finie de K. Alors il existe θ ∈ L avec L = K[θ]. On dit que θ est un élément primitif de l’extension. Remarque. Ce théorème appartient plutôt à la théorie des corps qu’à la théorie de Galois. Mais sa démonstration, basée sur l’existence de plongements et sur leurs propriétés, est plus dans l’esprit de la théorie de Galois. Nous commençons par un lemme. Lemme XI.17. Soient η et ξ ∈ L. Alors il existe θ ∈ L avec K[η, ξ] = K[θ]. Démonstration du lemme XI.17. Soit M un corps algébriquement clos contenant L, par exemple une clôture algébrique de L. Notons K0 = K[ξ, η] et n = [K0 : K]. D’après le corollaire XI.15, il existe n plongements distincts σ1 , . . . , σn de K0 dans M au dessus de K. Pour 1 ≤ k 6= ` ≤ n on ne peut pas avoir à la fois σk (ξ) = σ` (ξ) et σk (η) = σ` (η) ; en effet, dans le cas contraire, comme K0 = K[ξ, η] on aurait σk = σ` . Posons Y Q(X) = σk (ξ) − σ` (ξ) + σk (η) − σ` (η) X . 1≤k,`≤n k6=` Ce polynôme est non nul (comme produit de polynômes non nuls). Il n’a donc qu’un nombre fini de racines dans K. Comme K est de caractéristique zéro, ce corps est infini et il existe donc α ∈ K avec Q(α) 6= 0. Nous posons θ = ξ + αη. Nous remarquons que pour 1 ≤ k 6= ` ≤ n on a σk (ξ)−σ` (ξ)+ σk (η)−σ` (η) α 6= 0 c’est à dire σk (ξ) + ασk (η) 6= σ` (ξ) + ασ` (η) ou encore σk (θ) 6= σ` (θ). Les éléments σ1 (θ), . . . , σn (θ) de M sont tous distincts. Soit P (X) ∈ K[X] le polynôme minimal de θ sur K. Soit k ∈ {1, . . . , n}. La restriction de σk à K[θ] est un plongement de K[θ] dans M au dessus de K et donc, d’après le théorème XI.11, σk (θ) est un conjugué de θ. σk (θ) donc est une racine de P dans M. Ainsi, le polynôme P a (au moins) n racines distinctes σ1 (θ), . . . , σn (θ) dans M, il est donc de degré ≥ n. Comme [K[θ] : K] = deg(P ), on a donc [K[θ] : K] ≥ n. Comme K[θ] ⊂ K0 et [K0 : K] = n on a finalement [K[θ] : K] = n et K0 = K[θ]. Démonstration du théorème XI.16. Nous raisonnons par récurrence sur le degré [L : K]. Si [L : K] = 1 alors L = K et on peut prendre θ = 1. Le lemme précédent donne le résultat pour le cas où [L : K] = 2. Soit n ≥ 2 et admettons que le résultat est vrai si [L : K] ≤ n. Supposons que [L : K] = n + 1. Soit ξ1 , . . . , ξn , ξn+1 une base de L sur K. Nous avons L = K[ξ1 , . . . , ξn+1 ]. D’après l’hypothèse de récurrence il existe ξ avec K[ξ1 , . . . , ξn ] = K[ξ] et on a donc L = K[ξ, ξn+1 ] et d’après le lemme XI.17 il existe θ ∈ L avec L = K[θ]. Remarque. On peut retrouver le théorème XI.14 à partir du théorème XI.10 et du théorème de l’élément primitif. CHAPITRE XII Théorie de Galois II On rappelle que dans tout ce qui suit on suppose implicitement que tous les corps sont de caractéristique zéro. 1. Extensions galoisiennes 1.1. Définition et caractérisations. Définition XII.1. Soit K un corps et L une extension de K. On dit que L est une extension galoisienne de K si c’est une extension finie de K et si tout polynôme irréductible P (X) ∈ K[X] ayant au moins une racine dans L est scindé dans L[X]. Remarque. Dans les livres vous trouverez une définition différente des extensions galoisiennes ; les extensions vérifiant la propriété ci-dessus sont appelées extensions normales. Cependant, pour les corps de caractéristique nulle (les seuls que nous considérons ici), ces deux notions sont équivalentes. Théorème XII.2. Soient L une extension finie de K et L un corps algébriquement clos contenant L. Les propriétés suivantes sont équivalentes. i) L est une extension galoisienne de K ; ii) pour tout ξ ∈ L, tous les conjugués de ξ dans L appartiennent à L ; iii) pour tout plongement σ de L dans L au dessus de K on a σ(L) = L. Démonstration. i) =⇒ ii) Soient ξ ∈ L et Pξ son polynôme minimal sur K. On sait que Pξ est irréductible dans K[X]. D’après i), ce polynôme est scindé dans L et donc toutes ses racines dans L appartiennent en fait à L. Or, ces racines sont les conjugués de ξ dans L. ii) =⇒ i) Soit P ∈ K[X] un polynôme irréductible dans K[X], admettant une racine ξ dans L. Comme L est algébriquement clos, le polynôme P est scindé dans L[X]. Pour démontrer qu’il est scindé dans L[X] il suffit donc de montrer que toutes ses racines dans L appartiennent à L. Comme P (ξ) = 0, P est un multiple du polynôme minimal de ξ sur K, et par irréductibilité ces deux polynômes sont égaux. Les racines de P dans L sont donc les conjugués de ξ, et elles appartiennent à L par ii) ii) =⇒ iii) Soient σ un plongement de L dans L au dessus de K. Soit ξ ∈ L. La restriction de σ à K[ξ] est un plongement de K[ξ] dans L au dessus de K et donc, d’après le théorème XI.11, σ[ξ] est un conjugué de ξ. Par l’hypothèse ii), σ[ξ] ∈ L. On a ainsi montré que σ(L) ⊂ L. L’application σ : L → L est K-linéaire et injective. Comme L est un K-espace vectoriel de dimension finie, cette application est surjective et σ(L) = L. iii) =⇒ ii) Soient ξ ∈ L et η ∈ L un conjugué de ξ ; nous devons montrer que η ∈ L. 90 2. LE GROUPE DE GALOIS D’UNE EXTENSION GALOISIENNE 91 D’après le théorème XI.11 il existe un plongement σ : K[ξ] → L au dessus de K vérifiant σ(ξ) = η. On a K ⊂ K[ξ] ⊂ L et L est une extension finie de K, donc L est une extension finie de K[ξ]. D’après le théorème de prolongement (théorème XI.14), il existe un prolongement τ de σ à L. Ainsi, τ est un plongement de L dans L au dessus de K donc par iii) on a τ (L) = L. Comme ξ ∈ L, on a τ (ξ) ∈ L. Par ailleurs, τ est un prolongement de σ : K[ξ] → L. Comme ξ ∈ K[ξ], on a τ (ξ) = σ(ξ) = η, et nous concluons que η ∈ L. 1.2. Corps de décomposition et extensions galoisiennes. Théorème XII.3. Soient K un corps et P (X) ∈ K[X] un polynôme non constant. Soit L un corps de décomposition de P (X) sur K. Alors L est une extension galoisienne de K. Démonstration. On rappelle que L est une extension finie de K. Soit L un corps algébriquement clos contenant L. D’après le théorème XII.2, il suffit de montrer que, pour tout plongement σ de L dans L au dessus de K, on a σ(L) = L. Nous pouvons supposer que P est unitaire. Nous avons alors d Y P (X) = (X − ξd ) avec ξ1 , . . . , ξd ∈ L et L = K[ξ1 , . . . , ξd ] . j=1 Soit i ∈ {1, . . . , d}. D’après le théorème XI.11 , σ(ξi ) est un conjugué de ξi dans L. D’autre part, comme P (ξi ) = 0, P est un multiple du polynôme minimal de ξi sur K, et donc tout conjugué de ξi dans L est aussi racine de P . Ainsi, σ(ξi ) est une racine de P . Il existe donc j ∈ {1, . . . , d} avec σ(ξi ) = ξj et, en particulier, σ(ξi ) ∈ L. Comme ce qui précède est vrai pour tout i ∈ {1, . . . , d} et que L est engendré par K et ξ1 , . . . , ξd , on a σ(L) ⊂ L. Comme dans la démonstration du théorème XII.2, on en déduit que σ(L) = L. Nous avons une réciproque. Théorème XII.4. Soient K un corps et L une extension galoisienne de K. Alors il existe un polynôme irréductible P (X) ∈ K[X] tel que L soit un corps de décomposition de P . Démonstration. D’après le théorème de l’élément primitif (théorème XI.16) il existe ξ ∈ L tel que L = K[ξ]. Soit P le polynôme minimal (unitaire) de ξ sur K. Alors P est irréductible dans K[X] et admet la racine ξ dans L. Comme L est une extension galoisienne de K, le polynôme P est scindé dans L et il s’écrit P (X) = (X − ξ)(X − ξ1 ) . . . (X − ξd ) avec ξ1 , . . . , ξd ∈ L. Remarquons que ξ est égal à l’un des ξi . On a L ⊃ K[ξ1 , . . . , ξd ] ⊃ K[ξ] = L, d’où l’égalité de ces corps. Nous concluons que L est un corps de décomposition de P . 