Cours d`algèbre

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Cours d’algèbre
M1 Mathématiques et applications
M1 Mathématiques et enseignement
2012/2013
Table des matières
Chapitre I. Quelques rappels sur les groupes
1
Chapitre II. Action d’un groupe sur un ensemble
13
Chapitre III. Les théorèmes de Sylow
21
Chapitre IV. Groupes abéliens
28
Chapitre V. Anneaux commutatifs
40
Chapitre VI. Anneaux principaux, anneaux factoriels
51
Chapitre VII. Corps et extensions de corps
61
Chapitre VIII. Extensions algébriques, extensions finies
71
Chapitre IX. Fermeture algébrique, corps de décomposition
75
Chapitre X. Corps finis
81
Chapitre XI. Théorie de Galois I
85
Chapitre XII. Théorie de Galois II
90
Chapitre XIII. Théorie de Galois III
94
Chapitre XIV. Quelques exemples
97
Archives : Sujets d’examens et de partiels des années précédentes
101
CHAPITRE I
Quelques rappels sur les groupes
1. Préliminaires
Ce chapitre contient uniquement des révisions. On suppose connues les notions
de groupe, de sous-groupe, d’homomorphisme de groupes, de noyau et d’image d’un
homomorphisme. . .
Exercice 1. Soit G un groupe.
a) Montrez que toute intersection (finie ou infinie) de sous-groupes de G est une
sous-groupe de G.
b) Soient H et K deux sous-groupes de G. Montrez que H ∪ K est un sous-groupe
de G si et seulement si l’un des deux sous-groupes H ou K contient l’autre.
Notations. Si A est un ensemble fini, on note |A| son nombre d’éléments.
Le nombre d’éléments d’un groupe fini est appelé son ordre.
1.1. Groupes isomorphes.
Définition I.1. Soient G et H deux groupes et f : G → H une application. On
dit que f est un isomorphisme de groupes si f est bijective et si f et l’application
réciproque f −1 : H → G sont des homomorphismes de groupe.
On dit que les groupes G et H sont isomorphes s’il existe un isomorphisme de G
dans H.
Si deux groupes sont isomorphes alors ils ont les mêmes propriétés. Cette remarque
pourra être appliquée plusieurs fois dans ce chapitre et dans la suite de ce cours.
Exercice 2. Soient G et H deux groupes et f : G → H un homomorphisme de
groupes qui est une bijection. Montrez que f est un isomorphisme de groupes.
Définition I.2. Un automorphisme d’un groupe est un isomorphisme de ce groupe
sur lui-même.
Proposition I.3 (et définition). Soient G un groupe et g ∈ G. L’application ig : G →
G définie par
ig (x) = gxg −1 pour tout x ∈ G
est un automorphisme de G, appelé la conjugaison par g. Les automorphismes de ce
type sont aussi appelés les automorphismes intérieurs de G.
Démonstration. On vérifie facilement que ig est un homomorphisme de groupes.
C’est aussi une bijection, l’application réciproque étant ig−1 : x 7→ g −1 xg.
1.2. Sous-groupe engendré par un sous-ensemble.
Proposition I.4 (et définition). Soient G un groupe et S un sous-ensemble non
vide de G. Alors, la famille de tous les sous-groupes de G contenant S admet un plus
petit élément. Ce sous-groupe est appelé le sous-groupe de G engendré par S et il est
noté gp(S).
1
2
I. QUELQUES RAPPELS SUR LES GROUPES
Ainsi, gp(S) est caractérisé par les deux propriétés suivantes :
i) gp(S) est un sous-groupe de G contenant S ;
ii) si H est un sous-groupe de G contenant S alors H contient gp(S).
Le cas le plus important est celui où S est formé d’un seul élément a, on y reviendra
plus loin (Corollaire I.19).
Démonstration. Soit S la famille de tous les sous-groupes de G contenant S.
Cette famille est non vide puisque G ∈ S. Posons
\
K=
H .
H∈S
Comme toute intersection de sous-groupes de G est un sous-groupe de G, K est un
sous-groupe de G. Comme tous les éléments de S contiennent S, K ⊃ S.
Soit maintenant H un sous-groupe de G contenant S. Alors H ∈ S, c’est donc
l’un des ensembles dont l’intersection est K, et donc H ⊃ K. ainsi, l’ensemble
gp(S) := K vérifie toutes les propriétés annoncées.
2. Classes à gauche modulo un sous-groupe
2.1. Les définitions.
Notation. Soient H un sous-groupe du groupe G et x, y ∈ H. On note :
xH = {xh : h ∈ H} ; Hy = {hy : h ∈ H} ;
xHy = {xhy : h ∈ H} .
Exercice 3. Soient G un groupe, a ∈ G et H un sous-groupe de G. Montrer que
aHa−1 est un sous-groupe de G.
Proposition I.5 (et définition). Soient G un groupe, H un sous-groupe de G, et
x, y ∈ G. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
i) x−1 y ∈ H ; ii) y ∈ xH ; iii) yH ⊂ xH ;
iv) y −1 x ∈ H ; v) x ∈ yH ; vi) xH ⊂ yH ; vii) xH = yH .
Si ces propriétés sont réalisées on dit que y est congru à gauche à x modulo H.
Démonstration. Toutes les vérifications sont immédiates.
i) ⇒ ii). Soit h = x−1 y. d’après i), h ∈ H. On a y = xh, d’où ii).
ii) ⇒ i). Si y ∈ xH, il existe h ∈ H avec y = xh et on a x−1 y = h ∈ H d’où i).
ii) ⇒ iii). Si y ∈ xH, il existe h ∈ H avec y = xh. Pour tout h0 ∈ H on a
yh0 = xhh0 ∈ xH, d’où yH ⊂ xH.
iii) ⇒ ii). Comme 1G ∈ H, y ∈ yH. Si yH ⊂ xH on a donc y ⊂ xH.
i) ⇔ iv). Pour que x−1 y appartienne à H il faut et il suffit que son inverse
−1 −1
(x y) = y −1 x appartienne à H.
iv) ⇔ v)⇔ vi). Comme plus haut, en échangeant les rôles de x et de y.
vii) ⇔ i). vii) implique évidement iii) qui implique i). On a vu que i) implique iii)
et vi), et donc i) implique vii).
Dans ce chapitre, nous notons « y ≡H x » pour « y est congru à gauche à x
modulo H ». Cette notation est définie pour ce chapitre seulement, elle ne doit pas
être considérée comme « classique ».
D’après la caractérisation vii), la relation ≡H est une relation d’équivalence sur
G. En effet, cette relation est
2. CLASSES À GAUCHE MODULO UN SOUS-GROUPE
3
– reflexive : pour tout x ∈ G on a x ≡H x ;
– symétrique : pour tous x, y ∈ G, si x ≡H y alors y ≡H x ;
– transitive : pour tous x, y, z ∈ G, si x ≡H y et si y ≡H z alors x ≡H z.
Soit x ∈ G. On rappelle que la classe d’équivalence de x est
{y ∈ G : y ≡H x} .
Cette classe d’équivalence est appelée la classe de congruence à gauche de x modulo
H. D’après la caractérisation ii) de la proposition I.5, la classe de congruence à
gauche de x modulo H est égale à xH.
D’après les propriétés générales des classes d’équivalence, nous avons :
– Chaque x ∈ G appartient à sa propre classe de congruence.
– Si x et y sont congrus à gauche modulo H, alors leurs classes de congruence à
gauche modulo H sont confondues.
– Si x et y ne sont pas congrus à gauche modulo H, alors leurs classes de
congruence à gauche modulo H sont disjointes.
– Ainsi, les classes de congruence à gauche modulo H forment une partition de
G.
De plus, on vérifie immédiatement que
– La classe de congruence à gauche modulo H de 1G est H.
2.2. Cas d’un groupe fini.
Définition I.6 (et notation). Soient G un groupe et H un sous-groupe de G. Le
nombre (fini ou infini) de classes de congruence à gauche modulo H est appelé l’indice
de H dans G et est noté (G : H)
Supposons maintenant que G est fini. Comme les classes de congruence à gauche
modulo H forment une partition de G, elles sont en nombre fini et (G : H) est fini.
Soit x ∈ G. L’application h 7→ xh de h dans G est injective et son image est xH. Le
nombre d’éléments |xH| de xH est donc égal à l’ordre |H| de H. Toutes les classes de
congruence à gauche modulo H ont donc le même nombre d’éléments, égal à l’ordre
de H. Comme les classes de congruence à gauche modulo H forment une partition
de G, nous avons :
Théorème I.7. Soient G un groupe fini et H un sous groupe de G. Alors
|G| = (G : H) · |H| .
En particulier, l’ordre de H divise l’ordre de G.
Exercice 4. Soient H et K deux sous-groupes finis d’un groupe G et
def
HK = {hk : h ∈ H, k ∈ K} .
a) On note π : H × K → G l’application définie par π(h, k) = hk, de sorte que HK
est par définition l’image de cette application. Montrez que pour tout x ∈ HK on a
|π −1 {x}| = |H ∩ K|.
|H| · |K|
b) En déduire que |HK| =
.
|H ∩ K|
c) On suppose de plus que |H| et |K| sont premiers entre eux. Démontrez que
|H ∩ K| = 1. En déduire que |HK| = |H| · |K|.
4
I. QUELQUES RAPPELS SUR LES GROUPES
2.3. Ensemble quotient.
Définition I.8. Soient G un groupe et H un sous-groupe de G. L’ensemble quotient
G/H est l’ensemble formé des classes de congruence à gauche modulo H.
En particulier, si G est fini, (G : H) = |G/H|.
L’application qui à chaque x ∈ G associe sa classe de de congruence à gauche
xH modulo H est appelée l’application quotient. Cette application est évidement
surjective.
Si α appartient à l’ensemble quotient G/H, un représentant de α est un élément
arbitraire de la classe de congruence α.
Proposition I.9. Soient G un groupe, H un sous-groupe et π : G → G/H l’application quotient. Si α ∈ G/H et x ∈ G, les propriétés suivantes sont équivalentes.
i) π(x) = α ;
ii) x ∈ α ;
iii) x est un représentant de α ; iv) α = xH .
Démonstration. L’équivalence des trois premières propriétés provient immédiatement des définitions.
Si x appartient à la classe de congruence α, alors la classe de congruence xH de
x est égale à α. Ainsi, ii) entraîne iv). Inversement, comme x ∈ xH, on a que iv)
entraîne ii).
3. Sous-groupe distingué, groupe quotient
3.1. Sous-groupe distingué.
Proposition I.10 (et définition). Soient G un groupe et H un sous-groupe de G.
Les propriétés suivantes sont équivalentes :
i) pour tout x ∈ G on a xH ⊂ Hx ;
ii) pour tout x ∈ G on a xH ⊃ Hx ;
iii) pour tout x ∈ G on a xH = Hx ; iv) pour tout x ∈ G on a xHx−1 ⊂ H ;
v) pour tout x ∈ G on a xHx−1 ⊃ H ; vi) pour tout x ∈ G on a xHx−1 = H.
Si ces propriétés sont vérifiées on dit que H est un sous-groupe distingué de G.
Démonstration. i) ⇒ ii). Soit x ∈ G. En appliquant i) à x−1 on obtient
que x−1 H ⊂ Hx−1 . Soit h ∈ H. On a x−1 h ∈ Hx−1 donc il existe h0 ∈ H avec
x−1 h = h0 x−1 d’où hx = xh0 et donc hx ∈ xH. On a montré ii).
De cette implication on déduit immédiatement que i) ⇔ iii).
La démonstration de ii) ⇒ i) est similaire à celle de i) ⇒ ii).
On vérifie facilement que i) ⇔ iv), que ii) ⇔ v) et que iv) ⇔ vi).
Exercice 5. On veut montrer que tout sous-groupe H d’indice 2 d’un groupe G est
distingué.
a) Montrez que les classes à gauche modulo H sont H et G \ H.
b) Soit x ∈ H. Vérifier que Hx = H = xH.
c) Soit x ∈ G \ H. Montrez que xH = G \ H. Montrez que Hx ∩ H = ∅. En déduire
que Hx ⊂ xH.
d) Conclure.
Proposition I.11. Si G est abélien alors tout sous-groupe de G est distingué.
Démonstration. Soit H un sous-groupe de G. Soit x ∈ G. Pour tout h ∈ H
on a xhx−1 = h ∈ H, donc xHx−1 ⊂ H.
3. SOUS-GROUPE DISTINGUÉ, GROUPE QUOTIENT
5
Proposition I.12. Soient G et H deux groupes et f : G → H un homomorphisme
de groupes. Alors ker(f ) est un sous-groupe distingué de G.
Démonstration. Soit x ∈ G. Pour tout h ∈ ker(f ) on a
f (xhx−1 ) = f (x)f (h)f (x−1 ) = f (x)1H f (x−1 ) = f (x)f (x−1 ) = f (x)f (x)−1 = 1H
donc xhx−1 ∈ ker(f ). On a ainsi montré que x ker(f )x−1 ⊂ ker(f ).
3.2. Groupe quotient.
Théorème I.13. Soient G un groupe et H un sous-groupe distingué de G. Alors
on peut munir l’ensemble quotient G/H d’une structure de groupe de sorte que
l’application quotient G → G/H soit un homomorphisme de groupes.
De plus, il existe une seule multiplication sur G/H vérifiant ces propriétés.
Nous aurons besoin d’un lemme.
Lemme I.14. Soient G un groupe et H un sous-groupe distingué de G. Si x ≡H x0
et y ≡H y 0 alors xy ≡H x0 y 0 .
Démonstration du lemme.
On a (xy)−1 (x0 y 0 ) = y −1 (x−1 x0 )(y 0 y −1 )y. Par hypothèse, x−1 x0 et y 0 y −1 ) appartiennent à H, donc (x−1 x0 )(y 0 y −1 ) appartient à H. Comme H est distingué,
y −1 (x−1 x0 )(y 0 y −1 )y appartient à H. Nous concluons que xy ≡H x0 y 0 .
Démonstration du théorème.
Notons π : G → G/H l’application quotient.
Définition d’une multiplication dans G/H. Soient α, β ∈ G/G. Soient a, a0 ∈ G
deux représentant de α et b, b0 ∈ G deux représentants de β. Autrement dit, π(a) =
π(a0 ) = α et π(b) = π(b0 ) = β. Ou encore, a, a0 ∈ α et b, b0 ∈ β.
Comme a et a0 appartiennent à la même classe de congruence, a ≡ a0H . De même,
b ≡H b0 . D’après le lemme, ab ≡H a0 b0 , autrement dit π(ab) = π(a0 b0 ). Ainsi, on peut
définir sans ambiguïté αβ ∈ G/H en choisissant arbitrairement un représentant a de
α et un représentant b de β et en posant αβ = π(ab) : le résultat ne dépend pas des
choix de a et b que nous avons faits.
Par construction,
(1)
pour tous a, b ∈ G, π(a)π(b) = π(ab) .
Vérifions que G/H muni de cette application est un groupe. Posons 1G/H = π(1G ).
Autrement dit, 1G/H est la classe à gauche H modulo H. Soient α ∈ G/H. Soit a un
représentant de α. D’après (1) on a
1G/H α = π(1G )π(a) = π(1G a) = π(a) = α ;
α1G/H = π(a)π(1G ) = π(a1G ) = π(a) = α
et donc 1G/H est un élément neutre de G/H.
Soient α ∈ G et a un représentant de α. Montrons que π(a−1 ) est un inverse de
α dans G/H. D’après (1) on a
απ(a−1 ) = π(a)π(a−1 ) = π(aa−1 ) = π(1G ) = 1G/H
et on montre de même π(a−1 )α = 1G/H .
6
I. QUELQUES RAPPELS SUR LES GROUPES
Vérifions que la multiplication dans G/H est associative. Soient α, β et γ ∈ G/H.
Choisissons des représentants a, b et c de α, β et γ, respectivement. En utilisant (1)
encore et encore, on obtient
(αβ)γ = (π(a)π(b))π(c) = π(ab)π(c) = π((ab)c)
= π(a(bc)) = π(a)π(bc) = α(π(b)π(c) = α(βγ)
et nous avons ainsi montré que G/H muni de la multiplication définie plus haut est
un groupe.
D’après (1) il est immédiat que π : G → G/H est un homomorphisme de groupes.
Unicité. Soit ∗ une multiplication dans G/H et supposons que si G/H est muni
de cette multiplication alors c’est un groupe et π : G → G/H est un homomorphisme
de groupes. Il faut montrer que la multiplication ∗ est identique à la multiplication
définie plus haut, c’est à dire que α ∗ β = αβ pour tous α, β ∈ G/H. Soient a et b
des représentants de α et β, respectivement. On a π(a) = α et π(b) = β. Comme
π : (G, .) → (G/H, ∗) est un homomorphisme,
α ∗ β = π(a) ∗ π(b) = π(ab) = π(a)π(b) d’après (1)
= αβ . Exercice 6. Soit G un groupe. Soit Aut(G) le groupe formé de tous les automorphismes de G, muni de la composition. Soit aussi Int(G) le sous-ensemble de Aut(G)
formé des automorphismes intérieurs (voir Proposition I.3). Montrer que Int(G) est
un sous-groupe distingué de Aut(G).
Exercice 7. (Les commutateurs) Cet exercice est plutôt un problème ; il porte sur
les notions de sous-groupe engendré (proposition I.4) et d’automorphisme intérieur
(proposition I.3).
Soit G un groupe. Pour x, y ∈ G, on écrit
[x, y] = xyx−1 y −1 .
Préliminaires
a) Vérifiez les formules suivantes :
(2)
∀x, y ∈ G, [y, x] = [x, y]−1 .
(3)
∀x, y, z ∈ G, [xy, z] = ix ([y, z]) · [x, z] .
(4)
Identité de Hall-Witt :
∀x, y, z ∈ G, ix [x−1 , y], z · iz [z −1 , x], y · iy [y −1 , z], x = 1 .
b) Vérifiez que si f : G → G0 est un homomorphisme de groupes, alors
f ([x, y]) = [f (x), f (y)] pour tous x, y ∈ G .
Première partie
c) Si X et Y sont des sous-ensembles non vides de G, on écrit
[X, Y ] = gp [x, y] : x ∈ X, y ∈ Y .
Vérifiez que, pour tous X, Y ⊂ G non vides, on a [Y, X] = [X, Y ].
d) Montrez que si f : G → G0 est un homomorphisme de groupes et si X, Y sont des
sous-ensembles non vides de G on a f ([X, Y ]) = [f (X), f (Y )]. Méthode : utilisez la
la question b) et la caractérisation du sous-groupe engendré par un sous-ensemble.
3. SOUS-GROUPE DISTINGUÉ, GROUPE QUOTIENT
7
e) Soient H et K deux sous-groupes distingués de G. Montrez que [H, K] est un
sous-groupe distingué de G. Méthode : utilisez la question d) en l’appliquant aux
automorphismes intérieurs ig .
f ) On note G2 = [G, G]. D’après la question précédente, G2 est un sous-groupe
distingué de G. Montrez que le groupe quotient G/G2 est abélien.
g) Soit H un sous-groupe de G contenant G2 . Montrez que H est distingué et que
G/H est abélien.
h) Inversement, montrez que si H est un sous-groupe distingué de G tel que G/H
soit abélien, alors H contient G2 .
Deuxième partie
i) Soient N un sous-groupe distingué de G et x un élément de G. En utilisant (3),
montrez que l’ensemble Q := {w ∈ G : [w, x] ∈ N } est un sous-groupe de G.
j) (Lemme des trois groupes) Soient H, K et L trois sous-groupes de G et N un
sous-groupe distingué de G. Montrez que
si [H, K], L ⊂ N et [L, H], K ⊂ N alors [K, L], H ⊂ N .
Méthode : En utilisant l’identité (4), montrez que pour tout x ∈ H, tout y ∈ K et
tout z ∈ L on a [[y, z], x] ∈ N . Utilisez ensuite la question i).
k) On définit par récurrence une suite (Gk ; k ≥ 1) de sous-groupes de G par
G1 = G et Gk+1 = [Gk , G] pour tout k ≥ 1 .
(Ainsi, G2 désigne le même sous-groupe que plus haut). Montrez que cette suite de
sous-groupes est décroissante, et que tous ces sous-groupes sont distingués. Méthode :
procédez par récurrence. Vous pourrez utiliser la question e).
l) Montrez que pour tous k, ` ≥ 1 on a
[Gk , G` ] ⊂ Gk+` .
(5)
Méthode : en utilisant le lemme des trois groupes, montrez par récurrence sur k la
propriété P(k) : la formule (5) est valable pour tout `.
Troisième partie : Un passage au quotient
m) On note p : G → G/G2 et q : G2 → G2 /G3 les homomorphismes quotient. On
définit une application φ : G × G → G2 /G3 par
ψ(x, y) = q([x, y]) .
Montrez qu’il existe une unique application ψ : G/G2 × G/G2 → G2 /G3 telle que
φ(x, y) = ψ(p(x), p(y)) pour tous x, y ∈ G .
Montrez que, pour tout α ∈ G/G2 , l’application ξ 7→ ψ(α, ξ) est un homomorphisme
de groupes.
3.3. Le cas abélien.
Proposition I.15. Si G est un groupe abélien et si H est un sous-groupe de G alors
G/H est abélien.
On rappelle que d’après la proposition I.11, H est un sous-groupe distingué de G.
La démonstration de la proposition I.15 est laissée en exercice. Méthode : Utilisez la
définition de la multiplication dans G/H.
8
I. QUELQUES RAPPELS SUR LES GROUPES
4. Passage au quotient
4.1. Le théorème d’isomorphisme.
Théorème I.16. Soient G, H deux groupes et f : G → H un homomorphisme de
groupes. Alors le groupe quotient G/ ker(f ) est isomorphe au sous-groupe f (G) de
H.
Plus précisément, en notant π : G → G/ ker(f ) l’homomorphisme quotient, il
existe un isomorphisme φ : G/ ker(f ) → f (G) tel que f = φ ◦ π.
Démonstration.
Définition de l’application φ Soit α ∈ G/H et soient a, a0 ∈ G deux représentants
de α. Comme a et a0 appartiennent à la même classe de congruence α modulo ker(f ),
on a a ≡ker(f ) a0 et donc a−1 a0 ∈ ker(f ). Ainsi, f (a0 ) = f (a.a−1 a0 ) = f (a)f (a−1 a0 ) =
f (a)1H = f (a). On peut donc définir sans ambiguïté un élément φ(α) de H en
choisissant un représentant a de α et en posant φ(α) = f (a) : l’élément φ(α) ne
dépend pas du choix de a que nous avons fait. Remarquons que, par construction,
φ(α) appartient au sous-groupe f (G) de H. De plus, par construction, pour tout
a ∈ G on a φ(π(a)) = f (a) c’est à dire
f =φ◦π .
(6)
Vérifions que φ est un homomorphisme de groupes. Soient α, β ∈ G/ ker(f ) et
a, b ∈ G des représentants de α, β, respectivement. On a π(a) = α, π(b) = β et donc,
d’après (6),
φ(α)φ(β) = f (a)f (b) = f (ab) = φ(π(ab)) de nouveau d’après (6)
= φ(π(a)π(b)) car π est un homomorphisme
= φ(αβ) .
Vérifions que φ : G/ ker(f ) → f (G) est injectif. Soit α ∈ ker(φ) et montrons
que α = 1G/ ker(φ) . Soit a ∈ G un représentant de α. D’après (6), f (a) = φ(π(a)) =
φ(α) = 1H donc a ∈ ker(f ). Ainsi, a appartient à la classe ker(f ) de 1G modulo
ker(f ) et donc π(a) = π(1G ) c’est à dire α = 1G/ ker(f ) .
Vérifions que φ : G/ ker(f ) → f (G) est surjectif. Comme π est surjectif, on
déduit immédiatement de (6) que f et φ ont la même image.
Exercice 8. Avec les hypothèses et notations précédentes, montrez qu’il existe un
unique homomorphisme φ : G/ ker(f ) → H vérifiant f = φ ◦ π.
Exercice 9. Soient G un groupe et H, K deux sous-groupes distingués de G avec
K ⊂ H.
a) Expliquez pourquoi H/K est un sous-ensemble de G/K. Montrez que H/K est
un sous-groupe distingué de G/K.
b) Montrez que les deux sous-groupes quotient G/H et (G/K)/(H/K) sont isomorphes.
Méthode : soient p : G → G/K et q : G/K → (G/K)/(H/K) les homomorphismes
quotient. Montrez que le noyau de q ◦ p est H.
4. PASSAGE AU QUOTIENT
9
4.2. Le théorème de factorisation.
Théorème I.17. Soient G, H deux groupes et f : G → H un homomorphisme de
groupes. Soient K un sous-groupe distingué de G inclus dans ker(f ) et π : G → G/K
l’homomorphisme quotient. Alors il existe un unique homomorphisme de groupes
φ : G/K → H tel que
f =φ◦π .
(7)
Démonstration.
Définition de φ Soit α ∈ G/K et a, a0 ∈ G deux représentants de α. On a
a ≡K a0 , c’est à dire a−1 a0 ∈ K, donc a−1 a0 ∈ ker(f ), et donc f (a0 ) = f (a.a−1 a0 ) =
f (a)f (a−1 a0 ) = f (a). Ainsi, on définit sans ambiguïté un élément φ(α) de H en
choisissant un représentant arbitraire a ∈ G de α et en posant φ(α) = f (a) : le
résultat ne dépend pas du choix de a.
Par construction, pour tout a ∈ G, en posant α = π(a) on a que a est un
représentant de α donc, par construction, φ(α) = f (a) c’est à dire φ ◦ π(a) = f (a) :
on a ainsi montré (7).
Montrons que φ est un homomorphisme. Soient α, β ∈ G/K. Soient a, b ∈ G des
représentants de α, β, respectivement. Par construction,
φ(α)φ(β) = f (a)f (b) = f (ab) = φ(π(ab)) d’après (7)
= φ(π(a))π(b)) = φ(α)φ(β) .
Unicité. Soit ψ : G/K → H un homomorphisme vérifiant f = ψ◦π. Soit α ∈ G/K.
Soit a ∈ G un représentant de α. On a π(a) = α donc
φ(α) = φ ◦ π(a) = f (a) = ψ ◦ π(a) = ψ(α) . Exercice 10. Avec les hypothèses et notations précédentes, déterminez le noyau et
l’image de φ.
Exercice 11. Expliquez comment le théorème de factorisation entraîne le théorème
d’isomorphisme.
Exercice 12. R et Z sont munis (comme toujours) de l’addition, et le cercle unité
def
S 1 = {z ∈ C : |z| = 1}
de la multiplication. Montrez que S 1 est isomorphe à R/Z.
Exercice 13. Les résultats de cet exercice seront utilisés dans la section 1.2 du
chapitre III.
Soient G un groupe et H un sous-groupe de G. Le normalisateur de H est
Norm(H) = {g ∈ G : gHg −1 ⊂ H} .
Ainsi, Norm(H) = G si et seulement si H est distingué.
a) Vérifiez que Norm(H) est un sous-groupe de G contenant H.
Soit encore K un sous-groupe de G. On suppose que
K ⊂ Norm(H) .
On pose
HK = {hk : h ∈ H, k ∈ K} .
b) Montrez que HK est un sous-groupe de G.
10
I. QUELQUES RAPPELS SUR LES GROUPES
c) Montrez que H est un sous-groupe distingué de HK.
d) Soient i : K → HK l’homomorphisme d’inclusion et π : HK → (HK)/H l’homomorphisme quotient. Montrez que π ◦ i : K → (HK)/H est surjectif.
e) Montrez que le noyau de π ◦ i est K ∩ H.
f ) En déduire que K ∩ H est un sous-groupe distingué de K et que
K ∼ HK
.
=
K ∩H
H
5. Groupes monogènes, groupes cycliques
5.1. Un homomorphisme. Dans cette section, G est un groupe.
Notation. Soient G un groupe et a ∈ G. Pour tout entier n on note
 n fois

z }| {

aa · · · a si n > 0 ;
(8)
an = 1
si n = 0 ;


 −n −1
a
si n < 0 .
Proposition I.18. Soit a ∈ G. Alors l’application n 7→ an est un homomorphisme
de groupes de Z dans G.
Démonstration à compléter. Il faut montrer que
pour tous m, n ∈ Z,
(9)
am+n = am an .
Si m = 0 ou n = 0, la propriété (9) est évidente puisque a0 = 1. En considérant
séparément les cas où k < −1, où k = −1, où k = 0 et où k > 0, on vérifie sur la
définition (8) que
(10)
∀k ∈ Z,
aak = ak a = ak+1 .
Si m > 0, on utilisant deux fois (10), on écrit am an = am−1 aan = am−1 an+1 et
par récurrence on se obtient am an = a0 am+n = am+n : on obtient (9).
Si m < 0, on utilisant (10), on écrit am+1 = am a et donc am = am+1 a−1 . Puis,
de nouveau par (10), an−1 a = an donc a−1 an = an−1 . Ainsi, am an = am+1 a−1 an =
am+1 an−1 . Par récurrence on se ramène à m = 0 et on obtient am an = a0 an+m =
am+n .
5.2. Sous-groupe engendré par un élément.
Corollaire I.19 (et notation). Soit a ∈ G. Alors {an : n ∈ Z} est un sous-groupe de
G.
Ce sous-groupe est le plus petit sous-groupe de G contenant a, c’est donc le
sous-groupe engendré par a, défini dans la Proposition I.4. On note en général ce
sous-groupe gp(a) au lieu de gp({a}), et on le note aussi souvent < a >.
Démonstration. L’ensemble {an : n ∈ Z} est l’image de l’homomorphisme
défini dans la proposition précédente, c’est donc un sous-groupe de G.
Ce sous-groupe contient a = a1 . Inversement, si un sous-groupe H de G contient
a, alors il contient 1 et a−1 . Par récurrence, en utilisant (10), il contient an pour tout
n ∈ Z, et il contient donc gp(a).
5. GROUPES MONOGÈNES, GROUPES CYCLIQUES
11
Soient a ∈ G et φ : Z → G l’application n 7→ an , qui est un homomorphisme de
groupes d’après la proposition I.18. Alors ker(φ) est un sous-groupe de Z et on sait
qu’il existe un entier d ≥ 0 tel que ker(φ) = dZ.
Notons que φ est injectif si et seulement si ker(φ) = {0}, c’est à dire si d = 0.
Notons aussi que l’image de φ est le sous-groupe trivial {1} de G si et seulement si
ker(φ) = Z, c’est à dire si d = 1. Cette condition équivaut à a = 1. Nous concluons :
Proposition I.20. Tout élément a ∈ G satisfait une et une seule des deux propriétés
suivantes.
i) tous les éléments an , n ∈ Z, sont deux à deux distincts.
Dans ce cas, sous-groupe gp(a) engendré par a est alors isomorphe à Z.
On dit alors que a est d’ ordre infini ;
ii) Les éléments an , n ∈ Z, ne sont pas distincts.
Le sous-groupe gp(a) est alors isomorphe à Z/dZ pour un certaine entier
d ≥ 1 et en particulier | gp(a)| = d. La suite (an ; n ∈ Z) est alors périodique
de période d.
On dit alors que a est d’ ordre d.
Le seul élément de G d’ordre 1 est l’élément neutre 1.
Si G est fini, alors tout élément de G est évidement d’ordre fini et, d’après le
théorème I.7 on a
Proposition I.21. Si G est fini, alors l’ordre de tout élément de G divise l’ordre de
G.
5.3. Groupe monogène, groupe cyclique.
Définition I.22. On dit qu’un groupe G est monogène s’il est engendré par un seul
élément. Si de plus il est fini on dit que ce groupe est cyclique.
D’après la proposition I.20 nous avons :
Corollaire I.23. Tout groupe monogène infini est isomorphe à Z.
Tout groupe cyclique est isomorphe à Z/dZ pour un certain entier d ≥ 1.
En particulier, tout groupe monogène est abélien.
Exercice 14. (Cet exercice sera utilisé plus tard) Réécrire toute cette section dans
le cas où le groupe G est abélien et où on utilise la notation additive pour G.
Exercice 15. Soit G un groupe dont l’ordre est un nombre premier p. Montrer que
G est cyclique.
Exercice 16. Soient G un groupe et a, b ∈ G. Le sous-groupe gp(a, b) de G engendré
par a et b est par définition le plus petit-sous-groupe de G contenant a et b.
On suppose que a et b commutent, c’est à dire que ab = ba. Montrez que
gp(a, b) = {am bn : m, n ∈ Z}.
Si a et b ne commutent pas, le groupe gp(a, b) est en général beaucoup plus
difficile à décrire.
Exercice 17. Soit G un groupe. Le centre de G est
def
Z = {z ∈ G : zx = xz pour tout x ∈ G} .
a) Montrer que Z est un sous-groupe distingué de G.
12
I. QUELQUES RAPPELS SUR LES GROUPES
b) On suppose désormais que G n’est pas abélien. Montrer que le groupe quotient
G/Z n’est pas monogène. Méthode : On raisonne par l’absurde. Soit α un générateur
de G/Z. Soit a ∈ G un représentant de α. Que pouvez-vous dire de l’ensemble
{an z : n ∈ Z, z ∈ Z} ?
Conclure.
CHAPITRE II
Action d’un groupe sur un ensemble
Notations. Sauf mention du contraire, tous les groupes de ce chapitre sont notés
multiplicativement.
On rappelle que si X est un ensemble fini, |X| désigne le nombre d’éléments de
X.
Pour tout ensemble X non vide, on appelle permutation de X une bijection de
X sur lui-même. On note Perm(X) le groupe formé des permutations de X, muni
de la composition ; l’élément neutre de ce groupe est la permutation identité de X
notée idX .
Pour tout entier n ≥ 1, Sn désigne le groupe Perm({1, 2, . . . , n}) des permutations
de {1, 2, . . . , n}. On rappelle que |Sn | = n!.
Soit X = {x1 , x2 , . . . , xn } un ensemble ayant n éléments. Pour tout σ ∈ Sn ,
l’application σ
e de X dans lui-même définie par σ
e(xj ) = xσ(j) pour 1 ≤ j ≤ n est une
permutation de X. Les permutations σ
e pour σ ∈ Sn sont deux à deux distinctes, et
on obtient ainsi toutes les permutations de X. Autrement dit, l’application σ 7→ σ
e
est une bijection de Sn sur Perm(X), et on vérifie facilement que cette application
est un isomorphisme de groupes. On convient souvent d’identifier σ
e et σ, et donc
Perm(X) et Sn
1. Définitions et exemples
1.1. Deux définitions équivalentes.
Définition II.1. Soient G un groupe et X un ensemble non vide. Une action de G
sur X est une application (g, x) 7→ g · x de G × X dans X vérifiant
i) Pour tous g, h ∈ G et tout x ∈ X on a g · (h · x) = (gh) · x ;
ii) pour tout x ∈ X on a 1G · x = x.
On notera les actions avec un point comme dans cette définition, ou par un
symbole analogue comme •, ◦, . . .
Donnons-nous une action d’un groupe G sur un ensemble X. Pour chaque g ∈ G
notons i(g) l’application de X dans lui même donnée par
i(g)(x) = g · x pour tout x ∈ X .
(1)
La condition i) de la définition s’écrit :
(2)
pour tous g, h ∈ G, i(gh) = i(g) ◦ i(h)
et la condition ii) s’écrit
i(1G ) = idX .
Pour tout g ∈ G on a donc
i(g)i(g −1 ) = i(gg −1 ) = i(1G ) = idX et i(g −1 )i(g) = i(g −1 g) = i(1G ) = idX .
13
14
II. ACTION D’UN GROUPE SUR UN ENSEMBLE
Par conséquent, pour tout g ∈ G, i(g) est une permutation de X. L’application
i est donc une application de G dans Perm(X) et la relation (2) dit que i est un
homomorphisme de groupes de G dans Perm(X).
Inversement, donnons-nous un homomorphisme de groupes i de G dans Perm(X).
Pour tout g ∈ G et tout x ∈ X définissons g · x par (1). On vérifie immédiatement
que l’application (g, x) 7→ g · x ainsi définie satisfait les conditions i) et ii) de la
définition II.1. C’est donc une action de G sur X. La définition suivante est donc
équivalente à la précédente :
Définition II.2 (Équivalente à la définition II.1). Une action d’un groupe G sur un
ensemble X est un homomorphisme de groupes i de G dans Perm(X).
La relation entre cette définition et la définition II.1 est donnée par la formule
(1)
i(g)(x) = g · x pour tout x ∈ X .
Exercice 1. Soient G un groupe, X, Y deux ensembles non vides, (g, x) 7→ g · x
une action de G sur X et (g, y) 7→ g ◦ y une action de G sur Y . Pour g ∈ G et
(x, y) ∈ X × Y on note g • (x, y) = (g · x, g ◦ y). Montrez qu’on a ainsi défini une
action de G sur X × Y .
Exercice 2. Soient X un ensemble on vide.
a) Soit σ ∈ Perm(X). Montrez qu’il existe une unique action de Z sur X vérifiant
1 · x = σ(x) pour tout x ∈ X.
b) Soient σ, τ ∈ Perm(X). À quelle condition existe-t-il une action de Z2 sur X telle
que (1, 0) · x = σ(x) et (0, 1) · x = τ (x) pour tout x ∈ X ? Montrer que cette action
est alors unique.
c) Soient σ ∈ Perm(X) et n ≥ 1 un entier. On note 1 l’image de l’entier 1 dans
Z/nZ. À quelle condition existe-t-il une action de Z/nZ sur X telle que 1 · x = σ(x)
pour tout x ∈ X. Montrer que cette action est alors unique.
1.2. Premiers exemples.
1.2.1. Soient G un groupe et X un ensemble on vide. Pour tout g ∈ G et tout
x ∈ X posons g · x = x. C’est une action de G sur X appelée l’action triviale.
L’homomorphisme i : G → Perm(X) est l’homomorphisme trivial : φ(g) = idX pour
tout g ∈ G.
1.2.2. Pour tout ensemble X non vide, l’application identité Perm(X) →
Perm(X) est un homomorphisme de groupes, et donc une action de Perm(X) sur X.
Avec la notation de la première définition, σ · x = σ(x) pour tout σ ∈ Perm(X) et
tout x ∈ X. Cette action est appelée l’action naturelle de Perm(X) sur X.
1.2.3. Restriction à un sous-groupe. Donnons-nous une action du groupe G sur
l’ensemble X et soit H un sous-groupe de G. On définit une action de H sur X
en restreignant l’application (g, x) 7→ g · x à H × X. De manière équivalente, on
restreint à H l’homomorphisme de G dans Perm(X) donné par l’action. L’action
obtenue s’appelle la restriction à H de l’action.
Un cas fréquent est où H est un groupe de permutations de l’ensemble X, c’est à
dire un sous-groupe de G = Perm(X). La restriction à H de l’action naturelle de
Perm(X) sur X est encore appelée l’action naturelle de H sur X. Elle est donnée
par g · x = g(x) pour x ∈ X et g ∈ H.
1. DÉFINITIONS ET EXEMPLES
15
1.2.4. Actions linéaires, représentations linéaires. Soit E un espace vectoriel
sur un corps K. On note GL(E) le groupe (pour la composition) des applications
K-linéaires bijectives de E dans lui-même.
On note GL(n, K) au lieu de GL(Kn ). On identifie souvent une application linéaire
de Kn dans lui-même avec sa matrice dans la base canonique et on identifie ainsi
GL(n, K) au groupe des matrices n×n inversibles à coefficients dans K. Ces notations
sont surtout utilisées dans les cas où K = R ou C.