2. Le groupe de Galois d’une extension galoisienne 2.1. La définition. Soit L une extension finie du corps K. On rappelle qu’un automorphisme de L au dessus de K est un automorphisme de L dont la restriction à K est l’identité. Définition XII.5. Soit L une extension galoisienne de K. Le groupe de Galois Gal(L/K) de L sur K est le groupe formé des automorphismes de L au dessus de K et muni de la composition. 92 XII. THÉORIE DE GALOIS II Soit L une extension galoisienne de K. Soit L un corps algébriquement clos contenant L. Tout automorphisme de L au dessus de K est clairement un plongement de L dans L au dessus de K. Inversement, soit σ un plongement de L dans L au dessus de K. Comme L est une extension galoisienne de K on a σ(L) = L d’après le théorème XII.2 et σ est donc un automorphisme de L au dessus de K. Ainsi, les automorphismes de L au dessus de K sont exactement les plongements de L dans L au dessus de K. D’après le théorème XI.14, le nombre de tels plongements est égal à [L : K]. Nous avons montré : Théorème XII.6. Soit L une extension galoisienne de K. Alors l’ordre de Gal(L/K) est égal à [L : K]. 3. Le groupe de Galois vu comme groupe de permutations Théorème XII.7. Soient L une extension galoisienne de K et ξ ∈ L. Soit η ∈ L. Pour qu’il existe σ ∈ Gal(L/K) avec σ(ξ) = η il faut et il suffit que η soit un conjugué de ξ. Ainsi, Gal(L/K) agit transitivement sur l’ensemble des conjugués de ξ. Démonstration. On rappelle que tous les conjugués de ξ appartiennent à L. Si σ ∈ Gal(L/K) vérifie σ(ξ) = η alors η est un conjugué de ξ d’après le théorème XI.11. Soit maintenant η un conjugué de ξ. On procède comme dans la partie iii) ⇒ ii) de la démonstration du théorème XII.2. D’après le théorème XI.11 il existe un plongement σ de K[ξ] dans L au dessus de K avec σ(ξ) = η. D’après le théorème de prolongement (théorème XI.14), il existe un prolongement τ de σ à L. Ainsi, τ (ξ) = η et d’après la partie iii) du théorème XII.2, τ (L) = L et donc τ ∈ Gal(L/K). Théorème XII.8. Soient K un corps, P ∈ K[X] un polynôme unitaire non constant et L un corps de décomposition de P : P (X) = (X − ξ1 ). · · · .(X − ξn ) et L = K[ξ1 , . . . , ξn ] . On suppose que ξ1 , . . . , ξn sont distincts. Alors – Gal(L/K) agit par permutation sur l’ensemble {ξ1 , . . . , ξn ]}. – Cette action est libre. – Cette action est transitive si et seulement si P est un polynôme irréductible. Commentaire. La première affirmation signifie que pour tout σ ∈ Gal(L/K) et tout x ∈ {ξ1 , . . . , ξn } on a σ(x) ∈ {ξ1 , . . . , ξn }. Ainsi, chaque σ ∈ Gal(L/K) définit une application de {ξ1 , . . . , ξn } dans lui-même ; cette application est injective puisque σ est injectif et elle est donc bijective puisque {ξ1 , . . . , ξn } est fini. C’est donc une permutation de {ξ1 , . . . , ξn }. La deuxième affirmation signifie que si σ ∈ Gal(L/K) vérifie σ(x) = x pour tout x ∈ {ξ1 , . . . , ξn }, alors σ = id. Autrement dit, l’homomorphisme i : Gal(L/K) → Perm({ξ1 , . . . , ξn }) défini par l’action de Gal(L/K) sur {1, . . . , n} est injectif. Convention. Sous les hypothèses du théorème XII.8 on identifie souvent chaque élément du groupe de Galois à la permutation de {ξ1 , . . . , ξn } qui lui est associée, et on considère Gal(L/K) comme un sous-groupe de Perm({ξ1 , . . . , ξn }). 4. LE THÉORÈME DES INVARIANTS 93 Démonstration du théorème XII.8. a) Soit σ ∈ Gal(L/K). Comme le polynôme P est à coefficients dans K et que σ est un plongement au dessus de K on a P (X) = σ̃(P )(X) = (X − σ(ξ1 )). · · · .(X − σ(ξn )) . Pour 1 ≤ j ≤ n on a P (ξj ) = 0 donc P (σ(ξj )) = 0 et il existe k ∈ {1, . . . , n} avec σ(ξj ) = ξk . b) Supposons que σ ∈ Gal(L/K) vérifie σ(ξj ) = ξj pour tout j. D’après le corollaire XI.8, σ est l’identité. c) Supposons que P est irréductible. Alors, pour tous i, j ∈ {1, . . . , n}, ξi et ξj sont conjugués et d’après le théorème XII.7 il existe σ ∈ Gal(L/K) avec σ(ξi ) = ξj : l’action de Gal(L/K) sur {ξ1 , . . . , ξn } est transitive. d) Supposons maintenant que l’action de Gal(L/K) sur {ξ1 , . . . , ξn } est transitive. Soit Q le polynôme minimal (unitaire) de ξ1 sur K. Le polynôme P est un multiple du polynôme irréductible Q et nous pouvons écrire P = QR, avec R(X) ∈ K[X]. Supposons que le polynôme R n’est pas constant. Comme R divise P qui est un polynôme scindé dans L[X], R est scindé dans L[X] et il admet donc au moins une racine, qui est égale à ξi pour un certain i ∈ {1, . . . , n}. Comme l’action de Gal(L/K) sur {ξ1 , . . . , ξn } est transitive il existe σ ∈ Gal(L/K) avec σ(ξ1 ) = ξi . D’après le théorème XII.7, ξi est un conjugué de ξ1 et ξi est donc une racine de Q. Ainsi, ξi est racine multiple de P est on a une contradiction. Le polynôme R est donc constant, il est donc égal à 1 puisqu’il est unitaire, on a P = Q et P est irréductible. Exercice 1. Soient K, P, L, ξ1 , . . . , ξn comme dans le théorème XII.8, mais sans l’hypothèse que ξ1 , . . . , ξn sont distincts. Montrez que Gal(L/K) agit transitivement sur {ξ1 , . . . , ξn } si et seulement si P est une puissance d’un polynôme irréductible. Remarque. On rappelle que si L est une extension finie de K il existe ξ ∈ L avec L = K[ξ] (théorème XI.16). On dit alors que ξ est un élément primitif. Le degré de ξ est égal à [L : K]. Supposons maintenant que L une extension galoisienne de K. Notons n = [L : K]. Soit S = {ξ1 = ξ, ξ2 , . . . , ξn } l’ensemble des conjugués de ξ. Le groupe de Galois agit par permutation de S. Cette action est transitive d’après le théorème XII.7 et elle est libre d’après le théorème XII.8. On a un résultat plus précis : si σ ∈ Gal(L/K) vérifie σ(ξ) = ξ, alors σ est l’identité. 4. Le théorème des invariants Théorème XII.9. Soient L une extension galoisienne de K. Alors K est égal à l’ensemble des éléments de L invariants sous l’action de Gal(L/K) : K = ξ ∈ L ; σ(ξ) = ξ pour tout σ ∈ Gal(L/K) . Démonstration. Tout élément de K est invariant sous l’action de Gal(L/K) par définition. Soit ξ ∈ L invariant pour cette action. D’après le théorème XII.7, tous les conjugués de ξ sont en fait égaux à ξ. ξ est donc de degré 1, donc appartient à K. Ce théorème est extrêmement utile dans les applications. On en donnera des généralisations importantes dans le chapitre suivant. CHAPITRE XIII Théorie de Galois III 1. Extensions intermédiaires Théorème XIII.1 (et définition). Soient L une extension galoisienne de K et M un corps avec K ⊂ M ⊂ L. On dit que M est extension intermédiaire entre K et L. Alors L est une extension galoisienne de M et de plus (1) Gal(L/M) = σ ∈ Gal(L/K) : σ(x) = x pour tout x ∈ M . Démonstration. Soit L un corps algébriquement clos contenant L. Si σ est un plongement de L dans L au dessus de M, alors a fortiori σ est un plongement de L dans L au dessus de K et, comme L est une extension galoisienne de K, σ(L) = L. La première assertion du théorème est démontrée. La seconde assertion est immédiate par définition de Gal(L/M). Théorème XIII.2 (et notation). Soit L une extension galoisienne de K. Pour tout sous-groupe H de Gal(L/K) on note Fix(H) = x ∈ L : σ(x) = x pour tout σ ∈ H . Alors l’application H 7→ Fix(H) est une bijection de l’ensemble des sous-groupes H de Gal(L/K) sur l’ensemble des extensions intermédiaires entre K et L. L’application réciproque est l’application qui à chaque extension intermédiaire M associe Gal(L/M). Démonstration. a) Soient H un sous-groupe de Gal(L/K) et M = Fix(H). Comme chaque σ ∈ H est un automorphisme de L, M est un sous-corps de L. Comme chaque σ ∈ H laisse fixe chaque élément de K, M ⊃ K. Ainsi, M est une extension intermédiaire. Montrons H = Gal(L/M) . (2) D’après (1), H ⊂ Gal(L/M) et il reste à montrer l’inclusion opposée. D’après le théorème de l’élément primitif (théorème XI.16), il existe ξ ∈ L tel que L = M[ξ]. Posons Y P (X) = (X − σ(ξ)) ∈ L[X] . σ∈H Montrons qu’en fait le polynôme P appartient à M[X]. Pour tout τ ∈ H, l’homomorphisme τ̃ : L[X] → L[X] a été défini dans le lemme XI.1. On a Y Y τ̃ (P )(X) = (X − τ ◦ σ(ξ)) = (X − σ 0 (ξ)) = P (X) σ 0 ∈H σ∈H puisque l’application σ 7→ τ ◦ σ est une bijection de H sur lui-même. Par définition de τ̃ , chaque coefficient de P est invariant par τ . Ceci étant valable pour tout τ ∈ H, ces coefficients appartiennent à Fix(H) = M et on a bien P ∈ M[X]. 94 2. EXTENSIONS INTERMÉDIAIRES GALOISIENNES 95 Comme id ∈ H, par définition du polynôme P on a que ξ est une racine de ce polynôme. Ainsi, P est un multiple du polynôme minimal de ξ sur M, et donc degM (ξ) ≤ deg(P ) = |H|. Comme M[ξ] = L on a [L : M] = degM (ξ) ≤ |H|. Par ailleurs, [L : M] = | Gal(M/L)| (théorème XII.6) et donc | Gal(M/L)| ≤ |H|. Comme H ⊂ Gal(M/L), on a l’égalité (2) b) Inversement, soient M une extension intermédiaire et H = Gal(L/M). Montrons que M = Fix(H). D’après (1), M ⊂ Fix(H). D’après la partie a) de la démonstration, Gal(L/ Fix(H)) = H et donc, d’après le théorème XII.6, on a [L : Fix(H)] = | Gal(L/ Fix(H))| = |H| = | Gal(L/M)| = [L : M] . Comme M ⊂ Fix(H), on a [L : M] = [L : Fix(H)]·[Fix(H) : M] donc [Fix(H) : M] = 1 et M = Fix(H). 2. Extensions intermédiaires galoisiennes Théorème XIII.3. Soient L une extension galoisienne de K et M un corps avec K ⊂ M ⊂ L. Pour que M soit une extension galoisienne de K il faut et il suffit que Gal(L/M) soit un sous-groupe distingué de Gal(L/K). Dans ce cas, on a (3) Gal(M/K) ∼ = Gal(L/K) . Gal(L/M) Démonstration. Soit L un corps algébriquement clos contenant L. a) Supposons d’abord que M est une extension galoisienne de K. Pour tout σ ∈ Gal(L/K), la restriction de σ à M est un plongement de M dans L au dessus de K. Comme M est une extension galoisienne de K on a donc σ(M) = M. La restriction de σ à M est un élément de Gal(M/K), que nous notons π(σ). L’application π : Gal(L/K) → Gal(M/K) est clairement un homomorphisme de groupes. Par (1), le noyau de π est Gal(L/M) et donc ce sous-groupe de Gal(L/K) est distingué. Pour montrer (3) il suffit de montrer que π est surjectif. Soit τ ∈ Gal(M/K). τ est un plongement de M dans L et d’après le théorème XI.14 ce plongement admet au moins un prolongement σ à L. Comme τ : M → L est un plongement au dessus de K, σ est aussi un plongement au dessus de K. Comme L est une extension galoisienne de K, σ(L) = L et σ appartient à Gal(L/K). La restriction de σ à M est égale à τ par construction, c’est à dire π(σ) = τ , ce qu’il fallait démontrer. b) Supposons maintenant que Gal(L/M) est un sous-groupe distingué de Gal(L/K) et montrons que M est une extension galoisienne de K. Soit σ un plongement de M dans L au dessus de K. Nous devons montrer que pour tout ξ ∈ M on a σ(ξ) ∈ M. D’après le théorème XI.14, σ admet un prolongement τ à L et comme L est une extension galoisienne de K on a τ (L) = L et τ ∈ Gal(L/K). Remarquons que σ(ξ) = τ (ξ) ∈ L. Soit α ∈ Gal(L/M). Comme Gal(L/M) est un sous-groupe distingué de Gal(L/K), −1 τ ◦ α ◦ τ ∈ Gal(L/M). On a donc (τ −1 ◦ α ◦ τ )(ξ) = ξ et α ◦ σ(ξ) = α ◦ τ (ξ) = τ ◦ (τ −1 ◦ α ◦ τ )(ξ) = τ (ξ) = σ(ξ). Ainsi, σ(ξ) ∈ Fix(Gal(L/M)). D’après le théorème XIII.1, σ(ξ) ∈ M. 96 XIII. THÉORIE DE GALOIS III 3. Composition d’extensions galoisiennes Théorème XIII.4. Soit K un corps, M une extension de K et L, L0 deux sous-corps de M contenant K. On suppose que L et L0 sont des extensions galoisiennes de K. Alors LL0 est une extension galoisienne de K. Démonstration. Soient M un corps algébriquement clos contenant M et σ un plongement de LL0 dans M au dessus de K. Nous devons montrer que σ(LL0 ) ⊂ LL0 . Pour tout x ∈ L et tout x0 ∈ L0 nous avons σ(x) ∈ L puisque L est une extension galoisienne de K et de même σ(x0 ) ∈ L0 , donc σ(xx0 ) ∈ LL0 . Les éléments de la forme xx0 avec x ∈ L et x0 ∈ L0 engendrent le K-espace vectoriel LL0 et donc, comme σ est K-linéaire, σ(LL0 ) ⊂ LL0 . Étudions les groupes de Galois des différentes extensions qui apparaissent dans ce théorème. Gal(LL0 /L) est un sous-groupe distingué de Gal(LL0 /K), et le quotient de ces deux groupes est isomorphe à Gal(L/K). Gal(LL0 /L0 ) est un sous-groupe distingué de Gal(LL0 /K), et le quotient de ces deux groupes est isomorphe à Gal(L0 /K). On a Gal(LL0 /L) ∩ Gal(LL0 /L0 ) = {id}. En effet, un automorphisme de LL0 dont les restrictions à L et à L0 sont l’identité est égal à l’identité sur LL0 par définition de ce corps. Ainsi, la restriction à Gal(LL0 /L0 ) de l’application quotient Gal(LL0 /K) → Gal(LL0 /K)/ Gal(LL0 /L) ∼ = Gal(L/K) est injective et on peut considérer Gal(LL0 /L0 ) comme un sous-groupe de Gal(L/K). On peut vérifier facilement qu’un élément σ ∈ Gal(L/K) appartient à ce sous-groupe si et seulement si σ admet un prolongement τ à LL0 dont la restriction à L0 est l’identité. Exercice 1. Soient K, L et L0 comme dans le théorème. On suppose que m = [L : K] et n = [L0 : K] sont premiers entre eux. a) Montrez que [LL0 : K] = mn. b) En déduire que [LL0 : L] = n et que [LL0 : L0 ] = m. c) Montrez que Gal(LL0 /L) ∼ = Gal(L0 /K), que Gal(LL0 /L0 ) ∼ = Gal(L/K) et que 0 ∼ Gal(LL /K) = Gal(L/K) × Gal(L0 /K). CHAPITRE XIV Quelques exemples Dans ce chapitre encore, on suppose implicitement que tous les corps sont de caractéristique nulle. 1. Racines n-ièmes 1.1. Les racines n-ièmes de l’unité. Dans cette section, n ≥ 2 est un entier, L est un corps et on suppose que le polynôme X n − 1 est scindé dans L. Le polynôme dérivé nX n−1 de X n − 1 est premier avec X n − 1, donc le polynôme n X − 1 a n racines distinctes dans L (proposition VII.16). Ces racines sont appelées les racines n-ièmes de l’unité dans L. Ces racines n-ièmes forment clairement un groupe pour la multiplication de L. Proposition XIV.1. Le groupe multiplicatif des racines n-ièmes de l’unité dans L est cyclique. Démonstration. Le groupe multiplicatif G des racines n-ièmes de l’unité dans L est abélien et fini. Pour tout entier k ≥ 1, le polynôme X k − 1 a au maximum k racines dans G, et donc G contient au maximum k éléments ξ vérifiant ξ k = 1, c’est à dire k éléments d’ordre k. D’après la question e) de l’exercice 4 du chapitre IV, G est cyclique. Définition XIV.2. Tout générateur du groupe multiplicatif des racines n-ièmes de l’unité dans L est appelé une racine n-ième primitive de l’unité dans L. Ainsi, ξ est une racine n-ième primitive de l’unité si et seulement si le groupe des racines n-ièmes de l’unité dans L est égal à{1, ξ, ξ 2 , . . . , ξ n−1 }. Dans ce cas, pour 1 ≤ j < n, ξ j est une racine n-ième primitive de l’unité si et seulement si j est premier avec n. 1.2. Le polynôme X n − 1. Théorème XIV.3. Soient K un corps, n ≥ 2 un entier et L un corps de décomposition du polynôme X n − 1 ∈ K[X]. Alors Gal(L/K) est abélien. Démonstration. Puisque L est un corps de décomposition du polynôme X n −1, ce polynôme est scindé dans L et, d’après ce qui précède, le corps L contient une une racine n-ième primitive de l’unité ξ et on a X n − 1 = (X − 1)(X − ξ)(X − ξ 2 ) · . . . · (X − ξ n−1 ) . Comme L est un corps de décomposition de X n −1 on a de plus L = K[1, ξ, . . . , ξ n−1 ] = K[ξ]. D’après le théorème XII.3, L est une extension galoisienne de K. Soit σ ∈ Gal(L/K). Comme ξ n = 1 on a σ(ξ)n = 1 et, comme ξ est une racine primitive, il existe un unique j(σ) ∈ {0, 1, . . . , n − 1} avec σ(ξ) = ξ j(σ) . 