Revenons au cas général d’un espace vectoriel E sur le corps K. L’application
qui à chaque Φ ∈ GL(E) et à chaque x ∈ E associe Φ(x) est une action de GL(E)
sur E, appelée l’action linéaire naturelle.
Beaucoup de groupes intervenant en géométrie sont des sous-groupes de GL(n, R),
par exemple SL(n, R), O(n), SO(n) . . .Par restriction, on obtient des actions de ces
groupes sur Rn . De même, les groupes SL(n, C) et ses sous-groupes comme U(n)
agissent sur Cn .
Définition II.3. Soient G un groupe et E un espace vectoriel sur un corps K. Une
représentation linéaire de G dans E est un homomorphisme de groupes de G dans
GL(E).
Si π : G → GL(E) est une représentation linéaire, l’application (g, x) 7→ π(g)(x)
est une action de G sur E, appelée une action linéaire.
Si E est un espace euclidien (resp. hermitien) on définit de même la notion de
représentation orthogonale (resp. unitaire) d’un groupe sur E.
1.2.5. Action induite sur un sous-ensemble invariant.
Définition II.4. Donnons-nous une action d’un groupe G sur un ensemble X. On
dit qu’un sous-ensemble non vide Y de X est invariant (ou stable) si
pour tout g ∈ G et tout y ∈ Y on a g · y ∈ Y .
Soit Y un sous-ensemble invariant de X. On obtient une action de G sur Y en
restreignant l’application (g; x) 7→ g · X à G × Y . Cette action s’appelle l’action
induite sur Y .
Exercice 3. Soit (g, x) 7→ g · x une action d’un groupe G sur un ensemble X. On
rappelle que P(X) désigne la famille de tous les sous-ensembles de X. Pour g ∈ G et
E ∈ P(X) on note g • E = {g · x ; x ∈ E}.
a) Vérifiez qu’on a ainsi défini une action de G sur P(X).
b) Pour tout entier n ≥ 0 on note Pn (X) la famille des parties de X ayant n
éléments. Vérifiez que Pn (X) est un sous-ensemble invariant de P(X) pour l’action
ainsi définie.
1.3. Un peu de vocabulaire. Donnons-nous une action d’un groupe G sur un
ensemble X.
– On dit que cette action est fidèle si l’homomorphisme G → Perm(X) associé à
cette action est injectif.
– On dit que cette action est libre si pour tout x ∈ X et tout g ∈ G différent de
1G on a g · x 6= x.
Exercice 4.
a) Toute action libre est fidèle. La réciproque est fausse.
b) Parmi toutes les actions données en exemple dans ce chapitre, dites lesquelles
sont libres et lesquelles sont fidèles.
16
II. ACTION D’UN GROUPE SUR UN ENSEMBLE
1.4. Quelques actions qui interviennent en théorie des groupes. Soit G
un groupe, noté multiplicativement.
1.4.1. On définit l’action de G sur lui-même par translations à gauche par
g · x = gx pour tout g, x ∈ G .
Cette action de G sur lui même est fidèle, c’est à dire que l’homomorphisme i : G →
Perm(G) associé à cette action est injectif. En effet, si g ∈ ker(i) on a i(g) = idG , et
donc g = g · 1G = i(g)(1G ) = idG (1G ) = 1G , et notre affirmation est démontrée.
Exercice 5. L’application de G × G dans G donnée par g · x = xg est-elle une
action en général ? Dans quel cas particulier est-ce une action ?
Théorème (de Cayley). Tout groupe fini d’ordre n est isomorphe à une sous-groupe
de Sn .
Démonstration. On a vu que l’homomorphisme i : G → Perm(G) associé à
l’action de G sur lui-même par translations à gauche est injectif. Il définit donc
un isomorphisme de G sur son image, qui est un sous-groupe de Perm(G). Comme
|G| = n on peut identifier Perm(G) et Sn , d’où le résultat.
1.4.2. Action de G sur G/H par translations à gauche. Soient G un groupe et H
un sous-groupe. On rappelle que G/H désigne l’ensemble des classes de congruence
à gauche xH modulo H. Pour toute classe à gauche xH et tout g ∈ G, notons g · xH
la classe à gauche gxH. On définit ainsi une action de G sur G/H, qu’on appelle
aussi action par translations à gauche.
Exercice 6. Plus généralement, donnons-nous une action d’un groupe G sur un
ensemble X et une relation d’équivalence ∼ sur x vérifiant
pour tous x, y ∈ X et tout g ∈ G, si x ∼ y alors g · x ∼ g · y .
On dit alors que l’action et la relation d’équivalence sont compatibles. Montrez
comment définir naturellement une action de G sur l’ensemble quotient X/ ∼.
1.4.3. Action par conjugaison.
Notation. On note Aut(G) le groupe des automorphismes de G, muni de la composition. Ainsi, Aut(G) est un sous-groupe de Perm(G).
Pour tout g ∈ G, l’application i(g) : x 7→ gxg −1 est un automorphisme de G. Un
automorphisme de ce type est appelé un automorphisme intérieur. L’application
i : G → Aut(G) est un homomorphisme de groupes. C’est donc aussi un homomorphisme de groupes de G dans Perm(G). Ainsi, i définit donc une action de G sur
lui-même, appelée action par automorphismes intérieurs.
Soit H un sous-groupe distingué de G. Alors H est un ensemble invariant pour
cette action, et on peut donc considérer l’action de G sur H par automorphismes
intérieurs.
Exercice 7. Soient G et H deux groupes et τ : h 7→ τh un homomorphisme de H
dans Aut(G) (autrement dit, τ définit une action de H sur G par automorphismes).
Pour tout (g, h) ∈ G × H on définit une application σg,h de G dans lui même par
σg,h (x) = gτh (x) pour tout x ∈ G .
a) Vérifiez que pour tout (g, h) ∈ G × H on a σg,h ∈ Perm(G), c’est à dire que
l’application σg,h est une bijection de G sur lui-même. Vérifiez que l’application
(g, h) 7→ σg,h est une injection de G × H dans Perm(G).
2. ORBITES ET STABILISATEURS
17
b) Vérifiez que pour tous (g, h) et (g 0 , h0 ) ∈ G × H, il existe un unique couple
(g 00 , h00 ) ∈ G × H, avec σg,h ◦ σg0 ,h0 = σg00 ,h00 . On note ce couple (g, h) ∗ (g 0 , h0 ). Montrez
que G × H muni de l’opération ∗ est un groupe. Ce groupe est noté G nj H et est
appelé le produit tordu de G et H. Vérifiez que l’application (g, h) 7→ σg,h est un
homomorphisme de groupes de G nj H dans Perm(G). On a ainsi défini une action
fidèle de G nj H sur G.
c) Soient i : G → Gnj H et π : G×j H → H les applications définies par i(g) = (g, 1H )
et π(g, h) = h. Montrez que ces applications sont des homomorphismes de groupes,
que i est injectif et que ker(π) = i(G). En déduire que i(G) est un sous-groupe
distingué de G nj H et que H nj G/i(G) est isomorphe à H.
2. Orbites et stabilisateurs
2.1. Orbites.
Exercice 8. On dit qu’une action du groupe G sur l’ensemble X est transitive s’il
existe x0 ∈ X tel que :
pour tout x ∈ X il existe g ∈ G avec g · x0 = x.
Supposons cette propriété vérifiée. Montrez que pour tous x, y ∈ X il existe g ∈ G
tel que g · x = y.
Définition II.5. Soit (g, x) 7→ g · X une action du groupe G sur l’ensemble non vide
X. Pour tout x ∈ X, l’orbite de x est le sous-ensemble
G · x = {g · x ; g ∈ G}
de X.
Définissons une relation ≡ sur X par
x ≡ y si y ∈ G · x .
Montrons que cette relation est une relation d’équivalence sur X. Cette relation
est reflexive : pour tout x ∈ X on a x = 1G · x donc x ∈ G · x, c’est à dire x ≡ x.
Elle est symétrique : en effet, si x ≡ y, il existe g ∈ G tel que g · x = y, et on a
g −1 · y = g −1 g · x = x, donc x ∈ G · y et y ≡ x. Elle est transitive : en effet, si x ≡ y
et y ≡ z, il existe g ∈ G avec y = g · x et il existe h ∈ G avec h · y = z et on a
hg · x = z donc z ≡ x.
Pour tout x ∈ X, la classe d’équivalence de x pour cette relation est l’orbite G · x
de x par définition. On en déduit :
Proposition II.6. Soit (g, x) 7→ g · x une action du groupe G sur l’ensemble non
vide X. Alors deux orbites sont toujours identiques ou disjointes. Plus précisément,
pour tous x, y ∈ X,
– ou bien y appartient à l’orbite G · x de x et dans ce cas les orbites G · x et G · y
sont identiques ;
– ou bien y n’appartient pas à l’orbite G · x de x et dans ce cas les orbites G · x
et G · y sont disjointes.
Ainsi, les orbites forment une partition de X.
Si X est fini, |X| est la somme des nombres d’éléments des différentes orbites.
18
II. ACTION D’UN GROUPE SUR UN ENSEMBLE
Exercice 9. Soient une action d’un groupe G sur un ensemble X et Y un sousensemble non vide de X. Alors Y est invariant si et seulement si il est égal à une
réunion d’orbites.
Exercice 10. Soient G un groupe et H un sous-groupe. Considérons l’action de H
sur G obtenue en restreignant à H l’action de G sur lui-même par translations à
gauche. Alors l’orbite de x ∈ G est la classe de congruence à droite Hx modulo H.
Un sous-ensemble non vide de G est invariant si et seulement si il est une réunion de
classes de congruence à droite modulo H.
Exercice 11. (Décomposition d’une permutation en cycles)
Soient Y un ensemble fini, k = |Y | et τ ∈ Perm(Y ). On dit que τ est une
permutation circulaire de Y si on peut écrire l’ensemble Y sous la forme Y =
{y0 , y1 , . . . , yk−1 } de sorte que τ (i) = yi+1 pour 0 ≤ i < k − 1 et τ (yk−1 ) = y0 .
Désormais, n ≥ 2 est un entier, σ ∈ Sn et G est le sous-groupe de Sn engendré
par σ. On considère la restriction à G de l’action naturelle de Sn sur {1, 2, . . . , n}.
a) Montrer que σ est une permutation circulaire de {1, 2, . . . , n} si et seulement si
l’action de G sur {1, 2, . . . , n} est transitive.
b) Soit O une orbite de G pour cette action. Montrer que la restriction de σ à O est
une permutation circulaire de O.
c) Soient O1 , . . . , O` les différentes orbites de l’action de G sur {1, 2, . . . , n}. Pour
1 ≤ j ≤ ` on définit l’application σj de {1, 2, . . . , n} dans lui-même par
σj (i) = σ(i) si i ∈ Oj
;
σj (i) = i sinon.
Vérifiez que chacune des applications σj ainsi définie est une permutation de
{1, 2, . . . , n}. Montrer que les permutations σj commutent entre elles, c’est à dire
que σj ◦ σk = σk ◦ σj pour tous j, k ∈ {1, . . . , `}. Vérifier que σ = σ1 ◦ σ2 ◦ · · · ◦ σ` .
d) Montrer que |G| = ppcm1≤j≤` |Oj | (utiliser la deuxième partie de la proposition II.8).
2.2. Stabilisateurs.
Définition II.7 (et proposition). Soit (g, x) 7→ g · X une action du groupe G sur
l’ensemble non vide X. Pour tout x ∈ X, le stabilisateur Gx de x est le sous-ensemble
Gx = {g ∈ G ; g · x = x}
de G. C’est un sous-groupe de G.
Attention aux notations : il ne faut pas confondre Gx et G · x.
Soient x ∈ G. Soient g, h ∈ G. Alors g · x = h · x si et seulement si h−1 g · x = x,
c’est à dire si h−1 g ∈ Gx , c’est à dire si g et h sont congrus à gauche modulo Gx .
L’application φ : g 7→ g · x de G dans X passe donc au quotient G/Gx et définit
une application injective φ̄ : G/Gx → X. Cette application a la même image que φ,
c’est à dire G · x. Nous avons ainsi construit une bijection entre G/Gx et G · x. On
rappelle que l’indice (G : Gx ) de Gx dans G est le cardinal de G/Gx . Nous avons
montré :
Proposition II.8. Soit (g, x) 7→ g · X une action du groupe G fini sur l’ensemble
fini non vide X. Alors toutes les orbites sont finies et, pour tout x ∈ X on a
|G · x| = (G : Gx ) .
En particulier, le cardinal de toute orbite divise l’ordre de G.
2. ORBITES ET STABILISATEURS
19
On utilise souvent les propositions II.6 et II.8 ensemble. Donnons-nous une action
du groupe fini G sur un ensemble fini X et soient O1 , . . . , Ok les orbites de cette
action. Pour 1 ≤ j ≤ k choisissons un élément xj de Oj ; on a donc Oj = G · xj . On
obtient :
k
k
k
k
X
X
X
X
|G|
|X| =
|Oj | =
|G · xj | =
(G : Gxj ) =
.
|Gxj |
j=1
j=1
j=1
j=1
Exercice 12. On se donne une action d’une groupe G sur un ensemble X et un
point x ∈ X.
a) Soit y appartenant à l’orbite de x. Quelle relation y a-t-il entre Gy et Gx ?
b) On suppose maintenant que l’action est transitive et fidèle. Montrez que Gx ne
contient aucun sous-groupe distingué de G sauf le sous-groupe trivial.
2.3. Points fixes – une application aux p-groupes.
Définition II.9. Donnons nous une action d’un groupe G sur un ensemble non vide
X. Un point fixe de cette action est un élément x de X dont l’orbite est l’ensemble
{x}, c’est à dire tel que g · x = x pour tout g ∈ G.
Définition II.10. Soit p un nombre premier. Un p-groupe est un groupe fini non
trivial dont l’ordre est une puissance de p.
Proposition II.11. Donnons-nous une action d’un p-groupe G sur un ensemble fini
non vide X. Soit F l’ensemble des points fixes de cette action. Alors :
|F | = |X| mod p .
Démonstration. Soient k le nombre de points fixes et x1 , . . . , xk ces points.
Pour 1 ≤ i ≤ k, {xi } est une orbite de l’action, et on obtient ainsi toutes les orbites
formées d’un seul élément. Soient m le nombre d’orbites ayant plus d’un élément et
O1 , . . . , Om ces orbites. D’après la dernière partie de la proposition II.6,
(3)
|X| = |{x1 }| + · · · + |{xk }| + |O1 | + · · · + |Om | = k + |O1 | + · · · + |Om | .
Pour 1 ≤ j ≤ m on a |Oj | > 1 par définition, et |Oj | divise |G| d’après la proposition II.8. Comme |G| est une puissance positive de p, |Oj | est aussi une puissance
positive de p et en particulier |Oj | est est un multiple de p. L’égalité (3) précédente
donne donc |X| = k mod p.
On rappelle que le centre d’un groupe G est
Z(G) = {g ∈ G ; gh = hg pour tout h ∈ G}
= {g ∈ G ; hgh−1 = g pour tout h ∈ G} .
Z(G) est un sous-groupe distingué de G.
Théorème II.12. Soit p un nombre premier et G un p-groupe. Alors le centre de G
est non trivial.
Démonstration. Considérons l’action de G sur lui-même par conjugaison,
comme dans la section 1.4.3. Les points fixes de cette action sont les éléments du
centre de G. D’après la proposition II.11 on a donc |Z(G)| = |G| mod p, donc |Z(G)|
est un multiple de p.
Comme Z(G) est un sous-groupe de G c’est un ensemble non vide, donc |Z(G)| ≥
1. Comme |Z(G)| est un multiple de p, on a donc |Z(G)| ≥ p > 1 et Z(G) est non
trivial.
20
II. ACTION D’UN GROUPE SUR UN ENSEMBLE
Exercice 13. Soit p un nombre premier. Dans cet exercice on montre que tout
groupe d’ordre p2 est abélien. On raisonne par l’absurde et on suppose que G est un
groupe non abélien d’ordre p2 . On note Z = Z(G).
a) Montrez que Z est d’ordre p.
b) en déduire que G/Z est isomorphe à Z/pZ.
c) Conclure en utilisant le résultat de l’exercice 17 du chapitre I.
Exercice 14. Un groupe non abélien d’ordre p3 .
Soit p un nombre premier. On munit H = {0, 1, . . . , p − 1}3 de la multiplication
donnée par :
pour x, y, z, x0 , y 0 , z 0 ∈ {0, 1, . . . , p − 1},
(x, y, z) · (x0 , y 0 , z 0 ) = (x + x0 mod p, y + y 0 mod p, z + z 0 + xy 0 mod p)
a) Montrez que G muni de cette multiplication est un groupe. Indication : Vérifiez
que pour tous x, y, z, x0 , y 0 , z 0 ∈ Z/pZ on a

 
 

1 x z
1 x0 z 0
1 x + x0 z + z 0 + xy 0
0 1 y  · 0 1 y 0  = 0
1
y + y0 
0
0
1
0 0 1
0 0 1
et déduisez-en les propriétés recherchées.
b) Quel est le centre Z de H ? Vérifiez que le quotient G/Z est isomorphe à
Z/pZ × Z/pZ.
(En fait on peut montrer que tout groupe non abélien d’ordre p3 est isomorphe à
H.)
Voir aussi : Exercice 3 de l’examen de janvier 2010 (page 106).
CHAPITRE III
Les théorèmes de Sylow
Définition III.1. Soit G un groupe fini non trivial, p un diviseur premier de |G| et
pr la plus grande puissance de p divisant |G|. Un p-sous-groupe de Sylow de G est
un sous-groupe de G d’ordre pr .
Dans ce chapitre nous montrons :
Théorème III.2 (Les trois théorèmes de Sylow). Soient G un groupe fini non trivial
et p un diviseur premier de |G|.
– Premier théorème de Sylow. G admet au moins un p-sous-groupe de
Sylow. Plus précisément, le nombre de p-sous-groupes de Sylow est congru à 1
modulo p.
– Deuxième théorème de Sylow. Tout p-sous-groupe de G est inclus dans
un p-sous-groupe de Sylow.
– Troisième théorème de Sylow. Si H et H 0 sont deux p-sous-groupes de
Sylow alors ils sont conjugués, c’est à dire qu’il existe g ∈ G avec H 0 = gHg −1 ;
1. Préliminaires
1.1. Un lemme arithmétique.
Lemme III.3. Soient p un nombre premier,
r ≥ 1 un entier et q un entier premier
r
avec p. Alors le coefficient binomial qp
est
congru à q modulo p.
pr
Notations. On utilise ici la notation
« officielle » des
coefficients du binôme, la
pr
qpr
tradition en France était de noter Cqp
.
r au lieu de
pr
Soit p un nombre premier. Pour tout entier m ≥ 1 on note pv(m) la plus grande
puissance de p divisant m.
Démonstration. Soient p, r et q comme dans l’énoncé. Par définition des
coefficients du binôme on a
r
qp
qpr (qpr − 1)(qpr − 2) . . . (qpr − (pr − 1))
=
pr
pr (pr − 1)(pr − 2) . . . (pr − (pr − 1))
et donc
r −1
r pY
pr −1
Y
qp
r
(1)
q·
(qp − j) =
·
(pr − j) .
r
p
j=1
j=1
Dans cette égalité (1), pour 1 ≤ j ≤ pr − 1, divisons le terme qpr − j du membre de
gauche et le terme pr − j du membre de droite par pv(j) ; nous obtenons :
r −1
r pY
pr −1
Y
j qp
j r−v(j)
r−v(j)
(2)
q·
qp
− v(j) =
·
p
−
p
pr
pv(j)
j=1
j=1
où tous les termes des deux produits sont des nombres entiers. En effet, pour
1 ≤ j < pr , j est divisible par pv(j) et donc j/pv(j) est un entier ; de plus, j n’est
21
22
III. LES THÉORÈMES DE SYLOW
pas divisible par pr , donc v(j) < r et pr−v(j) est un entier. Plus précisément, pour
1 ≤ j < pr , r − v(j) > 0 et pr−v(j) est un multiple de p et nous avons
qpr−v(j) −
j
pv(j)
= −
j
pv(j)
mod p et pr−v(j) −
j
pv(j)
= −
j
pv(j)
mod p .
En reportant ces égalités dans (2), on obtient
pr −1
q·
Y
j=1
−
j pv(j)
r −1
r pY
j qp
−
=
·
mod p .
pr
pv(j)
j=1
Par définition de v(j), tous les termes −j/pv(j) sont des entiers premiers avec p,
leurs images
dans Z/pZ sont donc inversibles et nous pouvons simplifier. Il vient
qpr
q = pr mod p ce qu’il fallait démontrer.
1.2. Un rappel sur la théorie élémentaires des groupes. Les résultats de
cette section sont utilisés uniquement dans la section 4 ou l’on donne des démonstrations alternatives d’une partie des théorèmes de Sylow.
Nous allons utiliser les définitions et résultats de l’exercice 13 du chapitre I, que
nous rappelons ici.
Lemme III.4. Soient G un groupe et H un sous-groupe de G. Le normalisateur de
H est
Norm(H) = {g ∈ G : gHg −1 ⊂ H} .
Soit encore K un sous-groupe de G avec K ⊂ Norm(H). On pose
HK = {hk : h ∈ H, k ∈ K} .
Alors HK est un sous-groupe de G, H est un sous-groupe distingué de HK, K ∩ H
est un sous-groupe distingué de K et K/(K ∩ H) ∼
= (HK)/H.
Corollaire III.5. Soient G un groupe fini, p un nombre premier divisant |G|, L un psous-groupe de Sylow de G et K un p-sous-groupe de G contenu dans le normalisateur
Norm(L) de L. Alors K est inclus dans L.
Démonstration. Écrivons |G| = pr q avec r ≥ 1 et q premier avec p.
D’après le lemme III.4, LK est un sous-groupe de G contenant L et
|LK| / |L| = |K| / |L ∩ K| .
Comme K est un p-groupe, son ordre est une puissance de p et donc |K|/|L∩K| = pm
pour un certain entier m ≥ 0. On a donc |LK| = pm |L| = pm+r . On en déduit que
pm+r divise |G|, d’où m = 0 par définition de r.
On a donc |K|/|L ∩ K| = 1, c’est à dire K = L ∩ K et K ⊂ L.
2. La démonstration
Nous écrivons |G| = n = pr q où p est un nombre premier, r ≥ 1 et q est un entier
premier avec p.
2. LA DÉMONSTRATION
23
2.1. Démonstration du premier théorème de Sylow.
On considère l’action de G sur lui-même par translations à gauche. Cette action
induit une action de G sur P(G) (voir l’exercice 3 du chapitre II) : Pour E ∈ P(G)
et g ∈ G
g · E = {gx ; x ∈ E} .
Soit X ⊂ P(G) l’ensemble des parties de G ayant pr éléments. Alors X est un
sous-ensemble invariant de cette action. Nous considérons maintenant l’action induite
sur ce sous-ensemble invariant.
Soit E ∈ X (autrement dit, E est un sous-ensemble de G ayant pr éléments). Le
stabilisateur de E ∈ X est
GE = {g ∈ G ; g · E = E}
= {g ∈ G ; g · E ⊂ E}
car |g · E| = |E| pour tout g
= {g ∈ G ; g · x ∈ E pour tout x ∈ E} .
Montrons :
Lemme III.6. Soit E ∈ X . Alors |GE | est une puissance de p, inférieure ou égale à
pr et donc |G · E| = ps q pour un certain entier s avec 0 ≤ s ≤ r.
De plus, pour que l’orbite G · E ait q éléments, il faut et il suffit que cette orbite
contienne un p-sous-groupe de Sylow. Dans ce cas, cette orbite contient un seul
p-sous-groupe de Sylow.
Démonstration du lemme III.6. On rappelle que les classes de congruence à
droite modulo un sous-groupe sont deux à deux distinctes ou confondues et qu’elles
ont toutes le même nombre d’éléments que ce sous-groupe.
Pour tout x ∈ E et tout g ∈ GE on a gx ∈ GE · E = E. Ainsi, pour tout x ∈ E,
la classe à droite GE x modulo GE est contenue dans E. On a donc
[
E=
GE x
x∈E
et E est donc une réunion de classes à droite modulo GE . Chacune de ces classes
ayant |GE | éléments, |E| est un multiple de |GE |. Comme |E| = pr , on obtient que
|GE | = pr−s pour un certain entier s avec 0 ≤ s ≤ r. On a donc |G · E| = |G|/|GE | =
ps q : la première partie du lemme est démontrée.
On a |G · E| = q si et seulement si |GE | = pr , c’est à dire si GE est un p-sousgroupe de Sylow. Dans ce cas, comme |E| = pr = |GE | et que E est une réunion
de classes à droite modulo GE ayant chacune pr éléments, E est une classe à droite
hGE modulo GE . On a alors h−1 · E = GE et l’orbite de E contient le p-sous-groupe
de Sylow GE .
Inversement, supposons que l’orbite de E contienne un p-sous-groupe de Sylow
H. Alors l’orbite de E est égale à l’orbite de H. Le stabilisateur GH de H contient
clairement H, donc |GH | ≥ pr et d’après la première partie du lemme, GH = pr . On
a donc |G · E| = |G · H| = |G|/|GH | = q.
Il reste à montrer que si une orbite contient deux p-sous-groupes de Sylow H et
H 0 alors ils sont égaux. Dans ce cas, il existe g ∈ G avec g · H = H 0 , donc 1 ∈ g · H,
donc g −1 ∈ H, d’où g ∈ H et H 0 = g · H = H.
Nous continuons maintenant la démonstration du premier théorème de Sylow.
Soit k ≥ 0 le nombre de p-sous-groupes de Sylow. D’après la deuxième partie du
lemme III.6, k est égal au nombre d’orbites ayant q éléments. D’après la première
24
III. LES THÉORÈMES DE SYLOW
partie du lemme, toutes les autres orbites ont un nombre d’éléments de la forme ps q
avec s > 0, qui est donc divisible par p.
Comme le nombre d’éléments de X est la somme du nombre d’éléments des
différentes orbites, on a |X | = kq mod p. On rappelle queX est le nombre de parties
r
à pr éléments de G et que |G| = pr q. On a donc |X | = pprq . D’après le lemme III.3 on
a donc kq = q mod p et comme q est premier avec p on a k = 1 mod p. En particulier,
k 6= 0.
2.2. Démonstration du deuxième théorème de Sylow.
Nous commençons par montrer :
Lemme III.7. Si K est un p-sous-groupe de G et H un p-sous-groupe de Sylow de
G alors il existe g ∈ G avec K ⊂ gHg −1 .
Démonstration du lemme. Soient K et H comme dans l’énoncé. On rappelle
que G/H désigne l’ensemble des classes à gauche modulo H et que |G/H| = (G : H) =
|G|/|H| = q.
On définit une action ◦ de K sur G/H par
k ◦ (gH) = (kg)H por tout k ∈ K et tout g ∈ G.
Soit ` le nombre de points fixes de cette action, c’est à dire le nombre d’orbites ayant
1 élément. D’après la proposition II.11, ` = q mod p. En particulier, ` 6= 0.
Soit donc gH un point fixe de cette action. Pour tout k ∈ K on a donc kgH = gH,
donc g −1 kg ∈ H, donc k ∈ gHg −1 . On a montré que K ⊂ gHg −1 .
Démonstration du deuxième théorème de Sylow. Soit K un p-sous-groupe
de G. D’après le premier théorème de Sylow, il existe un p-sous groupe de Sylow
H. D’après le lemme III.7, il existe g ∈ G avec K ⊂ gHg −1 . Or gHg −1 est un
p-sous-groupe de Sylow.
2.3. Démonstration du troisième théorème de Sylow. Soient K et H
deux p-sous-groupes de Sylow de G. En particulier, K est un p-groupe. D’après le
lemme III.7, il existe g ∈ G tel que K soit inclus dans L = gHg −1 . Comme K et
gHg −1 ont le même ordre pr , ces groupes sont égaux. Ainsi, les groupes H et K sont
conjugués.
Exercice 1. Soient p un nombre premier et G un groupe fini non trivial.
Montrez que G est un p-groupe si et seulement si l’ordre de tout élément de G
est une puissance de p.
3. Un résultat sur le nombre de groupes de Sylow
Théorème III.8. Soit G un groupe d’ordre pr q où p est un nombre premier, r ≥ 1
et q n’est pas divisible par p. Alors le nombre de p-sous-groupes de Sylow divise q.
Démonstration. Soit S l’ensemble des p-sous-groupes de Sylow. On définit
une action de G sur S par
pour g ∈ G et H ∈ S,
g • H = gHg −1 .
D’après le troisième théorème de Sylow, cette action est transitive, c’est à dire qu’elle
admet une seule orbite. Soit H ∈ S. L’orbite de H est donc égale à S.
Le stabilisateur GH de H est un sous-groupe de G donc son ordre divise pr q. On
a clairement H ⊂ GH donc l’ordre de GH est un multiple de |H| = pr . Finalement,
|GH | = pr m où m divise q.
4. VARIANTES
On a donc |S| = |G|/|GH | = q/m, qui est un diviseur de q.
25
4. Variantes
Dans cette section, p est un nombre premier. Les démonstrations données ici sont
à compléter.
4.1. Une autre démonstration de la première partie du premier théorème de Sylow.
On procède par récurrence sur l’ordre n = ph de G. Le premier cas à considérer
est celui où h = 1. Dans ce cas G est un p-sous-groupe de Sylow de G et il n’y a
rien à montrer. On se donne maintenant h > 1 et on suppose que tout groupe dont
l’ordre est de la forme ph0 avec 1 ≤ h0 < h admet un p-sous-groupe de Sylow.
Soit G un groupe d’ordre n = ph. Nous devons montrer que G admet un p-sousgroupe de Sylow. Nous écrivons n = pr q avec r ≥ 1 et q premier avec p.
4.1.1. Supposons d’abord que G admet un sous-groupe H d’ordre pr q 0 avec
1 ≤ q 0 < q. Alors on conclut facilement en appliquant l’hypothèse de récurrence à ce
sous-groupe.
4.1.2. Nous supposons maintenant que
(*) G ne contient aucun sous-groupe d’ordre pr q 0 avec 1 ≤ q 0 < q.
On considère l’action de G sur lui-même par conjugaison et on procède comme
dans la démonstration de la proposition II.11 : en utilisant (*), on montre que toute
orbite qui n’est pas réduite à un seul élément a un ordre qui est un multiple de p.
On en déduit que le centre Z(G) est non trivial et que |Z(G)| est un multiple de p.
4.1.3. Z(G) contient un sous-groupe H d’ordre p. Si r = 1, H est un p-sousgroupe de Sylow de G et on a terminé. Sinon, on remarque que H est un sous-groupe
distingué de G et on conclut en appliquant l’hypothèse de récurrence au groupe G/H
4.2. Autre démonstration de la deuxième partie du premier théorème
de Sylow.
D’après le premier théorème de Sylow, G admet au moins un p-sous-groupe de
Sylow. Choisissons un tel sous-groupe H.
On note S l’ensemble des p-sous-groupes de Sylow de G et on fait agir G sur S
par conjugaison :
pour g ∈ G et H ∈ S, g • H = gHg −1 .
On considère la restriction de cette action au sous-groupe H de G.
On remarque que H est un point fixe de cette action. Montrons que c’est le seul
point fixe. Si H 0 ∈ S est un point fixe alors H est inclus dans le normalisateur de H 0
et d’après le corollaire III.5, H ⊂ H 0 donc H = H 0 .
Toutes les autres orbites de l’action ont un cardinal qui est une puissance positive
de p et qui est donc divisible par p. On a donc |S| = 1 mod p.
4.3. Autre démonstration du deuxième théorème de Sylow. Soit K un
p-sous-groupe de G.
On continue à noter S l’ensemble des p-sous-groupes de Sylow de G et (g, H) 7→
g • H = gHg −1 l’action de G sur S par conjugaison.
D’après le premier théorème de Sylow, G admet au moins un p-sous-groupe
de Sylow. Choisissons un tel sous-groupe H. Soient O l’orbite de H et GH son
stabilisateur pour cette action.
Par définition, GH contient H, donc |GH | est un multiple de |H| = pr et donc
|O| = (G : GH ) est un diviseur de n/pr = q et donc
26
III. LES THÉORÈMES DE SYLOW
|O| est premier avec p.
Considérons l’action de K sur S obtenue par restriction de l’action • et remarquons
que O est un ensemble invariant pour cette action. Nous notons ∗ l’action de K sur
O obtenue en restreignant cette action à O :
Pour k ∈ K et L ∈ O, k ∗ L = kLk −1 .
On sait que |O| est la somme des nombres des éléments des orbites de cette
dernière action. Comme |O| est premier avec p, l’une au mois de ces orbites a un
nombre d’éléments qui n’est pas un multiple de p. Soit L ∈ O tel que l’ordre |K ∗ L|
de son orbite K ∗ L ne soit pas divisible par p.
Comme |K ∗ L| divise |K| qui est une puissance de p, on a donc que |K • L| = 1.
Ainsi,
L est donc un point fixe de l’action ∗.
Nous récapitulons. L appartient à l’orbite O de H pour l’action •, et donc il existe
g ∈ G avec gHg −1 = L.
De plus, L est un point fixe pour l’action ∗, c’est à dire h ∗ L = L pour tout
h ∈ K, c’est à dire hLh−1 = L pour tout h ∈ K. Autrement dit, K est inclus dans
le normalisateur de L.
Or L est un p-sous-groupe de Sylow et K est un p-groupe. D’après le corollaire III.5,
K ⊂ L, ce qui démontre le deuxième théorème de Sylow.
5. Une application : groupes d’ordre pq
Proposition III.9. Soient p, q deux nombres premiers avec p < q et supposons que
q 6= 1 mod p. Alors tout groupe d’ordre pq est abélien.
Remarque. On en peut pas supprimer l’hypothèse q =
6 1 mod p. En effet,
|S3 | = 6 = 2 × 3 et S3 n’est pas abélien.
Démonstration. Soit G un groupe d’ordre pq.
a) Comme |G| = pq, un q-sous-groupe de Sylow de G est un sous-groupe de G
d’ordre q. D’après le théorème III.8, le nombre ` de q-sous-groupes de Sylow de G
divise p donc est égal à 1 ou à p, et en particulier ` ≤ p donc ` < q par hypothèse.
D’après le premier théorème de Sylow, ` est congru à 1 modulo q. Le seul entier `
vérifiant ces conditions est ` = 1, donc G admet un unique q-sous-groupe de Sylow
qu nous notons K.
b) Pour tout g ∈ G, |gKg −1 | = |K| = q donc gKg −1 est un q-sous-groupe de
Sylow donc gKg −1 = G d’après ce qui précède. Ainsi, K est un sous-groupe distingué
de G.
c) Un p-sous-groupe de Sylow de G est un sous-groupe de G d’ordre p. D’après le
théorème III.8, le nombre k de p-sous-groupes de Sylow divise q, donc k = 1 ou k = q.
D’après le premier théorème de Sylow, k est congru à 1 modulo p. Par hypothèse,
q 6= 1 mod p donc k 6= q. On obtient que k = 1, c’est à dire qu’il existe un unique
p-sous-groupe de Sylow que nous notons H.
On en déduit come plus haut que H est un sous-groupe distingué de G.
d) H ∩ K est un sous-groupe de G inclus dans H, c’est donc un sous groupe de
H et donc |H ∩ K| divise |H| = p. De même, |H ∩ K| divise q. Comme p et q sont
des nombres premiers distincts, |H ∩ K| = 1 et H ∩ K est le sous-groupe trivial {1G }
de G.
5. UNE APPLICATION : GROUPES D’ORDRE pq
27
e) Montrons que pour tout h ∈ H et tout k ∈ K on a hk = kh. On a
hkh−1 k −1 = h(kh−1 k −1 ) ∈ H car h ∈ H, h−1 ∈ H et H est distingué ;
= (hkh−1 )k −1 ∈ K car k ∈ K, K est distingué et k ∈ K
et donc hkh−1 k −1 ∈ H ∩ K donc hkh−1 k −1 = 1H d’après ce qui précède, et donc
hk = kh.
e) Soit φ : H × K → G l’application donnée par φ(h, k) = hk. Pour (h, k) et
0
(h , k 0 ) ∈ H × K,
φ (h, k) · (h0 , k 0 ) = φ(hh0 , kk 0 ) = hh0 kk 0 = hkh0 k 0 d’après (e)
= φ(h, k) · φ(h0 , k 0 )
et l’application φ est un homomorphisme de groupes.
Si (h, k) ∈ ker(φ), on a h ∈ H, k ∈ K et hk = 1G donc k = h−1 , donc k ∈ H
et enfin k ∈ H ∩ K. D’après d), k = 1G donc h = 1G . Le noyau de φ est réduit à
l’élément neutre (1G , 1G ) de H × K et l’homomorphisme φ est injectif.
On a donc |φ(H × K)| = |H × K| = pq = |G| et comme φ(H × K) ⊂ G on a
φ(H × K) = G. On a ainsi montré que φ est surjective. Nous concluons que φ est un
isomorphisme. Ainsi, G est isomorphe à H × K.
e) Comme p et q sont premiers, H est isomorphe à Z/pZ et K est isomorphe à
Z/qZ. Finalement, G est isomorphe à Z/pZ × /Z/qZ, donc est abélien.
Exercice 2. Dans cet exercice on construit un groupe non abélien d’ordre 21 = 3×7.
On note φ l’application x : x 7→ 2x de Z/7Z dans lui-même.
a) Vérifiez que π est un automorphisme du groupe Z/7Z et que φ ◦ φ ◦ φ est l’identité.
En déduire que l’application j : Z/3Z → Aut(Z/7Z) définie par
j(0̄) = id, j(1̄) = φ et j(2̄) = φ ◦ φ
est un homomorphisme de groupes.
b) Soit K = Z/7Z nj Z/3Z le produit tordu construit dans l’exercice 7 du chapitre II.
Vérifiez que |K| = 21 et que K n’est pas abélien.
c) (Nettement plus difficile) Soit φ0 : x 7→ 4x de Z/7Z dans lui-même. On lui
associe comme ci-dessus un homomorphisme j 0 : Z/3Z → Aut(Z/7Z) et un groupe
K 0 = Z/7Z nj 0 Z/3Z. Montrez que K et K 0 sont isomorphes. Montrez que tout
groupe d’ordre 21 est ou bien abélien, ou bien isomorphe à K.
CHAPITRE IV
Groupes abéliens
Dans ce chapitre, tous les groupes sont supposés abéliens et sont notés additivement.
1. Notations et rappels
1.1. Ordre d’un élément. On rappelle qu’un groupe engendré par un élément
est appelé un groupe cyclique ou monogène.
Soit G un groupe abélien. On rappelle (exercice 14 du chapitre I) :
pour A, B ⊂ G, on note A + B = {a + b ; a ∈ A, b ∈ B} ;

k fois

z
}|
{

a + a + · · · + a si k > 0 ;
pour a ∈ G et k ∈ Z, on note k · a =
0
si k = 0 ;



−(−k)a
si k < 0 .
pour A ⊂ G et k ∈ Z, on note k · A = {k · a ; a ∈ A}
Pour a ∈ G donné, l’application n 7→ n · a est un homomorphisme de groupes de Z
dans G. Son image
gp(a) = Z · a = {k · a n ∈ Z}
est le sous-groupe de G engendré par a.
Deux cas sont possibles :
– ou bien tous les éléments n · a avec n ∈ Z sont distincts ; on dit alors que a est
d’ordre infini. Dans ce cas, gp(a) est isomorphe à Z.