97 98 XIV. QUELQUES EXEMPLES De plus, pour 1 ≤ k < n on a ξ n 6= 1 et donc, comme σ est un automorphisme de L, on a σ(ξ)k 6= 1, c’est à dire ξ j(σ)k 6= 1 et donc j(σ)k n’est pas un multiple de n. On en déduit que j(σ) est premier avec n (autrement dit, σ(ξ) est une racine primitive de l’unité). Ainsi, j(σ) appartient au groupe multiplicatif (Z/nZ)× formé des éléments inversibles de Z/nZ. Soient σ, τ ∈ Gal(L/K). Alors σ(ξ) = ξ j(σ) et τ (ξ) = ξ j(τ ) donc τ ◦ σ(ξ) = τ (ξ j(σ) ) = (τ (ξ))j(σ) = (ξ j(τ ) )j(σ) = ξ j(τ )j(σ) . On a donc j(τ ◦ σ) = j(τ )j(σ). Ainsi, l’application σ 7→ j(σ) est un homomorphisme de groupes de Gal(L/K) dans (Z/nZ)× . De plus, comme L = K[ξ], chaque élément σ de Gal(L/K) est complètement déterminé par σ(ξ) donc par j(σ) et on en déduit que j est injectif. Ainsi, Gal(L/K) est isomorphe à son image par l’homomorphisme j, et cette image est un sous-groupe de (Z/nZ)× et est donc abélien. 1.3. Le polynôme X n − a. Dans cette section, K est un corps, a ∈ K est non nul et n ≥ 2 est un entier. Soit L un corps de décomposition du polynôme X n − a ∈ K[X]. On a ainsi X n − a = (X − η1 ) · . . . · (X − ηn ) et L = K[η1 , . . . , ηn ] . Le polynôme X n − a et son polynôme dérivé nX n−1 sont premiers entre eux dans L[X] et donc les racines de X n − a dans L sont simples et η1 , . . . , ηn sont distincts. Pour 1 ≤ k ≤ n posons ξk = ηk η1−1 . Alors ξ1 , . . . , ξn sont distincts et vérifient ξkn = 1 pour tout k. Ainsi, le polynôme X n − 1 est scindé dans L. Soit K0 = K[ξ1 , . . . , ξk ]. On a K ⊂ K0 ⊂ L et K0 est un corps de décomposition de X n − 1. Nous avons étudié l’extension K0 de K dans la section précédente. Nous étudions ici l’extension L de K0 . En remplaçant K par K0 , nous nous sommes ainsi ramenés au cas où (*) Le polynôme X n − 1 est scindé dans K. Théorème XIV.4. Soient n ≥ 2 un entier, K un corps vérifiant l’hypothèse (*) et a ∈ K. Soit L un corps de décomposition du polynôme X n − a ∈ K[X]. Alors Gal(L/K) est isomorphe à un sous-groupe de Z/nZ et est donc un groupe cyclique. Démonstration. Soit ξ une racine n-ième primitive de l’unité dans K. Soit η une racine du polynôme X n − a dans L. On a ainsi X n − a = (X − η)(X − ξη)(X − ξ 2 η) · . . . · (X − ξ n−1 η) et L = K[η]. Si η ∈ K on a L = K et Gal(L/K) est le groupe trivial. Nous supposons désormais que η ∈ / K. Soit σ ∈ Gal(L/K). Alors σ(η)n = a et il existe donc k(σ) ∈ {0, . . . , n − 1} avec σ(η) = ξ k(σ) η. Pour σ, τ ∈ Gal(L/K), nous avons σ ◦ τ (η) = σ(τ (η)) = σ(ξ k(τ ) η) = σ(ξ k(τ ) )σ(η) = ξ k(τ ) σ(η) puisque ξ k(τ ) ∈ K et que σ est un automorphisme au dessus de K = ξ k(τ ) ξ k(σ) η = ξ k(σ)+k(τ ) η et on a donc k(σ ◦ τ ) = k(σ) + k(τ ). L’application σ 7→ k(σ) est donc un homomorphisme de groupes de Gal(L/K) dans le groupe additif Z/nZ. Cet homomorphisme 2. ÉQUATIONS DU TROISIÈME DEGRÉ 99 est injectif : en effet, puisque L = K[η], tout élément σ du groupe de Galois est déterminé par σ(η) donc par k(η). Ainsi, Gal(L/K) est isomorphe à son image par cet homomorphisme. 2. Équations du troisième degré 2.1. Une réduction. Soit P1 (X) = X 3 + aX 2 + bX + c un polynôme de degré 3 dans K[X], n’ayant aucune racine dans K et donc irréductible dans K[X] (voir la proposition VII.8). Soit L un corps de décomposition de P1 . Nous avons P1 (X) = (X − η1 )(X − η2 )(X − η3 ) où η1 , η2 , η3 ∈ L et L = K[η1 , η2 , η3 ] . On rappelle que η1 , η2 et η3 sont distincts (Proposition VII.17). Pour 1 ≤ i ≤ 3 posons ξi = ηi + a/3. Notons P (X) = P1 (X − a/3) ∈ K[X]. Nous avons P (X) = (X − ξ1 )(X − ξ2 )(X − ξ3 ) = X 3 + pX + q ba 2a3 a2 et q = c − + . 3 3 27 Nous avons L = K[ξ1 , ξ2 , ξ3 ] et donc L est un corps de décomposition de P . On simplifie les calculs en remplaçant P1 par P . où p = b − 2.2. Les deux possibilités pour le groupe de Galois. Nous savons que le groupe de Galois Gal(L/K) peut-être identifié à un sous groupe du groupe S3 , identifié au groupe Perm({ξ1 , ξ2 , ξ3 }) des permutations de {ξ1 , ξ2 , ξ3 }, et que ce sous-groupe agit transitivement sur {ξ1 , ξ2 , ξ3 } (théorème XII.8). Il n’y a que deux possibilités : i) Gal(L/K) est le groupe de toutes les permutations de {ξ1 , ξ2 , ξ3 }, et on peut identifier ce group à S3 ; ii) Gal(L/K) est le groupe des permutations paires (c’est à dire des permutations circulaires) de {ξ1 , ξ2 , ξ3 }, et on peut identifier ce groupe à A3 . On va voir comment distinguer ces deux cas. On rappelle qu’on note par la même lettre un élément du groupe de Galois et la permutation correspondante. Posons δ = (ξ1 − ξ2 )(ξ2 − ξ3 )(ξ3 − ξ1 ) ∈ L et ∆ = δ 2 ∈ L . Soit σ ∈ Gal(L/K) et supposons que σ est une permutation paire, c’est à dire une permutation circulaire de {ξ1 , ξ2 , ξ3 }. Alors on vérifie immédiatement que σ(δ) = (σ(ξ1 ) − σ(ξ2 ))(σ(ξ2 ) − σ(ξ3 ))(σ(ξ3 ) − σ(ξ1 )) = (ξ1 − ξ2 )(ξ2 − ξ3 )(ξ3 − ξ1 ) = δ . Par contre, si σ ∈ Gal(L/K) est une permutation impaire de {ξ1 , ξ2 , ξ3 }, c’est à dire une transposition de deux de ces trois racines, alors on vérifie facilement que σ(δ) = (σ(ξ1 ) − σ(ξ2 ))(σ(ξ2 ) − σ(ξ3 ))σ(ξ3 ) − σ(ξ1 )) = −(ξ1 − ξ2 )(ξ2 − ξ3 )(ξ3 − ξ1 ) = −δ . On en déduit d’abord que, pour tout σ ∈ Gal(L/K) on a σ(∆) = σ(δ)2 = δ 2 = ∆ . D’après le théorème des invariants (théorème XII.9), on a donc ∆∈K. 100 XIV. QUELQUES EXEMPLES On va d’ailleurs trouver une formule explicite donnant ∆ en fonction des coefficients p et q. Les relations classiques entre coefficients et racines d’un polynôme donnent ξ1 + ξ2 + ξ3 = 0 ; ξ1 ξ2 + ξ2 ξ3 + ξ3 ξ1 = p et ξ1 ξ2 ξ3 = −q . Une vérification simple mais fastidieuse donne ∆ = −4p3 − 27q 2 . Théorème XIV.5. Le groupe de Galois Gal(L/K) est égal à A3 si et seulement si ∆ admet une racine carrée dans K. Dans le cas contraire, Gal(L/K) = S3 . Démonstration. Si Gal(L/K) = A3 alors, d’après ce qui précède, σ(δ) = δ pour tout σ ∈ Gal(L/K) et donc, d’après le théorème des invariants, δ ∈ K. Comme δ 2 = ∆, on a bien que ∆ a une racine carrée dans K. Inversement, supposons que ∆ admet une racine carrée θ dans K. Comme δ 2 = ∆, les racines carrées de ∆ dans L sont δ et −δ, donc θ = ±δ et δ ∈ K. Donc, pour tout σ ∈ Gal(L/K) on a σ(δ) = δ et donc, d’après ce qui précède, σ est une permutation paire. 2.3. Pour conclure. Soit K0 = K[δ]. Dans le cas i), c’est à dire quand Gal(L/K) = S3 , alors K0 est une extension de degré 2 de K. De plus, K0 = Fix(A3 ) et L est une extension galoisienne de K0 , avec Gal(L/K0 ) = A3 . Dans le cas ii), on a K0 = K et L est une extension galoisienne de K0 , avec Gal(L/K0 ) = A3 . Dans les deux cas, le groupe Gal(L/K0 ) est égal à A3 donc isomorphe à Z/3Z. On peut montrer que L est une extension de K0 « par racine cubique ». Nous ne donnons pas cette démonstration ici, mais faisons seulement quelques remarques pour relier la théorie de Galois et les formules de Cardan donnant les racines d’une équation du troisième degré. Supposons pour simplifier que le polynôme X 3 − 1 est scindé dans K, c’est à dire que X 3 − 1 = (X − 1)(X − j)(X − j2 ) où j ∈ K et j, j2 sont les racines primitives troisièmes de l’unité. Soient u = ξ1 + jξ2 + j2 ξ3 et v = ξ1 + j2 ξ2 + jξ3 . Soit σ la permutation circulaire ξ1 → ξ2 → ξ3 → ξ1 de {ξ1 , ξ2 , ξ3 }. On note aussi σ l’élément correspondant de Gal(L/K0 ). Alors σ(u) = ξ2 + jξ3 + j2 ξ1 = j2 u et σ(v) = ξ2 + j2 ξ3 + jξ1 = jv donc σ(u3 ) = u3 et σ(v 3 ) = v 3 . Comme Gal(L/K0 ) = {id, σ, σ 2 } on a τ (u3 ) = u3 et τ (v 3 ) = v 3 pour tout τ ∈ Gal(L/K0 ). D’après le théorème des invariants, u3 et v 3 appartiennent à K0 . En fait, on peut exprimer explicitement u3 et v 3 au moyen de δ et de q. En remarquant que ξ1 + ξ2 + ξ3 = 0, on obtient 1 1 1 ξ1 = (u + v) ; ξ2 = (j2 u + jv) et ξ3 = (ju + j2 v) 3 3 3 ce qui conduit aux formules de Cardan. Archives : Sujets d’examens et de partiels des années précédentes Examen du 17 Janvier 2008 Exercice 1. a) Soient G un groupe fini, et H, K deux sous-groupes distingués de G. On suppose que H ∩ K = {1} et |G| = |H|.|K| . Montrez que HK = G. Montrez que pour tout h ∈ H et tout k ∈ K on a hk = kh. Indication : considérer hkh−1 k −1 . En déduire que G est isomorphe à H × K. Désormais, p et q sont des nombres premiers et G est un groupe d’ordre p2 q. On suppose que p 6≡ 1 mod q ; p 6≡ −1 mod q et q 6≡ 1 mod p . On veut montrer que G est commutatif. b) Montrez que G admet un unique sous-groupe H d’ordre p2 et un unique sousgroupe K d’ordre q. c) En déduire que G est isomorphe à H × K. d) Conclure. Exercice 2. Soit A un anneau commutatif unitaire. Si I est un idéal de A[X] on note • D(I, 0) = I ∩ A ; • pour n > 0, D(I, n) est l’ensemble des a ∈ A tels qu’il existe Q(X) ∈ A[X] avec deg(Q) < n et aX n + Q(X) ∈ I. a) Vérifiez que, pour tout n ≥ 0, D(I, n) est un idéal de A et que (1) D(I, n + 1) ⊃ D(I, n) pour tout n ≥ 0 . b) Soient I et I 0 deux idéaux de A[X]. On suppose que I ⊂ I 0 et que D(I, n) = D(I 0 , n) pour tout n ≥ 0. On veut montrer que I = I 0 . Vérifiez que I ∩ A = I 0 ∩ A. Montrez par récurrence sur n ≥ 0 que tout polynôme P ∈ I 0 de degré n appartient à I. Indication : On écrit P (X) = aX n + Q(X) avec a ∈ A et deg(Q) < n et on remarque que a ∈ D(I, n). Conclure. Dans toute la suite on suppose que l’anneau A est noethérien. On rappelle que cela signifie que toute suite croissante (Jn ; n ≥ 0) d’idéaux de A est stationnaire, c’est à dire qu’il existe n0 tel que Jn = Jn0 pour tout n ≥ n0 . On veut montrer que A[X] est Noethérien. 101 102 ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES c) Soit I un idéal de A[X]. Vérifier qu’il existe un entier n0 (I) tel que (2) D(I, n) = D I, n0 (I) pour tout n ≥ n0 (I) . d) Soit (Ik ; k ≥ 1) une suite croissante d’idéaux de A[X]. On pose ∞ [ I= Ik . k=1 Vérifiez que pour tout n on a D(Ik+1 , n) ⊃ D(Ik , n) pour tout k et en déduire qu’il existe un entier kn tel que (3) D(Ik , n) = D(I, n) pour tout k ≥ kn . e) On pose k = max k0 , k1 , . . . , kn0 (I) . Montrez que pour tout n ≥ 0 on a D(Ik , n) = D(I, n). Indication : On distinguera deux cas. Si n ≤ n0 (I) on utilise la définition de k et (3) ; pour n > n0 (I) on utilise (2), le cas précédent et (1). Conclure. Exercice 3. Dans tout cet exercice on note P (X) = X 4 + 2. K ⊂√ C est le corps de décomposition de P (X) sur Q. 4 ξ = 2 eiπ/4 = (1 + i)2−1/4 . a) Quelles sont les racines du polynôme P (X) dans C ? Montrez que ce polynôme est irréductible sur Q. √ √ b) Montrez que i ∈ K, que 4 2 ∈ K et que K = Q[ 4 2, i]. √ c) Soit L = Q[ 4 2]. Montrez que [L : Q] = 4. d) Vérifiez que i ∈ / L. En déduire que [K : Q] = 8. e) Montrez que K est le corps de décomposition du polynôme Q(X) = X 4 − 2 sur Q. √ f ) Rappelez pourquoi Q[ 2] est√ une extension galoisienne de Q et donnez√son groupe de Galois. Montrez que K = Q[ 2][ξ]. En déduire le groupe Gal(K : Q[ 2]). g) Déterminez le groupe Gal(K : Q). Examen du 27 Mai 2009 Exercice 1. Si G est un groupe abélien fini, on note ordremax(G) = max{ordre(x) ; x ∈ G} . On veut montrer que (*) Pour tout x ∈ G, ordre(x) divise ordremax(G). a) Montrez (*) dans le cas où p est un nombre premier et G est un p-groupe. b) Montrez (*) pour un groupe abélien fini arbitraire. Exercice 2. Dans cet exercice on note P (X) = X 4 + 2. Écrire les racines de ce polynôme dans C. a) Montrez que le polynôme P est irréductible dans Q[X]. √ b) Soit K ⊂ C le corps de décomposition de P . Montrez que K = Q[ 4 2, i]. c) Montrez que le polynôme X 4 − 2 est irréductible dans Q[X]. ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES 103 √ 4 d) En déduire que la valeur de [Q[ 2] : Q , de [K : Q] et de [K : Q[i]]. √ e) Quels sont les conjugués de 4 2 dans K ? Montrer que le groupe√de Galois √ Gal(K : Q[i]) est cyclique et engendré par un élément σ caractérisé par σ( 4 2) = i 4 2. f ) Soit τ : z 7→ z̄ la conjugaison dans C. Vérifiez que τ appartient à Gal(K : Q). Montrez que Gal(K : Q) est engendré par σ et τ . g) Vérifiez que τ στ = σ −1 . En déduire que Gal(K : Q) est isomorphe au groupe diédral D(4). Exercice 3. On rappelle que Z[i] est le sous-anneau de C engendré par 1 et i. a) Montrez que Z[i] = {a + bi ; a, b ∈ Z} et que Z[i] est isomorphe à Z[X]/(X 2 + 1). b) Pour tout z = a + bi ∈ Z[i] on note N (z) = |z|2 = a2 + b2 . Il sera utile de se rappeler que N (zz 0 ) = N (z)N (z 0 ) pour tous z, z 0 . Montrer que z ∈ Z[i] est inversible si et seulement si et seulement si N (z) = 1. Quels sont les éléments inversibles de Z[i] ? c) Vérifiez que pour tout ξ = α + iβ ∈ C il existe z = a + bi ∈ Z[i] avec |ξ − z|2 ≤ 1/2. En déduire que pour tous z, u ∈ Z[i] avec u 6= 0 il existe q, r ∈ Z[i] avec z = uq + r et N (r) ≤ N (u)/2 . d) En déduire que Z[i] est principal. Dans la suite de cet exercice, on détermine les éléments irréductibles de Z[i]. e) Soit z ∈ Z[i] tel que p = N (z) soit un nombre premier. Vérifiez que p n’est pas un élément irréductible de Z[i]. Montrez que z est un élément irréductible de Z[i]. f ) Soit p un nombre premier et supposons qu’il n’existe aucun z ∈ Z[i] tel que N (z) = p. Montrez que p est irréductible dans Z[i]. g) On veut montrer que tous les éléments irréductibles de Z[i] sont de l’un des deux types précédents. Soit z = a + bi ∈ Z[i] un élément irréductible et supposons que N (z) n’est pas premier. Montrer qu’il existe un nombre premier p tel que Z ∩ zZ[i] = pZ. En déduire que N(z) = p2 . En déduire enfin que z = p, à multiplication par un inversible près. Devoir surveillé du 17 novembre 2009 Exercice 1. Les groupes Z/8Z × Z/45Z et Z/12Z × Z/30Z sont-ils isomorphes ? Justifiez votre réponse par un argument simple. Exercice 2. Soit H un sous-groupe d’un groupe G. On notera G/H l’ensemble des classes à gauche modulo H. a) Vérifier que l’application : G × G/H − 7 → G/H (g, aH) − 7 → (ga)H définit une action de G sur G/H. On note φ : G → Perm(G/H) l’homomorphisme associé à cette action. b) Montrer que \ ker φ = aHa−1 . a∈G 104 ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES c) Montrer que ker φ est le plus grand sous-groupe de G distingué et contenu dans H. d) On suppose (G : H) = k pour un certain entier k ≥ 1. Montrer que (G : ker φ) divise k!. Montrer que (G : ker φ) est divisible par k. e) En déduire que dans un groupe d’ordre pn , avec p premier et n ≥ 1, tout sous-groupe d’ordre pn−1 est distingué. Exercice 3. On rappelle qu’un groupe est simple s’il n’admet aucun sous-groupe distingué propre et non trivial. Soient G un groupe et N un sous-groupe de G d’indice 2. Il s’agit de montrer que tout sous-groupe H d’ordre ≥ 3 et qui est simple est contenu dans N . a) Montrer que N est distingué dans G. b) Montrer que H ∩ N est distingué dans H. c) Montrer que la restriction à H de la projection de G sur G/N ne peut pas être injective. En déduire que H ∩ N 6= {1}. d) Conclure. Exercice 4. Soit G le sous-groupe de Z3 engendré par (4, 8, 0) et (6, 12, 0). a) Montrer que G est un sous-groupe libre de rang 1, et que (2, 4, 0) est une base de G. L’élément (1, 2, 0) appartient-il à G ? b) Compléter (1, 2, 0) en une base de Z3 . c) Montrer que G/H est isomorphe à Z/2Z × Z2 . Exercice 5. Soit G un groupe d’ordre p2 q où p et q sont des nombres premiers distincts. On note np le nombre de p-Sylow de G et nq le nombre de q-Sylow de G. a) Déterminer les valeurs possibles de np et nq . b) Montrer que si p ne divise pas q − 1 et que q ne divise pas p2 − 1 alors G est abélien. c) On suppose q < p. Montrer que np = 1. d) On suppose que p < q. Montrer que si nq 6= 1 alors p = 2 et q = 3. e) On suppose p = 2 et q = 3, montrer qu’alors (np , nq ) 6= (3, 4). f ) En déduire que G admet un sous-groupe normal propre et non trivial. Examen de Janvier 2010 Exercice 1. Dans cet exercice, on note √ A = {a + b 3 : a, b ∈ Z} . √ φ : Z[X] → R désigne l’homomorphisme d’évaluation en 3 : √ φ(P ) = P ( 3) pour tout P ∈ Z[X] . a) Question préliminaire. ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES 105 √ On veut déterminer le noyau de φ. Soit P (X) ∈ Z[X] appartenant avec P ( 3) = 0. Montrez qu’il existe Q(X) ∈ Q[X] avec P (X) = (X 2 − 3)Q(X), puis montrez qu’en fait on a Q(X) ∈ Z[X]. Conclure. Déterminez l’image de φ. Montrez que A est un sous-anneau de R, contenant Z, et isomorphe à Z[X]/(X 2 − 3). √ Montrez que pour a, b ∈ Z, l’élément a + b 3 de A est inversible dans A si et seulement si a2 − 3b2 = ±1. b) Question supplémentaire pour les étudiants curieux : On pourra montrer que dans ce cas on a en fait a2 − 3b2 = 1. Le but de cet exercice est de déterminer tous les idéaux premiers de A. c) Pour tout nombre premier p, on note Jp = pZ[X] l’idéal de Z[X] engendré par p. Construire un isomorphisme d’anneaux πp : Z[X]/Jp → Fp [X] . d) Pour tout nombre premier p, on note Ip = pA l’idéal de A engendré par p et Lp = φ−1 (Ip ). Montrez que i) Lp est l’idéal de Z[X] engendré par p et X 2 − 3 ; ii) πp (Lp ) est l’idéal de Fp [X] engendré par X 2 − 3 ; iii) les anneaux A/Ip et Z[X]/Lp sont isomorphes ; iv) les anneaux Z[X]/Lp et Fp [X]/πp (Lp ) sont isomorphes ; v) les anneaux A/Ip et Fp [X]/(X 2 − 3) sont isomorphes. e) Dans cette question, on suppose que p est un nombre premier et qu’il n’existe aucun entier n ∈ Z tel que n2 = 3 (mod p). Montrez que l’idéal Ip de A est maximal. En déduire que p est un élément irréductible de A. f ) Dans cette question, on suppose que p est un nombre premier et qu’il existe un entier n ∈ Z tel que n2 = 3 (mod p). Montrez que l’idéal Ip de A n’est pas premier. Les questions qui suivent sont un peu plus difficiles que le reste de l’exercice. i) Déterminez tous les idéaux de Fp [X] contenant X 2 − 3 (vous vérifierez que les idéaux trouvés sont distincts). ii) Déterminez tous les idéaux de Z[X] contenant Lp . iii) En déduire qu’il existe exactement 4 idéaux de A contenant Ip , à savoir √ √ Ip , A, Ip0 = (p, 3 − n) et Ip00 = (p, 3 + n) . iv) Montrez que ces deux derniers idéaux sont maximaux. g) Soit I un idéal premier et non trivial de A. Montrez qu’il existe a, b ∈ Z, non tous deux nuls, avec a2 − 3b2 ∈ I. Montrez que a2 − 3b2 6= ±1. En déduire qu’il existe un nombre premier p avec p ∈ I. h) Déterminez tous les idéaux premiers non triviaux de A. i) Question supplémentaire pour les étudiants curieux. Remarquer que 52 = 3 (mod 11) et en déduire que l’idéal I11 de A n’est pas premier. Admettre ou montrer 106 ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES que les équations a2 − 3b2 = 11 et a2 − 3b2 = −11 n’ont pas de solutions dans Z. En déduire que 11 est un élément irréductible de A. Conclure que A n’est pas factoriel. Exercice 2. Dans cet exercice, on note √ √ 3 ξ = 2 ; η = 5 et K = Q[ξ, η] . a) Montrez que les polynômes X 2 − 2 et X 3 − 5 sont irréductibles dans Q[X]. En déduire la valeur de [Q[ξ] : Q] et de [Q[η] : Q]. En déduire que [K : Q] = 6. b) On veut déterminer tous les corps L tels que Q ⊂ L ⊂ K. Montrer que si L est un corps de ce type alors ou bien L = Q, ou bien [L : Q] = 2, ou bien [L : Q] = 3, ou bien encore L = K. c) On suppose que Q ⊂ L ⊂ K et que [L : Q] = 2. On veut montrer que ξ ∈ L, et on raisonne par l’absurde. Supposons que ξ ∈ / L. Montrer que le polynôme minimal de 2 ξ sur L divise X − 2 et en déduire qu’il est égal à X 2 − 2. En déduire la valeur de [L[ξ] : L] = 2 puis celle de [L[ξ] : Q] et aboutir à une contradiction. On a donc ξ ∈ L. En déduire que L = Q[ξ]. d) On suppose que Q ⊂ L ⊂ K et que [L : Q] = 3. Que vaut [K : L] ? On veut montrer que η ∈ L, et on raisonne par l’absurde. Supposons que η ∈ / L. Montrer que [L[η] : L] = 2. Montrer que le polynôme minimal de ξ sur L est de degré 2 et divise X 3 − 5. En déduire que le polynôme X 3 − 5 admet une racine η 0 dans L et que η 0 6= η. Aboutir à une contradiction en remarquant que L ⊂ R. On a donc η ∈ L. En déduire que L = Q[η]. e) Soit L = Q[ξ + η]. Montrez successivement que L = 6 Q, que L 6= Q[ξ] et que L 6= Q[η]. Conclure que L = K. Exercice 3. Rappel : Si E est un ensemble fini, |E| désigne le nombre d’éléments de E. On se donne une action (g, x) 7→ g · x d’une groupe fini G sur un ensemble fini X. On note Ω le nombre d’orbites de cette action. a) Montrez que X 1 Ω= . |G · x| x∈X Indication : on pourra calculer cette somme en sommant orbite par orbite. b) Pour tout g ∈ G on note Fix(g) = {x ∈ X ; g · x = x} . Montrez que X g∈G | Fix(g)| = X |Gx | . x∈G Indication : On pourra calculer de deux façons différentes le nombre d’éléments de l’ensemble def A = {(g, x) ∈ G × X ; g · x = x} . X c) Conclure que | Fix(g)| = |G| · Ω . g∈G ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES 107 Devoir surveillé du 16 novembre 2010 Exercice 1. p étant un nombre premier, combien y-a-t-il isomorphisme près de groupes abéliens d’ordre p5 ? Exercice 2. Soit G un groupe d’ordre p2 q où p et q sont des nombres premiers distincts. On note respectivement np et nq le nombre de p-sous-groupes de Sylow (resp. q-sous-groupes de Sylow) de G. a) Montrer que si q < p alors np = 1. Montrer que si p < q alors nq = 1 ou p2 . b) Montrer, en considérant le nombre d’éléments d’ordre q et le nombre d’éléments d’ordre premier avec q de G, que si nq = p2 alors np = 1. c) Conclure que G admet un sous-groupe de Sylow distingué dans G. On note H ce sous-groupe. d) Montrer que G/H est commutatif. Exercice 3. a) Soient (G, ·) un groupe et Z(G) son centre. Montrer que si G/Z(G) est cyclique alors G est commutatif. b) Soient p un nombre premier et G un groupe non commutatif d’ordre p3 . Montrer que Z(G) est isomorphe à Z/pZ. Montrer que G/Z(G) est isomorphe à Z/pZ × Z/pZ. Examen du 19 Janvier 2011 Exercice 1. Première partie. Dans cette partie, G est un groupe fini et H, K sont deux sousgroupes distingués de G. On suppose que |H| et |K| sont premiers entre eux et |G| = |H|.|K| . a) Montrez que H ∩ K = {1}. b) Montrez que pour tout h ∈ H et tout k ∈ K on a hk = kh. c) Montrez que G est isomorphe à H × K. Deuxième partie. Dans cette partie, p et q sont des nombres premiers distincts et G est un groupe d’ordre p2 q. On suppose que p 6≡ 1 mod q ; p 6≡ −1 mod q et q 6≡ 1 mod p . d) Montrez que G admet un unique sous-groupe H d’ordre p2 . e) Montrez que G admet un unique sous-groupe K d’ordre q. f ) Montrez que G est isomorphe à H × K. g) Montrez que G est commutatif. Exercice 2. Dans cet exercice on note √ √ 3 ξ = 2 ; η = 5 et K = Q[ξ, η] . 