– ou bien il existe un entier k ≥ 1 tel que k · a = 0 et on dit que a est un élément
d’ordre fini (on dit aussi élément de torsion). Le plus petit entier k ≥ 1 tel que
k · a = 0 s’appelle l’ordre de a. Si k est l’ordre de a alors gp(a) est isomorphe à
Z/kZ.
0 est le seul élément d’ordre 1 de G.
On rappelle encore que si G est fini, l’ordre de tout élément de G est fini et divise
l’ordre de G.
1.2. Somme et somme directe de sous-groupes. Soient G un groupe abélien, k ≥ 2 un entier et H1 , H2 . . . , Hk des sous-groupes de G.
Soit s : H1 × H2 × · · · × Hk → G l’application donnée par
(1)
s(h1 , h2 , . . . , hk ) = h1 + h2 + · · · + hk .
On vérifie immédiatement que cette application est un homomorphisme de groupes.
Son image
def
H1 + H2 + · · · + Hk = {h1 + h2 + · · · + hk ; h1 ∈ H1 , h2 ∈ H2 , . . . , hk ∈ Hk }
est donc un sous-groupe de G appelé la somme des sous-groupes H1 , H2 . . . , Hk .
28
2. GROUPES ABÉLIENS FINIS
29
Définition IV.1. On dit que G est la somme direct des sous-groupes H1 , H2 . . . , Hk ,
et on note
G = H1 ⊕ H2 ⊕ · · · ⊕ Hk ,
si les propriétés équivalentes suivantes sont satisfaites :
– L’application s définie par (1) est un isomorphisme de groupes ;
– pour tout g ∈ G il existe un unique k-uple (h1 , h2 , . . . , hk ) avec h1 ∈ H1 ,
h2 ∈ H2 , . . ., hk ∈ Hk et g = h1 + h2 + · · · + hk .
Exercice 1. (Cet exercice sera utilisé plus tard) Soient H1 , . . . , Hk des sous groupes
du groupe abélien fini G. Montrez que G = H1 ⊕ · · · ⊕ Hk si et seulement si
G = H1 + · · · + Hk et |G| = |H1 ] . . . |Hk |.
Lemme IV.2. Soient H1 et H2 deux sous groupes du groupe abélien G. Pour que
G soit somme directe de H1 et H2 il faut et il suffit que G = H1 + H2 et que
H1 ∩ H2 = {0}.
Attention ! Le résultat analogue n’est pas vrai pour plus que 2 sous-groupes (voir
l’exercice 2).
Démonstration. – La condition est nécessaire. Supposons que G = H1 ⊕ H2 et
soit a ∈ H1 ∩H2 . Alors (a, −a) appartient à H1 ×H2 et au noyau de l’homomorphisme
s défini plus haut, donc a = 0.
– La condition est suffisante. Soit (x, y) ∈ H1 × H2 avec s(x, y) = 0. On a x ∈ H1 ,
y ∈ H2 et x + y = 0 donc x = −y ∈ H2 et enfin x ∈ H1 ∩ H2 . Par hypothèse, x = 0
donc y = −x = 0. Ainsi l’homomorphisme s est injectif. Il est surjectif par hypothèse,
c’est donc un isomorphisme.
Exercice 2. Soient G = Z/30Z, H1 = 6 · G, H2 = 10 · G et H3 = 15 · G. Vérifiez que
Hi ∩ Hj = {0} pour 1 ≤ i 6= j ≤ 3, que G = H1 + H2 + H3 et que G 6= H1 ⊕ H2 ⊕ H3 .
2. Groupes abéliens finis
2.1. Décomposition en somme de p-groupes.
Théorème IV.3. Soit G un groupe d’ordre n > 1 et soit n = pr11 pr22 . · · · .prkk la
décomposition de n en facteurs premiers.
Alors, pour tout i ∈ {1, 2, . . . , k}, G admet un unique sous-groupe Hi d’ordre pri i .
De plus, G = H1 ⊕ H2 ⊕ · · · ⊕ Hk .
On rappelle que p1 , p2 , . . . , pk sont des nombre premiers distincts et que r1 , r2 , . . . , rk
sont strictement positifs. La démonstration qui suit utilise les théorèmes de Sylow ; il
existe des preuves beaucoup plus « élémentaires », mais plus longues.
Démonstration. D’après le premier théorème de Sylow, pour tout i ∈ {1, . . . , k},
G admet un pi -sous-groupe de Sylow, c’est à dire un sous-groupe d’ordre pri i . D’après
le troisième théorème de Sylow, tout autre sous-groupe Hi0 d’ordre pri i est conjugué
de Hi , donc égal à Hi puisque G est abélien. La première partie du théorème est
démontrée.
Soit s : H1 × · · · × Hk → G l’homomorphisme de groupes défini comme en (1).
Montrons que s est injectif. Nous devons montrer que si (g1 , . . . , gk ) ∈ H1 × · · · × Hk
vérifie s(h1 , . . . , hk ) = 0, c’est à dire si
g1 + · · · + gk = 0
30
IV. GROUPES ABÉLIENS
on a h1 = · · · = hk = 0. Soit j ∈ {1, . . . , k} et montrons que hj = 0. Posons
Y
q=
pri i .
1≤i≤k ; i6=j
On a
q · gj +
X
q · gi = 0 .
1≤i≤k, i6=j
Pour i 6= j, comme gi appartient au groupe Hi d’ordre pri i on a pri i · gi = 0 et, comme
q est un multiple de pri i , on a donc q · gi = 0. Nous concluons que q · gj = 0 et l’ordre
r
de gj divise donc q. D’autre part, gj appartient au groupe Hj d’ordre pj j et donc
r
r
l’ordre de gj divise pj j . Comme q et pj j sont premiers entre eux, l’ordre de gj est égal
à 1 et nous avons montré que gj = 0.
On a ainsi montré que s est injectif. Comme |H1 × · · · × Hk | = pr11 . . . prkk = |G|,
s est bijectif et est donc un isomorphisme. On a ainsi montré la deuxième partie du
théorème.
2.2. p-groupes abéliens.
Théorème IV.4. Soient p un nombre premier et G un p-groupe abélien. Alors il
existe un entier k ≥ 1 et des entiers strictement positifs n1 ≥ n2 ≥ · · · ≥ nk tels que
(2)
G∼
= Z/pn1 Z × · · · × Z/pnk Z .
De plus, l’entier k et les entiers n1 , . . . , nk vérifiant cette propriété sont uniques.
On vérifie facilement que la propriété (2) est équivalente à :
Pour 1 ≤ i ≤ k, G admet un sous-groupe Gi cyclique d’ordre pni et
(3)
G = G1 ⊕ G2 ⊕ · · · ⊕ Gk .
Exercice 3. Démontrez cette dernière affirmation.
2.2.1. Démonstration de l’existence de la décomposition (3). Soit pn l’ordre de G.
Nous raisonnons par récurrence sur n. Tout groupe d’ordre p est isomorphe à Z/pZ,
ce qui achève la démonstration dans le cas n = 1. Nous supposons maintenant que
n > 1 et que le résultat est valable pour tout p groupe abélien d’ordre < pn et le
montrons pour un p groupe G d’ordre pn .
Soit a1 ∈ G un élément d’ordre maximal ; cet ordre divise |G| = pn donc est égal
n1
à p où n1 ≥ 1 est un entier. Le sous-groupe G1 = gp(a1 ) est isomorphe à Z/pn1 Z.
Si n1 = n alors G = G1 est isomorphe à Z/pn1 Z et la démonstration de l’existence
est terminée. Nous supposons maintenant que n1 < n.
a) Le groupe G/G1 est un p-groupe d’ordre pn−n1 et d’après l’hypothèse de récurrence,
G/G1 peut s’écrire
(4)
G/G1 = H2 ⊕ H3 ⊕ · · · ⊕ Hk
où k ≥ 1 est un entier et où chaque groupe Hi est cyclique d’ordre pni avec n2 ≥
· · · ≥ nk ≥ 1.
Pour 1 ≤ i ≤ k soit αi un générateur du groupe cyclique Hi .
b) On note π : G → G/G1 l’homomorphisme quotient. Nous montrons maintenant :
Lemme IV.5. Pour 2 ≤ i ≤ k, l’élément αi de G/G1 admet un représentant ai ∈ G
d’ordre pni .
2. GROUPES ABÉLIENS FINIS
31
Démonstration du lemme. Fixons i ∈ {2, . . . , k} et soit b un représentant
de αi dans G.
L’ordre de b divise |G| = pn et, par définition de n1 , il est majoré par pn1 . Il
divise donc pn1 . On a donc pn1 · b = 0, donc pn1 · αi = π(pn1 · b) = 0. L’ordre pni de
αi est donc ≤ pn1 et donc ni ≤ n1 .
Soit c = pni b. On a π(c) = π(pni b) = pni αi = 0 donc c ∈ G1 . Il existe donc un
entier ` tel que c = ` · a1 .
D’autre part, on a vu que pn1 · b = 0 et on a donc pn1 −ni · c = 0 c’est à dire
n1 −ni
p
` · a1 = 0. Comme a1 est d’ordre pn1 , on a donc que pn1 −ni ` est un multiple de
pn1 . Ainsi, ` est un multiple de pni . On écrit ` = pni q et on pose ai = b − q · a1 .
Comme a1 ∈ G1 , on a π(a1 ) = 0, donc π(ai ) = π(b) − q · π(a1 ) = π(b) = αi et ai
est un représentant de αi . De plus,
pni · ai = pni b − pni q · a1 = c − ` · a1 = 0
et l’ordre de ai est ≤ pni . Enfin, pour 1 ≤ r < pni , on a π(r · ai ) = r · αi 6= 0 car
l’ordre de αi est pni , donc r · ai 6= 0. L’ordre de ai est donc ≥ pni ce qui achève la
démonstration du lemme.
c) Pour 2 ≤ i ≤ k soit Gi = gp(ai ). Le groupe Gi est ainsi cyclique d’ordre pni . Nous
montrons maintenant que G = G1 + G2 + · · · + Gk .
Soit g ∈ G. D’après (4), il existe des entiers `2 , . . . , `k avec
π(g) = `2 · α2 + · · · + `k · αk .
Posons h = g − (`2 · a2 + · · · + `k · ak ). On a π(h) = 0, donc h ∈ G1 . Notre affirmation
est démontrée.
On conclut en utilisant le résultat montré dans l’exercice 1.
2.2.2. Démonstration de l’unicité de la décomposition. On commence par une
remarque. On a p · Z/pZ = {0}. Pour tout r > 1, le sous-groupe p · Z/pr Z de Z/pr Z
est engendré par p · 1 = p, qui est un élément d’ordre pr−1 de Z/pr Z. Ainsi, p · Z/pr Z
est cyclique d’ordre pr−1 et est donc isomorphe à Z/pr−1 Z.
Pour monter l’unicité, il faut montrer que si k, k 0 ≥ 1 sont des entiers, et si
n1 ≥ n2 ≥ · · · ≥ nk ≥ 1 et n01 ≥ n2 ≥ · · · ≥ n0k0 ≥ 1 sont des entiers tels que les
groupes
(5)
0
0
G = Z/pn1 Z × · · · × Z/pnk Z et G0 = Z/pn1 Z × · · · × Z/pnk0 Z
sont isomorphes, alors k = k 0 , n1 = n01 , . . ., nk = n0k .
On raisonne par récurrence sur l’ordre pn des groupes G et G0 .
Si n = 1 on a k = k 0 = 1 et n1 = n01 = 1 et le résultat annoncé est démontré. Soit
maintenant n > 1 et supposons que le résultat est montré pour tous les p-groupes
abéliens d’ordre < pn . On se donne G et G0 comme en (5), on suppose que ces
groupes sont isomorphes et que |G| = pn . On remarque que
(6)
n = n1 + · · · + nk = n01 + · · · + n0k0 .
On définit deux entiers ` et `0 avec 0 ≤ ` ≤ k et 0 ≤ `0 ≤ k 0 : si n1 = 1 on pose
` = 0 ; sinon, soit ` le plus grand des entiers j tel que nj > 1. On définit `0 de la
même manière.
Pour 1 ≤ j ≤ k on a ainsi nj > 1 si j ≤ ` et nj = 1 si j > `. D’après la première
égalité de (5) et la remarque qui précède, on a
p·G∼
= Z/pn1 −1 Z × · · · × Z/pn` −1 Z .
32
IV. GROUPES ABÉLIENS
On a un isomorphisme analogue pour le groupe p · G0 . Comme les deux groupes G et
G0 sont isomorphes, les groupes p · G et p · G0 sont isomorphes et donc
Z/pn1 −1 Z × · · · × Z/pn` −1 Z ∼
=p·G∼
= p · G0 ∼
= Z/pn1 −1 Z × · · · × Z/pn` −1 Z
Comme (n1 − 1) + · · · + (n` − 1) < n, d’après l’hypothèse de récurrence on a
` = `0 , n1 = n01 , . . . , n` = n0` .
(7)
Par définition de ` on a nj = 1 pour ` < j ≤ k et de même n0j 0 = 1 pour ` < j 0 ≤ k 0 .
Par (6) et (7), on a que k = k 0 et que nj = n0j pour tout j.
Exercice 4. (Cet exercice sera utilisé plus tard) Si G est un groupe abélien fini, on
note
ordremax(G) = max{ordre(a) ; a ∈ G} .
a) Soit G = H1 ⊕ H2 ⊕ · · · ⊕ Hk la décomposition de G en somme de p-groupes
donnée par le théorème IV.3. Pour 1 ≤ i ≤ k soit xi ∈ Hi et soit x = x1 + · · · + xk .
Montrer que
ordre(x) = ordre(x1 ). · · · . ordre(xk ) .
b) En déduire que
ordremax(G) = ordremax(H1 ). · · · . ordremax(Hk ) .
c) Montrer que, pour 1 ≤ i ≤ k et xi ∈ Hi , ordre(xi ) divise ordremax(Hi ).
d) En déduire que, pour tout x ∈ G, ordre(x) divise ordremax(G).
e) On suppose maintenant que pour tout n ≥ 1 le groupe G contient au maximum
n éléments x tels que n · x = 0. Montrez que G est cyclique. Méthode : Soient
n = ordremax(G) et a ∈ G avec ordre(a) = n. D’après la question précédente,
n · x = 0 pour tout x ∈ G et donc |G| ≤ n d’après l’hypothèse. Or | gp(a)| = n.
Conclure.
3. Groupes abéliens libres de type fini
3.1. Les définitions.
Définition IV.6. Soit G un groupe abélien non trivial et {a1 , . . . , an } un sousensemble fini de G.
– On dit que {a1 , . . . , an } est un système générateur de G, ou que {a1 , . . . , an }
engendre G si gp(a1 , . . . , an ) = G, c’est à dire si tout élément g de G peut
s’écrire sous la forme
(8)
g = m1 · a1 + · · · + mn · an avec m1 , . . . , mn ∈ Z .
– On dit que {a1 , . . . , an } est un système libre de G si
pour tous m1 , . . . , mn ∈ Z ,
si m1 · a1 + · · · + mn · an = 0 alors m1 = · · · = mn = 0 .
– On dit que {a1 , . . . , an } est une base de G si ce sous-ensemble est libre et
engendre G, c’est à dire si tout élément g de G s’écrit de façon unique sous la
forme (8).
3. GROUPES ABÉLIENS LIBRES DE TYPE FINI
33
Il est souvent commode de formuler les définitions précédentes de la façon suivante.
Soient G un groupe abélien et a1 , . . . , an ∈ G. L’application φ : Zn → G donnée par
(9)
φ(m1 , . . . , mn ) = m1 · a1 + · · · + mn · an
est un homomorphisme de groupes.
– (a1 , . . . , an ) est un système générateur de G si et seulement si φ est surjectif.
– (a1 , . . . , an ) est une base de G si et seulement si φ est un isomorphisme.
Définition IV.7. Soit G un groupe abélien.
– Si G admet un système générateur fini, on dit que G est de type fini.
– Si G admet une base finie on dit que G est libre de type fini.
Exemple. Tout groupe abélien fini est de type fini.
Exemple. Z est libre de type fini, avec pour base {1}.
Exemple. Pour tout n ≥ 1, Zn est libre et a pour base {e1 , . . . , en } où e1 =
(1, 0, . . . , 0), e2 = (0, 1, 0, . . . , 0) et, de manière générale, pour 1 ≤ j ≤ n, toutes les
coordonnées de ej sont nulles saur la j ième qui vaut 1. Cette base est appelée la base
canonique de Zn .
Proposition IV.8. Soit G un groupe abélien non trivial.
– G est de type fini si et seulement si il existe un entier n ≥ 1 et un homomorphisme de groupes surjectif φ : Zn → G.
Dans ce cas, G admet un système générateur ayant n éléments.
– G est libre de type fini si et seulement si il existe un entier n ≥ 1 et un
isomorphisme de groupes φ : Zn → G.
Dans ce cas, G admet une base ayant n éléments.
Démonstration. Immédiate en utilisant les remarques précédentes.
Exercice 5. Soit G un groupe abélien.
a) Si G est un groupe abélien de type fini et H un sous-groupe de G alors G/H est
de type fini.
b) Si G est libre de type fini alors G est infini.
c) Si a ∈ G est non nul et d’ordre infini alors gp(a) est libre.
d) Si {a1 , . . . , an } est un système libre alors gp(a1 , . . . , an ) est un groupe libre. La
réciproque n’est pas vraie.
3.2. Groupes de type fini et homomorphismes.
Proposition IV.9. Soient G et H deux groupes abéliens, a1 , . . . , an ∈ G et b1 , . . . , bn ∈
H.
– Si (a1 , . . . , an ) est un système générateur de G alors il existe au maximum
un homomorphisme de groupes φ : G → H tel que φ(ai ) = bi pour tout i ∈
{1, . . . , n}.
– Si (a1 , . . . , an ) est une base de G alors il existe un et un seul homomorphisme
de groupes φ : G → H tel que φ(ai ) = bi pour tout i ∈ {1, . . . , n}.
Démonstration. Soient (a1 , . . . , an ) un système générateur de G et b1 , . . . , bn ∈
H. Soient φ et φ0 deux homomorphismes de G dans H avec φ(ai ) = φ0 (ai ) = bi pour
34
IV. GROUPES ABÉLIENS
tout i. Soit x ∈ G. Il existe des entiers m1 , . . . , mn avec x = m1 · a1 + · · · + mn · an .
On a
φ(x) = m1 · φ(a1 ) + · · · + mn · φ(an ) = m1 · b1 + · · · + mn · bn = φ0 (x)
et donc φ = φ0 .
Supposons maintenant que (a1 , . . . , an ) est une base de G. L’application φ : Zn →
G donnée par (9) est un isomorphisme de Zn sur G ; l’application σ : Zn → H donnée
par
σ(m1 , . . . , mn ) = m1 · b1 + · · · + mn · bn
est un homomorphisme. L’homomorphisme σ ◦ φ−1 : G → H vérifie la condition
imposée.
Proposition IV.10 (et définition). Soient G un groupe abélien, H un groupe abélien
libre de type fini et φ : G → H un homomorphisme surjectif. Alors
– il existe un homomorphisme σ : H → G avec φ ◦ σ = idH .
On dit que σ est une section de φ.
Soit K l’image de σ. Alors
– la restriction de φ à K est un isomorphisme de K sur H ;
– G = K ⊕ ker(φ) ;
– en particulier, G ∼
= H × ker(φ).
Démonstration. Soit {a1 , . . . , an } une base de H. Comme φ est surjectif on
peut choisir b1 , . . . , bn ∈ G avec φ(bi ) = ai pour 1 ≤ i ≤ n. D’après la deuxième
partie de la proposition IV.9, il existe un unique homomorphisme σ : H → G avec
σ(ai ) = bi pour tout i. Pour tout i on a alors φ◦σ(ai ) = ai = idH (ai ) donc φ◦σ = idH
d’après la première partie de la proposition IV.9.
Notons K l’image de σ et φ0 la restriction de φ à K. Ainsi, φ0 ◦ σ = idH donc
0
φ : K → H est surjective et, comme σ : H → K est surjective, φ0 est injective.
(Pourquoi ? ) Ainsi, φ0 est un isomorphisme de K sur H.
Soit g ∈ G. Écrivons h = σ ◦ φ(g) et k = g − h. Alors φ(h) = φ ◦ σ ◦ φ(g) = φ(g)
et φ(k) = φ(g) − φ(h) = 0 donc k ∈ ker(φ). Comme h ∈ K et que g = h + k on a
G = H + K.
Comme φ0 : K → H est injective, K ∩ ker(φ) = ker(φ0 ) = {0}. D’après le
lemme IV.2, G = K ⊕ ker(φ).
3.3. Le rang d’un groupe abélien libre de type fini.
Théorème IV.11 (et définition). Soit G un groupe abélien libre de type fini. Alors
toutes les bases de G ont le même nombre d’éléments.
Ce nombre s’appelle le rang de G.
Démonstration. D’après la deuxième partie de la proposition IV.8, il suffit
de montrer que si les groupes Zm et Zn sont isomorphes alors on a m = n. Soit
φ : Zm → Zn un isomorphisme. Alors φ(2Zm ) = 2Zn et φ induit un isomorphisme
du groupe quotient Zm /2Zm sur le groupe Zn /2Zn . Or le premier de ces groupes est
d’ordre 2m et le deuxième d’ordre 2n .
Convention. Par convention, le rang du groupe trivial est 0.
Théorème IV.12. Soient G un groupe abélien libre de type fini et H un sous-groupe
non trivial de G. Alors H est libre de type fini.
De plus, le rang de H est inférieur ou égal au rang de G.
4. TORSION
35
Démonstration. Nous raisonnons par récurrence sur le rang de G.
(i) Supposons que G est de rang 1, c’est à dire admet une base {a} formée d’un
élément. Alors l’application φ : m 7→ m · a est un isomorphisme de Z sur G. L’image
réciproque φ−1 (H) de H par φ est un sous-groupe non trivial de Z, il est donc égal à
kZ pour un certain k ≥ 1. Ainsi {ka} est une base de H.
(ii) Soit n ≥ 1 et admettons que les propriétés annoncées sont vraies lorsque G a un
rang inférieur ou égal à n. Supposons que G est de rang n+1 et soit {a1 , . . . , an , an+1 }
une base de G.
Soit φ : G → Z l’homomorphisme caractérisé par
φ(a1 ) = · · · = φ(an ) = 0 et φ(an+1 ) = 1
(voir la deuxième partie de la proposition IV.9). Le noyau de φ est le sous-groupe
G0 = gp(a1 , . . . , an ) de G. Par définition, {a1 , . . . , an } est une base de G0 .
Soit ψ la restriction de φ à H. Distinguons deux cas.
– Si ψ est trivial alors H est un sous-groupe de G0 et d’après l’hypothèse de
récurrence H est libre et admet une base ayant au plus n éléments.
– Supposons maintenant que ψ n’est pas trivial. Son image est un sous-groupe
non trivial de Z et est donc isomorphe à Z. D’après la proposition IV.10, H admet
un sous-groupe K, isomorphe à l’image de ψ et tel que H = K ⊕ ker(ψ). K est
isomorphe à Z donc admet une base formée d’un élément c.
Comme ker(ψ) est un sous-groupe de G0 , d’après l’hypothèse de récurrence, ker(ψ)
admet une base {c1 , . . . , cm } ayant m ≤ n éléments. Comme H = K ⊕ ker(ψ) on
vérifie facilement que {c1 , . . . , cm , c} est une base de H.
4. Torsion
Soit G un groupe abélien. On rappelle qu’un élément g de G est d’ordre fini ou
de torsion s’il existe un entier k ≥ 1 tel que k · g = 0. Le plus petit entier k ≥ 1
vérifiant cette propriété est appelé l’ordre de g.
Proposition IV.13 (et définition). Soit G un groupe abélien. On note tor(G) le
sous-ensemble de G formé des éléments de torsion.
Alors tor(G) est un sous-groupe de G, appelé le sous-groupe de torsion de G. De
plus, le groupe G/ tor(G) est sans torsion.
On dit que G est sans torsion si tor(G) est le sous-groupe trivial. On dit que G
est de torsion si tor(G) = G.
Démonstration. On a 0 ∈ tor(G). Soient g, h ∈ tor(G). Il existe des entiers
k, ` > 0 tels que k · g = 0 et ` · h = 0. On a k · (−g) = 0 donc −g ∈ tor(G). On a
aussi k` · (g + h) = 0 donc g + h ∈ tor(G). La première partie de la proposition est
démontrée.
Soient α ∈ G/ tor(G) et k ≥ 1 avec k · α = 0. Soit g un représentant de α dans
G. Alors l’image de k · g dans G/ tor(G) est k · α = 0, donc k · g ∈ tor(G) et il existe
m ≥ 1 tel que mk · g = 0. Ainsi, g est un élément de torsion de G, donc g ∈ tor(G)
et donc α = 0.
Remarque. Tout groupe fini est un groupe de torsion. La réciproque est fausse.
Tout groupe libre de type fini est sans torsion. la réciproque est fausse.
Proposition IV.14. Soit G un groupe abélien ayant un système générateur fini dont
tous les éléments sont de torsion. Alors G est fini.
36
IV. GROUPES ABÉLIENS
En particulier, si G est un groupe abélien de type fini et de torsion alors G est
fini.
Démonstration. Soit {a1 , . . . , an } un système générateur de G dont les éléments sont tous de torsion. Pour tout j ∈ {1, . . . , n} il existe un entier kj ≥ 1 tel
que kj · aj = 0.
Montrons que tout g ∈ G peut s’écrire g = r1 · a1 + · · · + rn · an , où r1 , . . . , rn
sont des entiers avec 0 ≤ rj < kj pour tout j.
En effet, il existe des entiers m1 , . . . , mn tels que g = m1 · a1 + · · · + mn · an . Pour
tout j, soient qj et rj le quotient et le reste de la division de mj par kj . Nous avons
g = (q1 k1 · a1 + · · · + qn kn · an ) + (r1 · a1 + · · · + rn · an ) = r1 · a1 + · · · + rn · an
et notre affirmation est démontrée. On en déduit immédiatement que G a au maximum
k1 k2 . . . kn éléments.
Théorème IV.15. Soit G un groupe abélien de type fini sans torsion. Alors G est
libre de type fini.
Démonstration. Par hypothèse, G admet un système générateur fini {a1 , . . . , an } ;
on peut toujours supposer que tous les éléments de A sont non nuls.
Remarquons qu’il existe des sous-ensembles non vides E de {1, . . . , n} tels que
que {ai : i ∈ E} soit un système libre : on peut par exemple prendre E = {a1 }
puisque a1 n’est pas de torsion. Parmi tous les sous-ensembles E de {1, . . . , n} tels
que {ai : i ∈ E} soit un système libre, choisissons-en un ayant le nombre maximal
d’éléments. Ainsi,
{ai : i ∈ E} est un système libre ;
pour j ∈
/ E, {ai : i ∈ E} ∪ {aj } n’est pas un système libre.
Soit H le sous-groupe de G engendré par {ai : i ∈ E}. On rappelle que H est
libre de type fini. Montrons que :
(*) pour tout j ∈ {1, . . . , n} il existe un entier kj 6= 0 tel que kj · aj ∈ H.
Si j ∈ E on peut prendre kj = 1. Supposons maintenant que j ∈
/ E. Par
maximalité de E, la famille {ai : i ∈ E} ∪ {aj } n’est pas libre et il existe donc des
entiers mi , i ∈ E, et m, non tous nuls, tels que
X
maj +
mi ai = 0 .
j∈E
Comme {ai : i ∈ E} est libre on a m =
6 0. Posons kj = m. On a kj · aj = −m1 · b1 −
. . . − mq · bq ∈ H et l’affirmation (*) est démontrée.
Pour chaque j, soit αj l’image de aj dans G/H. Alors {α1 , . . . , αn } est un système
générateur de G/H et tous les éléments de ce système sont de torsion d’après (*).
D’après la proposition IV.14, G/H est fini.
Posons k = |G/H|. Pour tout β ∈ G/H on a k · β = 0, donc pour tout g ∈ G on
a k · g ∈ H.
L’application φ : g 7→ k · g envoie ainsi G dans H ; cette application est évidement
un homomorphisme de groupes et cet homomorphisme est injectif car G est sans
torsion.
Ainsi, G est isomorphe à l’image φ(G) de φ. Or φ(G) est un sous-groupe de H
qui est un groupe libre de type fini et d’après le théorème IV.12, φ(G) est un groupe
libre de type fini, donc G est un groupe libre de type fini.
4. TORSION
37
Récapitulons :
Théorème IV.16. Soit G un groupe abélien infini de type fini. Alors
– tor(G) est un groupe fini ;
– G/ tor(G) est un groupe abélien libre de type fini ;
– il existe un sous-groupe libre de type fini H de G avec G = H ⊕ tor(G).
Démonstration. Le groupe G/ tor(G) est de type fini et est sans torsion d’après
la proposition IV.13, donc est libre d’après le théorème IV.15. La proposition IV.10
donne l’existence d’un sous-groupe H de G, libre de type fini et avec G = H ⊕ tor(G).
Le groupe tor(G) est de torsion, isomorphe à G/H donc de type fini, donc fini d’après
la proposition IV.14.
4.1. Conclusion. En regroupant tous les résultats de ce chapitre nous obtenons
une description complète des groupes abéliens de type fini.
Exercice 6. Soient G un groupe libre de type fini de rang d ≥ 1 et H un sous-groupe
non trivial de G. On rappelle que H est libre de type fini et de rang ≤ d. On veut
montrer que rang(H) = d si et seulement si G/H est fini.
a) On suppose que G/H est fini. En procédant comme dans la fin de la démonstration
du théorème IV.15, construire un homomorphisme injectif de G dans H. En déduire
que rang(G) ≤ rang(H) et conclure.
b) On suppose que G/H est infini. Montrez que G/H contient un élément β d’ordre
infini. Soit b ∈ G un représentant de β. Soit d’autre part (a1 , . . . , an ) une base de H.
Montrez que (a1 , . . . , an , b) est un système libre de G et conclure.
Exercice 7. Dans cet exercice, tous les groupes sont abéliens et notés additivement.
On dit qu’un groupe abélien H est divisible si, pour tout h ∈ H et tout entier k ≥ 1
il existe h0 ∈ G avec k · h0 = h.
Remarquez que Q est divisible ; qu’aucun groupe fini non trivial n’est divisible ;
que Z n’est pas divisible. Dans cet exercice, on montre :
Théorème. Soient H un sous-groupe d’un groupe abélien G. Si le groupe H est
divisible, alors l’homomorphisme quotient π : G → G/H admet une section, c’est à
dire qu’il existe un homomorphisme de groupes σ : G/H → G avec π ◦ σ = idG/H .
On rappelle que cela entraîne que G est isomorphe à H × (G/H).
Dans toute la suite, G, H et π sont comme dans le théorème.
a) Soient K un sous-groupe de H et τ : K → G un homomorphisme vérifiant
π ◦ τ = idK . Soient α un élément de G/H et K 0 le sous-groupe de G/H engendré
par K et α.
Dans cette question on suppose que (Z·α)∩K = {0}. On a alors K 0 = (Z·α)⊕K.
Soit a ∈ G un représentant de α. Montrer qu’il existe un unique homomorphisme
τ 0 : K 0 → G vérifiant τ 0 |K = τ et τ 0 (α) = a. Vérifiez que π ◦ τ 0 = idK 0 .
b) Soient K, τ , α et K 0 comme dans la question précédente. On suppose maintenant
que (Z · α) ∩ K 6= {0}. Soit k le plus petit entier strictement positif tel que kα ∈ K.
Par hypothèse, il existe a ∈ H avec k · a = σ(kα). Montrer qu’il existe un unique
homomorphisme τ 0 : K 0 → G vérifiant τ 0 |K = τ et τ 0 (α) = a. Vérifiez que π◦τ 0 = idK 0 .
c) On suppose dans cette question que G/H est de type fini. Montrer que π : G →
G/H admet une section. Méthode : soit (α1 , . . . , αn ) un système générateur de
ce groupe. En utilisant les questions précédentes, construire par récurrence un
homomorphisme gp(α1 , . . . , αj ) → G.
38
IV. GROUPES ABÉLIENS
d) Montrez l’existence d’une section dans le cas général en appliquant le lemme de
Zorn.
5. Un problème
Soit d ≥ 1 une entier.
Démontrer ou admettre le lemme suivant.
Lemme 1. Soient m ≤ d un entier et x1 , . . . , xm des vecteurs de Rd à coordonnées
dans Q (c’est à dire des éléments de Qd ). On suppose que (x1 , . . . , xm ) est un
système lié dans Rd , c’est à dire qu’il existe t1 , . . . tm ∈ R, non tous nuls, avec
t1 x1 + · · · + tm xm = 0.
Alors (x1 , . . . , xm ) est un système lié dans Qd , c’est à dire qu’il existe s1 , . . . sm ∈
Q avec s1 x1 + · · · + sm xm = 0.
Démontrez tous les résultats suivants.
Proposition 2. Soit E un sous espace vectoriel non trivial de Rd . Les propriétés
suivante sont équivalentes.
i) dim(E) = rang(E ∩ Zd ) ;
ii) E a une base formée de vecteurs à coordonnées entières ;
iii) E a une base formée de vecteurs à coordonnées rationnelles ;
iv) E admet un système générateur formé de vecteurs à coordonnées rationnelles.
Indications. Les implications ii) ⇒ iii) ⇒ iv) ⇒ iii) ⇒ ii) sont immédiates.
Rappelez pourquoi E ∩Zd est un groupe abélien libre de type fini. Soit (a1 , . . . , am )
une base de ce groupe. En utilisant le lemme précédent, montrez que (a1 , . . . , am )
est un système libre sur R. On a donc m ≤ dim(E), d’où rang(E ∩ Zd ) ≤ dim(E).
De ce qui précède, déduire l’implication i) ⇒ ii).
Supposons ii) : E admet une base formée de vecteurs à coordonnées entières. Alors
cette base est un système libre dans le groupe E ∩ Zd , donc le nombre d’éléments de
cette base est ≤ rang(E ∩ Zd ). Conclure.
Définition 3. Un sous-espace rationnel de Rd est une sous-espace vectoriel de Rd
vérifiant les propriétés de la proposition précédentes.
Lemme 4. Soit E un sous-espace rationnel de Rd . Alors Zd /(Zd ∩ E) est un groupe
abélien libre.
Proposition 5. Tout sous-espace rationnel de Rd admet un supplémentaire rationnel.
Proposition 6. Soit Φ une application linéaire de Rd dans lui même dont la matrice
dans la base canonique a des coefficients rationnels. Alors Φ(Rd ) est un sous-espace
rationnel de Rd .
Proposition 7. Soit Φ une application linéaire de Rd dans lui même dont la matrice
dans la base canonique a des coefficients rationnels. Alors ker(Φ) est un sous-espace
rationnel de Rd .
Indication. On pourra commencer par se ramener au cas où la matrice est à
coefficients entiers. Étudier la restriction de Φ à Zd .
On munit désormais Rd du produit scalaire usuel.
5. UN PROBLÈME
39
Proposition 8. Soit E un sous-espace rationnel de Rd . Alors la projection orthogonale Rd → E sur E a des coefficients rationnels dans la base canonique.
Corollaire 9. Si E est un sous-espace rationnel de Rd alors son orthogonal E ⊥ dans
Rd est un sous-espace rationnel.
CHAPITRE V
Anneaux commutatifs
Ce chapitre est principalement constitué de révisions. Les seules nouveautés sont
contenues dans les sections 2 et 5.
Prérequis. On ne rappelle pas ici la définition d’un anneau, d’un anneau unitaire,
d’un anneau commutatif, d’un homomorphisme d’anneaux. . . L’élément neutre additif
d’un anneau A est noté 0 ou 0A . L’élément neutre multiplicatif d’un anneau unitaire
A est noté 1 ou 1A .
Un anneau A est trivial s’il est réduit à 0A . On remarque que si l’anneau A est
unitaire, alors A est trivial si et seulement si 1A = 0A .
Dans ce cours on suppose implicitement que tous les anneaux considérés sont
commutatifs, unitaires et non triviaux.
Vocabulaire. Soient A et B deux anneaux unitaires. Un homomorphisme d’anneaux φ : A → B est appelé un homomorphisme unitaire si φ(1A ) = 1B .
Dans ce cours, les homomorphismes d’anneaux considérés sont toujours unitaires.
Soit A un anneau commutatif unitaire non trivial. Un élément a ∈ A est inversible
s’il existe b ∈ A avec ab = 1. Cet élément est alors unique : en effet, si ab = ab0 = 1,
alors b0 = 1b0 = (ab)b0 = (ab0 )b = 1b = b ; cet élément et est appelé l’inverse de a.
L’ensemble des éléments inversibles de A muni de la multiplication est un groupe,
noté A× .
Un anneau commutatif unitaire non trivial est un corps si tout élément non nul
de A est inversible.
Définition V.1. Un anneau commutatif unitaire A est intègre s’il est non trivial et
si, pour tous a et b ∈ A non nuls, on a ab 6= 0.
Par exemple, tout corps est intègre. Z et R[X] sont intègres mais ne sont pas des
corps.
1. Révisions sur les polynômes d’une variable
Dans cette section, tous les anneaux sont commutatifs, unitaires et non triviaux.
Proposition V.2. Si A est un anneau intègre alors A[X] est intègre et pour tous
P, Q ∈ A[X] non nuls on a deg(P Q) = deg(P ) + deg(Q).
Démonstration. Soient P (X) et Q(X) ∈ A[X], non nuls. Soient pm X m et
qn X n les termes de plus haut degré de P et Q, respectivement. Alors pm 6= 0, qn =
6 0,
donc pm qn 6= 0 puisque A est intègre. Le terme de plus haut degré de P Q est
pm qn X m+n et P Q 6= 0.
1.1. Division euclidienne par un polynôme unitaire.
Définition V.3. Soient A un anneau et P ∈ A[X]. On dit que P est un polynôme
unitaire s’il est non nul et si le coefficient de son terme de plus haut degré est 1.
40
1. RÉVISIONS SUR LES POLYNÔMES D’UNE VARIABLE
41
Théorème V.4. On suppose que l’anneau A est intègre. Soient U (X) et V (X) ∈
A[X] avec V unitaire. Alors il existe un unique couple Q(X), R(X) dans A[X]
vérifiant les deux conditions
(
U =VQ+R ;
ou bien R = 0 ou bien deg(R) < deg(V ) .
Q s’appelle le quotient et R s’appelle le reste de la division euclidienne de U par V .
On appliquera plus loin ce résultat dans le cas où A est un corps.
Démonstration. Existence. On fixe le polynôme V que l’on écrit
V (X) = X ` + v`−1 X `−1 + · · · + v0
avec ` ≥ 0 et v`−1 , . . . , v0 ∈ A. On démontre l’existence de Q et R vérifiant les
conditions imposées par récurrence sur le degré k de U .
Si U = 0 ou si k < ` on peut prendre Q = 0 et R = U . Supposons que k ≥ ` et
que l’existence est montrée pour tout polynôme U de degré < k. On suppose que U
est de degré k et on écrit
U (X) = uk X k + uk−1 X k−1 + · · · + u0
avec uk , . . . , u0 ∈ A et uk ∈ A non nul. Posons
W (X) = U (X) − uk X k−` V (X)
Alors on a W = 0 ou deg(W ) < k. D’après l’hypothèse de récurrence, on peut écrire
W = V Q0 + R avec R = 0 ou deg(R) < deg(V ) .
On pose
Q(X) = uk X k−` + Q0 (X)
et les polynômes Q et R vérifient les conditions imposées.
Unicité. Supposons que
U = V Q + R avec R = 0 ou deg(R) < deg(V )
U = V Q0 + R0 avec R0 = 0 ou deg(R0 ) < deg(V ) .
On a alors V (Q − Q0 ) = R0 − R. Le membre de droite de cette égalité est nul ou de
degré < deg(V ). Si Q 6= Q0 le membre de gauche est non nul et de degré ≥ deg(V )
ce qui est impossible. On a donc Q = Q0 , d’où R = R0 .
Exercice 1.
a) Dans la démonstration précédente, où a-t-on utilisé le fait que A est intègre ?
b) Où a-t-on utilisé le fait que V est unitaire ? Au moyen d’un contre-exemple,
montrez que le résultat n’est pas valable sans cette hypothèse.
Théorème V.5. Soient A un anneau intègre, ξ ∈ A et P (X) ∈ A[X] non nul. Alors
P (ξ) = 0 si et seulement si P (X) est un multiple de X − ξ dans A[X], c’est à dire
s’il existe Q(X) ∈ A[X] avec P (X) = (X − ξ)Q(X).
42
V. ANNEAUX COMMUTATIFS
Démonstration. La condition est évidement suffisante.
Supposons que P (X) est non nul et vérifie P (ξ) = 0. Soient Q(X) et R(X) le
quotient et le reste de la division euclidienne du polynôme P (X) par le polynôme
unitaire X − ξ :
P (X) = (X − ξ)Q(X) + R(X) ; R = 0 ou deg(R) < 1 .
Dans les deux cas, R est un polynôme constant. De plus, 0 = P (ξ) = R(ξ) donc le
polynôme R est nul, et P est bien un multiple de X − ξ.
Corollaire V.6. Soient A un anneau intègre et P (X) ∈ A[X] un polynôme non nul
de degré d ≥ 0. Alors P a au maximum d racines distinctes dans A.
Démonstration. On procède par récurrence sur le degré d de P . Si d = 0, P
est un polynôme constant non nul et donc n’a pas de racine. Soit maintenant d > 0
et supposons le résultat vrai pour les polynômes de degré < d.
Soit P un polynôme non nul de degré d, on doit montrer qu’il a au plus d racines
distinctes dans A. Si P n’a pas de racine il n’y a rien à montrer. Sinon, soit ξ ∈ A
une racine de P .
D’après le théorème V.5, il existe Q(X) ∈ A[X] avec P (X) = (X − ξ)Q(X).
D’après la proposition V.2, deg(Q) = d − 1 et donc, d’après l’hypothèse de récurrence,
le polynôme Q admet au plus d − 1 racines distinctes. Or, si ξ 0 est une racine de
P différente de ξ, on a 0 = P (ξ 0 ) = (ξ 0 − ξ)Q(ξ 0 ) donc Q(ξ 0 ) = 0 puisque A est
intègre et ξ 0 est une racine de Q. Le polynôme P a donc au maximum d − 1 racines
différentes de ξ, et donc au maximum d racines distinctes.
2. Polynômes à plusieurs variables
Dans cette section, A est un anneau commutatif unitaire non trivial.
2.1. La définition. Soient k ≥ 1 un entier et X1 , . . . , Xk des symboles distincts.
Pour les petites valeurs de k on utilise fréquemment les symboles X, Y, Z, . . . .
On définit par récurrence l’anneau A[X1 , . . . , Xk ] des polynômes à k variables
X1 , . . . , Xk à coefficients dans A.
La définition de A[X1 ] est déjà connue. Pour k ≥ 2, on pose
A[X1 , . . . , Xk−1 , Xk ] = A[X1 , . . . , Xk−1 ][Xk ] :
c’est donc l’anneau des polynômes en une variable Xk à coefficients dans l’anneau
des polynômes en k − 1 variables X1 , . . . , Xk−1 .
Considérons le cas k = 2. Un élément P de A[X1 , X2 ] s’écrit par définition
P (X1 , X2 ) = P0 (X1 ) + P1 (X1 )X2 + · · · + Pd (X1 )X2d
avec P0 , . . . , Pd ∈ A[X]. Écrivons chacun des polynômes Pj sous la forme
r
Pj (X) = a0,j + a1,j X1 + · · · + arj ,j X1 j .
En notant r = max{r0 , . . . , rd } et en posant ai,j = 0 pour rj < i ≤ r on se ramène
au cas où r1 = · · · = rd = r.
Remarquons que, pour chaque i ∈ {0, . . . , r} et chaque j ∈ {0, . . . , d}, ai,j X1j X2i
est un élément de A[X1 , X2 ] et que la somme de ces éléments de A[X1 , X2 ] est égal à
P (X1 , X2 ) : on a dans A[X1 , X2 ] = A[X1 ][X2 ] les identités
d X
r
r X
d
d X
r
X
X
X
j
i
i j
i
P (X1 , X2 ) =
ai,j X1 X2 =
ai,j X1 X2 =
ai,j X1 X2j .
j=0
i=0
i=0 j=0
j=0
i=0
3. IDÉAUX, ANNEAUX QUOTIENT
43
Pour chaque i et j, ai,j X1i X2j peut être considéré comme un élément de A[X2 ][X1 ] et
ainsi P peut être considéré comme un élément de A[X1 ][X2 ] = A[X2 , X1 ].
Notons l’identification ainsi définie entre A[X1 , X2 ] et A[X2 , X1 ] est compatible
avec les opérations de ces deux anneaux : c’est un isomorphisme d’anneaux unitaires.
De la même façon, pour tout k ≥ 2 et pour toute permutation σ de {1, . . . , k},
on peut identifier A[X1 , . . . , Xk ] et A[Xσ(1) , . . . , Xσ(k) ].
2.2. Les degrés. On distingue le degré en une variable et le degré total d’un
polynôme. Les notations étant vraiment lourdes, on ne donne les définitions que pour
les polynômes à 2 variables ; le cas général est analogue.
Soit P (X1 , X2 ) ∈ A[X1 , X2 ] non nul que nous écrivons
P (X1 , X2 ) =
d X
r
X
Ai,j X1i X2j .
i=0 j=0
Le degré de P en la variable X1 est
max i ∈ {1, . . . , d} ; ∃j ∈ {1, . . . , r}, ai,j 6= 0
le degré de P en X2 est défini de la même façon, et le degré total de P est
max i + j ; i ∈ {1, . . . , d}, j ∈ {1, . . . , r}, ai,j 6= 0 .
Le polynôme P est dit homogène de degré d si on a ai,j = 0 pour tous les couples
(i, j) d’entiers tels que i + j 6= d. Notons que tout polynôme peut s’écrire comme
somme de polynômes homogènes.
2.3. Fonctions polynômes de plusieurs variables. Soit B un anneau contenant A comme sous anneau unitaire. Pour tout P ∈ A[X1 , . . . , Xk ] et tous b1 , . . . , bk ∈
B, on note P (b1 , . . . , bk ) l’élément de B obtenu en remplaçant dans P chaque variable
Xi par bi : Si
X
P (X1 , . . . , Xk ) =
ai1 ,...,ik X1i1 . · · · .Xkik
0≤i1 ,...,ik ≤d
alors
P (b1 , . . . , bk ) =
X
ai1 ,...,ik bi11 . · · · .bikk .
0≤i1 ,...,ik ≤d
Pour b1 , . . . , bk ∈ B fixés, l’application P 7→ P (b1 , . . . , bk ) est un homomorphisme
d’anneaux unitaires de A[X1 , . . . , Xk ] dans B ; cet homomorphisme s’appelle l’évaluation au point (b1 , . . . , bk ) de B k . L’image de cette application est notée A[b1 , . . . , bk ].
C’est un sous-anneau unitaire de B.
Si maintenant on fixe P ∈ A[X1 , . . . , Xk ], l’application (b1 , . . . , bk ) 7→ P (b1 , . . . , bk )
de B k dans B est appelée la fonction polynôme associée à P .
3. Idéaux, anneaux quotient
Définition V.7. Soit A un anneau (commutatif, unitaire et non trivial). Un idéal
de A est un sous-groupe additif I de A tel que pour tout x ∈ A et tout y ∈ I on ait
xy ∈ I.
L’idéal trivial de A est {0}. L’idéal impropre de A est A.
Pour tout a ∈ A, l’idéal engendré par a est
def
def
(a) = aA = {ax ; x ∈ A} ;
44
V. ANNEAUX COMMUTATIFS
c’est le plus petit idéal de A contenant a. Un idéal engendré par un élément est
appelé un idéal principal.
Si I et J sont deux idéaux de A alors
def
I + J = {x + y ; x ∈ I, y ∈ J}
est un idéal de A.
Si un idéal contient un élément inversible il est impropre.
Un idéal est impropre si et seulement si il contient 1.
Proposition V.8. A est un corps si et seulement si ses seuls idéaux sont l’idéal
trivial et l’idéal impropre.
Démonstration. Supposons que A est un corps. Soit I un idéal non trivial de
A. Alors I contient un élément non nul a. Comme A est un corps, a est inversible et
I est l’idéal impropre.
Supposons que les seuls idéaux de A sont l’idéal trivial et l’idéal impropre. Soit
a ∈ A, non nul. Comme a ∈ (a), l’idéal (a) n’est pas trivial, il est donc impropre,
donc il contient 1 ; il existe donc b ∈ A avec ab = 1 et a est inversible.
3.1. Idéaux et anneaux quotient.
Proposition V.9. Soit I un idéal de A. Alors le groupe quotient A/I peut être
muni d’une unique multiplication telle que l’application quotient π : A → A/I vérifie
π(xy) = π(x)π(y) pour tous x, y ∈ A.
Muni de cette multiplication, A/I est un anneau commutatif unitaire et π : A →
A/I est un homomorphisme d’anneaux unitaires.
On procède comme pour la démonstration du théorème I.13 en théorie des
groupes.
Lemme V.10. Soient x, x0 , y, , y 0 ∈ A avec π(x) = π(x0 ) et π(y) = π(y 0 ). Alors
π(xy) = π(x0 y 0 ).
Démonstration du lemme. Par hypothèse on a x − x0 ∈ I et y − y 0 ∈ I.
Comme xy − x0 y 0 = (x − x0 )y + x0 (y − y 0 ) on a xy − x0 y 0 ∈ I donc π(xy) = π(x0 y 0 ). Démonstration abrégée de la proposition. Soient ξ, η ∈ A/I. Choisissons un représentant x ∈ A de ξ et un représentant y ∈ A de η. Alors, d’après le
lemme, π(xy) ne dépend pas des choix des représentants x et y mais seulement de ξ
def
et de η. On peut donc définir ξη = π(xy).
Par construction la multiplication ainsi définie sur A/I vérifie π(xy) = π(x)π(y)
pour tous x, y ∈ A. Comme π est surjectif, il est clair que cette propriété ne peut
pas être vérifiée par deux multiplications distinctes sur A/I.
On vérifie que A/I, muni de sa structure de groupe additif quotient et de cette
multiplication, est un anneau commutatif et que π(1A ) est une unité de cet anneau.
Par définition de la multiplication dans A/I, π est un un homomorphisme d’anneaux
unitaires.
On remarque que A/I est trivial si et seulement si I est l’idéal impropre.
Théorème V.11. Soient A, B deux anneaux et f : A → B un homomorphisme
d’anneaux unitaires. Alors
i) ker(f ) est un idéal de A,
3. IDÉAUX, ANNEAUX QUOTIENT
45
ii) f (A) est un sous-anneau unitaire de B et
iii) les anneaux unitaires A/ ker(f ) et f (A) sont isomorphes.
Démonstration. i) Comme f est un homomorphisme de groupes pour l’addition, on sait déjà que ker(f ) est un sous-groupe additif de A. Soient x ∈ ker(f ) et
y ∈ A. On a f (xy) = f (x)f (y) = 0B f (y) = 0B donc xy ∈ ker(f ). ker(f ) est donc
bien un idéal de A.
ii) On sait déjà que f (A) est un sous-groupe additif de B. Soient y, y 0 ∈ f (A).
Il existe x, x0 ∈ A avec y = f (x) et y 0 = f (x0 ). On a yy 0 = f (xx0 ), donc yy 0 ∈ f (A).
Comme f est un homomorphisme unitaire, f (1A ) = 1B et 1B ∈ f (A).
iii) Soit π : A → A/ ker(k) l’homomorphisme quotient. On sait déjà qu’il existe
un isomorphisme de groupes φ : A/ ker(f ) → f (A) tel que f = φ ◦ π et il suffit de
démontrer que φ est un homomorphisme d’anneaux unitaires. Soient α, β ∈ A/ ker(f )
et a, b ∈ A des représentants de α et β respectivement. On a π(a) = α, π(b) = β
donc π(ab) = αβ puisque π est un homomorphisme d’anneaux. On a donc
φ(α)φ(β) = φ ◦ π(a) · φ ◦ π(b) = f (a)f (b) = f (ab) = φ ◦ π(ab) = φ(αβ).
Enfin, φ(1A/ ker(φ) ) = φ ◦ π(1A ) = f (1A ) = 1B .
Théorème V.12 (Le théorème de factorisation). Soient A et B deux anneaux et
f : A → B un homomorphisme d’anneaux unitaires. Soient I un idéal de A inclus
dans ker(f ) et π : A → A/I l’homomorphisme quotient. Alors il existe un unique
homomorphisme d’anneaux unitaires φ : A/I → B tel que
(1)
f =φ◦π .
La démonstration est exactement la même que dans le cas des groupes (théorème I.17) et on ne la reproduit pas ici.
Théorème V.13 (Idéaux et quotients). Soient A un anneau, L un idéal de A et
π : A → A/L l’homomorphisme quotient.
i) Si J est un idéal de A/L alors π −1 (J) est un idéal de A contenant L ;
ii) Si I est un idéal de A alors π(I) est un idéal de A/L ;
iii) Si I est un idéal de A contenant L alors π −1 (π(I)) = I.
Les deux premières affirmations se vérifient immédiatement.
Démonstration de iii). Par définition de l’image réciproque d’un ensemble,
on a π −1 (π(I)) ⊃ I. Soit x ∈ π −1 (π(I)). Soit α = π(x). Par définition, α ∈ π(I). Il
existe donc y ∈ I avec π(y) = α. On a donc π(y) = π(x), donc π(x − y) = 0 donc
x − y ∈ L et, comme I ⊃ L, x − y ∈ I. Comme y ∈ I, nous concluons que x ∈ I. 3.2. Idéaux maximaux, idéaux premiers.
Définition V.14. Un idéal I de l’anneau A est maximal si il est propre et si les
seuls idéaux de A contenant I sont I et A.
Remarque. A est un corps si et seulement si l’idéal trivial est maximal.
Le théorème suivant est assez facile à montrer dans le cas où A est fini ou
dénombrable, mais beaucoup plus difficile dans le cas général. Nous l’admettrons
sans démonstration.
Théorème V.15. Tout idéal propre est contenu dans (au moins) un idéal maximal.
46
V. ANNEAUX COMMUTATIFS
Théorème V.16. Soit I un idéal de l’anneau A. Alors I est maximal si seulement
si A/I est un corps.
Démonstration. Soit π : A → A/I l’homomorphisme quotient.
Supposons que I est maximal et montrons que A/I est un corps. Soit J un idéal
de A/I. D’après le théorème V.13, π −1 (J) est un idéal de A contenant I donc est
égal à I ou à A. Comme π est surjectif, J = π(π −1 (J)) donc J est égal à π(I) = {0}
ou à π(A) = A/I. Les seuls idéaux de A/I sont donc l’idéal trivial et l’idéal impropre,
donc A/I est un corps d’après la proposition V.8.
Inversement, supposons que A/I est un corps et montrons que I est maximal.
Soit J un idéal de A contenant I. D’après le théorème V.13, π(J) est un idéal de
A/I donc est égal à {0} ou à A/I d’après la proposition V.8. De nouveau d’après le
théorème V.13, J = π −1 (π(J)) donc est égal à π −1 ({0}) = I ou a π −1 (A/I) = A. I
est donc bien maximal.
Définition V.17. Un idéal I propre de l’anneau A est premier si pour tous x, y ∈ A
n’appartenant pas à I on a xy ∈
/ I.
Ainsi, A est intègre si et seulement si l’idéal trivial est premier.
Proposition V.18. Soit I un idéal propre de I. Alors I est premier si et seulement
si A/I est intègre.
Démonstration. Soit π : A → A/I l’homomorphisme quotient.
Supposons que A/I n’est pas intègre. Il existe alors α, β ∈ A/I, non nuls, avec
αβ = 0. Soient a, b ∈ A des représentants de α et β, respectivement. Comme
π(a) = α 6= 0, a n’appartient pas à I. De même, b ∈
/ I. Par ailleurs, π(ab) =
π(a)π(b) = αβ = 0 donc ab ∈ I. L’idéal I n’est donc pas premier.
Supposons que l’idéal I n’est pas premier. Il existe a, b ∈ A avec a ∈
/ I, b ∈
/ I et
ab ∈ I. On a π(a) 6= 0, π(b) 6= 0 et π(ab) = 0 donc A/I n’est pas intègre.
Corollaire V.19. Tout idéal maximal est premier.
Démonstration. Si I est un idéal maximal alors A/I est un corps d’après le
théorème V.16, donc A/I est intègre, donc I est premier d’après la proposition V.18.
Exercice 2. Démontrez directement ce résultat à partir des définitions d’un idéal
maximal et d’un idéal premier.
Exercice 3. (Cet exercice sera utilisé plus tard) Soit I l’idéal de Z[X] engendré
par X.
a) Vérifiez que I est l’ensemble des polynômes appartenant à Z[X] dont le coefficient
constant est nul et que
I = {P [X] ∈ Z[X] ; P (0) = 0} .
b) Montrez que Z[X]/I est isomorphe à Z. Méthode : Utilisez l’homomorphisme
d’évaluation e0 : P 7→ P (0).
Montrez que I est un idéal premier de Z[X].
c) Soit J l’idéal de Z[X] engendré par 2 et X. Montrez que
J = {P (X) ∈ Z[X] ; P (0) ∈ 2Z} .
d) En déduire que I n’est pas maximal.
5. LE CORPS DES FRACTIONS D’UN ANNEAU INTÈGRE
47
e) Montrez que Z[X]/J est isomorphe à Z/2Z et que J est maximal.
4. Divisibilité dans les anneaux intègres
Dans le reste de ce chapitre, les anneaux considérés sont implicitement supposés
commutatifs, unitaires, non triviaux et intègres
Définition V.20. Soient a, b ∈ A avec b non nul. On dit que a est un multiple de b,
ou que b est un diviseur de a, s’il existe x ∈ A avec a = bx.
Proposition V.21 (et définition). Soient a, b ∈ A, non nuls.
i) On a (a) ⊂ (b) si et seulement si a est un multiple de b.
ii) On a (a) = (b) si et seulement si il existe un élément inversible u de A avec
b = au.
On dit alors que b = a à multiplication par un inversible près.
La relation d’égalité à multiplication par un inversible près est évidement une
relation d’équivalence.
Démonstration. i) Supposons que (a) ⊂ (b). Comme a ∈ (a) on a a ∈ (b) donc
a est un multiple de b. Supposons maintenant que a est un multiple de b et écrivons
a = bx avec x ∈ A. Pour tout y ∈ A, ay = b(xy) ∈ (b) donc (a) ⊂ (b).
ii). Si b = au avec u inversible on a (b) ⊂ (a) d’après i). On a aussi a = bu−1
donc, pour la même raison, (a) ⊂ (b). Finalement, (a) = (b).
Supposons maintenant que (a) = (b) et montrons qu’il existe u inversible avec
b = au. Si a = 0 on a (a) = {0} donc (b) = {0} et b = 0 et on peut prendre u = 1.
Supposons maintenant que a 6= 0. D’après i), comme (a) ⊂ (b), il existe u ∈ A avec
a = bu. De même, il existe v ∈ A avec b = av. On a donc a = avu, donc a(1−vu) = 0.
comme A est intègre, vu = 1 et u est inversible.
Définition V.22. Soit a ∈ A. On dit que a est irréductible si a n’est ni nul ni
inversible et ne peut pas s’écrire comme le produit de deux éléments non inversibles.
Ainsi, les éléments irréductibles de Z sont les nombres premiers et leurs opposés.
Remarque. Si p est irréductible et si q est égal à p à multiplication par un
inversible près alors q est irréductible.
Proposition V.23. Soit a ∈ A non nul. Si (a) est premier alors a est irréductible.
Définition V.24. Soient a, b ∈ A non nuls. On dit que a, b sont premiers entre eux,
et on écrit (a, b) = 1, si les seuls diviseurs communs de a et b sont les éléments
inversibles de A.
On définit de même une famille (finie) d’éléments premiers entre eux.
Proposition V.25. Soient p un élément irréductible de A et a ∈ A non nul. Alors
ou bien p divise a, ou bien p et a sont premiers entre eux.
5. Le corps des fractions d’un anneau intègre
Dans cette section, A est un anneau commutatif unitaire intègre (non trivial).
Nous allons construire un corps K, appelé le corps des fractions de A. Si A = Z, ce
corps est le corps Q des nombres rationnels, et en fait la définition de Q est que c’est
le corps des fractions de Z.
48
V. ANNEAUX COMMUTATIFS
Un autre cas intéressant est celui où A = K[X] pour un certain corps K. Le corps
des fractions K(X) de K[X] est appelé le corps des fractions rationnelles (à une
variable) sur K.
Dans la construction qui suit, nous notons A∗ l’ensemble des éléments non nuls
de A.
5.1. La construction.
5.1.1. Deux opérations sur A × A∗ .
e et e· par
Munissons A × A∗ de deux opérations +
pour tout (a, b) ∈ B et tout (c, d) ∈ B
e d) = (ad + cb, bd)
(a, b)+(c,
et
(a, b)e·(c, d) = (ac, bd) .
On vérifie à la main (il n’y a pas de raccourci !) que :
e est commutative et associative et elle admet (0, 1) comme
i) l’opération +
élément neutre ;
ii) l’opération e· est commutative et associative et elle admet (1, 1) comme
élément neutre.
Ces opérations sont bien définies car dans les deux cas on a bd 6= 0 et donc bd ∈ A∗ .
e n’est pas un groupe : Pour a ∈ A et b ∈ A∗
Remarquons que A × A∗ muni de +
différent de 1, (a, b) n’a pas d’opposé. Remarquons enfin que pour tous (a, b), (c, d)
et (e, f ) ∈ A × A∗ nous avons
e d) e·(e, f ) = (ade + cbe, bdf ) et
iii) (a, b)+(c,
e (c, d)e·(e, f ) = (aedf + cebf, bf df ).
iv) (a, b)e·(e, f ) +
Ces deux termes sont différents en général, et la propriété de distributivité n’est donc
pas satisfaite.
5.1.2. Une relation d’équivalence sur A × A∗ . Pour (a, b) et (a0 , b0 ) ∈ A × A∗ , on
note (a, b) ≡ (a0 , b0 ) si ab0 − ba0 = 0.
On vérifie à la main (encore une fois, il n’y a pas d’autre méthode) que ≡ est
une relation d’équivalence sur A × A∗ .
Nous remarquons que la classe d’équivalence de (0, 1) est l’ensemble des éléments
de la forme (0, b) avec b ∈ A∗ et que la classe d’équivalence de (1, 1) est formée des
éléments de la forme (a, a) avec a ∈ A∗ .
Notons K l’ensemble quotient de A × A∗ par la relation ≡. Notons provisoirement
π : A × A∗ → K l’application quotient.
On vérifie encore que la relation d’équivalence ≡ est compatible avec les opérations
définies sur A × A∗ , c’est à dire que
pour tous (a, b), (a0 , b0 ), (c, d), (c0 , d0 ) ∈ A × A∗ ,
si (a, b) ≡ (a0 , b0 ) et si (c, d) ≡ (c0 , d0 )
e d) ≡ (a0 , b0 )+(c
e 0 , d0 ) et (a, b)e·(c, d) ≡ (a0 , b0 )e·(c0 , d0 )
alors (a, b)+(c,
e et e· passent donc au quotient : on peut définir deux opérations +
Les opération +
et · sur K vérifiant
pour tous (a, b), (c, d) ∈ A × A∗ ,
e d)) et π((a, b)) · π((c, d)) = π((a, b)e·(c, d)) .
π((a, b) + π((c, d)) = π((a, b)+(c,
5. LE CORPS DES FRACTIONS D’UN ANNEAU INTÈGRE
49
5.1.3. Montrons que, avec ces opérations, K est un corps. D’après i), l’opération
+ ainsi définie sur K est commutative et associative et admet π((0, 1)) comme
élément neutre. Nous remarquons que chaque élément de K admet un opposé :
−π(a, b) = π(−a, b). Muni de l’addition, K est donc un groupe commutatif.
D’après ii), l’opération · définie sur K est commutative et associative et admet
π((1, 1)) comme élément neutre. D’après iii) et iv), pour tous (a, b), (c, d) et (e, f ) ∈
A × A∗ nous avons
e d) e·(e, f ) ≡ (a, b)e·(e, f ) +
e (c, d)e·(e, f ) .
(a, b)+(c,
La propriété de distributivité est donc satisfaite et K est un anneau commutatif
unitaire. Cet anneau n’est pas trivial puisque (1, 1) 6≡ (0, 1).
Vérifions que K est un corps. Soit α un élément non nul de K et (a, b) ∈ A × A∗
un représentant de α. Comme (a, b) n’appartient pas à la classe de (0, 1) on a a 6= 0
et donc (b, a) ∈ A × A∗ . On a (a, b) · (b, a) = (ab, ab) ≡ (1, 1). Comme π((1, 1)) est
l’élément neutre multiplicatif de K, α est inversible dans K et admet pour inverse
π((b, a)).
Ce corps est appelé le corps des fractions de A.
5.1.4. Le plongement de A dans son corps des fractions. Pour tout a ∈ A, notons
j(a) = π((a, 1)). On vérifie immédiatement que j : A → K est un homomorphisme
d’anneaux unitaires. Cet homomorphisme est injectif. En effet, si j(a) = 0K on a
(a, 1) ≡ (0, 1) c’est à dire a = 0.
Nous identifions chaque élément a de A à son image j(a) dans K.
Ainsi, nous considérons A comme un sous anneau unitaire de K.
5.1.5. Une notation : les fractions. Pour a ∈ A et b ∈ A∗ notons a/b ou ab au lieu
de π((a, b)) l’image de (a, b) dans K. On a ainsi :
a0
a
= 0 si et seulement si ab0 = ba0 ;
b
b
ad + cb
a c
ac
a c
+ =
et · =
.
b d
bd
b d
bd
Pour a ∈ A non nul, l’inverse de a/1 = a est 1/a. Pour a ∈ A et b ∈ A non nul,
a/b est non nul si et seulement si a 6= 0 et que dans ce cas l’inverse de a/b est b/a.
Considérons le cas où A = Z. Chaque élément de A × A∗ s’appelle une fraction.
Un élément de K s’appelle un nombre rationnel
5.2. Un exercice : la localisation.
Dans cet exercice, A est un anneau commutatif unitaire non trivial et J est un
e et e· sur A × A∗ comme dans la
idéal premier de A. On définit les opérations +
section 5.1.
a) Vérifier que le sous-ensemble A × (A \ J) de A × A∗ est invariant pour l’addition
e et la multiplication e· de A × A∗ .
+
b) On définit une relation ∼
= sur A × (A \ J) par
pour tous (a, b), (a0 , b0 ) ∈ A × (A \ J),
(a, b) ∼
= (a0 , b0 ) s’il existe t ∈ A \ J avec t(ab0 − ba0 ) = 0 .
Montrez que ∼
= est une relation d’équivalence sur A × (A \ J).
c) On note AJ = (A × (A \ J))/ ∼
= l’ensemble quotient et π : A × (A \ J) → AJ
l’application quotient.
50
V. ANNEAUX COMMUTATIFS
En procédant comme dans la section 5.1, montrez qu’il existe une addition + et
une multiplication · sur AJ vérifiant
pour tous (a, b), (c, d) ∈ A × (A \ J),
e d) = π(a, b) + π(c, d) et π (a, b)e·(c, d) = π(a, b) · π(c, d) .
π (a, b)+(c,
Montrez que AJ muni de de ces opérations est un anneau commutatif unitaire.
d) Montrez que l’application j : A → AJ donnée par j(a) = π(a, 1) est un homomorphisme d’anneaux. Quel est son noyau ?
e) Pour (a, b) ∈ A × (A \ J), à quelle condition est-ce que π(a, b) est inversible dans
AJ ? Montrez que les éléments non inversibles de AJ forment un idéal de AJ . Montrez
que cet idéal est l’unique idéal maximal de AJ .
f ) Dans cette question, on suppose que l’anneau A est intègre. Montrez que l’anneau
AJ peut être considéré comme un sous-anneau du corps des fractions K de A.
CHAPITRE VI
Anneaux principaux, anneaux factoriels
1. Anneaux principaux : exemples et premières propriétés
Définition VI.1. On dit que l’anneau commutatif unitaire non trivial A est principal
si A est intègre et si tout idéal de A est principal (c’est à dire engendré par un
élément).
Tout corps est un anneau principal.
Z est principal. En effet, tout idéal de Z est un sous-groupe additif donc est égal
soit à {0} = (0) soit à kZ = (k) pour un certain k ≥ 1.
Théorème VI.2 (La division euclidienne). Soient K un corps et A(X), B(X) ∈
K[X] avec B 6= 0. Alors il existe un unique couple Q(X), R(X) ∈ K[X] vérifiant les
deux conditions
(
A = BQ + R et
(1)
ou bien R = 0 ou bien deg(R) < deg(B) .
Q s’appelle le quotient et R le reste de la division euclidienne de A par B.
Démonstration. Écrivons B = bB 0 où b ∈ K est non nul et où B 0 ∈ K[X] est
unitaire. D’après le théorème V.4, il existe un unique couple Q0 , R ∈ K[X] avec
(
A = B 0 Q0 + R et
(2)
ou bien R = 0 ou bien deg(R) < deg(B 0 ) .
Posons Q = bQ0 . Alors Q, R vérifient (1). Inversement, si Q, R vérifient (1) alors
Q0 = b−1 Q, R vérifient (2).
Théorème VI.3. Soit K un corps. Alors K[X] est un anneau principal.
Démonstration. On sait déjà que K[X] est intègre.
Soit I un idéal de K[X]. Si I est trivial, il est engendré par 0 donc il est principal.
Supposons que I n’est pas trivial.
L’ensemble d’entiers {deg(P ); P ∈ I, P =
6 0} est non vide. Soit d le plus petit
élément de cet ensemble. Choisissons B ∈ I, non nul, avec deg(B) = d.
Montrons que I = (B). Comme B ∈ I, on a I ⊃ (B). Soit A ∈ I et montrons que
A ∈ (B). Soient Q le quotient et R le reste de la division euclidienne de A par B.
On a R = A − BQ donc R ∈ I. Si R était non nul, au aurait deg(R) < deg(B) = d
d’où une contradiction avec la définition de d. On a donc R = 0 et A ∈ (B).
Exercice 1. On note Z[i] l’ensemble des nombres complexes dont la partie réelle et
la partie imaginaire sont des nombres entiers.
a) Vérifiez que Z[i] est un sous-anneau unitaire de C.
Pour z = a + ib ∈ Z[i] on note N(z) = |z|2 = z z̄ = a2 + b2 ∈ Z. Il sera utile de
remarquer que pour z, z 0 ∈ Z[i] on a N(zz 0 ) = N(z) N(z 0 ).
51
52
VI. ANNEAUX PRINCIPAUX, ANNEAUX FACTORIELS
b) Vérifiez que z ∈ Z[i] est inversible si et seulement si N(z) = 1. Quels sont les
éléments inversibles de Z[i] ?
c) Soient u, v ∈ Z[i] avec v 6= 0. Montrez qu’il existe w ∈ Z[i] avec N(u − vw) ≤
N(v)/2. Méthode : Posez ξ = u/v ∈ C et considérerez le point w de Z[i] le plus
proche de ξ, c’est à dire tel que |w − ξ| soit minimum.
d) En procédant comme dans la démonstration du théorème VI.3 à partir du
théorème VI.2, montrez que Z[i] est principal.
Proposition VI.4. Z[X] n’est pas principal.
Si A est un anneau alors A[X, Y ] n’est pas principal.
Démonstration à compléter. Montrons la première assertion. Soit I l’idéal
de Z[X] engendré par X et 2. Cet idéal est propre. Supposons que I est un idéal
principal et soit P (X) ∈ Z[X] un générateur de cet idéal. Alors P (X) diviserait 2
et X. Or ces éléments sont premiers entre eux. P (X) serait donc inversible et donc
I serait impropre, d’où une contradiction. Autre méthode : D’après l’exercice 3 du
chapitre V, Z[X] admet un idéal premier non maximal. On conclut en utilisant la
proposition VI.5 ci-dessous.
Pour montrer la deuxième assertion, considérer l’idéal de A[X, Y ] engendré par
X et Y .
Proposition VI.5. Soient A un anneau principal et a ∈ A non nul et non inversible
Alors les propriétés suivantes sont équivalentes :
i) (a) est maximal :
ii) (a) est premier ;
iii) a est irréductible.
Démonstration. On déjà a vu que i) entraîne ii) et que ii) entraîne iii).
Supposons que a est irréductible et montrons que l’idéal (a) est maximal. Ce
idéal est propre puisque a n’est pas inversible. Soit I est un idéal contenant (a).
Alors il existe b ∈ A avec I = (b). Ainsi, (a) ⊂ (b) et b divise a. Alors ou bien b est
inversible et I est l’idéal impropre, ou bien b = a à multiplication par un inversible
près et I = (a).
2. Le théorème de Bézout et le lemme de Gauss
Théorème VI.6 (Théorème de Bézout). Soit A un anneau principal. Pour tous
a, b ∈ A premiers entre eux il existe x, y ∈ A avec ax + by = 1.
Démonstration. Soient a, b ∈ A premiers entre eux. Soit I l’idéal de A engendré par a et b. On rappelle que I = {ax + by ; x, y ∈ A}.
Comme A est principal, il existe c ∈ A tel que I = (c). Comme a ∈ I, a est un
multiple de c et de même b est un multiple de c. Comme a et b sont premiers entre
eux, c est inversible donc I = (c) = A. Ainsi, 1 ∈ I.
Théorème VI.7 (Lemme de Gauss). Soit A un anneau principal. Pour tous a, b, c ∈
A non nuls on a
si a divise bc et est premier avec b alors a divise c.
Démonstration. Par hypothèse il existe m ∈ A avec bc = am. D’après le
théorème de Bézout il existe u, v ∈ A avec ax + by = 1. On a a(my + xc) = c. 2. LE THÉORÈME DE BÉZOUT ET LE LEMME DE GAUSS
53
Dans cette démonstration on a utilisé seulement le théorème de Bézout.
Exercice 2. On dit qu’un anneau intègre A vérifie la propriété de Bézout si, pour
tous a, b ∈ A premiers entre eux il existe x, y ∈ A avec ax + by = 1.
a) Montrez que Z[X] ne vérifie pas la propriété de Bézout.
b) Soit A un anneau intègre. Montrez que A[X, Y ] ne vérifie pas la propriété de
Bézout et n’est donc pas principal. Méthode : Considérez les éléments X et Y de
A[X, Y ]. Remarque : On applique souvent ce résultat dans le cas où où A est un
corps.
Exercice 3. Soient K un corps et P (X) et Q(X) ∈ K[X] deux polynômes non
constants.
a) Montrez que P et Q sont premiers entre eux si et seulement si il existe A(X) et
B(X) ∈ K[X] avec
deg(A) < deg(Q) ; deg(B) < deg(P ) et AP + BQ = 1 .
b) Montrez que P et Q ne sont pas premiers entre eux si et seulement si il existe
A(X) et B(X) ∈ K[X] avec
deg(A) < deg(Q) ; deg(B) < deg(P ) et AP + BQ = 0 .
c) (Des cas particuliers de ce résultat seront étudiés dans les deux dernières questions
de l’exercice 2 du chapitre VII). Notons m = deg(P ) et n = deg(Q). Construisez
une matrice carrée M de dimension m + n, dont tous les coefficients s’expriment au
moyen des coefficients des polynômes P et Q, et telle que det(M ) = 0 si et seulement
si P et Q ne sont pas premiers entre eux.
2.1. Existence d’une décomposition en produit d’éléments irréductibles.
Proposition VI.8. Soit A un anneau principal. Alors tout élément non nul et non
inversible de A est un produit d’éléments irréductibles.
Démonstration. Soient A un anneau principal et a ∈ A non nul et non
inversible. On suppose que a n’est pas un produit d’éléments irréductibles et on
cherche une contradiction.
On construit par récurrence une suite (an : n ≥ 1) d’éléments non nuls de A de
sorte que, pour tout n ≥ 1,
an n’est pas un produit d’irréductibles et
an = bn an+1 où bn n’est pas inversible.
On pose a1 = a. Si an est construit, par hypothèse il n’est pas irréductible et il
peut s’écrire an = bb0 avec b et b0 non inversibles. Comme an n’est pas un produit
d’irréductibles, l’un au moins des éléments b pu b0 n’est pas un produit d’irréductibles.
Si b n’est pas un produit d’irréductibles, on pose an+1 = b et bn = b0 ; sinon, on pose
an+1 = b0 et bn = b. La suite (an ) ainsi construite vérifie les propriétés annoncées.
Pour tout n, an+1 divise an donc la suite d’idéaux (an ) est croissante. Posons
I=
∞
[
(an ) .
n=1
Vérifions que
(*) I est un idéal de A.
54
VI. ANNEAUX PRINCIPAUX, ANNEAUX FACTORIELS
Comme 0 ∈ (a1 ) on a 0 ∈ I. Soit a ∈ I. Il existe n tel que a ∈ (an ). On a donc
−a ∈ (an ) donc −a ∈ I. Soit x ∈ A. On a ax ∈ (an ) donc ax ∈ I.
Soient a, b ∈ I. Il existe k et ` avec a ∈ (ak ) et b ∈ (a` ). Soit m = max(k, `).
Comme la suite d’idéaux (an ) est croissante, (ak ) et (a` ) sont contenus dans (am )
et a et b appartiennent à (am ), donc a + b ∈ (am ) et finalement a + b ∈ I. Notre
affirmation (*) est démontrée.
Comme A est principal, il existe a ∈ I avec I = (a). Par définition de I, il existe
n avec a ∈ (an ). On a donc I = (a) ⊂ (an ) et, par définition de I, on a I = (an ).
Comme (an+1 ) ⊂ I on a (an+1 ) ⊂ (an ) et donc il existe u ∈ A avec an+1 = uan .
Or an = an+1 bn , et comme an 6= 0 on a donc ubn = 1. bn est inversible, et on a
une contradiction. La proposition est démontrée.
2.2. Unicité de la décomposition.
Proposition VI.9. Soit A un anneau principal.
Soient r, s ≥ 1 deux entiers et p1 , . . . , pr , q1 , . . . , qs des éléments irréductibles de
A. Si
p1 p2 . · · · .pr = q1 . · · · .qs
alors r = s et il existe une permutation σ de {1, . . . , r} et des éléments inversibles
u1 , . . . ur de A tels que
pi = ui qσ(i) pour tout i ∈ {1, . . . , r} .
Démonstration. On procède par récurrence sur r. Si r = 1 le résultat est
évident. On suppose maintenant que r > 1 et que le résultat est vrai jusqu’au rang
r − 1.
Soient r, s, p1 , . . . , pr , q1 , . . . , qs comme dans l’énoncé. Montrons d’abord que
(*) Il existe j ∈ {1, . . . , s} et un élément inversible u avec pr = uqj .