108 ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES a) Montrez que [K : Q] = 6. b) Soit L un corps avec Q ⊂ L ⊂ K et [L : Q] = 2. Montrez que ξ ∈ L. Méthode : Montrez que, si ξ n’appartenait pas à L, on aurait [L[ξ] : L] = 2 et obtenez une contradiction. Conclure que L = Q[ξ]. c) Soit M un corps avec Q ⊂ M ⊂ K et [M : Q] = 3. Montrez que η ∈ M. Méthode : Supposons que η ∈ / M. Montrez qu’alors on a [M[η] : M] = 2. Que pouvez-vous dire du polynôme minimal de η sur M ? En déduire que le polynôme X 3 − 5 admet une racine α dans M. Montrez que α = η et obtenez une contradiction. Concluez que M = Q[η]. / Q. Méthode : Sinon, η appartiendrait à Q[ξ] d) On pose θ = ξ + η. Montrez que θ ∈ et donc Q[η] serait contenu dans Q[ξ]. Montrez que c’est impossible. e) Montrez par des méthodes analogues que Q[θ] 6= Q[ξ] et que Q[θ] 6= Q[η]. f ) En utilisant les questions b) et c), montrez que Q[θ] = K. Exercice 3. On rappelle que Z[i] est le sous-anneau de C engendré par 1 et i et que Z[i] = {a + bi : a, b ∈ Z} . On a démontré en cours que Z[i] est principal. Dans cet exercice, on détermine les éléments irréductibles de Z[i]. Notations. Pour tout z = a + bi ∈ Z[i] on note N (a + bi) = (a + bi)(a + bi) = |a + bi|2 = a2 + b2 . Il sera utile de se rappeler que : Pour tout z ∈ Z[i] on a N (z) ∈ N et N (z) = 0 si et seulement si z = 0 . Pour tous z, z 0 ∈ Z[i] on a N(zz 0 ) = N (z)N (z 0 ) . Préliminaire. a) Montrez que z ∈ Z[i] est inversible si et seulement si N (z) = 1. Quels sont les éléments inversibles de Z[i] ? Deuxième partie. Dans cette partie, p est un nombre premier et on suppose qu’il existe a, b ∈ Z, non tous les deux multiples de p, tels que a2 + b2 ≡ 0 mod p. b) Montrez que l’idéal pZ[i] de Z[i] n’est pas premier. En déduire que p n’est pas un élément irréductible de Z[i]. c) En déduire qu’il existe c, d ∈ Z avec c2 + d2 = p. d) Soient c, d ∈ Z avec c2 + d2 = p. Montrez que c + di et c − di sont irréductibles dans Z[i]. e) Soient c, d ∈ Z avec c2 + d2 = p. En utilisant la question d), montrez que les seuls couples (c0 , d0 ) ∈ Z × Z tels que c02 + d02 = p sont (c, d) ; (−c, d) ; (c, −d) ; (−c, −d) ; (d, c) ; (−d, c) ; (d, −c) ; (−d, −c) . Troisième partie. Dans cette partie, p est un nombre premier et on suppose qu’il n’existe aucun couple d’entiers (c, d) avec c2 + d2 = p. f ) Montrez que p est un élément irréductible de Z[i]. ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES 109 Quatrième partie. Soit z ∈ Z[i] un élément irréductible. On veut montrer que z est de l’un des deux types précédents, à multiplication par un inversible près. g) Soit J = zZ[i] ∩ Z. Montrez que J est une idéal propre et non trivial de Z. h) Montrez qu’il existe un nombre premier p tel que J = pZ. i) Remarquez que p est un multiple de z dans Z[i] et déduisez-en que N (z) = p ou p2 . j) Conclure. Devoir surveillé du 16 Novembre 2011 Exercice 1. Soit G = {(x, y, z) ∈ Z3 ; x + y + z est pair} . Montrer que G est un groupe abélien libre de type fini, en donner une base. Identifier Z3 /G (à isomorphisme près). Exercice 2. Le but de cet exercice est de construire un groupe ni cyclique, ni diédral dont tous les sous-groupes sont cycliques. On note GL(2, C) le groupe des matrices inversibles 2 × 2 à coefficients dans C. Soient j 0 0 i A= où j = exp(2iπ/3) et B = 0 j2 i 0 On note H = gp(A), K = gp(B) et G le sous-groupe de GL(2, C) engendré par A et B. a) Vérifier que B 2 = −I et déterminer l’ordre de A et de B. b) Montrer que BA = A2 B et BA2 = AB. En déduire que H est distingué dans G. c) Soit HK = {M N : M ∈ H, N ∈ K}. Montrer que HK est un sous-groupe de G. En déduire que HK = G et que |G| = 12. d) Donner la liste des éléments de G et leurs ordres, on vérifiera en particulier que G admet un élément d’ordre 6. e) Montrer que G admet trois 2-sous-groupes de Sylow. f ) Montrer que G n’est ni cyclique ni diédral. g) Montrer que tous les sous-groupes de G sont cycliques. Exercice 3. Soit G un groupe d’ordre p2 q où p et q sont des nombres premiers distincts. On note np le nombre de p-sous-groupes de Sylow et nq le nombre de q-sous-groupes de Sylow de G. a) Déterminer les valeurs possibles de np et nq . b) Montrer que si p ne divise pas q − 1 et que q ne divise pas p2 − 1 alors G est abélien. c) On suppose q < p. Montrer que np = 1. d) On suppose que p < q. Montrer que si nq = 6 1, alors q divise p2 − 1. En déduire que p = 2 et q = 3. e) On suppose p = 2 et q = 3, montrer qu’alors (np , nq ) 6= (3, 4). Indication : on utilisera un argument de cardinalité. 110 ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES f ) Montrez que dans tous les cas G admet un sous-groupe distingué propre et non trivial. Examen du 19 Janvier 2012 Exercice 1. a) Soit G un groupe. Pour tout nombre premier p, notons np le nombre de sousgroupes de G d’ordre p et mp le nombre d’éléments de G d’ordre p. Montrez que mp = (p − 1)np . Désormais G est un groupe d’ordre 30. b) On note n2 , n3 et n5 le nombre de sous-groupes de G d’ordre 2, 3 et 5, respectivement. Quelles sont les valeurs possibles pour n2 , n3 et n5 ? c) En utilisant les deux premières questions, montrez que l’un au moins des nombres n3 ou n5 est égal à 1. d) Soient H un sous-groupe de G d’ordre 5 et K un sous-groupe de G d’ordre 3. Montrez que l’un au moins de ces sous-groupes est distingué. Montrez que HK est un sous-groupe de G. e) Montrez que |HK| = 15. f ) En déduire que HK est un sous-groupe distingué de G. g) On note N (H) le normalisateur de H, c’est à dire N (H) = {x ∈ G ; xHx−1 = H} . Vérifiez que N (H) ⊃ HK et en déduire que (G : N (H)) ≤ 2. Méthode : On rappelle que tout groupe d’ordre 15 est abélien. Ce résultat a été vu en cours et on pourra l’utiliser sans le démontrer. h) Pour y, z ∈ G, à quelle condition a-t-on yHy −1 = zHz −1 ? En déduire qu’il existe au maximum 2 sous-groupes de G qui sont conjugués à H. i) Montrez que n5 ≤ 2. En déduire que n5 = 1 et que H est un sous-groupe distingué de G. j) Montrez de même que n3 = 1 et que K est un sous-groupe distingué de G. √ √ Exercice 2. Dans tout cet exercice, on note K = Q[ 2, 3]. √ a) Quels sont les conjugués de √2 dans C ? Quels sont les conjugués de 3 dans C ? En déduire que K est une extension galoisienne de Q b) Déterminez [K : Q]. c) Combien existe-t-il de d’automorphismes distincts de K au dessus de √Q ? √ Pour chacun de ces automorphismes σ, donnez la valeur du couple σ( 2), σ( 3) . √ √ d) On pose α = 2 + 3. Pour chaque automorphisme σ de K au dessus de Q, donnez la valeur de σ(α). Montrez que toutes ces valeurs sont deux à deux distinctes. e) Quel est le degré de α sur Q ? En déduire que K = Q[α]. ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES 111 f ) Que pouvez-vous dire sur le polynôme √ √ √ √ √ √ √ √ P (X) = (X − 2 − 3)(X + 2 − 3)(X − 2 + 3)(X + 2 + 3) ? Exercice 3. Convention. On rappelle que C[X, Y ] est identifié à C[X][Y ], c’est à dire à l’anneau des polynômes à coefficients dans l’anneau C[X] et en la variable Y . On considère donc C[X] comme le sous-anneau de C[X, Y ] = C[X][Y ] formé des polynômes constants. Tout polynôme appartenant à C[X] appartient donc aussi à C[X, Y ]. Question préliminaire a) Montrez que tout polynôme P (X, Y ) ∈ C[X, Y ] peut s’écrire sous la forme P (X, Y ) = Q(X, Y )(X 2 + Y 2 − 1) + R(X)Y + S(X) avec Q(X, Y ) ∈ C[X, Y ], R(X) ∈ C[X] et S(X) ∈ C[X]. Méthode : Utilisez la convention ci-dessus et faire une division euclidienne en la justifiant. Question préliminaire b) Soient ξ et η ∈ C. Montrez que tout polynôme P (X, Y ) ∈ C[X, Y ] peut s’écrire sous la forme P (X, Y ) = A(X, Y )(Y − η) + B(X)(X − ξ) + α avec A(X, Y ) ∈ C[X, Y ], B(X) ∈ C[X] et α ∈ C. Méthode : Utilisez la convention ci-dessus, faire une division euclidienne en la justifiant, puis une seconde division euclidienne. Question préliminaire c) Si ξ et η sont des nombres complexes, on note Jξ,η = {P (X, Y ) ∈ C[X, Y ] : P (ξ, η) = 0} . Montrez que Jξ,η est un idéal maximal de C[X, Y ]. Méthode Déterminez un homomorphisme θ : C[X, Y ] → C surjectif de noyau Jξ,η . Montrez que Jξ,η est l’idéal de C[X, Y ] engendré par X − ξ et Y − η. Méthode : Utilisez la question préliminaire b). Notation. Dans la suite de cet exercice, I est l’idéal de C[X, Y ]. engendré par X 2 + Y 2 − 1. Le but de cet exercice est de démontrer (*) Les idéaux premiers de C[X, Y ] contenant I sont I lui-même et les idéaux Jξ,η où ξ, η sont des nombres complexes vérifiant ξ 2 + η 2 = 1. d) Montrez que le polynôme X 2 + Y 2 − 1 est irréductible dans C[X, Y ]. e) Montrez que I est un idéal premier de C[X, Y ]. f ) Soient ξ et η ∈ C avec ξ 2 + η 2 = 1. Vérifiez que Jξ,η ⊃ I et que Jξ,η 6= I. En déduire que l’idéal I de C[X, Y ] n’est pas maximal. Notation. Dans la suite, J est un idéal premier de C[X, Y ], contenant I et distinct de I. 112 ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES g) Montrez qu’il existe deux polynômes R(X) et S(X) ∈ C[X], non tous les deux nuls, tels que le polynôme R(X)Y + S(X) appartienne à J. Vérifiez que le polynôme F (X) = R(X)2 (1 − X 2 ) − S(X)2 appartient à J. h) Montrez que le polynôme F (X) n’est pas identiquement nul. i) Montrez que le polynôme F (X) n’est pas constant. En déduire qu’il existe ξ ∈ C tel que le polynôme X − ξ appartienne à J. j) On montre de même qu’il existe η ∈ C tel que le polynôme Y − η appartienne à J. (Ne pas recopier la démonstration !) Montrer que ξ 2 + η 2 = 1. Montrer que J ⊃ Jξ,η . Montrer qu’en fait on a J = Jξ,η . k) Conclure en montrant l’affirmation (*) ci-dessus. Examen du 23 janvier 2013 Exercice 1. Soient p et q deux nombres premiers distincts et G un groupe d’ordre p2 q 2 . a) Soient H un sous-groupe de G d’ordre p2 et K un sous-groupe de G d’ordre q 2 . Montrez que H ∩ K = {1G }. Montrez que tout élément de G s’écrit de façon unique sous la forme g = hk avec h ∈ H et k ∈ K. b) On suppose désormais que q > p2 . Montrez que G admet un unique sous-groupe H d’ordre q 2 . Montrez que ce sous-groupe est distingué. c) Désormais, on suppose de plus que q 6= 1 mod p et que q 6= −1 mod p. Montrez que G admet un unique sous-groupe K d’ordre p2 . Montrez que ce sous-groupe est distingué. d) Montrez que hk = kh pour tout h ∈ H et tout k ∈ K. e) Montrez que G est commutatif. Exercice 2. Soit K un corps de caractéristique zéro et K un corps algébriquement clos contenant K. Soient encore L et L0 deux extensions galoisiennes de K, contenues dans K. a) Montrez que LL0 est une extension galoisienne de K. b) Montrez que Gal(LL0 /L0 ) ∩ Gal(LL0 /L) est le groupe trivial. c) Montrez que Gal(LL0 /K) est isomorphe à un sous-groupe de Gal(L/K)×Gal(L0 /K). Méthode : Définir deux homomorphismes r : Gal(LL0 /K) → Gal(L/K) et r0 : Gal(LL0 /K) → Gal(L0 /K), déterminez leur noyau et considérez l’homomorphisme r×r0 : Gal(LL0 /K) → Gal(L0 /K) × Gal(L0 /K). Exercice 3. Dans tout cet exercice, K est un corps de caractéristique zéro. On se donne un entier n strictement positif et on suppose que K contient une racine racine primitive nième de l’unité η. Soit L une extension galoisienne de K telle que le groupe Gal(L/K) est cyclique d’ordre n. ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES 113 Soit σ un générateur de ce groupe. On note k fois σ ◦0 = id et σ ◦k z }| { = σ ◦ σ · · · ◦ σ pour tout entier k ≥ 1 . a) Rappelez pourquoi le polynôme X n − 1 est scindé dans K et indiquez ses racines. b) On considère σ comme une application K-linéaire de L dans lui-même. Remarquez que l’application linéaire σ ◦n de L dans lui-même est l’identité. Quelles sont les valeurs propres possibles de σ ? Il est bien connu que les propriétés que l’on vient de montrer impliquent que l’application linéaire σ est diagonalisable ; vous admettrez ce résultat sans démonstration. def c) Déterminer l’espace propre E1 = {ξ ∈ L : σ(ξ) = ξ}. d) Montrez que tous les espaces propres de σ sont de dimension 1. Indication : Soient α et β sont non nuls et appartenant au même espace propre Eλ de σ. Que vaut σ(αβ −1 ) ? Conclure en utilisant la question c). e) En déduire que η est une valeur propre de σ. f ) Soit ξ ∈ L un vecteur propre associé à cette valeur propre, c’est à dire tel que ξ 6= 0 et σ(ξ) = ηξ. Soit a = ξ n . Vérifiez que σ(a) = a. En déduire que a ∈ K. g) Quels sont les conjugués de ξ dans L ? En déduire que ξ est de degré n sur K. Conclure que L = K[ξ]. Exercice 4. Question préliminaire a) Soit ξ ∈ C un nombre algébrique. Montrez que l’idéal {P (X) ∈ Q(X) : P (ξ) = 0} de Q[X] admet un générateur Pm à coefficients entiers et primitif (on rappelle que cela signifie que les coefficients de Pm sont premiers entre eux dans leur ensemble). Montrez que Pm est unique à multiplication par −1 près. Question préliminaire b) Soient H un groupe abélien libre de type fini et (Gn )n≥1 une suite croissante de sous groupes non triviaux de H et G = ∪n≥1 Gn . Montrez que G est un groupe abélien libre de type fini. Montrez qu’il existe n0 tel que Gn = G pour tout n ≥ n0 . Définition. On dit qu’un nombre complexe ξ est un entier algébrique s’il est racine d’au moins un polynôme unitaire à coefficients entiers. c) Montrez que si ξ ∈√Q, alors ξ est un entier algébrique si et seulement si ξ ∈ Z. Montrez que (1 + 5)/2 est un entier algébrique. d) Dans cette question, ξ est un entier algébrique. On veut montrer que le groupe abélien (Z[ξ], +) est libre de type fini. Pour tout entier n ≥ 0, on note Gn le sous-groupe de (C, +) engendré par {1, ξ, ξ 2 , . . . , ξ n }. Vérifier que la réunion de ces groupes est égale à Z[ξ]. Déterminez un entier n0 ≥ 0 tel que Gn = Gn0 pour tout n ≥ n0 . Conclure. e) Soit z ∈ C. On suppose que le groupe (Z[ξ], +) est libre de type fini. Montrez que ξ est un entier algébrique. 114 ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES Méthode : Utilisez la question b) avec les groupes Gn définis comme dans la question précédente et H = Z[ξ]. f ) Soit ξ un entier algébrique. Montrez que Z[ξ] ∩ Q = Z. Méthode : Raisonner par l’absurde en supposant qu’il existe un élément de r ∈ Z[ξ] appartenant à Q \ Z. Écrire r = p/q avec p, q entiers premiers entre eux et q > 1. Utilisez le théorème de Bézout pour montrer que 1/q appartient à Z[ξ]. Utilisez ensuite la conclusion de la question d) et la question b) avec H = Z[ξ] et Gn = q −n Z. g) Dans cette question, ξ ∈ C est un nombre algébrique. Montrez que ξ est un entier algébrique si et seulement si le polynôme Pm (X) défini dans la question a) peut être choisi unitaire. Méthode pour la partie seulement si : Par hypothèse, il existe un polynôme unitaire P (X) admettant ξ pour racine. Montrez qu’il existe un polynôme Q(X) ∈ Z[X] et un nombre entier b 6= 0 tels que P (X) = Pm (X)b−1 Q(X) et montrez que b = ±1. h) Cette question est indépendante des questions f ) et g). Soient ξ1 et ξ2 deux entiers algébriques. Soient P1 (X) et P2 (X) ∈ Z[X] deux polynômes unitaires admettant respectivement z1 et z2 comme racines, et soient enfin d1 = deg(P1 ) et d2 = deg(P2 ). Montrez que {ξ1k1 ξ2k2 : 0 ≤ k1 < d1 , 0 ≤ k2 < d2 } est un système générateur de Z[ξ1 , ξ2 ]. De la question e), déduire que ξ1 + ξ2 et ξ1 ξ2 sont des entiers algébriques. Conclure que l’ensemble des entiers algébriques est un sous-anneau de C. En déduire une nouvelle démonstration du résultat de la question f).