Remarquons que pr divise q1 . . . . .qs . Si pr ne divisait aucun des éléments irréductibles
q1 , . . . , qs , il serait premier avec chacun de ces éléments, ce qui contredirait le lemme
de Gauss. Il existe donc j avec 1 ≤ j ≤ s tel que pr divise qj . Comme qj est
irréductible, il existe un inversible u avec pr = uqj . L’affirmation (*) est démontrée.
On a donc
(up1 )p2 . · · · pr−1 = q1 q2 . · · · qj−1 qj+1 . · · · qs
et le résultat annoncé se déduit immédiatement de l’hypothèse de récurrence.
Remarque. Dans cette démonstration, les seules propriétés de l’anneau principal
A que l’on a utilisées sont que A est intègre, et le lemme de Gauss.
3. Anneaux factoriels
3.1. Définition et exemples.
Définition VI.10. Soit A un anneau intègre.
On dit que A est un anneau factoriel s’il vérifie les deux propriétés suivantes.
– Tout élément non nul et non inversible de A est un produit d’éléments irréductibles.
– Soient r, s ≥ 1 deux entiers et p1 , . . . , pr , q1 , . . . , qs des éléments irréductibles
de A. Si
p1 p 2 . . . pr = q 1 . . . qs
3. ANNEAUX FACTORIELS
55
alors r = s et il existe une permutation σ de {1, . . . , r} et des éléments
inversibles u1 , . . . ur de A tels que
pi = ui qσ(i) pour tout i ∈ {1, . . . , r} .
On dit que tout élément non nul et non inversible se décompose en produit d’éléments
irréductibles et que cette décomposition est unique à permutation et multiplication
par des éléments inversibles près.
Soit a ∈ A non nul et non inversible. On préfère souvent écrire la décomposition
de a en éléments irréductibles sous une forme un peu différente. Dans chaque classe
d’équivalence d’irréductibles on choisit un représentant.
Par exemple, si A = Z, chaque classe d’équivalence d’irréductibles est de la forme
{p, −p} avec p premier, et dans cette classe on choisit p. Si A = K[X] où K est
un corps, chaque classe d’irréductibles contient un unique polynôme unitaire, et on
choisit ce polynôme.
Convention. Dans la décomposition d’en élément a de A, non nul et non
inversible, on regroupe tous les irréductibles équivalents à l’un de ces irréductibles
choisis et on écrit :
a = upr11 . . . prmm
(3)
où m ≥ 1 et
– u est inversible ;
– p1 , . . . , pm sont des irréductibles ;
– pour i 6= j, pi n’est pas égal à pj à multiplication par un inversible près ;
– r1 , . . . , rm sont des entiers strictement positifs.
Par convention, si u est inversible on dira que sa décomposition en produit d’irréductibles est « u = u », et elle est donc de la forme (3) avec m = 0.
Avec ces conventions, la décomposition de a ∈ A non nul est unique à permutation
près.
Les propositions VI.8 et VI.9 de la section précédente nous donnent immédiatement :
Théorème VI.11. Tout anneau principal est factoriel.
Nous démontrerons plus tard que si A est factoriel alors A[X] est factoriel.
3.2. Divisibilité dans les anneaux factoriels.
Proposition VI.12. Soit A un anneau factoriel. Soit a ∈ A non nul et non inversible
et écrivons a = p1 · · · pm où m ≥ 1 et p1 , . . . , pm sont irréductibles. Alors les diviseurs
de a les éléments de A qui peuvent s’écrire
Y
(4)
b=v
pj
j∈S
où v est inversible et S ⊂ {1, . . . , m}. (Si S est vide alors le produit est égal à 1 par
convention).
Remarque VI.13. Si on utilise la convention précédente et qu’on écrit a =
. . . prmm comme dans (3), alors la proposition dit que les diviseurs de a sont les
éléments qui s’écrivent
upr11
(5)
b = vps11 . . . psmm
où v est inversible et où 0 ≤ si ≤ ri pour 1 ≤ i ≤ m.
56
VI. ANNEAUX PRINCIPAUX, ANNEAUX FACTORIELS
Démonstration. Si b est de la forme (4) alors b divise évidement a.
Soit maintenant b un diviseur de a et soit c ∈ A avec a = bc. Si b ou c est
inversible, alors b se met immédiatement sous la forme (4). Supposons que b et c
ne sont pas inversibles. Comme ils sont non nuls, d’après la première partie de la
définition d’un anneau factoriel nous pouvons les écrire
b = q1 . . . qr et c = qr+1 . . . qr+s
où r et s des entiers ≥ 1 et q1 , . . . , qr+s sont des irréductibles. On a donc
p1 . . . pm = q1 . . . . qr .qr+1 . . . qr+s .
D’après la deuxième partie de la définition d’un anneau factoriel, on a m = r + s et il
existe des inversibles u1 , . . . , um et une permutation σ de {1, . . . , m} avec qi = ui pσ(i)
pour 1 ≤ i ≤ m. On a donc
r
r
Y
Y
b=
ui ·
pσ(i)
i=1
i=1
et cette expression est bien de la forme (4) annoncée avec S = σ({1, . . . , r}).
Proposition VI.14. Si A est factoriel alors il vérifie la propriété de Gauss.
Démonstration. Soient a, b et c ∈ A non nuls et supposons que a divise bc et
est premier avec b. On doit montrer que a divise c. Écrivons bc = ad.
On utilise la forme (3) des décompositions données dans la convention précédente.
La décomposition de bc est obtenue et prenant le produit de la décomposition de
b par celle de c. C’est aussi le produit de la décomposition de a par celle de d. Par
unicité de la décomposition, ces deux produits sont égaux à permutation près.
Soit a = upr11 . . . prmm la décomposition de a en facteurs irréductibles comme en (3).
Fixons i ∈ {1, . . . , m}.
Alors pi apparaît ri fois dans la décomposition de a, donc pi apparaît au moins
ri fois dans la décomposition de ad, qui est égal à bc.
Or, comme a et b sont premiers entre eux et que pi divise a, on a que pi ne
divise pas b. pi n’apparaît donc pas dans la décomposition de b. Donc le nombre
d’occurrence de pi dans la décomposition de c est le même que dans la décomposition
de bc, et ce nombre est donc au moins égal à ri .
Comme ce qui précède est vrai pour chaque i ∈ {1, . . . , m}, a divise c d’après le
proposition VI.12.
Proposition VI.15. Soit A un anneau factoriel. Soit a ∈ A non nul et non inversible.
Alors l’idéal (a) est premier si et seulement si a est irréductible.
Démonstration. D’après la proposition V.23, si l’idéal (a) est premier alors a
est irréductible.
Supposons que a est irréductible montrons que (a) est premier. Soient b, c ∈ A
avec bc ∈ (a). On doit montrer que b ou c appartient à (a). Si l’un de ces éléments
est nul c’est évident et nous pouvons supposer que b et c sont non nuls.
Supposons que b ∈
/ (a), c’est à dire que b n’est pas un multiple de a. Comme a est
irréductible, a et b sont premiers entre eux. D’après la propriété de Gauss, a divise c,
c’est à dire c ∈ (a).
4. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS UN ANNEAU FACTORIEL
57
3.3. pgcd et ppcm. Dans toute cette section, A est un anneau factoriel. Les
deux théorèmes suivants se déduisent de la proposition VI.12 et de la remarque VI.13.
Théorème VI.16 (et définition). Soient a, b ∈ A, non nuls. Alors il existe δ ∈ A
tel que l’ensemble des diviseurs communs de a et b est égal à l’ensemble des diviseurs
de δ.
Cet élément δ est unique à multiplication par un inversible près. On l’appelle
pgcd(a, b).
Le pgcd δ de a et b est caractérisé par :
(6)
il existe x, y ∈ A, premiers entre eux, avec a = δx et b = δy .
Théorème VI.17 (et définition). Soient A un anneau factoriel et a, b ∈ A, non
nuls. Alors il existe µ ∈ A tel que l’ensemble des multiples communs de aet b est égal
à l’ensemble des multiples de µ.
Cet élément µ est unique à multiplication par un inversible près. On l’appelle
ppcm(a, b).
Le ppcm µ de a et b est caractérisé par :
il existe x, y ∈ A, premiers entre eux, avec µ = ax = by .
On a pgcd(a, b). ppcm(a, b) = ab, à multiplication par un inversible près.
Notons qu’on écrit « le pgcd » et « le ppcm » par abus de langage : ces éléments
ne sont définis qu’à multiplication par des inversibles près.
3.4. Le cas des anneaux principaux. Pour les anneaux principaux, on peut
montrer l’existence du pgcd et du ppcm sans passer par la décomposition en éléments
irréductibles. On a
Théorème VI.18. Soient A un anneau principal et a, b deux éléments non nuls de
A. Alors l’idéal engendré par a et b est égal à l’idéal engendré par pgcd(a, b).
En particulier il existe x, y ∈ A avec pgcd(a, b) = ax + by.
Démonstration. Soit d un générateur de l’idéal I = {ax + by : x, y ∈ A}
engendré par a et b. Comme a ∈ (d), d divise a. De même, d divise b et c’est donc
un diviseur commun de a et b.
Par ailleurs, comme d appartient à I il existe x et y avec d = ax + by. Soit z
un diviseur commun de a et b. Alors z divise ax, il divise aussi by, donc il divise
d = ax + by.
D’après la caractérisation du pgcd (théorème VI.16), on a d = pgcd(a, b).
4. Polynômes à coefficients dans un anneau factoriel
Dans cette section, A est un anneau factoriel.
4.1. Définitions et premières propriétés.
Définition VI.19. Soit P (X) ∈ A[X] un polynôme non nul. Le contenu c(P ) de
P est le pgcd de ses coefficients non nuls (il est donc défini à multiplication par un
inversible près).
On dit que P est primitif si son contenu est égal à 1.
Remarque. Tout polynôme unitaire est primitif. Un polynôme constant est
primitif si et seulement si il est un élément inversible de A.
58
VI. ANNEAUX PRINCIPAUX, ANNEAUX FACTORIELS
Remarque. Si P (X) est non nul et si a ∈ A est non nul, c(aP ) = ac(P ). En
particulier, si A est primitif alors c(aP ) = a.
Remarque VI.20. Tout polynôme non nul P ∈ A[X] est le produit de son
contenu et d’un polynôme primitif. De plus, si P = aQ avec a ∈ A et Q ∈ A[X]
primitif, alors a = c(P ) à multiplication par un élément inversible près.
Lemme VI.21. Le produit de deux polynômes primitifs est primitif.
Démonstration. Soient P, Q primitifs et supposons que P Q n’est pas primitif.
Le contenu de P Q n’est donc pas un élément inversible de A et il est donc multiple
d’un élément irréductible p de A. On peut donc écrire P Q = pR avec R ∈ A[X].
Notons B = A/(p) et π : A → B l’application quotient. Définissons une application
Φ : A[X] → B[X]
par
Φ(a0 + a1 X + · · · + ad X d ) = π(a0 ) + π(a1 )X + · · · + π(ad )X d .
On vérifie facilement que Φ est un homomorphisme d’anneaux unitaires, que Φ
est surjectif et que ker(Φ) est l’idéal p.A[X] de A[X]. Ainsi, B[X] est isomorphe à
A[X]/p.A[X].
Comme p est irréductible, (p) est un idéal premier de A (proposition VI.15) donc
B = A/(p) est intègre, donc B[X] est intègre. Ainsi, A[X]/p.A[X] est intègre et
p.A[X] est un idéal premier de A[X].
Comme P Q appartient à cet idéal l’un au moins des polynômes P et Q appartient
à cet idéal et on a une contradiction.
Proposition VI.22. Soient P, Q ∈ A[X] deux polynômes non nuls. Alors c(P Q) =
c(P )c(Q) (à multiplication par un inversible près, bien sûr).
Démonstration. On a vu dans la remarque VI.20 qu’il existait P 0 , Q0 primitifs avec P = P c(P )P 0 et Q = c(Q)Q0 et on a P Q = c(P )c(Q)P Q. D’après le
lemme VI.21, P Q est primitif. D’après la deuxième partie de la remarque VI.20,
c(P )cQ) = c(P Q), à multiplication par un inversible près.
4.2. Utilisation du corps des fractions. Désormais, K est le corps des fractions de A.
Proposition VI.23. Tout polynôme non nul P à coefficients dans K peut s’écrire
sous la forme P = zQ où z ∈ K et Q ∈ A[X] est un polynôme primitif. Cette écriture
est unique à multiplication par des éléments inversibles de A près.
Démonstration. On montre que tout polynôme non nul P = c0 + c1 X + · · · +
cd X d ∈ K[X] peut être mis sous la forme annoncée. Pour 0 ≤ j ≤ d on écrit
cj = aj /bj avec aj , bj ∈ A et bj 6= 0. Soient m = ppcm(b0 , . . . , bd ). Pour 0 ≤ j ≤ d
on écrit m = bj ej avec ej ∈ A et on a
1
P (X) = R(X) avec R(X) = a0 e0 + a1 e1 X + · · · + ad ed X d ∈ A[X] .
m
D’après la remarque VI.20 on peut écrire R(X) = cQ(X) où Q(X) ∈ A[X] est un
polynôme primitif et on a P (X) = mc Q(X) qui est de la forme annoncée.
Montrons l’unicité. Supposons que zQ = z 0 Q0 avec z, z 0 ∈ K non nuls et Q, Q0 ∈
A[X] primitifs. On écrit z = a/b et z 0 = a0 /b0 avec a, b, a0 , b0 ∈ A non nuls. On a
b0 aQ = ba0 Q0 . Par définition du contenu on a b0 a = ba0 u avec u ∈ A inversible et
donc z 0 = zu et Q0 = z −1 Q.
4. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS UN ANNEAU FACTORIEL
59
Proposition VI.24. Soit P ∈ A[X] un polynôme primitif non constant. Alors P
est irréductible dans A[X] si et seulement il est irréductible dans K[X].
Démonstration. Supposons d’abord que P est irréductible dans K[X] et que
P = QR avec Q, R ∈ A[X]. Alors l’un des polynômes Q ou R est constant, disons
que Q est constant égal à q. Alors q divise tous les coefficients de P et, comme ce
polynôme est primitif, q est inversible dans A. On a montré que P est irréductible
dans A[X].
Supposons maintenant que P est irréductible dans A[X] et que P = QR avec
Q, R ∈ K[X]. D’après la proposition VI.23, il existe Q0 , R0 ∈ A[X] primitifs, et
w, z ∈ K avec Q = wQ0 et R = zR0 . Écrivons wz = ab−1 avec a, b ∈ A et b 6= 0. On
a bP = aQ0 R0 . Comme P, Q0 et R0 sont primitifs on a a = bu où u ∈ A est inversible,
donc P = uQ0 R0 . Comme P est irréductible dans A[X], l’un au moins des polynômes
Q0 ou R0 est constant, donc l’un au moins des polynômes Q ou R est constant. On a
ainsi démontré que P est irréductible dans K[X].
√
Exercice 4. Soit a > 0 un entier. On suppose que a n’est pas entier. Montrer que
√
a est irrationnel. Méthode : X 2 − a est irréductible dans Z[X].
Théorème VI.25. Les polynômes irréductibles de A[X] sont :
i) Les polynômes constants, égaux à une constante p ∈ A irréductible ;
ii) Les polynômes non constants primitifs qui sont irréductibles dans K[X].
Démonstration. Il est clair que tous les polynômes du premier type sont
irréductibles et, d’après la proposition VI.24, les polynômes du deuxième type sont
également irréductibles. Il faut montrer qu’il n’y en a pas d ’autres.
Soit P ∈ A[X] irréductible. Si P est constant égal à p alors il est clair que p
est irréductible dans A et P est du premier type. Si P n’est pas constant alors
P est un multiple de c(P ), donc c(P ) est inversible et P est primitif. D’après la
proposition VI.24, P est du deuxième type.
4.3.
Théorème VI.26. Si A est factoriel alors A[X] est factoriel.
Exemple. Z[X] est factoriel.
Démonstration. Existence d’une décomposition en produit d’éléments irréductibles. Soit P ∈ A[X], non nul et non inversible. Si P n’est pas primitif on
l’écrit P = p1 . . . pk P 0 où c(P ) = p1 . . . pk est la décomposition de c(P ) en produit
d’éléments irréductibles et où P 0 est primitif. On rappelle que p1 , . . . , pk sont des
éléments irréductibles A[X]. Si P 0 est inversible on a la décomposition recherchée.
Sinon, on est ramené à montrer l’existence d’une décomposition de P 0 . Ainsi, on peut
se restreindre à montrer l’existence d’une décomposition dans le cas d’un polynôme
primitif non constant.
Soit P ∈ A[X] primitif non constant. Nous considérons P comme un élément de
K[X] et nous l’écrivons comme un produit P = P1 . . . P` de polynômes irréductibles
de K[X]. D’après la proposition VI.23 chaque polynôme Pi s’écrit zi Qi , où zi ∈ K
et où Qi ∈ A[X] est un polynôme primitif, irréductible dans K[X] et donc dans
A[X] d’après le théorème VI.25. Nous avons P = zQ1 . . . Q` avec z ∈ K. Nous
écrivons z = a/b avec a, b ∈ A non nuls et nous avons aP = bQ1 . . . Q` . Comme P
et Q1 , . . . Q` sont primitifs, a = c(aP ) = c(bQ1 . . . Q` ) = b, à multiplication par un
60
VI. ANNEAUX PRINCIPAUX, ANNEAUX FACTORIELS
élément inversible près, et z est un élément inversible de A. Ainsi, P = (zQ1 )Q2 . . . Q`
et on a la décomposition recherchée.
Unicité. Soient p1 , . . . , pk et p01 , . . . , p0k0 des éléments irréductibles de A et Q1 , . . . , Q` et
Q01 , . . . , Q0`0 des polynômes appartenant à A[X], primitifs et irréductibles. Supposons
que
p1 . . . pk Q1 . . . Qk = p01 . . . p0k0 Q01 . . . Q0`0 .
En considérant le contenu des deux membres on obtient que p1 . . . , pk = p01 . . . p0k0 , à
multiplication par un inversible près. Comme A est factoriel on a k = k 0 et il existe
une permutation σ de {1, . . . , k} et des éléments inversibles u1 , . . . , uk de A avec
p0i = ui pσ(i) pour tout i ∈ {1, . . . , k}.
On a donc Q1 . . . Q` = uQ01 . . . Q0`0 où u est un élément inversible de A. Comme
les polynômes Q1 , . . . , Q` , Q01 , . . . , Q0`0 sont irréductibles dans K[X] et que K[X] est
principal donc factoriel, on a ` = `0 et il existe une permutation τ de {1, . . . , `} et
des éléments non nus z1 , . . . , z` de K avec Q0j = zj Qτ (j) pour tout j ∈ {1, . . . , `}.
Pour chaque j ∈ {1, . . . , `} écrivons zj = aj /bj avec aj , bj ∈ A non nuls. Nous
avons bj Q0j = aj Qσ(j) et comme Q0j et Qσ(j) sont primitifs, bj = aj à multiplication
par un élément inversible de A près, et donc zj est un élément inversible de A.
Comme u1 , . . . , uk et z1 , . . . , z` sont des éléments inversibles de A[X], on a ainsi
démontré l’unicité.
Corollaire VI.27. Si A est factoriel alors A[X1 , . . . , Xk ] est factoriel pour tout k.
Démonstration. Par récurrence.
Les cas les plus importants sont celui où celui où A est principal et celui où A est
un corps K. On a vu que Z[X] et K[X1 , X2 ] ne sont pas des anneaux principaux. Ce
sont cependant des anneaux factoriels, et ils possèdent donc une partie importante
des propriétés des anneaux principaux.
Exercice 5. Les résultats des deux premières questions de l’exercice 3 restent-ils
valables si on remplace le corps K par un anneau factoriel A ?
CHAPITRE VII
Corps et extensions de corps
Notations. On rappelle que dans ce cours le mot « corps » désigne un corps commutatif non trivial.
Si p est un nombre premier, on note Fp le corps Z/pZ.
1. Préliminaires
1.1. La caractéristique d’un corps. Soit K un corps. On rappelle que pour
tout x ∈ K et tout entier n > 0 on note
n fois
z
}|
{
n.x = x + x + · · · + x ,
(−n).x = −(n.x) et 0.x = 0 .
Théorème VII.1 (et définition). Soit K un corps. Alors K vérifie une et une seule
des deux propriétés suivantes.
– Ou bien, 1 est un élément d’ordre infini dans (K, +), c’est à dire que n · 1 6= 0
pour tout entier n 6= 0. Alors, tout x ∈ K non nul est un élément d’ordre infini
dans (K, +).
On dit alors que K est de caractéristique zéro.
– Ou bien 1 est un élément d’ordre fini de (K, +), et cet ordre est un nombre
premier p. Alors tout élément non nul x de K est d’ordre p dans (K, +), c’est
à dire vérifie p · x = 0 et n · x 6= 0 pour 1 ≤ n < p.
On dit alors que K est de caractéristique p.
Démonstration. Vérifions que pour tous x, y ∈ K et tous m, n ∈ Z on a
(m · x)(n · y) = (mn) · (xy) .
(1)
Si m = 0 ou n = 0 les deux membres sont nuls et il n’y a rien à montrer. Supposons
que m et n sont positifs. Alors, par distributivité,
m fois
n fois
mn fois
z
}|
{ z
}|
{
z
}|
{
(m · x)(n · y) = (x + x + · · · + x)(y + y + · · · + y) = (xy + xy + · · · + xy)
= (mn) · (xy) .
Supposons maintenant que m < 0 et n > 0. On a
(m · x)(n · y) = −((−m) · x)(n · y) = −(−mn) · (xy) = (mn) · (xy) .
On traite de même les deux autres possibilités pour les signes de m et n et la
formule (1) est démontrée.
En appliquant cette formule au cas où n = 1 on obtient que, pour tous x, y ∈ K
et tout m ∈ Z
(m · x)y = m · (xy) .
(2)
Pour tout n ∈ Z notons
(3)
φ(n) = n · 1 .
61
62
VII. CORPS ET EXTENSIONS DE CORPS
On sait déjà que φ : (Z, +) → (K, +) est un homomorphisme de groupes. On a φ(1) =
1. D’après (1), pour tous m, n ∈ Z on a φ(m)φ(n) = (m · 1)(n · 1) = (mn) · 1 = φ(mn).
On a ainsi montré que φ : Z → K est un homomorphisme d’anneaux unitaires.
Premier cas. Supposons que 1 est un élément d’ordre infini du groupe (K, +),
c’est à dire que φ est injectif. Soit x ∈ K, non nul. Pour tout entier n 6= 0, d’après la
formule (2) on a (n · x)x−1 = n · (xx−1 ) = n · 1 = φ(n) 6= 0 donc n · x 6= 0.
1.1.1. Deuxième cas. Supposons φ n’est pas injectif, c’est à dire que 1 est un
élément d’ordre fini p ≥ 1 de (K, +). Le noyau de φ est alors égal à pZ et en fait
p ≥ 2 puisque φ n’est pas identiquement nul. L’image de φ est un sous-anneau de K
et est donc un anneau intègre. Comme Z/pZ est isomorphe à cette image, c’est aussi
un anneau intègre, donc l’idéal pZ de Z est premier, donc p est un nombre premier.
Soit x ∈ K, non nul. D’après (2) on a p · x = (p · 1)x = 0 et l’ordre de x dans
(K, +) divise p. Comme p est premier et que x 6= 0, cet ordre est égal à p.
1.2. Plongements, extensions. Le lemme suivant est constamment utilisé
dans la suite, en particulier dans le cas de deux corps.
Lemme VII.2. Soient K un corps, A un anneau (commutatif, unitaire, non trivial)
et φ : K → A un homomorphisme d’anneau unitaires. Alors φ est injectif.
Démonstration. En effet, le noyau de φ est un idéal de K, propre puisqu’il ne
contient pas 1, et donc trivial puisque K est un corps.
Définition VII.3. Soient K et L deux corps. Un homomorphisme d’anneaux unitaires de K dans L est appelé un plongement de K dans L. On dit aussi que L est
une extension de K, ou que K est le corps de base de l’extension L.
Convention. Très souvent, si φ est un plongement du corps K dans le corps L,
on identifie chaque élément de K avec son image par φ et on considère K comme un
sous-corps de L.
1.3. Un exemple. Soient K un corps et P ∈ K[X] un polynôme irréductible.
On rappelle que l’idéal (P ) de K[X] est maximal. Notons L le corps K[X]/(P ),
π : K[X] → L l’homomorphisme quotient et φ : K → L la restriction de π à K ⊂ K[X].
Alors φ est un plongement de K dans L. Nous reviendrons plus tard sur cet
exemple.
1.4. Extensions considérées comme des espaces vectoriels. Cette section
sera constamment utilisée dans la suite.
Soient K un corps et L une extension de K. Nous considérons que K est inclus
dans L. Considérons la restriction à K × L de la multiplication L × L → L. On
vérifie facilement que L, muni de sa structure de groupe additif et de cette opération,
est un espace vectoriel sur K. En effet, (L, +) est un groupe abélien et, pour tous
x, y ∈ L et tous λ, µ ∈ K on a
λ · (x + y) = λ · x + λ · y ; (λ + µ) · x = λ · x + µ · x ; 1 · x = x et (λµ) · x = λ · (µ · x) .
Convention. Chaque fois qu’on a une extension L d’un corps K, on munit L
de cette structure d’espace vectoriel sur K.
Si L est une extension de K et si A est un sous-anneau de L contentant K alors,
pour la même raison, A est un espace vectoriel sur K.
2. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS UN CORPS
63
Définition VII.4 (et notation). Soit L une extension de K. On dit que L est une
extension finie de K si L est un espace vectoriel de dimension finie sur K.
La dimension de l’espace vectoriel L sur K est appelée le degré de l’extension et
est noté [L : K].
Par exemple, C est une extension de degré 2 de R.
1.5. Extensions et caractéristique.
Proposition VII.5. Soit K un corps.
i) Pour que K soit de caractéristique p il faut et il suffit qu’il soit une extension
de Fp .
ii) Pour que K soit de caractéristique zéro il faut et il suffit que K soit une
extension de Q.
Convention. Dans le premier cas on considère que K contient Fp , et dans le
deuxième cas que K contient Q.
Démonstration. i) Soit p un nombre premier. Supposons d’abord que K est
de caractéristique p, c’est à dire que l’homomorphisme φ : Z → K défini par (3) a
pour noyau pZ. Cet homomorphisme induit donc un homomorphisme d’anneaux
unitaires de Z/pZ dans K, qui est le plongement recherché.
Inversement, supposons que K est une extension de Fp , c’est à dire qu’il existe
un plongement σ : Fp → K. Alors p · 1K = p · σ(1Fp ) = σ(p · 1Fp ) = σ(0) = 0 et K est
de caractéristique p.
ii) Supposons d’abord que K est une extension de Q, c’est à dire qu’il existe un
plongement σ : Q → K. Pour tout entier n 6= 0 on a n · 1K = n · σ(1Q ) = σ(n · 1Q ) =
σ(n) 6= 0 puisque σ est injectif. K est donc de caractéristique nulle.
Supposons maintenant que K est de caractéristique nulle et montrons que K est
une extension de Q.
L’homomorphisme d’anneaux φ : Z → K défini par (3) est injectif par hypothèse.
Pour tout (a, b) ∈ Z × Z∗ , posons
ψ(a, b) = φ(a)φ(b)−1 .
Soient (a, b) et (a0 , b0 ) ∈ Z × Z∗ avec ab0 − ba0 = 0. On a φ(a)φ(b0 ) = φ(b)φ(a0 ) et
donc ψ(a, b) = φ(a)φ(b)−1 = φ(a0 )φ(b0 )−1 = ψ(a0 , b0 ).
On rappelle que Q est le corps des fractions de Z. D’après la définition du corps
de fractions (voir la section 5 du chapitre V), l’application ψ : Z × Z∗ → K induit une
application ψ̃ : Q → K avec ψ̃(ab−1 ) = ψ(a, b) pour tout (a, b) ∈ Z × Z∗ . On vérifie
facilement que ψ̃ est un homomorphisme d’anneaux unitaires, d’où la conclusion. Corollaire VII.6. Tout corps fini a une caractéristique non nulle.
Corollaire VII.7. Si L est une extension de K alors K et L ont la même caractéristique.
Exercice 1. Soit K un corps fini. Alors il existe un nombre premier p et un entier
n > 0 tel que |K| = pn .
2. Polynômes à coefficients dans un corps
Dans cette section, K est un corps. On rappelle que K[X] est un anneau principal.
64
VII. CORPS ET EXTENSIONS DE CORPS
2.1. Rappels.
Théorème (Théorème V.5). Un polynôme non nul admet une racine ξ dans K si et
seulement si il est un multiple de X − ξ dans K[X].
Corollaire (Corollaire V.6). tout polynôme de degré d ≥ 1 à coefficients dans K
admet au maximum d racines dans K.
2.2. Polynômes irréductibles, polynômes premiers entre eux. On rappelle que les éléments inversibles de K[X] sont les polynômes constants non nuls. De
plus, tout polynôme P (X) ∈ K[X] non nul s’écrit de façon unique comme produit
d’un polynôme unitaire et d’un polynôme constant non nul. Ainsi, tout polynôme
irréductible est égal à multiplication par un inversible près à un polynôme irréductible
unitaire.
Convention. Dans ce chapitre et les suivants, on supposera implicitement que
tout polynôme irréductible est unitaire.
Comme K[X] est principal, tout polynôme P (X) ∈ K[X] non constant s’écrit
sous la forme
P (X) = cP1 (X) . . . Pk (X)
(4)
avec c ∈ K non nul, k ≥ 1 et P1 , . . . , Pk irréductibles et unitaires, et cette écriture
est unique à permutation des indices 1, 2, . . . , k près. On a c = 1 si et seulement si P
est unitaire.
Proposition VII.8.
i) Tout polynôme de degré 1 est irréductible dans K[X].
ii) Si un polynôme de degré > 1 admet une racine dans K alors il n’est pas
irréductible.
iii) Un polynôme de degré 2 ou 3 qui n’a pas de racine dans K est irréductible.
La réciproque de ii) est fausse : par exemple, (X 2 + 1)2 n’a aucune racine dans R
mais n’est pas irréductible dans R[X].
Démonstration. i) Si P = QR et que deg(P ) = 1, comme deg(Q)+deg(R) = 1
on a que l’un des polynômes Q ou R est constant donc inversible dans K[X].
ii) Se déduit immédiatement du Théorème V.5.
iii) Soit P (X) ∈ K[X] de degré 2 ou 3 sans racine. Supposons que P = QR
avec Q, R ∈ K[X] non constants, donc de degré ≥ 1. Comme deg(Q) + deg(R) =
deg(P ) = 2 ou 3, l’un au moins des deux polynômes Q ou R est de degré 1 et admet
donc une racine ξ ∈ K. Alors ξ est une racine de P et on a une contradiction.
Lemme VII.9. Soient P, Q ∈ K[X] deux polynômes premiers entre eux et L une
extension de K. Considérons P et Q comme des polynômes à coefficients dans L.
Alors P et Q sont premiers entre eux dans L[X].
Démonstration. D’après la propriété de Bézout, il existe U, V ∈ K[X] avec
P U + QV = 1.
Sot R un diviseur commun de P et Q dans L[X]. Il existe S, T ∈ L[X] avec
P = RS et Q = RT . On obtient 1 = P U + QV = R(SU + T V ) et le polynôme R
est donc constant.
2. POLYNÔMES À COEFFICIENTS DANS UN CORPS
65
2.3. Corps algébriquement clos.
Proposition VII.10 (Et définition). Soit K un corps. Les propriétés suivantes sont
équivalentes.
i) Tout polynôme P (X) ∈ K[X] non constant a au moins une racine dans K.
ii) Les seuls polynômes irréductibles de K[X] sont les polynômes de degré 1.
iii) Tout polynôme P (X) ∈ K[X] non constant est scindé, c’est à dire peut
s’écrire sous la forme
P (X) = c(X − α1 ) . . . (X − αd )
où c ∈ K est non nul, d est le degré de P et α1 , . . . , αd ∈ K.
Si ces conditions sont vérifiées on dit que le corps K est algébriquement clos.
Démonstration. L’implication i) ⇒ ii) se déduit immédiatement des parties i)
et ii) de la proposition VII.8. L’implication ii) ⇒ iii) se déduit immédiatement de
l’existence de la décomposition (4). L’implication iii) ⇒ i) est évidente.
Théorème VII.11 (« Théorème fondamental de l’algèbre »). C est algébriquement
clos.
La démonstration utilise des méthodes d’analyse. On ne la donne pas ici.
2.4. Le cas de R.
Théorème VII.12. Les polynômes irréductibles de R[X] sont les polynômes de degré
1 et les polynômes de degré 2 sans racines réelles.
Démonstration. On sait déjà que les polynômes de ces deux types sont irréductibles, il faut montrer qu’il n’y en a pas d’autres.
Soit P (X) ∈ R[X] un polynôme irréductible (unitaire) de degré d > 1. Comme
C est algébriquement clos, P (X) considéré comme polynôme à coefficients dans C
est scindé et on peut écrire ce polynôme :
P (X) = (X − ξ1 ) . . . (X − ξd ) avec ξ1 , . . . , ξd ∈ C .
Soit 1 ≤ i ≤ d. Comme les coefficients de P sont réels et que P (ξi ) = 0, on a
P (ξi ) = 0 et il existe donc j ∈ {1, . . . , d} avec ξi = ξj . Comme P est irréductible
dans R[X], ξi n’est pas réel et donc i 6= j. On en déduit que d est pair. On écrit
d = 2m et on écrit le polynôme P (X) sous la forme
P (X) = (X − η1 ) . . . (X − ηm )(X − η1 ) · . . . · (X − ηm )
= (X 2 − 2 Re(η1 )X + |η1 |2 ) · . . . · (X 2 − 2 Re(ηm )X + |ηm |2 ) .
On a ainsi décomposé P (X) en produit de m polynômes à coefficients réels de degré
2. Comme P (X) est irréductible dans R[X] on a m = 1 et P est de degré 2.
2.5. Polynôme dérivé, racines multiples.
Définition VII.13. Soient d ≥ 0, a0 , a1 , . . . , ad ∈ K et
d
P (X) = a0 + a1 X + · · · + ad X =
d
X
k=0
ak X k ∈ K[X] .
66
VII. CORPS ET EXTENSIONS DE CORPS
Alors le polynôme dérivé P 0 (X) de P (X) est
0
P (X) = a1 + 2a2 X + · · · + dad X
(5)
d−1
=
d
X
kak X k−1 .
k=1
Ainsi, le polynôme dérivé d’un polynôme constant est nul. La réciproque est
vraie si K est de caractéristique zéro mais pas en général. Par exemple, le polynôme
X p ∈ Fp [X] a un polynôme dérivé nul.
L’application de dérivation P 7→ P 0 est clairement K-linéaire, ce qui signifie que
pour P, Q ∈ K[X] et a, b ∈ K on a (aP + bQ)0 = aP 0 + bQ0 .
Proposition VII.14. Soient P, Q ∈ K[X]. Alors (P Q)0 = P 0 Q + P Q0 .
Démonstration. On écrit
m
n
X
X
X
k
P (X) =
pk X ; ; Q(X)
q` X ` d’où (P Q)(X) =
pk q` X k+`
k=0
`=0
0≤k≤m
0≤`≤n
Comme la dérivation est une opération K-linéaire,
X
X
X
(P Q)0 (X) =
(k + `)pk q` X k+`−1 =
kpk X k−1 q` X ` +
pk X k `q` X `−1
=
0≤k≤m
0≤`≤n
k+`≥1
m
X
kpk X k−1
k=1
0
1≤k≤m
0≤`≤n
n
X
0≤k≤m
1≤`≤n
n
n
X
X
q` X ` +
pk X k
`q` X `−1
`=0
k=0
0
= P (X)Q(X) + P (X)Q (X) .
`=1
Définition VII.15. Soit α ∈ K une racine du polynôme P (X) ∈ K[X]. On dit que
α est une racine multiple de P si (X − α)2 divise P (X). Dans le cas contraire, on
dit que α est une racine simple de P .
2.5.1. Le cas de la caractéristique zéro.
Proposition VII.16. Soient K un corps de caractéristique zéro et P (x) ∈ K[X] un
polynôme non constant. Soit α ∈ K une racine de P . Alors α est racine multiple de
P si et seulement si P 0 (α) = 0.
Démonstration. Soit d le degré de P et ad X d son coefficient dominant. On a
d ≥ 1 et ad 6= 0. Alors le terme dominant de P 0 (x) est dad X d−1 et ce terme est non
nul, donc P 0 (X) 6= 0.
Soit α ∈ K une racine du polynôme P . Écrivons P (X) = (X − α)Q(X) avec
Q(X) ∈ K[X]. On a P 0 (X) = Q(X) + (X − α)Q0 (X) donc P 0 (α) = Q(α). Ainsi,
P 0 (α) = 0 si et seulement si Q(α) = 0, donc si et seulement si Q(X) est un multiple
de (X − α), c’est à dire si et seulement si P (X) est un multiple de (X − α)2 .
Proposition VII.17. Soient K un corps de caractéristique zéro et L une extension
de K. Soit P (x) ∈ K[X] un polynôme irréductible. Alors toutes les racines de P dans
L sont simples.
Démonstration. Le polynôme P 0 est non nul. Comme P est irréductible dans
K[X] et que deg(P 0 ) < deg(P ), les polynômes P et P 0 sont premiers entre eux dans
K[X].
3. ÉLÉMENTS ALGÉBRIQUES, ÉLÉMENTS TRANSCENDANTS
67
D’après le lemme VII.9, P et P 0 sont premiers entre eux dans L[X] et donc ne
peuvent pas avoir une racine commune dans L. D’après la proposition VII.16, P ne
peut pas avoir de racine multiple dans L.
Exercice 2. Soit K un corps de caractéristique zéro.
a) Soit P (X) ∈ K[X] un polynôme non constant. Montrez que les polynômes P et
P 0 ne sont pas premiers entre eux si et seulement si il existe un polynôme irréductible
Q(X) ∈ K[X] tel que Q2 divise P .
b) On suppose désormais que K est algébriquement clos. Montrez que les polynômes
P et P 0 ne sont pas premiers entre eux si et seulement si le polynôme P admet une
racine multiple dans K.
c) (Cette question et la suivante sont des cas particuliers de la dernière question de
l’exercice 3 du chapitre VI) Soit P (X) = p0 + p1 X + p2 X 2 ∈ K[X] un polynôme de
degré 2, et donc tel que p2 6= 0. En utilisant les 2 premières questions de l’exercice 3
du chapitre VI et un peu d’algèbre linéaire, montrez que ce polynôme admet une
racine multiple dans K si et seulement si


p0 p1
0
det p1 2p2 p1  = 0
p2 0 2p2
et retrouvez ainsi un résultat très bien connu.
d) Par la même méthode, établissez une condition analogue pour qu’un polynôme
P (X) = p0 + p1 X + p2 X 2 + P3 X 3 de degré 3 admette une racine multiple dans K.
2.5.2. Le cas de la caractéristique p. On montre de même :
Proposition VII.18. Soient K un corps de caractéristique finie p et P (X) ∈ K[X]
un polynôme non constant. On suppose que le degré d de P n’est pas divisible par
p. Soit α ∈ K une racine de P . Alors α est racine multiple de P si et seulement si
P 0 (α) = 0.
Proposition VII.19. Soient K un corps de caractéristique finie p et L une extension
de K. Soit P (x) ∈ K[X] un polynôme irréductible. On suppose que le degré d de P
n’est pas divisible par p. Alors toutes les racines de P dans L sont simples.
3. Éléments algébriques, éléments transcendants
Dans toute cette section, L est une extension du corps K, c’est à dire que K est
un sous-corps de L.
3.1. La définition.
Définition VII.20. Soient L une extension du corps K et ξ ∈ L. On dit que ξ est
algébrique sur K s’il existe un polynôme non nul P ∈ K[X] avec P (ξ) = 0. Dans le
cas contraire on dit que ξ est transcendant sur K.
Tout élément a de K est algébrique que K ; en effet, le polynôme X − a s’annule
en a.
Si le corps de base est Q et si l’extension est C ou R ou plus généralement un
sous-corps√de C, on dit « nombre algébrique » au lieu de « algébrique sur Q √
». Par
exemple, 2 est racine du polynôme X 2 − 2 ∈ Q[X], et on dit donc que 2 un
nombre algébrique. De même, i est nombre algébrique.
68
VII. CORPS ET EXTENSIONS DE CORPS
Proposition VII.21. L’ensemble des nombres algébriques est dénombrable.
Idée de la démonstration, à compléter. Pour tout entier d ≥ 1, la famille des polynômes de degré d à coefficients dans Q est dénombrable. Chacun de ces
polynômes n’a qu’un nombre fini de racines dans C. La famille formée par ces racines
(c’est à dire la famille des nombres algébriques de degré ≤ d) est donc dénombrable.
L’ensemble des nombres algébriques est la réunion de ces familles pour d ≥ 1, c’est
donc une ensemble dénombrable.
Il existe donc des réels et des complexes transcendants (beaucoup !), mais en donner un seul explicitement n’est pas facile. Il est connu que e et π sont transcendants.
3.2. L’homomorphisme d’évaluation. Soit ξ ∈ L. L’application
eξ : P 7→ P (ξ)
est un homomorphisme de K[X] dans L appelé l’homomorphisme d’évaluation au
point ξ. Cet homomorphisme est injectif si et seulement ξ est transcendant.
L’image de cet homomorphisme est noté K[ξ]. Ainsi :
K[ξ] = P (ξ) : P (X) ∈ K[X]
= a0 + a1 ξ + · · · + ad ξ d : d ≥ 0, a0 , a1 , . . . , ad ∈ K .
Par construction, K[ξ] est un sous-anneau de L contenant ξ et K. On vérifie facilement
que K[ξ] est le sous-anneau de L engendré par K et ξ, c’est à dire le plus petit sousanneau de L contenant K et ξ.
3.3. Le polynôme minimal. Soit ξ ∈ L et supposons que ξ est algébrique sur
K. Le noyau
def
ker(eξ ) = {P ∈ K[X] ; P (ξ) = 0}
de l’homomorphisme d’évaluation eξ est un idéal propre et non trivial de K[X].
Comme K[X] est principal, il existe un unique polynôme unitaire non constant
Pξ ∈ K[X] tel que ker(eξ ) soit l’ensemble des multiples de Pξ . Ainsi, Pξ est le
polynôme unitaire de plus petit degré vérifiant Pξ (ξ) = 0 et on a
def (6)
P ∈ K[X] ; P (ξ) = 0 = (Pξ ) = Pξ Q ; Q ∈ K[X] .
Définition VII.22. Soit ξ ∈ L algébrique sur K. Le polynôme Pξ unitaire défini
par (6) s’appelle le polynôme minimal de ξ. Le degré de Pξ est appelé le degré de ξ.
Reprenons les notations précédentes. Comme (Pξ ) est le noyau de l’homomorphisme d’évaluation eξ et que K[ξ] est l’image de cet homomorphisme, on a
(7)
K[ξ] ∼
= K[X]/(Pξ ) .
Proposition VII.23. Soit ξ ∈ L algébrique sur K. Alors le polynôme minimal Pξ
de ξ est irréductible dans K[X] et K[ξ] est un sous-corps de L.
Démonstration. Comme K[ξ] est un sous-anneau du corps L, K[ξ] est intègre.
Comme K[ξ] ∼
= K[X]/(Pξ ), ce dernier anneau est intègre et donc l’idéal (Pξ ) est
premier. Comme Pξ 6= 0, ce polynôme est irréductible. On en déduit que l’idéal (Pξ )
est maximal, et donc que K[X]/(Pξ ) est un corps, et enfin que K[ξ] est un corps. Exemple. Vérifions que les éléments algébriques de degré 1 sont exactement les
éléments de K. Si ξ ∈ K, le polynôme minimal de ξ est X − ξ. Le degré de ξ est 1.
Réciproquement, si ξ est un élément algébrique de degré 1 alors ξ est racine d’un
polynôme non nul de degré 1 à coefficients dans K donc ξ ∈ K.
3. ÉLÉMENTS ALGÉBRIQUES, ÉLÉMENTS TRANSCENDANTS
69
√
Exemple. Ici K = Q, L = C et ξ = 2. Soit P (X) = X 2 − 2. On a P ∈ Q[X]
et P (ξ) = 0 donc P est un multiple de Pξ . On a vu que P est irréductible dans Q[X]
et on en déduit que Pξ = P .
Exercice 3. Tout ξ ∈ C est algébrique sur R et de degré 1 ou 2.
Exercice 4. Si L est une extension de C et si ξ ∈ L est algébrique que C alors
ξ ∈ C.
3.4. Caractérisations des éléments algébriques. Dans tout le reste de cette
section, K est un corps et L est une extension de K. On considère que K ⊂ L. On
rappelle que L est un espace vectoriel sur K (section 1.4).
Lemme VII.24. Soit A un sous-anneau de L contenant K. Si A est un espace
vectoriel de dimension finie sur K alors A est un corps.
Démonstration. Il faut montrer que pour a ∈ A non nul on a a−1 ∈ A. Pour
tout x ∈ A on a ax ∈ A. L’application Φ : x 7→ ax de A dans A est clairement linéaire
sur A considéré comme espace vectoriel sur K : en effet, pour tous x, y ∈ A et tous
λ, µ ∈ K on a
φ(λx + µy) = a(λx + µy) = λax + µax = λφ(x) + µφ(y) .
Cette application est injective puisque ax = 0 entraîne x = 0. Comme A est de
dimension finie elle est donc surjective. Il existe donc x ∈ A avec ax = φ(x) = 1, et
donc a−1 ∈ A.
Théorème VII.25. Soient L une extension du corps K et ξ ∈ L. les propriétés
suivantes sont équivalentes :
i) ξ est algébrique sur K ;
ii) K[ξ] est un espace vectoriel de dimension finie sur K ;
iii) K[ξ] est un sous-corps de L.
De plus, si ces propriétés sont vérifiées, alors {1, ξ, . . . , ξ deg(ξ)−1 } est une base de
l’espace vectoriel K[ξ] sur K et K[ξ] : K = deg(ξ).
Démonstration. On a déjà vu (proposition VII.23) que la propriété i) entraîne
la propriété iii).
a) Montrons que i) entraîne ii). Plus précisément, montrons que si ξ est algébrique de
degré d alors {1, ξ, . . . , ξ d−1 } est un système générateur du K-espace vectoriel K[ξ].
Soit x ∈ K[ξ]. Il existe P (X) ∈ K[X] avec P (ξ) = x. Soient Q(X) et R(X) le
reste et le quotient de la division euclidienne de P (X) par Pξ (X). On a
x = P (ξ) = Q(ξ)Pξ (ξ) + R(ξ) = R(ξ)
De plus, R = 0 ou deg(R) < deg(Pξ ) = d et on peut donc écrire R(X) = a0 + a1 X +
· · · + ad−1 X d−1 avec a0 , . . . ad−1 ∈ K et on a donc x = a0 ξ + · · · + ad−1 ξ d−1 . Ainsi,
x est une combinaison linéaire à coefficients dans K des éléments 1, ξ, . . . , ξ d−1 , et
{1, ξ, . . . , ξ d−1 } est un système générateur de K[ξ].
b) Supposons que que ξ est algébrique de degré d et montrons que {1, ξ, . . . , ξ d−1 }
est une base de K[ξ]. D’après ce qui précède il suffit de montrer que c’est un système
libre.
70
VII. CORPS ET EXTENSIONS DE CORPS
Si a0 , a1 , . . . , ad−1 ∈ K vérifient a0 1 + a1 ξ + · · · + ad−1 ξ d−1 = 0, alors le polynôme
P (X) = a0 + a1 X + · · · + ad−1 X d−1 admet ξ pour racine et il est donc un multiple
du polynôme minimal Pξ . Comme deg(Pξ ) = d et que deg(P ) < d on a P (X) = 0,
c’est à dire a0 = a1 = · · · = ad−1 = 0 ce qu’il fallait démontrer.
c) D’après le lemme VII.24, la propriété ii) entraîne la propriété iii).
d) Montrons que la propriété iii) entraîne la propriété i). Si ξ = 0 alors ξ ∈ K et est
algébrique, il n’y a donc rien à démontrer.
Supposons que ξ 6= 0. Comme ξ ∈ K[ξ], par hypothèse on a ξ −1 ∈ K[ξ] et il existe
Q ∈ K[X] avec ξ −1 = Q(ξ).
Posons P (X) = XQ(X) − 1 ∈ K[X]. Ce polynôme est non nul et admet ξ comme
racine, donc ξ est algébrique sur K.
3.5. Suite de l’exemple de la section 1.3. Rappelons les notations de cet
exemple. On se donne un polynôme P ∈ K[X] irréductible, on pose L = K[X]/(P )
et π : K[X] → L est l’homomorphisme quotient. On a noté φ : K → L la restriction
de π à K. C’est un homomorphisme injectif. Nous convenons maintenant de noter
de la même façon chaque élément de K et son image par φ dans L, et donc nous
considérons K comme un sous-corps de L.
Notons ξ = π(X).
Pour tout polynôme Q(X) = a0 + a1 X + · · · + an X n ∈ K[X], on a π(Q) =
a0 + a1 ξ + · · · + an ξ n . Ainsi,
pour tout Q ∈ K[X],
π(Q) = Q(ξ) .
Comme π : K[X] → L est surjectif, on en déduit que L = K[ξ].
De plus, π(P ) = 0 par définition de π, donc P (ξ) = 0. Ainsi, l’élément ξ de L est
algébrique sur K. Remarquons que, comme P est irréductible, P est le polynôme
minimal de ξ.
La définition de C. Le polynôme X 2 + 1 est irréductible dans R[X] et C est
par définition le corps R[X]/(X 2 + 1). L’image dans C du polynôme X est notée i.
Ainsi, i2 = −1 et C = R[i].
On vérifie facilement (ou on déduit de la section suivante) que C = {a + bi : a, b ∈
R}. C est donc un espace vectoriel de degré 2 sur R.
CHAPITRE VIII
Extensions algébriques, extensions finies
Convention. Désormais, les symboles comme K, L, M, . . ., désignent toujours
des corps.
1. Extensions finies
1.1. Extensions algébriques.
Définition VIII.1. Soit L une extension de K. On dit que L est une extension
algébrique de K si tout élément de L est algébrique sur K.
Comme R et C ne sont pas dénombrables, d’après la proposition VII.21 ce ne
sont pas des extensions algébriques de Q.
Corollaire VIII.2. Toute extension finie est algébrique.
Démonstration. Soient L une extension finie de K et ξ ∈ L. Comme K[ξ] est
un sous-espace vectoriel de L, il est donc est de dimension finie sur K. D’après le
théorème VII.25, ξ est algébrique sur K.
Corollaire VIII.3. Soient L un extension de K et ξ un élément de L algébrique
sur K. Alors K[ξ] est une extension algébrique sur K et le degré de cette extension
est [K[ξ] : K] = deg(ξ).
Démonstration. D’après le théorème VII.25, K[ξ] est un corps, c’est donc bien
une extension de K et de plus K[ξ] est un espace vectoriel de dimension finie deg(ξ)
sur K. Ainsi, K[ξ] est une extension finie de degré deg(ξ) de K et c’est donc une
extension algébrique de K d’après le corollaire VIII.2.
Soient P ∈ K[X] un polynôme irréductible et L = K[X]/(P ) comme dans les
sections 1.3 et 3.5 du chapitre précédent. Alors L est une extension finie de K et son
degré est égal au degré de P .
√
Exercice 1. Démontrez «à la main» que tout élément de Q[ 2] est algébrique.
1.2. Extension finie d’une extension finie.
Théorème VIII.4 (Théorème de multiplication des degrés). Soient L une extension
finie de K et M une extension finie de L. Alors M est une extension finie de K et
[M : K] = [M : L].[L : K] .
Démonstration. Soient {α1 , . . . , αm } une base de l’espace vectoriel L sur K
et {β1 , . . . , βn } une base de l’espace vectoriel M sur L. Nous montrons que
def
B = {αi βj ; 1 ≤ i ≤ m, 1 ≤ j ≤ n}
est une base de l’espace vectoriel M sur K.
Soit x ∈ M. Comme {β1 , . . . , βn } est une base de M sur L, il existe x1 , . . . , xn ∈ L
avec x = x1 β1 + · · · + xn βn . Pour 1 ≤ j ≤ n, comme xj ∈ L et que {α1 , . . . , αm }
71
72
VIII. EXTENSIONS ALGÉBRIQUES, EXTENSIONS FINIES
est une base de L sur K, il existe y1,j , . . . , ym,j ∈ K avec xj = y1,j α1 + · · · + ym,j αm .
Nous avons donc
m X
n
X
(1)
x=
yi,j αi βj .
i=1 j=1
Ainsi, B est un système générateur de l’espace vectoriel M sur K. Montrons que ce
système est libre.
Soient yi,j , 1 ≤ i ≤ m, 1 ≤ j ≤ n, dans K et supposons que la somme (1) est
nulle. Ainsi,
n X
m
X
yi,j αi βj = 0
j=1
i=1
et chacune des sommes internes est un élément de L. Comme {β1 , . . . , βn } est une
base de l’espace vectoriel M sur L, chacune de ces sommes est nulle :
m
X
pour tout j,
yi,j αi = 0
i=1
Fixons j ∈ {1, . . . , n}. Pour chaque i, yi,j ∈ K et comme {α1 , . . . , αm } est une base
de l’espace vectoriel L sur K tous les coefficients yi,j sont nuls.
Corollaire VIII.5. Soient L une extension de K, ξ ∈ L algébrique sur K et η ∈ L
algébrique sur K[ξ]. Alors η est algébrique sur K.
De plus, si degK (ξ) et degK (η) désignent respectivement le degré de ξ et de η sur
K, et si degK[ξ] (η) désigne le degré de η sur K[ξ), on a degK (η) ≤ degK (ξ) degK[ξ] (η).
Démonstration. Pour alléger les notations, notons M = K[ξ].
D’après le corollaire VIII.3, M est une extension finie de K et M[η] est une
extension finie de M. D’après le théorème VIII.4, M[η] est une extension finie de
K, c’est donc une extension algébrique de K d’après le corollaire VIII.2 et on a
[M[η] : K] = [M[η] : M] · [M : K] = degM (η) degK (ξ). En particulier, comme ξ ∈ M[ξ],
ξ est algébrique sur K.
Comme K est inclus dans M, K[η] est inclus dans M[η], et c’est donc un
sous-K-espace vectoriel de M[η]. On a donc degK (η) = [K[η] : K] ≤ [M[η] : K] =
degM (η) degK (ξ).
2. Composition d’extensions
2.1. Extension engendrée par un nombre finie d’éléments algébriques.
Notation. Soient L une extension de K, k ≥ 1 un entier, et ξ1 , . . . , ξk des éléments
de L. On note K[ξ1 , . . . , ξk ] le sous-anneau de L engendré par ξ1 , . . . , ξk . Ainsi
K[ξ1 , . . . , ξk ] = P (ξ1 , . . . , ξk ) : P ∈ K[X1 , . . . , Xk ] .
Théorème VIII.6. Soient L une extension de K, k ≥ 1 un entier, et ξ1 , . . . , ξk des
éléments de L, algébriques sur K. Alors
– K[ξ1 , . . . , ξk ] est un sous-corps de L.
– Ce corps est une extension finie de K et
K[ξ1 , . . . , ξk ] : K ≤ deg(ξ1 ). · · · . deg(ξk ) .
– K[ξ1 , . . . , ξk ] : K est un multiple de deg(ξi ) pour 1 ≤ i ≤ k.
2. COMPOSITION D’EXTENSIONS
73
Démonstration. On procède par récurrence. Si k = 1, tout a été montré dans
le théorème VII.25. On suppose que k > 1 et que le résultat est montré pour moins
de k éléments algébriques.
Soient maintenant ξ1 , . . . , ξk ∈ L, algébriques sur K. Posons
M = K[ξ1 , . . . , ξk−1 ] .
D’après l’hypothèse de récurrence, M est un sous corps de L et ce corps est une
extension finie de K. De plus, [M : K] est un multiple de deg(ξi ) pour 1 ≤ i ≤ k − 1
et est inférieur ou égal au produit de ces degrés. Par ailleurs,
K[ξ1 , . . . , ξk−1 , ξk ] = K[ξ1 , . . . , ξk−1 ][ξk ] = M[ξk ] .
Soit Pξk le polynôme minimal de ξk sur K. Ce polynôme est non nul, admet ξk
comme racine et peut être vu comme un polynôme à coefficients dans M. Ainsi, ξk
est algébrique sur M. Comme Pξk (ξk ) = 0, le polynôme minimal Q de ξk sur M divise
Pξk dans M[X], et deg(Q) ≤ deg(Pξk ). D’après le théorème VII.25, on en déduit que
M[ξk ] est un corps et que ce corps est une extension finie de M avec
[M[ξk ] : M] = deg(Q) ≤ deg(ξk ) .
Nous avons ainsi montré que K[ξ1 , . . . , ξk−1 , ξk ] est un corps et que ce corps est une
extension finie de K et on a
[K[ξ1 , . . . , ξk−1 , ξk ] : K] = [M : K] · [M[ξk ] : M]
d’après le théorème VIII.4. D’après l’hypothèse de récurrence, cette expression
est majorés par deg(ξ1 ) . . . deg(ξk−1 ) deg(ξk ) et est un multiple de deg(ξi ) pour
1 ≤ i ≤ k − 1. Enfin, comme K[ξ1 , . . . , ξk−1 , ξk ] ⊃ K[ξk ] ⊃ K, nous concluons que
[K[ξ1 , . . . , ξk−1 , ξk ] : K] est un multiple de [K[ξk ] : K] d’après le théorème VIII.4. Corollaire VIII.7. Soient L une extension de K et ξ1 , ξ2 ∈ L, algébriques sur K.
Alors −ξ1 , ξ1 + ξ2 et ξ1 ξ2 sont algébriques sur K. Si ξ1 6= 0 alors ξ1−1 est algébrique
sur K.
Démonstration. D’après le théorème VIII.6, K[ξ1 , ξ2 ] est une extension finie
de K, donc est une extension algébrique de K d’après le corollaire VIII.2. Tous ses
éléments sont donc algébriques sur K.
Exercice 2. Soient L une extension deK et ξ, η ∈ L. On suppose que ξ et η sont
algébriques sur K, de degrés p et q, respectivement. On suppose que p < q et que p
et q sont premiers entre eux.
a) Montrez que [K[ξ, η] : K] = pq.
b) Montrez que ξ + η est algébrique sur K. Vérifiez que ξ + η ∈ K[ξ, η], déduisez-en
que K[ξ + η] ⊂ K[ξ, η].
c) On pose r = [K[ξ + η] : K]. Montrez que r est égal à 1, p, q ou pq.
d) Montrez par l’absurde que r 6= 1. Méthode : si r était égal à 1 on aurait ξ + η ∈ K,
donc K[ξ] = K[η] d’où une contradiction.
e) Montrez que K[ξ + η, ξ] = K[ξ, η]. En déduire que pq ≤ pr et que r 6= p.
74
VIII. EXTENSIONS ALGÉBRIQUES, EXTENSIONS FINIES
2.2. Composition d’extensions.
Théorème VIII.8 (et définition). Soient M une extension de K et L, L0 deux souscorps de M contenant K et qui sont des extensions finies de K. Soit encore F le
sous-anneau de M engendré par L et L0 .
Alors F est un corps et est une extension finie de K.
Cette extension est appelée la composée des deux extensions L et L0 de K. On
On note ce corps LL0 .
On a [LL0 : K] ≤ [L : K].[L0 : K].
De plus, [LL0 : K] est un multiple de [L : K] et de L0 : K].
Démonstration. a) Montrons que F est le sous K-espace vectoriel de M
engendré par les éléments de la forme xx0 avec x ∈ L et x0 ∈ L0 . Soit E ce sous-espace
vectoriel. On a clairement E ⊂ F et il reste à montrer que F ⊂ E.
Montrons que que E est un sous-anneau de M, c’est à dire que le produit de deux
éléments de E appartient à E. Tout élément de E est une combinaisons linéaire à
coefficients dans K d’éléments de la forme xx0 avec x ∈ L et x0 ∈ L0 . Or, si on a
x ∈ L, x0 ∈ L0 , y ∈ L et y 0 ∈ L0 alors on a (xx0 )(yy 0 ) = (xy)(x0 y 0 ) ∈ E. Par linéarité
on obtient le résultat annoncé.
Comme E contient L et L0 et que F est le plus petit sous-anneau de M contenant
ces deux corps, on a F ⊃ E.
b) Soient respectivement {α1 , . . . , αm } et {β1 , . . . , βn } des bases des espaces vectoriels
L et L0 sur K.
D’après a), F est le sous-espace vectoriel de M engendré par les éléments αi βj
avec 1 ≤ i ≤ m et 1 ≤ j ≤ n. F est donc un espace vectoriel sur K de dimension
≤ mn.
c) Comme F est un sous-anneau de M contenant K et aussi un espace vectoriel de
dimension finie ≤ mn sur K, c’est un sous-corps de K d’après le lemme VII.24, et
donc une extension finie de K, de degré ≤ mn = [L : K] · [L0 : K].
d) On a [LL0 : K] = [LL0 : L].[L : K] d’après le théorème VIII.4 donc [LL0 : K] est un
multiple de [L : K] ; de même, [LL0 : K] est un multiple de [L0 : K].
Remarque. Soient ξ et ξ 0 sont des éléments de M algébriques sur K, L = K[ξ]
et L0 = K[ξ 0 ]. Alors LL0 = K[ξ, ξ 0 ] et on retrouve le résultat du théorème VIII.6.
Exercice 3.
√ √
a) Montrez que Q[ 2, 3] est une extension de Q de degré 2 ou 4.
√
√
b) Montrez que 2 + 3 n’est pas de degré 2 sur Q.
√
√ √
√
√
√
c) En déduire que 2 + 3 est de degré 4 sur Q et que Q[ 2, 3] = Q( 2 + 3].
Exercice 4.
√ √
a) Montrez que Q[ 2, 3 5] est une extension de degré 6 de Q.
√
√
b) En déduire que 2 + 3 5 est algébrique, et que son degré divise 6.
CHAPITRE IX
Fermeture algébrique, corps de décomposition
1. La fermeture algébrique de K dans L
1.1. Fermeture algébrique. Soit L un extension du corps K.
Définition IX.1. La fermeture algébrique clL (K) de K dans L est l’ensemble des
éléments de L qui sont algébriques sur K.
Définition IX.2. On dit que K est algébriquement fermé dans L si tout élément de
L algébrique sur K appartient à K, c’est à dire si clL (K) = K.
Théorème IX.3. La fermeture algébrique de K dans L est un sous-corps de L
contenant K.
De plus, clL (K) est algébriquement fermé dans L.
Démonstration. a) La première affirmation a déjà été démontrée (corollaire VIII.7).
b) Soit ξ ∈ L et supposons que ξ est algébrique sur clL (K). On doit montrer que ξ
est algébrique sur K.
Par définition il existe un polynôme P (X) = a0 + a1 X + · · · + ad X d non nul,
à coefficients dans clL (K), avec P (ξ) = 0. Soit M = K[a0 , a1 , . . . , ad ]. Comme
a0 , a1 , . . . , ad sont algébriques sur K, M est un corps et une extension finie de K
d’après le théorème VIII.6.
D’autre part, P (X) appartient à M[X] et admet ξ comme racine, donc ξ est
algébrique sur M. D’après le théorème VII.25, M[ξ] est une extension finie de M et
d’après le théorème VIII.4, M[ξ] est une extension finie de K.
D’après le corollaire VIII.2, M[ξ] est une extension algébrique de K et en particulier
ξ est algébrique sur K.
√
√
Exercice 1. Trouver le polynôme minimal de 2 + 3 (ici K = Q et L = C).
Corollaire IX.4. Si L est une extension algébrique de K et si M est une extension
algébrique de L alors M est une extension algébrique de K.
Démonstration. Par hypothèse, L ⊂ clM (K). Tout ξ ∈ M est algébrique sur
L par hypothèse et est donc a fortiori algébrique sur clM (K). Comme clM (K) est
algébriquement fermé dans M, ξ ∈ clM (K) et est donc algébrique sur K.
1.2. Retour que les corps algébriquement clos. On rappelle qu’un corps
K est algébriquement clos si tout polynôme à coefficients dans K est scindé ou,
de façon équivalente, si tout polynôme P ∈ K[X] irréductible est de degré 1 (voir
proposiiton VII.10).
Proposition IX.5. Un corps est algébriquement clos si et seulement il est algébriquement fermé dans toute extension.
75
76
IX. FERMETURE ALGÉBRIQUE, CORPS DE DÉCOMPOSITION
Démonstration. Supposons d’abord que le corps K est algébriquement clos
et soit L une extension de K. Soient ξ ∈ L algébrique sur K et P (X) ∈ K(X) son
polynôme minimal. Alors P est irréductible et est donc de degré 1, donc ξ ∈ K. On
a ainsi montré que K est algébriquement fermé dans L.
Supposons maintenant que K est algébriquement fermé dans toute extension.
Soient P (X) ∈ K[X] un polynôme irréductible et d son degré. Soit L = K[X]/(P (X)).
On sait que L est une extension algébrique de degré d de K. Par hypothèse, K =
clL (K) = L donc d = 1.
2. Corps de décomposition et clôture algébrique
2.1. Corps de décomposition d’un polynôme.
Définition IX.6. Soit P ∈ K[X] un polynôme non constant. Un corps de décomposition de P est une extension L de K telle que
i) P est scindé dans L(X) c’est-à-dire s’écrit
P (X) = c(X − ξ1 ) . . . (X − ξk ) avec c ∈ K et ξ1 , . . . , ξk ∈ L ;
ii) L = K[ξ1 , . . . ξd ].
Théorème IX.7. Soient K un corps et P (X) ∈ K[X] un polynôme non constant.
Alors P admet un corps de décomposition.
Démonstration. On peut se restreindre au cas où le polynôme P est unitaire.
On raisonne par récurrence sur le degré de P . Si deg(P ) = 1 alors P (X) = X − ξ
pour un certain ξ ∈ K. On a K = K[ξ] et K est un corps de décomposition de P .
Soit d ≥ 1 et supposons le résultat vrai pour tout polynôme de degré ≤ d. Soit
P (X) ∈ K[X] un polynôme de degré d + 1.
Soit Q un polynôme irréductible unitaire divisant P et M = K[X]/(Q) (le cas
où Q = P n’est pas exclu). On sait que M est un corps contenant K et que si ξ est
l’image de X dans ce quotient on a M = K[ξ] et Q(ξ) = 0. Le polynôme Q(X) est
donc un multiple de X − ξ dans M[X], et comme P (X) est un multiple de Q(X)
nous pouvons écrire
P (X) = (X − ξ)R(X) avec R(X) ∈ M[X] .
Notons que le polynôme R est unitaire et de degré d. D’après l’hypothèse de récurrence,
R admet un corps de décomposition L sur M. Montrons que L est un corps de
décomposition de P sur K.
Par définition, le polynôme R(X) s’écrit R(X) = (X − ξ1 ) . . . (X − ξd ) avec
ξ1 , . . . , ξd ∈ L et donc P (X) = (X − ξ)(X − ξ1 ) . . . (X − ξd ). De plus, L =
M[ξ1 , . . . , ξd ] = K[ξ][ξ1 , . . . , ξd ] = K[ξ, ξ1 , . . . , ξd ].
Voici une autre construction d’un corps de décomposition, lorsque le corps K est
contenu dans un corps M algébriquement clos. Soit P (X) ∈ K[X], non constant. Ce
polynôme appartien à M[X] et, comme M est algébriquement clos, il est scindé dans
M[X] et s’écrit P (X) = c(X − ξ1 ) . . . (X − ξk ) où ξ1 , . . . , ξk ∈ M ; c est le coeffiicent
du terme de plus haut degré dans P (X) donc c ∈ K. Posons L = K[ξ1 , . . . , ξk ].
D’après le héorème VIII.6, L est un corps, c’est donc une extension de K. Les deux
propriétés de la définition d’un corps de décomposition sont clairement satisfaites
par L.
2. CORPS DE DÉCOMPOSITION ET CLÔTURE ALGÉBRIQUE
77
2.2. Clôture algébrique.
Définition IX.8. Soient K un corps et K une extension de K. On dit que K est une
clôture algébrique de K si K est algébriquement clos et est une extension algébrique
de K.
Théorème IX.9. Tout corps admet une clôture algébrique.
Nous ne démontrons pas ce théorème dans le cas général, mais seulement dans
deux cas particuliers : le cas où on sait que K est inclus dans un corps algébriquement
clos, et le cas où K est dénombrable. Les exemples les plus importants sont ceux où
K = Q et où K = Fp .
Proposition IX.10 (Théorème IX.9 dans le cas où on sait que K est inclus dans
un corps algébriquement clos).
Soient K un corps, M un corps algébriquement clos contenant K et L = clM (K)
la fermeture algébrique de K dans M. Alors L est une clôture algébrique de K.
Par exemple, si K ⊂ C alors clC (K) est une clôture algébrique de K.
Démonstration. Par définition, L = clM (K) est une extension algébrique de
K. Il faut montrer que ce corps est algébriquement clos. D’après la caractérisation ii)
de la proposition VII.10, il suffit de montrer que tout polynôme P (X) irréductible
de L[X] est de degré 1.
On peut voir le polynôme P (X) comme un polynôme non constant à coefficients
dans M. Comme M est algébriquement clos, ce polynôme admet une racine ξ dans
M. D’après le théorème IX.3, L est algébriquement fermé dans M et ξ appartient
donc à L. Le polynôme P irréductible dans L[X] a une racine dans L, il est donc de
degré 1 d’après la partie ii) de la proposition VII.8.
2.3. Démonstration du théorème IX.9 dans le cas où K est dénombrable. Comme K est dénombrable, l’ensemble des polynômes non constants à
coefficients dans K est dénombrable (pourquoi ? ) et il existe donc une bijection de
N∗ sur cet ensemble. On peut donc écrire cet ensemble sous la forme {Pn ; n ≥ 1}.
Nous construisons par récurrence une suite croissante (Kn : n ≥ 0) de corps.
On pose K0 = K. Soit n ≥ 1 et supposons Kn−1 déjà défini. Nous considérons Pn
comme un polynôme à coefficients dans Kn−1 et définissons Kn comme un corps de
décomposition de ce polynôme.
Par définition, pour chaque n ≥ 1, Kn est une extension finie de Kn−1 . Pour tout
n ≥ 0, d’après le théorème VIII.4 et par récurrence, Kn est une extension finie donc
algébrique de K (corollaire VIII.2). Posons
[
K=
Kn .
n≥0
Comme la suite de corps (Kn ; n ≥ 0) est croissante, K est un corps (vérifiez cette
affirmation). Tout élément de K appartient à l’un des corps Kn donc est algébrique
sur K. Ainsi, K est une extension algébrique de K.
Montrons que K est algébriquement clos. Il faut montrer que si M est une
extension de K et si ξ ∈ M est algébrique sur K, alors ξ appartient à K. Montrons
d’abord que ξ est algébrique sur K.
Soit Q(X) = q0 + q1 X + · · · + qs X d ∈ K[X] le polynôme minimal de ξ sur
K. Pour 0 ≤ i ≤ d, on a qi ∈ K et il existe donc mi tel que qi ∈ Kmi . Soit
78
IX. FERMETURE ALGÉBRIQUE, CORPS DE DÉCOMPOSITION
m = max{m0 , m1 , . . . , md }. Alors tous les coefficients qi appartiennent à Km et on a
donc Q(X) ∈ Km (X). Ainsi, ξ est algébrique sur Km et donc Km [ξ] est une extension
finie de Km . Comme Km est une extension finie de K, Km [ξ] est une extension finie
et donc algébrique de K d’après le théorème VIII.4. Ainsi, ξ est algébrique sur K.
Soit Pξ ∈ K[X] le polynôme minimal de ξ sur K. Comme ce polynôme à coefficients
dans K n’est pas constant, il existe par construction un entier n ≥ 1 avec Pξ = Pn .
Ainsi, ξ est une racine de Pn , donc ξ ∈ Kn et enfin ξ ∈ K.
3. Un problème
3.1. Première partie : idéaux premiers de K[X, Y ] contenant X 2 +Y 2 −1.
Notation. Dans cette partie, K est un corps, I est l’idéal de K[X, Y ] engendré par
X 2 + Y 2 − 1.
Convention. On rappelle que K[X, Y ] est identifié à K[X][Y ], c’est à dire à
l’anneau des polynômes à coefficients dans l’anneau K[X] et en la variable Y .
On considère donc K[X] comme le sous-anneau de K[X, Y ] = K[X][Y ] formé des
polynômes constants.
Tout polynôme appartenant à K[X] appartient donc aussi à K[X, Y ].
Question préliminaire. Montrez que tout polynôme P (X, Y ) ∈ K[X, Y ] peut
s’écrire sous la forme
(1)
P (X, Y ) = (X 2 + Y 2 − 1)Q(X, Y ) + R(X)Y + S(X)
avec Q(X, Y ) ∈ K[X, Y ], R(X) ∈ K[X] et S(X) ∈ K[X]. Méthode : Utilisez la
convention ci-dessus et faire une division euclidienne en la justifiant.
Notation. Dans la suite, M est un corps algébriquement clos contenant K.
Pour tous ξ, η ∈ M avec ξ 2 + η 2 = 1, on note
(2)
Jξ,η = {P (X, Y ) ∈ K[X, Y ] : P (ξ, η) = 0} .
Le but de cette partie est de montrer
i) Si ξ n’est pas algébrique sur K, alors Jξ,η = I ;
ii) si ξ est algébrique sur K, alors Jξ,η est un idéal maximal de K[X, Y ] contenant
I et distinct de I ;
iii) Les seuls idéaux premiers de K[X, Y ] contenant I sont I lui-même et les
idéaux de la forme Jξ,η où ξ et η appartiennent à M, où ξ est algébrique sur
K et où ξ 2 + η 2 = 1.
a) Soient ξ et η ∈ M avec ξ 2 + η 2 = 1. Vérifiez que Jξ,η est un idéal propre de
K[X, Y ] et que Jξ,η ⊃ I.
Vérifiez que J1,0 6= I et en déduire que l’idéal I de K[X, Y ] n’est pas maximal.
b) Montrez que X 2 + Y 2 − 1 est un élément irréductible de K[X, Y ].
Montrez que I est un idéal premier de K[X, Y ].
c) Soient ξ, η ∈ M avec ξ 2 + η 2 = 1. On note
(3)
K[ξ, η] = {Q(ξ, η) : Q(X, Y ) ∈ K[X, Y ]} .
Montrez que K[ξ, η] est un sous-anneau de M contenant K et que
K[X, Y ] ∼
= K[ξ, η] .
Jξ,η
3. UN PROBLÈME
79
En déduire que Jξ,η est un idéal premier de K[X, Y ].
d) Démontrez l’affirmation ii) ci-dessus.
Notation. Dans la suite de cette partie, J est un idéal premier de K[X, Y ], contenant
X 2 + Y 2 − 1 et distinct de I.
e) Montrez qu’il existe deux polynômes R(X) et S(X) ∈ K[X], non tous deux nuls,
tels que le polynôme R(X)Y + S(X) appartienne à J.
Vérifiez que le polynôme F (X) = R(X)2 (1 − X 2 ) − S(X)2 appartient à J.
f ) Montrez que le polynôme F (X) n’est pas identiquement nul.
g) Montrez que le polynôme F (X) n’est pas constant.
En déduire qu’il existe un polynôme T (X) ∈ K[X], irréductible dans K[X], et
appartenant à J.
h) On choisit une racine ξ du polynôme T (X) dans M. On rappelle que ξ est
algébrique sur K.
On note L = K[ξ] et eξ : K[X] → L l’homomorphisme d’évaluation en ξ. On
rappelle que eξ (P ) = P (ξ) pour tout P ∈ K[X].
Quel est le noyau de l’homomorphisme eξ ? Rappelez pourquoi L est un sous-corps
de M.
On définit une application φ : K[X, Y ] → L[Y ] de la façon suivante. Pour tout
polynôme Q(X, Y ) ∈ K[X, Y ] on pose
φ(P )(Y ) = P (ξ, Y ) .
Vérifiez que φ : : K[X, Y ] → L[Y ] est un homomorphisme d’anneaux.
Vérifiez que φ surjectif.
i) Montrez que ker(φ) est l’idéal de K[X, Y ] engendré par le polynôme T (X), considéré
comme un polynôme appartenant à K[X, Y ].
En déduire que ker(φ) ⊂ J.
j) Montrez que K[X, Y ]/J est isomorphe à L[Y ]/φ(J).
Montrez que φ(J) est un idéal premier de L[Y ].
Remarquez que l’idéal φ(J) de L[Y ] n’est pas trivial (il contient le polynôme
Y 2 + ξ 2 − 1).
Montrez qu’il existe un polynôme W (Y ) ∈ L[Y ], irréductible dans L[Y ], tel que
φ(J) soit l’idéal de L[Y ] engendré par W (Y ).
En déduire que φ(J) est un idéal maximal de L[Y ].
Conclure que J est un idéal maximal de K[X, Y ].
k) On choisit une racine η du polynôme W (Y ) dans M et on note eη : L[Y ] → M
l’homomorphisme d’évaluation en η ; on rappelle que eη (P ) = P (η) pour tout
P (Y ) ∈ L[Y ]. Quel est le noyau de eη ?
Vérifiez que ker(eη ◦ φ) = J, que ker(eη ◦ φ) = Jξ,η et conclure que J = Jξ,η .
l) Montrez l’affirmation iii) ci-dessus.
Remarquez que si Jξ,η = Jξ0 ,η0 et si ξ est algébrique sur K alors ξ 0 est aussi
algébrique sur K. Conclure en démontrant l’affirmation i) ci-dessus.
3.2. Deuxième partie : idéaux premiers de Z[X, Y ] contenant X 2 +Y 2 −1.
Notation. Dans cette partie, R est l’idéal de Z[X, Y ] engendré par X 2 + Y 2 − 1.
Le but de cette partie est de déterminer tous les idéaux premiers de Z[X, Y ]
contenant R.
80
IX. FERMETURE ALGÉBRIQUE, CORPS DE DÉCOMPOSITION
Notation. Pour tout idéal L de Z[X, Y ], on note
LQ = {aP (X, Y ) : a ∈ Q, P (X, Y ) ∈ L} .
a) Soit L un idéal de Z[X, Y ]. Montrez que LQ est un idéal de Q[X, Y ].
Montrez que que LQ est propre si et seulement si L ne contient aucune constante
non nulle.
b) Soit L un idéal de Z[X, Y ]. Montrez que LQ est un idéal premier de Q[X, Y ] si et
seulement si L est un idéal premier de Z[X, Y ] ne contenant aucune constante non
nulle et que dans ce cas on a L = LQ ∩ Z[X, Y ].
c) Montrez que l’idéal RQ est l’idéal I de Q[X, Y ] défini dans la première partie dans
le cas où K = Q. En déduire que R est un idéal premier de Z[X, Y ].
d) En utilisant les résultats de la première partie, déterminer tous les idéaux premiers
de Z[X, Y ] contenant X 2 + Y 2 − 1 et ne contenant aucune constante non nulle.
Notation. Dans la suite de cette partie, L est un idéal premier de Z[X, Y ], contenant
L et contenant au moins une constante non nulle.
e) Montrer que L contient une constante p qui est un nombre premier. Montrer que
L ∩ Z = pZ.
f ) Dans cette question et les deux suivantes, p est un nombre premier.
On note π : Z → Fp l’homomorphisme quotient et π̃ : Z[X, Y ] → FP [X, Y ] l’application obtenue en réduisant chaque coefficient modulo p. Autrement dit,
n
n
X
X
π̃
ai,j X i Y j =
π(ai,j )X i Y j
i,j=0
i,j=0
pour tout entier n ≥ 0 et tous entiers ai,j , 0 ≤ i, j ≤ n.
Vérifiez que π̃ est un homomorphisme d’anneaux et que π̃ est surjectif. Quel est
son noyau ?
g) Soit L un idéal premier de Z[X, Y ] contenant la constante p. Montrez que π̃(L)
est un idéal de Fp [X, Y ], que L = π̃ −1 (π̃(L)) et que π̃(L) est un idéal premier de
Fp [X, Y ],.
h) En utilisant les résultats de la première dans le cas où K = Fp , déterminez tous
les idéaux premiers de Z[X, Y ] contenant X 2 + Y 2 − 1 et la constante p.
i) Conclure : quels sont les idéaux premiers de Z[X, Y ] contenant X 2 + Y 2 − 1 ?
CHAPITRE X
Corps finis
1. Préliminaires
Lemme X.1. Soit K un corps fini. Alors sa caractéristique p est finie et K est une
extension finie de Fp . Soit r = [K : Fp ]. On a |K| = pr .
Démonstration. On sait (corollaire VII.6) que la caractéristique p de K est
non nulle, que p est premier (théorème VII.1) et que K est une extension de Fp
(proposition VII.5). Comme K est fini il ne peut pas contenir de système libre sur Fp
arbitrairement grand et donc sa dimension r = [K : Fp ] en tant qu’espace vectoriel
sur Fp est finie. Soit e1 , . . . , er une base du Fp espace vectoriel K. Alors l’application
(n1 , . . . , nr ) 7→ n1 · e1 + · · · + nr · er est une bijection de {0, . . . , p − 1}r sur K. On a
donc |K| = pr .
Le résultat principal de ce chapitre est :
Théorème X.2. Pour tout nombre premier p et tout entier r ≥ 1 il existe un corps
d’ordre pr . De plus, ce corps est unique à isomorphisme près.
Dans tout le reste de ce chapitre, p est un nombre premier.
2. Le groupe multiplicatif d’un corps fini
On rappelle que si K est un corps, K∗ désigne le groupe multiplicatif formé des
éléments non nuls de K.
Les démonstrations du lemme et du corollaire suivants ont été faits en exercice
(exercice 4 du chapitre IV).
Lemme X.3. Soit G un groupe abélien fini et soit
m = max{ordre(a) ; a ∈ G} .
Alors pour tout a ∈ G, l’ordre de a divise m.
Corollaire X.4. Soit G un groupe abélien fini. Si pour tout entier n ≥ 1 le groupe
G contient au plus n éléments x tels que nx = 0 alors G est cyclique.
Théorème X.5 (et définition). Soient r ≥ 1 un entier et K un corps d’ordre q = pr .
Alors le groupe multiplicatif K∗ de K est cyclique.
Tout générateur de ce groupe est appelé un élément primitif de K∗ .
Ainsi, si ξ est un élément primitif de K∗ , on a ξ q−1 = 1, ξ j 6= 1 pour 0 ≤ ξ < q − 1
et K = {0} ∪ {1, ξ, ξ 2 , . . . , ξ q−2 }.
Démonstration. Pour tout entier n ≥ 1, le polynôme X n − 1 au maximum n
racines distinctes dans K et donc K∗ contient au maximum n éléments x tels que
xn = 1. On conclut en utilisant le corollaire X.4.
81
82
X. CORPS FINIS
Corollaire X.6. Soient r ≥ 1 un entier, K un corps ayant q = pr éléments et ξ un
élément primitif de K∗ . Alors K = Fp [ξ] et
X q−1 − 1 =
(1)
Y
(X − α) =
α∈K∗
q−2
Y
(X − ξ j ) .
j=0
Démonstration. On a évidemment Fp [ξ] ⊂ K. Comme ξ est un élément primitif
de K∗ , on a K∗ = {1, ξ, . . . , ξ q−2 } ⊂ Fp [ξ] et donc K ⊂ Fp [ξ].
De plus, 1, ξ, . . . , ξ q−2 sont distincts. Les trois polynômes apparaissant dans (1)
sont unitaires de degré q − 1 et ont les mêmes q − 1 racines distinctes, ils sont donc
égaux.
3. L’automorphisme de Frobenius
On rappelle le « petit théorème de Fermat » :
Pour tout x ∈ Fp on a xp = x .
(2)
Théorème X.7 (et définition). Soit K un corps fini de caractéristique p. Alors
l’application σ : x 7→ xp est un automorphisme de K.
Cet automorphisme est appelé l’ automorphisme de Frobenius.
L’ensemble des points fixes de cet homomorphisme est le sous-corps Fp de K.
On rappelle qu’un point fixe de σ est un élément x de K tel que σ(x) = x.
Démonstration. a) On a σ(1) = 1. Pour tous x, y ∈ K on a σ(xy) = (xy)p =
x y = σ(x)σ(y). La formule du binôme d’écrit
p p
p
p
σ(x + y) = (x + y) = x +
p−1
X
Cpj xj y p−j + y p = xp + y p = σ(x) + σ(y) ;
j=1
en effet, pour 1 ≤ j < p on a Cpj = 0 mod p et donc Cpj xj y p−j = 0. Ainsi, σ est un
homomorphisme d’anneaux.
b) On rappelle que σ est injectif puisque K est un corps. Considérons σ comme une
application linéaire du Fp -espace vectoriel K dans lui-même. Comme cette application
linéaire est injective et que K est un espace vectoriel de dimension finie, elle est
bijective. C’est donc un automorphisme du corps K.
c) La propriété (2) signifie que tout élément de Fp est un point fixe de σ. D’autre
part, les points fixes de σ sont les racines dans K du polynôme X p − X. Ce polynôme
de degré p ne peut avoir plus de p racines, donc σ ne peut pas avoir plus de p points
fixes : σ n’a pas de point fixe autre que les éléments de Fp .
Notation. Pour éviter les confusions on note
n fois
σ
◦0
= idK
◦n
z }| {
et σ (ξ) = σ ◦ · · · ◦ σ (ξ) pour tout entier n ≥ 1 .
Proposition X.8. Si K est d’ordre q = pr alors σ ◦r = id.
Démonstration. Remarquons que σ ◦r (x) = xq pour tout x ∈ K.
Le groupe multiplicatif K∗ est d’ordre q − 1 donc, pour tout x ∈ K∗ on a xq−1 = 1
donc xq = x. Cette propriété est évidement vraie aussi si x = 0.
4. DÉMONSTRATION DU THÉORÈME PRINCIPAL
83
4. Démonstration du théorème principal
4.1. Existence d’un corps à pr éléments.
Théorème (Première partie du théorème X.2). Soit r ≥ 1 un entier. Alors il existe
un corps K d’ordre pr .
Dans le reste de cette section on note q = pr .
Lemme X.9. Soit K un corps de caractéristique p. Alors le polynôme X q−1 − 1 n’a
pas de racine multiple dans K.
Démonstration du lemme X.9. Posons P (X) = X q−1 − 1. On a P 0 (X) =
(q − 1)X q−2 = −X q−2 puisque q est un multiple de p. On remarque que P 0 (X) est
non nul et que −P (X) + XP 0 (X) = 1. Les polynômes P et P 0 sont donc premiers
entre eux dans K[X]. Le polynôme P (X) ne peut donc avoir de racines multiples
dans K.
Démonstration de la première partie du théorème X.2. Soit K un corps
de décomposition du polynôme P (X) = X q−1 − 1 ∈ Fp [X]. On rappelle que le polynôme P (X) est scindé dans K[X] :
P (X) = (X − ξ1 ) . . . (X − ξq−1 )
avec ξ1 , . . . ξq−1 ∈ K et que K = Fp [ξ1 , . . . ξq−1 ]. D’après le lemme X.9, ξ1 , . . . , ξq−1
sont distincts. Comme K est une extension finie de Fp , c’est un corps fini.
a) Soient σ l’automorphisme de Frobenius de K et L l’ensemble des points fixes de
σ ◦r . Comme σ ◦r est un automorphisme du corps K, L est un sous-corps de K.
Pour 1 ≤ i ≤ q − 1 on a ξiq−1 − 1 = 0 donc ξiq = ξ et donc σ ◦r (ξi ) = ξi . Ainsi,
ξ1 , . . . , ξq−1 appartiennent à L. Comme L est un corps et que K est engendré par ces
éléments, on a L = K.
b) Pour tout x ∈ K on a donc σ ◦r (x) = x c’est à dire xq = x. Comme le polynôme
X q −X ne peut pas avoir plus de q racines, l’ordre de K est ≤ q. Mais 0 et ξ1 , . . . , ξq−1
appartiennent à K et sont distincts. On a donc K = {0, ξ1 , . . . , ξq−1 } et en particulier
K est d’ordre q.
4.2. Unicité.
Théorème (Deuxième partie du théorème X.2). Soient r ≥ 1 un entier et q = pr .
Alors tous les corps à q éléments sont isomorphes.
Notation. On note Fq « le » corps à q éléments.
Démonstration. Soient K et L deux corps ayant q éléments. On doit montrer
que K et L sont isomorphes.
Soient ξ un élément primitif de K∗ et Pξ (X) ∈ Fp [X] le polynôme minimal de ξ
sur Fp .
Comme le polynôme X q−1 −1 appartient à Fp [X] et admet ξ comme racine, il est un
multiple du polynôme minimal et il existe R(X) ∈ Fp [X] avec R(X)Pξ (X) = X q−1 −1.
D’après le corollaire X.6 on a
Y
(X − η) = X q−1 − 1 = Pξ (X)R(X)
η∈L∗
et il existe donc η ∈ L∗ avec Pξ (η) = 0.
84
X. CORPS FINIS
Pξ est donc un multiple du polynôme minimal Pη de η dans Fp [X] et comme Pξ
est irréductible dans Fp [X], on a Pξ = Pη . On a donc
Fp [X] ∼
Fp [η] ∼
= Fp [ξ] = K
=
(Pξ )
d’après le corollaire X.6. En particulier, |Fp [η]| = |K| = q = |L| et comme Fp [η] ⊂ L
on a Fp [η] = L, d’où le résultat.
Exercice 1. On conserve les mêmes notations : K est un corps d’ordre q = pr , ξ
est un élément primitif de K∗ et Pξ est le polynôme minimal de ξ sur Fp . Soit σ
l’automorphisme de Frobenius de K. On veut montrer :
r−1
Y
Pξ (X) =
(X − σ ◦j (ξ)) .
j=0
a) On écrit le membre de droite de cette égalité
P (X) = a0 + a1 X + · · · + ar−1 X r−1 avec a0 , . . . , ar−1 ∈ K
et on note
Q(X) = σ(a0 ) + σ(a1 )X + · · · + σ(ar−1 )X r−1 .
Montrez que σ ◦j (ξ) est racine de Q pour tout j ∈ {0, . . . , r − 1}. En déduire que
P = Q.
b) En déduire que a0 , . . . , ar−1 appartiennent à Fp , c’est à dire que P (X) ∈ Fp (X).
c) Montrez que σ ◦j (ξ) est racine de Pξ pour tout j ∈ {0, . . . , r − 1} et conclure.
Exercice 2. Soient p un nombre premier, r ≥ 1 et q = pr . Soient K et K0 deux
corps contenus dans un même corps L et ayant q éléments q. Montrer que K = K0 .
Plus généralement, montrez que si 1 ≤ s ≤ r et si K00 est un corps contenu dans L
et d’ordre ps , alors K00 ⊂ K. Méthode : Soit σ l’automorphisme de Frobenius de L.
Tous les éléments x ∈ K ∪ K00 sont des points fixes de σ ◦r , donc vérifient xq = x ; on
a donc |K ∪ K00 | ≤ q.
CHAPITRE XI
Théorie de Galois I
Dans ce chapitre et les suivants, tous les corps considérés sont implicitement
supposés de caractéristique zéro.
Exercice 1. Trouvez tous les endroits de ce chapitre où cette hypothèse est utilisée.
1. Préliminaires et vocabulaire
1.1. Plongements et polynômes.
Lemme XI.1 (et notation). Soient K et M deux corps et σ : K → M un plongement.
Soit σ
e : K[X] → M[X] l’application définie par :
σ
e(a0 + a1 X + · · · + an X n ) = σ(a0 ) + σ(a1 )X + · · · + σ(an )X n .
Alors σ
e : K[X] → M[X] est un homomorphisme d’anneaux unitaires. Cet homomorphisme est injectif. Pour tout a ∈ K, en considérant a comme étant un polynôme
constant et appartenant donc à K[X], on a σ
e(a) = σ(a). Pour tout ξ ∈ K on a
σ P (ξ) = σ
e(P ) (σ(ξ) .
Démonstration. Immédiate par vérification.
Nous aurons besoin d’une petite généralisation de la proposition VII.17 :
Proposition XI.2. Soient K et M deux corps et σ : K → M un plongement. Soit
P ∈ K[X] un polynôme irréductible. Alors toutes les racines de σ
e(P ) dans M sont
simples.
La démonstration est laissée en exercice : c’est la même que celle de la proposition VII.17.
1.2. Éléments conjugués.
Définition XI.3. Soient L une extension dur corps K et ξ, η deux éléments de L,
algébriques sur K. On dit que ξ et η sont conjugués s’ils ont le même polynôme
minimal sur K.
Proposition XI.4. Soient L une extension dur corps K et ξ ∈ L, algébrique de
degré d sur K. Alors ξ a au maximum d conjugués dans L, y compris lui-même.
Si L est algébriquement clos alors ξ a exactement d conjugués dans L, y compris
lui-même.
Démonstration. Le polynôme minimal Pξ est de degré d donc a au maximum
d racines dans L, d’où la première affirmation.
Si L est algébriquement clos, le polynôme Pξ est scindé dans L[X]. Comme Pξ
est irréductible dans K[X] et d’après la proposition VII.17, ce polynôme a d racines
distinctes dans L et ξ a d conjugués dans L.
85
86
XI. THÉORIE DE GALOIS I
1.3. Prolongements, plongements au dessus d’un corps de base.
Définition XI.5. Soient K et M deux corps et σ : K → M un plongement. Soit
de plus L un corps contenant K. K. Un prolongement de σ à L est un plongement
τ : L → M dont la restriction à K coïncide avec σ.
Le cas le plus simple est celui où K ⊂ M et où σ est l’inclusion.
Définition XI.6. Soient L et M deux corps contenant le même corps K. Un plongement de L dans M au dessus de K est un plongement σ : L → M dont la restriction
à K est l’identité.
Proposition XI.7. Soient K et M deux corps et σ : K → M un plongement. Soit
de plus L un corps contenant K, n ≥ 1 un entier et ξ1 , . . . , ξn ∈ L, algébriques sur
K. Alors un prolongement τ de σ à K[ξ1 , . . . , ξn ] est déterminé de façon unique par
les valeurs de τ (ξ1 ), . . ., τ (ξn ).
Démonstration. Il faut montrer que si τ et τ 0 sont deux prolongements de σ
à K[ξ1 , . . . , ξn ] et si τ (ξi ) = τ 0 (ξi ) pour tout i ∈ {1, . . . , n} alors τ = τ 0 .
Soit en effet
A = {η ∈ K[ξ1 , . . . , ξn ] : τ (η) = τ 0 (η)} .
Comme τ et τ 0 sont des homomorphismes d’anneaux, A est un sous-anneau de
K[ξ1 , . . . , ξn ]. Comme τ et τ 0 sont des prolongements de σ, on a K ⊂ A. Enfin,
ξ1 , . . . , ξn appartiennent à A par hypothèse. Donc A contient le plus petit sous-anneau
de K[ξ1 , . . . , ξn ] contenant K et ξ1 , . . . , ξn , et cet anneau est égal à K[ξ1 , . . . , ξn ] par
définition.
Dans le cas où K ⊂ M et où σ est l’inclusion, on obtient :
Corollaire XI.8. Soient L et M deux corps contenant le même corps K, n ≥ 1 un
entier et ξ1 , . . . , ξn ∈ L, algébriques sur K. Alors un plongement σ de K[ξ1 , . . . , ξn ]
dans M au dessus de K est uniquement déterminé par les valeurs de σ(ξ1 ), . . ., σ(ξk ).
Définition XI.9. Soient K et L deux corps avec K ⊂ L. Un automorphisme de L
au dessus de K est un automorphisme de L dont la restriction à K est l’identité.
Autrement dit, un automorphisme de L au dessus de K est un plongement de L
dans lui-même au dessus de K qui de plus est une bijection de L sur lui-même.
2. Existence de prolongements
2.1. Prolongements à K[ξ].
Théorème XI.10. Soient K un corps, L un corps contenant K et ξ ∈ L un élément
algébrique sur K, de polynôme minimal Pξ ∈ K[X].
Soient d’autre part M un corps, σ : K → M un plongement et η ∈ M.
Pour qu’il existe un prolongement τ de σ à K[ξ] vérifiant τ (ξ) = η il faut et il
suffit que η soit une racine du polynôme σ
e(Pξ ) dans M. Dans ce cas, ce prolongement
est unique.
Ainsi, le nombre de prolongements de σ à K[ξ] est égal au nombre de racines de
σ
e(Pξ ) dans M.
2. EXISTENCE DE PROLONGEMENTS
87
Démonstration. La condition est nécessaire. Soit τ : K[ξ] → M comme dans
l’énoncé. Comme τ : K[ξ] → M est un prolongement de σ : K → M et que Pξ ∈ K[X],
nous avons τe(Pξ ) = σ
e(Pξ ) et
σ
e(Pξ )(η) = τe(Pξ ) τ (ξ) = τ Pξ (ξ) d’après le lemme XI.1
= τ (0) = 0 .
La condition est suffisante. Inversement, soit η ∈ M avec σ
e(Pξ )(η) = 0.
Notons π : K[X] → K[X]/(Pξ ) l’homomorphisme quotient et j : K[X]/(Pξ ) →
K[ξ] l’isomorphisme canonique, de sorte que j ◦ π = eξ , où eξ : K[X] → K[ξ] est
l’évaluation en ξ. Nous avons
j −1 ◦ eξ = π .
Notons encore eη : M[X] → M l’évaluation en η et
φ = eη ◦ σ
e : K[X] → M .
Ainsi, φ est un homomorphisme d’anneaux unitaires et on vérifie immédiatement que
φ|K = σ et φ(X) = eη (e
σ (X)) = eη (X) = η .
Par ailleurs, φ(Pξ ) = eη σ
e(Pξ ) = σ
e(Pξ )(η) = 0 par hypothèse. Le noyau de φ contient
donc l’idéal (Pξ ) de K[X] engendré par Pξ et d’après le théorème de factorisation
des homomorphismes (théorème V.12) il existe donc un homomorphisme d’anneaux
ψ : K[X]/(Pξ ) → M avec
ψ◦π =φ .
Notons enfin
τ = ψ ◦ j −1 : K[ξ] → M .
τ est un plongement de K[ξ] dans M. Nous avons
τ ◦ eξ = ψ ◦ j −1 ◦ eξ = ψ ◦ π = φ .
Pour tout a ∈ K ⊂ K[X] nous avons eξ (a) = a, donc τ (a) = τ ◦ eξ (a) = φ(a) = σ(a)
et τ est un prolongement de σ. Comme ξ = eξ (X) nous avons τ (ξ) = τ ◦ eξ (X) =
φ(X) = η. L’application τ vérifie toutes les propriétés annoncées.
L’unicité provient immédiatement de la proposition XI.7.
Dans le cas particulier où K ⊂ L = M et où σ : K → M est l’application inclusion,
le théorème XI.10 s’énonce :
Théorème XI.11. Soient K et M deux corps avec K ⊂ M. Soient encore ξ ∈ M,
algébrique sur K et η ∈ M.
Pour qu’il existe un plongement τ : K[ξ] → M au dessus de K vérifiant τ (ξ) = η
il faut et il suffit que η soit un conjugué de ξ. Dans ce cas, ce plongement est unique.
Ainsi, le nombre de plongements de K[ξ] dans M au dessus de K est égal au
nombre de conjugués de ξ dans M.
Exercice 2. Ce théorème est un corollaire immédiat du théorème XI.10. Cependant,
comme la démonstration de ce dernier théorème est un peu compliquée à cause des
notations et parce qu’elle fait intervenir beaucoup d’homomorphismes différents, on
demande d’écrire une démonstration directe du théorème XI.11, en simplifiant la
démonstration du théorème XI.10.
88
XI. THÉORIE DE GALOIS I
2.2. Le cas d’un corps algébriquement clos.
Corollaire XI.12 (Corollaire du théorème XI.10). Soient K un corps, L un corps
contenant de K et ξ ∈ L un élément algébrique sur K. Soient d’autre part M un
corps algébriquement clos et σ : K → M un plongement.
Alors le nombre de prolongements de σ à K[ξ] est égal au degré K[ξ] : K de ξ
sur K.
Démonstration. Soit Pξ ∈ K[X] le polynôme minimal de ξ sur K. Le degré d
de ξ sur K est égal au degré du polynôme Pξ . D’après le théorème XI.10, il suffit de
montrer que le polynôme σ
e(Pξ ) a d racines dans M.
Ce polynôme de degré d est scindé dans M[X] puisque M est algébriquement
clos. De plus, ce polynôme est irréductible dans K[X] d’après la proposition VII.23
et donc toutes ses racines dans M sont simples d’après la proposition XI.2 et notre
affirmation est démontrée.
Le cas le plus utile est celui où K ⊂ L = M et où σ : K → M est l’inclusion :
Corollaire XI.13 (Corollaire du théorème XI.11 ou du corollaire XI.12). Soient K
un corps, M un corps algébriquement clos contenant K et ξ ∈ M, algébrique sur K.
Alorsle nombre de plongements de K[ξ] dans M au dessus de K est égal au degré
K[ξ] : K de ξ sur K.
2.3. Le théorème des plongements.
Théorème XI.14. Soient K un corps, L une extension finie de K, M un corps
algébriquement clos et σ : K → M un plongement.
Alors le nombre de prolongements de σ à L est égal à [L : K].
Le cas le plus simple est celui où K ⊂ M et où σ : K → M est l’inclusion :
Corollaire XI.15. Soient K un corps, L une extension finie de K et M un corps
algébriquement clos contenant K. Alors le nombre de plongements de L dans M au
dessus de K est égal à [L : K].
Commentaire. Il est fréquent dans les applications que le plus important soit
de remarquer qu’il existe au moins un plongement de L dans M au dessus de K.
Démonstration du théorème XI.14. Soient m = [L : K] et {ξ1 , . . . , ξm } une
base de l’espace vectoriel L sur K. En particulier, on a L = K[ξ1 , . . . , ξm ].
On montre par récurrence sur j que, pour 1 ≤ j ≤ m, le nombre de prolongements
de σ à K[ξ1 , . . . , ξj ] est égal à [K[ξ1 , . . . , ξj ] : K].
Pour j = 1, le résultat annoncé est celui du corollaire XI.12.
Soit maintenant j ∈ {2, . . . , m} et supposons que le résultat est montré pour
j − 1, c’est à dire que le nombre de prolongements de σ à K[ξ1 , . . . , ξj−1 ] est égal à
[K[ξ1 , . . . , ξj−1 ] : K]. Soit τ l’un d’entre eux.
On rappelle que K[ξ1 , . . . , ξj ] = K[ξ1 , . . . , ξj−1 ][ξj ]. D’après le corollaire XI.12,
τ admet [K[ξ1 , . . . , ξj ] : K[ξ1 , . . . , ξj−1 ]] prolongements distincts ρ à [K[ξ1 , . . . , ξj ].
Notons qu’on obtient ainsi tous les prolongements de σ à [K[ξ1 , . . . , ξj ]. De plus, si ρ
et ρ0 sont des prolongements à K[ξ1 , . . . , ξj ] de deux prolongements distincts τ et τ 0
de σ à K[ξ1 , . . . , ξj−1 ]], alors ρ et ρ0 sont distincts.
On a ainsi montré que le nombre de prolongements de σ à K[ξ1 , . . . , ξj ] est égal à
[K[ξ1 , . . . , ξj−1 ] : K] · [K[ξ1 , . . . , ξj ] : K[ξ1 , . . . , ξj−1 ]] = [K[ξ1 , . . . , ξj ] : K]
3. LE THÉORÈME DE L’ÉLÉMENT PRIMITIF
89
d’après la règle de composition des degrés (théorème VIII.4) et notre affirmation est
montrée par récurrence pour tout j ∈ {1, . . . , m}.
En prenant j = m on obtient le résultat annoncé.
3. Le théorème de l’élément primitif
Théorème XI.16 (et définition). Soient K un corps et L une extension finie de K.
Alors il existe θ ∈ L avec L = K[θ].
On dit que θ est un élément primitif de l’extension.
Remarque. Ce théorème appartient plutôt à la théorie des corps qu’à la théorie
de Galois. Mais sa démonstration, basée sur l’existence de plongements et sur leurs
propriétés, est plus dans l’esprit de la théorie de Galois.
Nous commençons par un lemme.
Lemme XI.17. Soient η et ξ ∈ L. Alors il existe θ ∈ L avec K[η, ξ] = K[θ].
Démonstration du lemme XI.17. Soit M un corps algébriquement clos contenant L, par exemple une clôture algébrique de L. Notons K0 = K[ξ, η] et n = [K0 : K].
D’après le corollaire XI.15, il existe n plongements distincts σ1 , . . . , σn de K0 dans
M au dessus de K.
Pour 1 ≤ k 6= ` ≤ n on ne peut pas avoir à la fois σk (ξ) = σ` (ξ) et σk (η) = σ` (η) ;
en effet, dans le cas contraire, comme K0 = K[ξ, η] on aurait σk = σ` . Posons
Y Q(X) =
σk (ξ) − σ` (ξ) + σk (η) − σ` (η) X .
1≤k,`≤n
k6=`
Ce polynôme est non nul (comme produit de polynômes non nuls). Il n’a donc qu’un
nombre fini de racines dans K. Comme K est de caractéristique zéro, ce corps est
infini et il existe donc α ∈ K avec Q(α) 6= 0. Nous posons θ = ξ + αη.
Nous remarquons que pour 1 ≤ k 6= ` ≤ n on a σk (ξ)−σ` (ξ)+ σk (η)−σ` (η) α 6= 0
c’est à dire σk (ξ) + ασk (η) 6= σ` (ξ) + ασ` (η) ou encore σk (θ) 6= σ` (θ). Les éléments
σ1 (θ), . . . , σn (θ) de M sont tous distincts.
Soit P (X) ∈ K[X] le polynôme minimal de θ sur K.
Soit k ∈ {1, . . . , n}. La restriction de σk à K[θ] est un plongement de K[θ] dans
M au dessus de K et donc, d’après le théorème XI.11, σk (θ) est un conjugué de θ.
σk (θ) donc est une racine de P dans M.
Ainsi, le polynôme P a (au moins) n racines distinctes σ1 (θ), . . . , σn (θ) dans M,
il est donc de degré ≥ n. Comme [K[θ] : K] = deg(P ), on a donc [K[θ] : K] ≥ n.
Comme K[θ] ⊂ K0 et [K0 : K] = n on a finalement [K[θ] : K] = n et K0 = K[θ].
Démonstration du théorème XI.16. Nous raisonnons par récurrence sur le
degré [L : K]. Si [L : K] = 1 alors L = K et on peut prendre θ = 1. Le lemme
précédent donne le résultat pour le cas où [L : K] = 2. Soit n ≥ 2 et admettons que
le résultat est vrai si [L : K] ≤ n.
Supposons que [L : K] = n + 1. Soit ξ1 , . . . , ξn , ξn+1 une base de L sur K.
Nous avons L = K[ξ1 , . . . , ξn+1 ]. D’après l’hypothèse de récurrence il existe ξ avec
K[ξ1 , . . . , ξn ] = K[ξ] et on a donc L = K[ξ, ξn+1 ] et d’après le lemme XI.17 il existe
θ ∈ L avec L = K[θ].
Remarque. On peut retrouver le théorème XI.14 à partir du théorème XI.10 et
du théorème de l’élément primitif.
CHAPITRE XII
Théorie de Galois II
On rappelle que dans tout ce qui suit on suppose implicitement que tous les corps
sont de caractéristique zéro.
1. Extensions galoisiennes
1.1. Définition et caractérisations.
Définition XII.1. Soit K un corps et L une extension de K. On dit que L est une
extension galoisienne de K si c’est une extension finie de K et si tout polynôme
irréductible P (X) ∈ K[X] ayant au moins une racine dans L est scindé dans L[X].
Remarque. Dans les livres vous trouverez une définition différente des extensions
galoisiennes ; les extensions vérifiant la propriété ci-dessus sont appelées extensions
normales. Cependant, pour les corps de caractéristique nulle (les seuls que nous
considérons ici), ces deux notions sont équivalentes.
Théorème XII.2. Soient L une extension finie de K et L un corps algébriquement
clos contenant L. Les propriétés suivantes sont équivalentes.
i) L est une extension galoisienne de K ;
ii) pour tout ξ ∈ L, tous les conjugués de ξ dans L appartiennent à L ;
iii) pour tout plongement σ de L dans L au dessus de K on a σ(L) = L.
Démonstration. i) =⇒ ii) Soient ξ ∈ L et Pξ son polynôme minimal sur K.
On sait que Pξ est irréductible dans K[X]. D’après i), ce polynôme est scindé dans
L et donc toutes ses racines dans L appartiennent en fait à L. Or, ces racines sont
les conjugués de ξ dans L.
ii) =⇒ i) Soit P ∈ K[X] un polynôme irréductible dans K[X], admettant une
racine ξ dans L. Comme L est algébriquement clos, le polynôme P est scindé dans
L[X]. Pour démontrer qu’il est scindé dans L[X] il suffit donc de montrer que toutes
ses racines dans L appartiennent à L. Comme P (ξ) = 0, P est un multiple du
polynôme minimal de ξ sur K, et par irréductibilité ces deux polynômes sont égaux.
Les racines de P dans L sont donc les conjugués de ξ, et elles appartiennent à L par
ii)
ii) =⇒ iii) Soient σ un plongement de L dans L au dessus de K.
Soit ξ ∈ L. La restriction de σ à K[ξ] est un plongement de K[ξ] dans L au dessus
de K et donc, d’après le théorème XI.11, σ[ξ] est un conjugué de ξ. Par l’hypothèse ii),
σ[ξ] ∈ L. On a ainsi montré que σ(L) ⊂ L.
L’application σ : L → L est K-linéaire et injective. Comme L est un K-espace
vectoriel de dimension finie, cette application est surjective et σ(L) = L.
iii) =⇒ ii) Soient ξ ∈ L et η ∈ L un conjugué de ξ ; nous devons montrer que
η ∈ L.
90
2. LE GROUPE DE GALOIS D’UNE EXTENSION GALOISIENNE
91
D’après le théorème XI.11 il existe un plongement σ : K[ξ] → L au dessus de K
vérifiant σ(ξ) = η.
On a K ⊂ K[ξ] ⊂ L et L est une extension finie de K, donc L est une extension
finie de K[ξ]. D’après le théorème de prolongement (théorème XI.14), il existe un
prolongement τ de σ à L.
Ainsi, τ est un plongement de L dans L au dessus de K donc par iii) on a τ (L) = L.
Comme ξ ∈ L, on a τ (ξ) ∈ L. Par ailleurs, τ est un prolongement de σ : K[ξ] → L.
Comme ξ ∈ K[ξ], on a τ (ξ) = σ(ξ) = η, et nous concluons que η ∈ L.
1.2. Corps de décomposition et extensions galoisiennes.
Théorème XII.3. Soient K un corps et P (X) ∈ K[X] un polynôme non constant.
Soit L un corps de décomposition de P (X) sur K. Alors L est une extension galoisienne de K.
Démonstration. On rappelle que L est une extension finie de K. Soit L un
corps algébriquement clos contenant L. D’après le théorème XII.2, il suffit de montrer
que, pour tout plongement σ de L dans L au dessus de K, on a σ(L) = L.
Nous pouvons supposer que P est unitaire. Nous avons alors
d
Y
P (X) =
(X − ξd ) avec ξ1 , . . . , ξd ∈ L et L = K[ξ1 , . . . , ξd ] .
j=1
Soit i ∈ {1, . . . , d}. D’après le théorème XI.11 , σ(ξi ) est un conjugué de ξi dans
L. D’autre part, comme P (ξi ) = 0, P est un multiple du polynôme minimal de ξi
sur K, et donc tout conjugué de ξi dans L est aussi racine de P . Ainsi, σ(ξi ) est une
racine de P . Il existe donc j ∈ {1, . . . , d} avec σ(ξi ) = ξj et, en particulier, σ(ξi ) ∈ L.
Comme ce qui précède est vrai pour tout i ∈ {1, . . . , d} et que L est engendré par
K et ξ1 , . . . , ξd , on a σ(L) ⊂ L. Comme dans la démonstration du théorème XII.2,
on en déduit que σ(L) = L.
Nous avons une réciproque.
Théorème XII.4. Soient K un corps et L une extension galoisienne de K. Alors il
existe un polynôme irréductible P (X) ∈ K[X] tel que L soit un corps de décomposition
de P .
Démonstration. D’après le théorème de l’élément primitif (théorème XI.16)
il existe ξ ∈ L tel que L = K[ξ]. Soit P le polynôme minimal (unitaire) de ξ sur
K. Alors P est irréductible dans K[X] et admet la racine ξ dans L. Comme L
est une extension galoisienne de K, le polynôme P est scindé dans L et il s’écrit
P (X) = (X − ξ)(X − ξ1 ) . . . (X − ξd ) avec ξ1 , . . . , ξd ∈ L. Remarquons que ξ est égal
à l’un des ξi . On a L ⊃ K[ξ1 , . . . , ξd ] ⊃ K[ξ] = L, d’où l’égalité de ces corps. Nous
concluons que L est un corps de décomposition de P .
2. Le groupe de Galois d’une extension galoisienne
2.1. La définition. Soit L une extension finie du corps K. On rappelle qu’un
automorphisme de L au dessus de K est un automorphisme de L dont la restriction
à K est l’identité.
Définition XII.5. Soit L une extension galoisienne de K. Le groupe de Galois
Gal(L/K) de L sur K est le groupe formé des automorphismes de L au dessus de K
et muni de la composition.
92
XII. THÉORIE DE GALOIS II
Soit L une extension galoisienne de K. Soit L un corps algébriquement clos
contenant L.
Tout automorphisme de L au dessus de K est clairement un plongement de L
dans L au dessus de K.
Inversement, soit σ un plongement de L dans L au dessus de K. Comme L est
une extension galoisienne de K on a σ(L) = L d’après le théorème XII.2 et σ est
donc un automorphisme de L au dessus de K.
Ainsi, les automorphismes de L au dessus de K sont exactement les plongements
de L dans L au dessus de K. D’après le théorème XI.14, le nombre de tels plongements
est égal à [L : K]. Nous avons montré :
Théorème XII.6. Soit L une extension galoisienne de K. Alors l’ordre de Gal(L/K)
est égal à [L : K].
3. Le groupe de Galois vu comme groupe de permutations
Théorème XII.7. Soient L une extension galoisienne de K et ξ ∈ L.
Soit η ∈ L. Pour qu’il existe σ ∈ Gal(L/K) avec σ(ξ) = η il faut et il suffit que η
soit un conjugué de ξ.
Ainsi, Gal(L/K) agit transitivement sur l’ensemble des conjugués de ξ.
Démonstration. On rappelle que tous les conjugués de ξ appartiennent à L.
Si σ ∈ Gal(L/K) vérifie σ(ξ) = η alors η est un conjugué de ξ d’après le
théorème XI.11.
Soit maintenant η un conjugué de ξ. On procède comme dans la partie iii) ⇒
ii) de la démonstration du théorème XII.2. D’après le théorème XI.11 il existe un
plongement σ de K[ξ] dans L au dessus de K avec σ(ξ) = η. D’après le théorème de
prolongement (théorème XI.14), il existe un prolongement τ de σ à L. Ainsi, τ (ξ) = η
et d’après la partie iii) du théorème XII.2, τ (L) = L et donc τ ∈ Gal(L/K).
Théorème XII.8. Soient K un corps, P ∈ K[X] un polynôme unitaire non constant
et L un corps de décomposition de P :
P (X) = (X − ξ1 ). · · · .(X − ξn ) et L = K[ξ1 , . . . , ξn ] .
On suppose que ξ1 , . . . , ξn sont distincts. Alors
– Gal(L/K) agit par permutation sur l’ensemble {ξ1 , . . . , ξn ]}.
– Cette action est libre.
– Cette action est transitive si et seulement si P est un polynôme irréductible.
Commentaire. La première affirmation signifie que pour tout σ ∈ Gal(L/K) et
tout x ∈ {ξ1 , . . . , ξn } on a σ(x) ∈ {ξ1 , . . . , ξn }. Ainsi, chaque σ ∈ Gal(L/K) définit
une application de {ξ1 , . . . , ξn } dans lui-même ; cette application est injective puisque
σ est injectif et elle est donc bijective puisque {ξ1 , . . . , ξn } est fini. C’est donc une
permutation de {ξ1 , . . . , ξn }.
La deuxième affirmation signifie que si σ ∈ Gal(L/K) vérifie σ(x) = x pour tout
x ∈ {ξ1 , . . . , ξn }, alors σ = id. Autrement dit, l’homomorphisme i : Gal(L/K) →
Perm({ξ1 , . . . , ξn }) défini par l’action de Gal(L/K) sur {1, . . . , n} est injectif.
Convention. Sous les hypothèses du théorème XII.8 on identifie souvent chaque
élément du groupe de Galois à la permutation de {ξ1 , . . . , ξn } qui lui est associée, et
on considère Gal(L/K) comme un sous-groupe de Perm({ξ1 , . . . , ξn }).
4. LE THÉORÈME DES INVARIANTS
93
Démonstration du théorème XII.8. a) Soit σ ∈ Gal(L/K). Comme le polynôme P est à coefficients dans K et que σ est un plongement au dessus de K on
a
P (X) = σ̃(P )(X) = (X − σ(ξ1 )). · · · .(X − σ(ξn )) .
Pour 1 ≤ j ≤ n on a P (ξj ) = 0 donc P (σ(ξj )) = 0 et il existe k ∈ {1, . . . , n} avec
σ(ξj ) = ξk .
b) Supposons que σ ∈ Gal(L/K) vérifie σ(ξj ) = ξj pour tout j. D’après le
corollaire XI.8, σ est l’identité.
c) Supposons que P est irréductible. Alors, pour tous i, j ∈ {1, . . . , n}, ξi et ξj
sont conjugués et d’après le théorème XII.7 il existe σ ∈ Gal(L/K) avec σ(ξi ) = ξj :
l’action de Gal(L/K) sur {ξ1 , . . . , ξn } est transitive.
d) Supposons maintenant que l’action de Gal(L/K) sur {ξ1 , . . . , ξn } est transitive.
Soit Q le polynôme minimal (unitaire) de ξ1 sur K. Le polynôme P est un multiple
du polynôme irréductible Q et nous pouvons écrire P = QR, avec R(X) ∈ K[X].
Supposons que le polynôme R n’est pas constant. Comme R divise P qui est un
polynôme scindé dans L[X], R est scindé dans L[X] et il admet donc au moins une
racine, qui est égale à ξi pour un certain i ∈ {1, . . . , n}. Comme l’action de Gal(L/K)
sur {ξ1 , . . . , ξn } est transitive il existe σ ∈ Gal(L/K) avec σ(ξ1 ) = ξi . D’après le
théorème XII.7, ξi est un conjugué de ξ1 et ξi est donc une racine de Q. Ainsi, ξi est
racine multiple de P est on a une contradiction.
Le polynôme R est donc constant, il est donc égal à 1 puisqu’il est unitaire, on a
P = Q et P est irréductible.
Exercice 1. Soient K, P, L, ξ1 , . . . , ξn comme dans le théorème XII.8, mais sans
l’hypothèse que ξ1 , . . . , ξn sont distincts.
Montrez que Gal(L/K) agit transitivement sur {ξ1 , . . . , ξn } si et seulement si P
est une puissance d’un polynôme irréductible.
Remarque. On rappelle que si L est une extension finie de K il existe ξ ∈ L
avec L = K[ξ] (théorème XI.16). On dit alors que ξ est un élément primitif. Le degré
de ξ est égal à [L : K].
Supposons maintenant que L une extension galoisienne de K. Notons n = [L : K].
Soit S = {ξ1 = ξ, ξ2 , . . . , ξn } l’ensemble des conjugués de ξ. Le groupe de Galois agit
par permutation de S. Cette action est transitive d’après le théorème XII.7 et elle
est libre d’après le théorème XII.8.
On a un résultat plus précis : si σ ∈ Gal(L/K) vérifie σ(ξ) = ξ, alors σ est
l’identité.
4. Le théorème des invariants
Théorème XII.9. Soient L une extension galoisienne de K. Alors K est égal à
l’ensemble des éléments de L invariants sous l’action de Gal(L/K) :
K = ξ ∈ L ; σ(ξ) = ξ pour tout σ ∈ Gal(L/K) .
Démonstration. Tout élément de K est invariant sous l’action de Gal(L/K)
par définition. Soit ξ ∈ L invariant pour cette action. D’après le théorème XII.7, tous
les conjugués de ξ sont en fait égaux à ξ. ξ est donc de degré 1, donc appartient à
K.
Ce théorème est extrêmement utile dans les applications. On en donnera des
généralisations importantes dans le chapitre suivant.
CHAPITRE XIII
Théorie de Galois III
1. Extensions intermédiaires
Théorème XIII.1 (et définition). Soient L une extension galoisienne de K et M
un corps avec K ⊂ M ⊂ L. On dit que M est extension intermédiaire entre K et L.
Alors L est une extension galoisienne de M et de plus
(1)
Gal(L/M) = σ ∈ Gal(L/K) : σ(x) = x pour tout x ∈ M .
Démonstration. Soit L un corps algébriquement clos contenant L. Si σ est un
plongement de L dans L au dessus de M, alors a fortiori σ est un plongement de L
dans L au dessus de K et, comme L est une extension galoisienne de K, σ(L) = L.
La première assertion du théorème est démontrée.
La seconde assertion est immédiate par définition de Gal(L/M).
Théorème XIII.2 (et notation). Soit L une extension galoisienne de K. Pour tout
sous-groupe H de Gal(L/K) on note
Fix(H) = x ∈ L : σ(x) = x pour tout σ ∈ H .
Alors l’application H 7→ Fix(H) est une bijection de l’ensemble des sous-groupes H
de Gal(L/K) sur l’ensemble des extensions intermédiaires entre K et L.
L’application réciproque est l’application qui à chaque extension intermédiaire M
associe Gal(L/M).
Démonstration.
a) Soient H un sous-groupe de Gal(L/K) et M = Fix(H). Comme chaque σ ∈ H
est un automorphisme de L, M est un sous-corps de L. Comme chaque σ ∈ H
laisse fixe chaque élément de K, M ⊃ K. Ainsi, M est une extension intermédiaire.
Montrons
H = Gal(L/M) .
(2)
D’après (1), H ⊂ Gal(L/M) et il reste à montrer l’inclusion opposée.
D’après le théorème de l’élément primitif (théorème XI.16), il existe ξ ∈ L tel
que L = M[ξ]. Posons
Y
P (X) =
(X − σ(ξ)) ∈ L[X] .
σ∈H
Montrons qu’en fait le polynôme P appartient à M[X].
Pour tout τ ∈ H, l’homomorphisme τ̃ : L[X] → L[X] a été défini dans le
lemme XI.1. On a
Y
Y
τ̃ (P )(X) =
(X − τ ◦ σ(ξ)) =
(X − σ 0 (ξ)) = P (X)
σ 0 ∈H
σ∈H
puisque l’application σ 7→ τ ◦ σ est une bijection de H sur lui-même. Par définition
de τ̃ , chaque coefficient de P est invariant par τ . Ceci étant valable pour tout τ ∈ H,
ces coefficients appartiennent à Fix(H) = M et on a bien P ∈ M[X].
94
2. EXTENSIONS INTERMÉDIAIRES GALOISIENNES
95
Comme id ∈ H, par définition du polynôme P on a que ξ est une racine de
ce polynôme. Ainsi, P est un multiple du polynôme minimal de ξ sur M, et donc
degM (ξ) ≤ deg(P ) = |H|.
Comme M[ξ] = L on a [L : M] = degM (ξ) ≤ |H|. Par ailleurs, [L : M] =
| Gal(M/L)| (théorème XII.6) et donc | Gal(M/L)| ≤ |H|. Comme H ⊂ Gal(M/L),
on a l’égalité (2)
b) Inversement, soient M une extension intermédiaire et H = Gal(L/M). Montrons que M = Fix(H).
D’après (1), M ⊂ Fix(H). D’après la partie a) de la démonstration, Gal(L/ Fix(H)) =
H et donc, d’après le théorème XII.6, on a
[L : Fix(H)] = | Gal(L/ Fix(H))| = |H| = | Gal(L/M)| = [L : M] .
Comme M ⊂ Fix(H), on a [L : M] = [L : Fix(H)]·[Fix(H) : M] donc [Fix(H) : M] = 1
et M = Fix(H).
2. Extensions intermédiaires galoisiennes
Théorème XIII.3. Soient L une extension galoisienne de K et M un corps avec
K ⊂ M ⊂ L. Pour que M soit une extension galoisienne de K il faut et il suffit que
Gal(L/M) soit un sous-groupe distingué de Gal(L/K).
Dans ce cas, on a
(3)
Gal(M/K) ∼
=
Gal(L/K)
.
Gal(L/M)
Démonstration. Soit L un corps algébriquement clos contenant L.
a) Supposons d’abord que M est une extension galoisienne de K.
Pour tout σ ∈ Gal(L/K), la restriction de σ à M est un plongement de M dans L
au dessus de K. Comme M est une extension galoisienne de K on a donc σ(M) = M.
La restriction de σ à M est un élément de Gal(M/K), que nous notons π(σ).
L’application π : Gal(L/K) → Gal(M/K) est clairement un homomorphisme de
groupes. Par (1), le noyau de π est Gal(L/M) et donc ce sous-groupe de Gal(L/K)
est distingué.
Pour montrer (3) il suffit de montrer que π est surjectif. Soit τ ∈ Gal(M/K). τ
est un plongement de M dans L et d’après le théorème XI.14 ce plongement admet
au moins un prolongement σ à L. Comme τ : M → L est un plongement au dessus de
K, σ est aussi un plongement au dessus de K. Comme L est une extension galoisienne
de K, σ(L) = L et σ appartient à Gal(L/K). La restriction de σ à M est égale à τ
par construction, c’est à dire π(σ) = τ , ce qu’il fallait démontrer.
b) Supposons maintenant que Gal(L/M) est un sous-groupe distingué de Gal(L/K)
et montrons que M est une extension galoisienne de K. Soit σ un plongement de M
dans L au dessus de K. Nous devons montrer que pour tout ξ ∈ M on a σ(ξ) ∈ M.
D’après le théorème XI.14, σ admet un prolongement τ à L et comme L est
une extension galoisienne de K on a τ (L) = L et τ ∈ Gal(L/K). Remarquons que
σ(ξ) = τ (ξ) ∈ L.
Soit α ∈ Gal(L/M). Comme Gal(L/M) est un sous-groupe distingué de Gal(L/K),
−1
τ ◦ α ◦ τ ∈ Gal(L/M). On a donc (τ −1 ◦ α ◦ τ )(ξ) = ξ et
α ◦ σ(ξ) = α ◦ τ (ξ) = τ ◦ (τ −1 ◦ α ◦ τ )(ξ) = τ (ξ) = σ(ξ).
Ainsi, σ(ξ) ∈ Fix(Gal(L/M)). D’après le théorème XIII.1, σ(ξ) ∈ M.
96
XIII. THÉORIE DE GALOIS III
3. Composition d’extensions galoisiennes
Théorème XIII.4. Soit K un corps, M une extension de K et L, L0 deux sous-corps
de M contenant K. On suppose que L et L0 sont des extensions galoisiennes de K.
Alors LL0 est une extension galoisienne de K.
Démonstration. Soient M un corps algébriquement clos contenant M et σ un
plongement de LL0 dans M au dessus de K. Nous devons montrer que σ(LL0 ) ⊂ LL0 .
Pour tout x ∈ L et tout x0 ∈ L0 nous avons σ(x) ∈ L puisque L est une extension
galoisienne de K et de même σ(x0 ) ∈ L0 , donc σ(xx0 ) ∈ LL0 . Les éléments de la forme
xx0 avec x ∈ L et x0 ∈ L0 engendrent le K-espace vectoriel LL0 et donc, comme σ est
K-linéaire, σ(LL0 ) ⊂ LL0 .
Étudions les groupes de Galois des différentes extensions qui apparaissent dans ce
théorème. Gal(LL0 /L) est un sous-groupe distingué de Gal(LL0 /K), et le quotient de
ces deux groupes est isomorphe à Gal(L/K). Gal(LL0 /L0 ) est un sous-groupe distingué
de Gal(LL0 /K), et le quotient de ces deux groupes est isomorphe à Gal(L0 /K).
On a Gal(LL0 /L) ∩ Gal(LL0 /L0 ) = {id}. En effet, un automorphisme de LL0 dont
les restrictions à L et à L0 sont l’identité est égal à l’identité sur LL0 par définition
de ce corps.
Ainsi, la restriction à Gal(LL0 /L0 ) de l’application quotient Gal(LL0 /K) →
Gal(LL0 /K)/ Gal(LL0 /L) ∼
= Gal(L/K) est injective et on peut considérer Gal(LL0 /L0 )
comme un sous-groupe de Gal(L/K). On peut vérifier facilement qu’un élément
σ ∈ Gal(L/K) appartient à ce sous-groupe si et seulement si σ admet un prolongement τ à LL0 dont la restriction à L0 est l’identité.
Exercice 1. Soient K, L et L0 comme dans le théorème. On suppose que m = [L : K]
et n = [L0 : K] sont premiers entre eux.
a) Montrez que [LL0 : K] = mn.
b) En déduire que [LL0 : L] = n et que [LL0 : L0 ] = m.
c) Montrez que Gal(LL0 /L) ∼
= Gal(L0 /K), que Gal(LL0 /L0 ) ∼
= Gal(L/K) et que
0
∼
Gal(LL /K) = Gal(L/K) × Gal(L0 /K).
CHAPITRE XIV
Quelques exemples
Dans ce chapitre encore, on suppose implicitement que tous les corps sont de
caractéristique nulle.
1. Racines n-ièmes
1.1. Les racines n-ièmes de l’unité. Dans cette section, n ≥ 2 est un entier,
L est un corps et on suppose que le polynôme X n − 1 est scindé dans L.
Le polynôme dérivé nX n−1 de X n − 1 est premier avec X n − 1, donc le polynôme
n
X − 1 a n racines distinctes dans L (proposition VII.16). Ces racines sont appelées
les racines n-ièmes de l’unité dans L. Ces racines n-ièmes forment clairement un
groupe pour la multiplication de L.
Proposition XIV.1. Le groupe multiplicatif des racines n-ièmes de l’unité dans L
est cyclique.
Démonstration. Le groupe multiplicatif G des racines n-ièmes de l’unité dans
L est abélien et fini. Pour tout entier k ≥ 1, le polynôme X k − 1 a au maximum k
racines dans G, et donc G contient au maximum k éléments ξ vérifiant ξ k = 1, c’est
à dire k éléments d’ordre k. D’après la question e) de l’exercice 4 du chapitre IV, G
est cyclique.
Définition XIV.2. Tout générateur du groupe multiplicatif des racines n-ièmes de
l’unité dans L est appelé une racine n-ième primitive de l’unité dans L.
Ainsi, ξ est une racine n-ième primitive de l’unité si et seulement si le groupe
des racines n-ièmes de l’unité dans L est égal à{1, ξ, ξ 2 , . . . , ξ n−1 }. Dans ce cas, pour
1 ≤ j < n, ξ j est une racine n-ième primitive de l’unité si et seulement si j est
premier avec n.
1.2. Le polynôme X n − 1.
Théorème XIV.3. Soient K un corps, n ≥ 2 un entier et L un corps de décomposition du polynôme X n − 1 ∈ K[X]. Alors Gal(L/K) est abélien.
Démonstration. Puisque L est un corps de décomposition du polynôme X n −1,
ce polynôme est scindé dans L et, d’après ce qui précède, le corps L contient une
une racine n-ième primitive de l’unité ξ et on a
X n − 1 = (X − 1)(X − ξ)(X − ξ 2 ) · . . . · (X − ξ n−1 ) .
Comme L est un corps de décomposition de X n −1 on a de plus L = K[1, ξ, . . . , ξ n−1 ] =
K[ξ].
D’après le théorème XII.3, L est une extension galoisienne de K. Soit σ ∈
Gal(L/K). Comme ξ n = 1 on a σ(ξ)n = 1 et, comme ξ est une racine primitive, il
existe un unique j(σ) ∈ {0, 1, . . . , n − 1} avec σ(ξ) = ξ j(σ) .
97
98
XIV. QUELQUES EXEMPLES
De plus, pour 1 ≤ k < n on a ξ n 6= 1 et donc, comme σ est un automorphisme
de L, on a σ(ξ)k 6= 1, c’est à dire ξ j(σ)k 6= 1 et donc j(σ)k n’est pas un multiple de
n. On en déduit que j(σ) est premier avec n (autrement dit, σ(ξ) est une racine
primitive de l’unité). Ainsi, j(σ) appartient au groupe multiplicatif (Z/nZ)× formé
des éléments inversibles de Z/nZ.
Soient σ, τ ∈ Gal(L/K). Alors σ(ξ) = ξ j(σ) et τ (ξ) = ξ j(τ ) donc
τ ◦ σ(ξ) = τ (ξ j(σ) ) = (τ (ξ))j(σ) = (ξ j(τ ) )j(σ) = ξ j(τ )j(σ) .
On a donc j(τ ◦ σ) = j(τ )j(σ).
Ainsi, l’application σ 7→ j(σ) est un homomorphisme de groupes de Gal(L/K)
dans (Z/nZ)× . De plus, comme L = K[ξ], chaque élément σ de Gal(L/K) est
complètement déterminé par σ(ξ) donc par j(σ) et on en déduit que j est injectif.
Ainsi, Gal(L/K) est isomorphe à son image par l’homomorphisme j, et cette
image est un sous-groupe de (Z/nZ)× et est donc abélien.
1.3. Le polynôme X n − a. Dans cette section, K est un corps, a ∈ K est
non nul et n ≥ 2 est un entier. Soit L un corps de décomposition du polynôme
X n − a ∈ K[X].
On a ainsi
X n − a = (X − η1 ) · . . . · (X − ηn ) et L = K[η1 , . . . , ηn ] .
Le polynôme X n − a et son polynôme dérivé nX n−1 sont premiers entre eux dans
L[X] et donc les racines de X n − a dans L sont simples et η1 , . . . , ηn sont distincts.
Pour 1 ≤ k ≤ n posons ξk = ηk η1−1 . Alors ξ1 , . . . , ξn sont distincts et vérifient
ξkn = 1 pour tout k. Ainsi, le polynôme X n − 1 est scindé dans L.
Soit K0 = K[ξ1 , . . . , ξk ]. On a K ⊂ K0 ⊂ L et K0 est un corps de décomposition
de X n − 1. Nous avons étudié l’extension K0 de K dans la section précédente. Nous
étudions ici l’extension L de K0 . En remplaçant K par K0 , nous nous sommes ainsi
ramenés au cas où
(*) Le polynôme X n − 1 est scindé dans K.
Théorème XIV.4. Soient n ≥ 2 un entier, K un corps vérifiant l’hypothèse (*)
et a ∈ K. Soit L un corps de décomposition du polynôme X n − a ∈ K[X]. Alors
Gal(L/K) est isomorphe à un sous-groupe de Z/nZ et est donc un groupe cyclique.
Démonstration. Soit ξ une racine n-ième primitive de l’unité dans K. Soit η
une racine du polynôme X n − a dans L. On a ainsi
X n − a = (X − η)(X − ξη)(X − ξ 2 η) · . . . · (X − ξ n−1 η)
et L = K[η]. Si η ∈ K on a L = K et Gal(L/K) est le groupe trivial. Nous supposons
désormais que η ∈
/ K.
Soit σ ∈ Gal(L/K). Alors σ(η)n = a et il existe donc k(σ) ∈ {0, . . . , n − 1} avec
σ(η) = ξ k(σ) η.
Pour σ, τ ∈ Gal(L/K), nous avons
σ ◦ τ (η) = σ(τ (η)) = σ(ξ k(τ ) η) = σ(ξ k(τ ) )σ(η) = ξ k(τ ) σ(η)
puisque ξ k(τ ) ∈ K et que σ est un automorphisme au dessus de K
= ξ k(τ ) ξ k(σ) η = ξ k(σ)+k(τ ) η
et on a donc k(σ ◦ τ ) = k(σ) + k(τ ). L’application σ 7→ k(σ) est donc un homomorphisme de groupes de Gal(L/K) dans le groupe additif Z/nZ. Cet homomorphisme
2. ÉQUATIONS DU TROISIÈME DEGRÉ
99
est injectif : en effet, puisque L = K[η], tout élément σ du groupe de Galois est
déterminé par σ(η) donc par k(η). Ainsi, Gal(L/K) est isomorphe à son image par
cet homomorphisme.
2. Équations du troisième degré
2.1. Une réduction. Soit P1 (X) = X 3 + aX 2 + bX + c un polynôme de degré
3 dans K[X], n’ayant aucune racine dans K et donc irréductible dans K[X] (voir la
proposition VII.8). Soit L un corps de décomposition de P1 . Nous avons
P1 (X) = (X − η1 )(X − η2 )(X − η3 ) où η1 , η2 , η3 ∈ L et L = K[η1 , η2 , η3 ] .
On rappelle que η1 , η2 et η3 sont distincts (Proposition VII.17). Pour 1 ≤ i ≤ 3
posons ξi = ηi + a/3. Notons P (X) = P1 (X − a/3) ∈ K[X]. Nous avons
P (X) = (X − ξ1 )(X − ξ2 )(X − ξ3 )
= X 3 + pX + q
ba 2a3
a2
et q = c −
+
.
3
3
27
Nous avons L = K[ξ1 , ξ2 , ξ3 ] et donc L est un corps de décomposition de P . On
simplifie les calculs en remplaçant P1 par P .
où p = b −
2.2. Les deux possibilités pour le groupe de Galois. Nous savons que le
groupe de Galois Gal(L/K) peut-être identifié à un sous groupe du groupe S3 , identifié
au groupe Perm({ξ1 , ξ2 , ξ3 }) des permutations de {ξ1 , ξ2 , ξ3 }, et que ce sous-groupe
agit transitivement sur {ξ1 , ξ2 , ξ3 } (théorème XII.8). Il n’y a que deux possibilités :
i) Gal(L/K) est le groupe de toutes les permutations de {ξ1 , ξ2 , ξ3 }, et on peut
identifier ce group à S3 ;
ii) Gal(L/K) est le groupe des permutations paires (c’est à dire des permutations
circulaires) de {ξ1 , ξ2 , ξ3 }, et on peut identifier ce groupe à A3 .
On va voir comment distinguer ces deux cas. On rappelle qu’on note par la même
lettre un élément du groupe de Galois et la permutation correspondante. Posons
δ = (ξ1 − ξ2 )(ξ2 − ξ3 )(ξ3 − ξ1 ) ∈ L et ∆ = δ 2 ∈ L .
Soit σ ∈ Gal(L/K) et supposons que σ est une permutation paire, c’est à dire une
permutation circulaire de {ξ1 , ξ2 , ξ3 }. Alors on vérifie immédiatement que
σ(δ) = (σ(ξ1 ) − σ(ξ2 ))(σ(ξ2 ) − σ(ξ3 ))(σ(ξ3 ) − σ(ξ1 ))
= (ξ1 − ξ2 )(ξ2 − ξ3 )(ξ3 − ξ1 ) = δ .
Par contre, si σ ∈ Gal(L/K) est une permutation impaire de {ξ1 , ξ2 , ξ3 }, c’est à dire
une transposition de deux de ces trois racines, alors on vérifie facilement que
σ(δ) = (σ(ξ1 ) − σ(ξ2 ))(σ(ξ2 ) − σ(ξ3 ))σ(ξ3 ) − σ(ξ1 ))
= −(ξ1 − ξ2 )(ξ2 − ξ3 )(ξ3 − ξ1 ) = −δ .
On en déduit d’abord que, pour tout σ ∈ Gal(L/K) on a
σ(∆) = σ(δ)2 = δ 2 = ∆ .
D’après le théorème des invariants (théorème XII.9), on a donc
∆∈K.
100
XIV. QUELQUES EXEMPLES
On va d’ailleurs trouver une formule explicite donnant ∆ en fonction des coefficients
p et q. Les relations classiques entre coefficients et racines d’un polynôme donnent
ξ1 + ξ2 + ξ3 = 0 ; ξ1 ξ2 + ξ2 ξ3 + ξ3 ξ1 = p et ξ1 ξ2 ξ3 = −q .
Une vérification simple mais fastidieuse donne
∆ = −4p3 − 27q 2 .
Théorème XIV.5. Le groupe de Galois Gal(L/K) est égal à A3 si et seulement si
∆ admet une racine carrée dans K. Dans le cas contraire, Gal(L/K) = S3 .
Démonstration. Si Gal(L/K) = A3 alors, d’après ce qui précède, σ(δ) = δ
pour tout σ ∈ Gal(L/K) et donc, d’après le théorème des invariants, δ ∈ K. Comme
δ 2 = ∆, on a bien que ∆ a une racine carrée dans K.
Inversement, supposons que ∆ admet une racine carrée θ dans K. Comme δ 2 = ∆,
les racines carrées de ∆ dans L sont δ et −δ, donc θ = ±δ et δ ∈ K. Donc, pour tout
σ ∈ Gal(L/K) on a σ(δ) = δ et donc, d’après ce qui précède, σ est une permutation
paire.
2.3. Pour conclure. Soit K0 = K[δ].
Dans le cas i), c’est à dire quand Gal(L/K) = S3 , alors K0 est une extension de
degré 2 de K. De plus, K0 = Fix(A3 ) et L est une extension galoisienne de K0 , avec
Gal(L/K0 ) = A3 . Dans le cas ii), on a K0 = K et L est une extension galoisienne de
K0 , avec Gal(L/K0 ) = A3 .
Dans les deux cas, le groupe Gal(L/K0 ) est égal à A3 donc isomorphe à Z/3Z.
On peut montrer que L est une extension de K0 « par racine cubique ». Nous ne
donnons pas cette démonstration ici, mais faisons seulement quelques remarques
pour relier la théorie de Galois et les formules de Cardan donnant les racines d’une
équation du troisième degré.
Supposons pour simplifier que le polynôme X 3 − 1 est scindé dans K, c’est à dire
que X 3 − 1 = (X − 1)(X − j)(X − j2 ) où j ∈ K et j, j2 sont les racines primitives
troisièmes de l’unité.
Soient
u = ξ1 + jξ2 + j2 ξ3 et v = ξ1 + j2 ξ2 + jξ3 .
Soit σ la permutation circulaire ξ1 → ξ2 → ξ3 → ξ1 de {ξ1 , ξ2 , ξ3 }. On note aussi σ
l’élément correspondant de Gal(L/K0 ). Alors
σ(u) = ξ2 + jξ3 + j2 ξ1 = j2 u et σ(v) = ξ2 + j2 ξ3 + jξ1 = jv
donc
σ(u3 ) = u3 et σ(v 3 ) = v 3 .
Comme Gal(L/K0 ) = {id, σ, σ 2 } on a τ (u3 ) = u3 et τ (v 3 ) = v 3 pour tout τ ∈
Gal(L/K0 ). D’après le théorème des invariants, u3 et v 3 appartiennent à K0 .
En fait, on peut exprimer explicitement u3 et v 3 au moyen de δ et de q. En
remarquant que ξ1 + ξ2 + ξ3 = 0, on obtient
1
1
1
ξ1 = (u + v) ; ξ2 = (j2 u + jv) et ξ3 = (ju + j2 v)
3
3
3
ce qui conduit aux formules de Cardan.
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précédentes
Examen du 17 Janvier 2008
Exercice 1.
a) Soient G un groupe fini, et H, K deux sous-groupes distingués de G. On suppose
que
H ∩ K = {1} et |G| = |H|.|K| .
Montrez que HK = G. Montrez que pour tout h ∈ H et tout k ∈ K on a hk = kh.
Indication : considérer hkh−1 k −1 .
En déduire que G est isomorphe à H × K.
Désormais, p et q sont des nombres premiers et G est un groupe d’ordre p2 q. On
suppose que
p 6≡ 1 mod q ; p 6≡ −1 mod q et q 6≡ 1 mod p .
On veut montrer que G est commutatif.
b) Montrez que G admet un unique sous-groupe H d’ordre p2 et un unique sousgroupe K d’ordre q.
c) En déduire que G est isomorphe à H × K.
d) Conclure.
Exercice 2. Soit A un anneau commutatif unitaire.
Si I est un idéal de A[X] on note
• D(I, 0) = I ∩ A ;
• pour n > 0, D(I, n) est l’ensemble des a ∈ A tels qu’il existe Q(X) ∈ A[X]
avec deg(Q) < n et aX n + Q(X) ∈ I.
a) Vérifiez que, pour tout n ≥ 0, D(I, n) est un idéal de A et que
(1)
D(I, n + 1) ⊃ D(I, n) pour tout n ≥ 0 .
b) Soient I et I 0 deux idéaux de A[X]. On suppose que I ⊂ I 0 et que D(I, n) =
D(I 0 , n) pour tout n ≥ 0. On veut montrer que I = I 0 .
Vérifiez que I ∩ A = I 0 ∩ A. Montrez par récurrence sur n ≥ 0 que tout polynôme
P ∈ I 0 de degré n appartient à I. Indication : On écrit P (X) = aX n + Q(X) avec
a ∈ A et deg(Q) < n et on remarque que a ∈ D(I, n).
Conclure.
Dans toute la suite on suppose que l’anneau A est noethérien. On rappelle que
cela signifie que toute suite croissante (Jn ; n ≥ 0) d’idéaux de A est stationnaire,
c’est à dire qu’il existe n0 tel que Jn = Jn0 pour tout n ≥ n0 .
On veut montrer que A[X] est Noethérien.
101
102
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
c) Soit I un idéal de A[X]. Vérifier qu’il existe un entier n0 (I) tel que
(2)
D(I, n) = D I, n0 (I) pour tout n ≥ n0 (I) .
d) Soit (Ik ; k ≥ 1) une suite croissante d’idéaux de A[X]. On pose
∞
[
I=
Ik .
k=1
Vérifiez que pour tout n on a D(Ik+1 , n) ⊃ D(Ik , n) pour tout k et en déduire
qu’il existe un entier kn tel que
(3)
D(Ik , n) = D(I, n) pour tout k ≥ kn .
e) On pose
k = max k0 , k1 , . . . , kn0 (I) .
Montrez que pour tout n ≥ 0 on a D(Ik , n) = D(I, n). Indication : On distinguera
deux cas. Si n ≤ n0 (I) on utilise la définition de k et (3) ; pour n > n0 (I) on
utilise (2), le cas précédent et (1).
Conclure.
Exercice 3. Dans tout cet exercice on note P (X) = X 4 + 2.
K ⊂√
C est le corps de décomposition de P (X) sur Q.
4
ξ = 2 eiπ/4 = (1 + i)2−1/4 .
a) Quelles sont les racines du polynôme P (X) dans C ? Montrez que ce polynôme
est irréductible sur Q.
√
√
b) Montrez que i ∈ K, que 4 2 ∈ K et que K = Q[ 4 2, i].
√
c) Soit L = Q[ 4 2]. Montrez que [L : Q] = 4.
d) Vérifiez que i ∈
/ L. En déduire que [K : Q] = 8.
e) Montrez que K est le corps de décomposition du polynôme Q(X) = X 4 − 2 sur Q.
√
f ) Rappelez pourquoi Q[ 2] est√
une extension galoisienne de Q et donnez√son groupe
de Galois. Montrez que K = Q[ 2][ξ]. En déduire le groupe Gal(K : Q[ 2]).
g) Déterminez le groupe Gal(K : Q).
Examen du 27 Mai 2009
Exercice 1. Si G est un groupe abélien fini, on note
ordremax(G) = max{ordre(x) ; x ∈ G} .
On veut montrer que
(*) Pour tout x ∈ G, ordre(x) divise ordremax(G).
a) Montrez (*) dans le cas où p est un nombre premier et G est un p-groupe.
b) Montrez (*) pour un groupe abélien fini arbitraire.
Exercice 2. Dans cet exercice on note P (X) = X 4 + 2. Écrire les racines de ce
polynôme dans C.
a) Montrez que le polynôme P est irréductible dans Q[X].
√
b) Soit K ⊂ C le corps de décomposition de P . Montrez que K = Q[ 4 2, i].
c) Montrez que le polynôme X 4 − 2 est irréductible dans Q[X].
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
103
√
4
d) En déduire que la valeur de [Q[ 2] : Q , de [K : Q] et de [K : Q[i]].
√
e) Quels sont les conjugués de 4 2 dans K ? Montrer que le groupe√de Galois
√
Gal(K : Q[i]) est cyclique et engendré par un élément σ caractérisé par σ( 4 2) = i 4 2.
f ) Soit τ : z 7→ z̄ la conjugaison dans C. Vérifiez que τ appartient à Gal(K : Q).
Montrez que Gal(K : Q) est engendré par σ et τ .
g) Vérifiez que τ στ = σ −1 . En déduire que Gal(K : Q) est isomorphe au groupe
diédral D(4).
Exercice 3. On rappelle que Z[i] est le sous-anneau de C engendré par 1 et i.
a) Montrez que Z[i] = {a + bi ; a, b ∈ Z} et que Z[i] est isomorphe à Z[X]/(X 2 + 1).
b) Pour tout z = a + bi ∈ Z[i] on note N (z) = |z|2 = a2 + b2 . Il sera utile de se
rappeler que N (zz 0 ) = N (z)N (z 0 ) pour tous z, z 0 . Montrer que z ∈ Z[i] est inversible
si et seulement si et seulement si N (z) = 1. Quels sont les éléments inversibles de
Z[i] ?
c) Vérifiez que pour tout ξ = α + iβ ∈ C il existe z = a + bi ∈ Z[i] avec |ξ − z|2 ≤ 1/2.
En déduire que pour tous z, u ∈ Z[i] avec u 6= 0 il existe q, r ∈ Z[i] avec
z = uq + r et N (r) ≤ N (u)/2 .
d) En déduire que Z[i] est principal. Dans la suite de cet exercice, on détermine les
éléments irréductibles de Z[i].
e) Soit z ∈ Z[i] tel que p = N (z) soit un nombre premier. Vérifiez que p n’est pas
un élément irréductible de Z[i]. Montrez que z est un élément irréductible de Z[i].
f ) Soit p un nombre premier et supposons qu’il n’existe aucun z ∈ Z[i] tel que
N (z) = p. Montrez que p est irréductible dans Z[i].
g) On veut montrer que tous les éléments irréductibles de Z[i] sont de l’un des deux
types précédents. Soit z = a + bi ∈ Z[i] un élément irréductible et supposons que N (z)
n’est pas premier. Montrer qu’il existe un nombre premier p tel que Z ∩ zZ[i] = pZ.
En déduire que N(z) = p2 . En déduire enfin que z = p, à multiplication par un
inversible près.
Devoir surveillé du 17 novembre 2009
Exercice 1. Les groupes Z/8Z × Z/45Z et Z/12Z × Z/30Z sont-ils isomorphes ?
Justifiez votre réponse par un argument simple.
Exercice 2. Soit H un sous-groupe d’un groupe G. On notera G/H l’ensemble des
classes à gauche modulo H.
a) Vérifier que l’application :
G × G/H −
7 → G/H
(g, aH) −
7 → (ga)H
définit une action de G sur G/H. On note φ : G → Perm(G/H) l’homomorphisme
associé à cette action.
b) Montrer que
\
ker φ =
aHa−1
.
a∈G
104
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
c) Montrer que ker φ est le plus grand sous-groupe de G distingué et contenu dans
H.
d) On suppose (G : H) = k pour un certain entier k ≥ 1. Montrer que (G : ker φ)
divise k!.
Montrer que (G : ker φ) est divisible par k.
e) En déduire que dans un groupe d’ordre pn , avec p premier et n ≥ 1, tout
sous-groupe d’ordre pn−1 est distingué.
Exercice 3. On rappelle qu’un groupe est simple s’il n’admet aucun sous-groupe
distingué propre et non trivial.
Soient G un groupe et N un sous-groupe de G d’indice 2. Il s’agit de montrer
que tout sous-groupe H d’ordre ≥ 3 et qui est simple est contenu dans N .
a) Montrer que N est distingué dans G.
b) Montrer que H ∩ N est distingué dans H.
c) Montrer que la restriction à H de la projection de G sur G/N ne peut pas être
injective.
En déduire que H ∩ N 6= {1}.
d) Conclure.
Exercice 4. Soit G le sous-groupe de Z3 engendré par (4, 8, 0) et (6, 12, 0).
a) Montrer que G est un sous-groupe libre de rang 1, et que (2, 4, 0) est une base de
G. L’élément (1, 2, 0) appartient-il à G ?
b) Compléter (1, 2, 0) en une base de Z3 .
c) Montrer que G/H est isomorphe à Z/2Z × Z2 .
Exercice 5. Soit G un groupe d’ordre p2 q où p et q sont des nombres premiers
distincts. On note np le nombre de p-Sylow de G et nq le nombre de q-Sylow de G.
a) Déterminer les valeurs possibles de np et nq .
b) Montrer que si p ne divise pas q − 1 et que q ne divise pas p2 − 1 alors G est
abélien.
c) On suppose q < p. Montrer que np = 1.
d) On suppose que p < q. Montrer que si nq 6= 1 alors p = 2 et q = 3.
e) On suppose p = 2 et q = 3, montrer qu’alors (np , nq ) 6= (3, 4).
f ) En déduire que G admet un sous-groupe normal propre et non trivial.
Examen de Janvier 2010
Exercice 1. Dans cet exercice, on note
√
A = {a + b 3 : a, b ∈ Z} .
√
φ : Z[X] → R désigne l’homomorphisme d’évaluation en 3 :
√
φ(P ) = P ( 3) pour tout P ∈ Z[X] .
a) Question préliminaire.
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
105
√
On veut déterminer le noyau de φ. Soit P (X) ∈ Z[X] appartenant avec P ( 3) = 0.
Montrez qu’il existe Q(X) ∈ Q[X] avec P (X) = (X 2 − 3)Q(X), puis montrez qu’en
fait on a Q(X) ∈ Z[X]. Conclure.
Déterminez l’image de φ.
Montrez que A est un sous-anneau de R, contenant Z, et isomorphe à Z[X]/(X 2 −
3).
√
Montrez que pour a, b ∈ Z, l’élément a + b 3 de A est inversible dans A si et
seulement si a2 − 3b2 = ±1.
b) Question supplémentaire pour les étudiants curieux : On pourra montrer que
dans ce cas on a en fait a2 − 3b2 = 1.
Le but de cet exercice est de déterminer tous les idéaux premiers de A.
c) Pour tout nombre premier p, on note Jp = pZ[X] l’idéal de Z[X] engendré par p.
Construire un isomorphisme d’anneaux
πp : Z[X]/Jp → Fp [X] .
d) Pour tout nombre premier p, on note Ip = pA l’idéal de A engendré par p et
Lp = φ−1 (Ip ). Montrez que
i) Lp est l’idéal de Z[X] engendré par p et X 2 − 3 ;
ii) πp (Lp ) est l’idéal de Fp [X] engendré par X 2 − 3 ;
iii) les anneaux A/Ip et Z[X]/Lp sont isomorphes ;
iv) les anneaux Z[X]/Lp et Fp [X]/πp (Lp ) sont isomorphes ;
v) les anneaux A/Ip et Fp [X]/(X 2 − 3) sont isomorphes.
e) Dans cette question, on suppose que p est un nombre premier et qu’il n’existe
aucun entier n ∈ Z tel que n2 = 3 (mod p).
Montrez que l’idéal Ip de A est maximal.
En déduire que p est un élément irréductible de A.
f ) Dans cette question, on suppose que p est un nombre premier et qu’il existe un
entier n ∈ Z tel que n2 = 3 (mod p).
Montrez que l’idéal Ip de A n’est pas premier.
Les questions qui suivent sont un peu plus difficiles que le reste de l’exercice.
i) Déterminez tous les idéaux de Fp [X] contenant X 2 − 3 (vous vérifierez que
les idéaux trouvés sont distincts).
ii) Déterminez tous les idéaux de Z[X] contenant Lp .
iii) En déduire qu’il existe exactement 4 idéaux de A contenant Ip , à savoir
√
√
Ip , A, Ip0 = (p, 3 − n) et Ip00 = (p, 3 + n) .
iv) Montrez que ces deux derniers idéaux sont maximaux.
g) Soit I un idéal premier et non trivial de A. Montrez qu’il existe a, b ∈ Z, non tous
deux nuls, avec a2 − 3b2 ∈ I. Montrez que a2 − 3b2 6= ±1. En déduire qu’il existe un
nombre premier p avec p ∈ I.
h) Déterminez tous les idéaux premiers non triviaux de A.
i) Question supplémentaire pour les étudiants curieux. Remarquer que 52 = 3
(mod 11) et en déduire que l’idéal I11 de A n’est pas premier. Admettre ou montrer
106
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
que les équations a2 − 3b2 = 11 et a2 − 3b2 = −11 n’ont pas de solutions dans Z. En
déduire que 11 est un élément irréductible de A. Conclure que A n’est pas factoriel.
Exercice 2. Dans cet exercice, on note
√
√
3
ξ = 2 ; η = 5 et K = Q[ξ, η] .
a) Montrez que les polynômes X 2 − 2 et X 3 − 5 sont irréductibles dans Q[X]. En
déduire la valeur de [Q[ξ] : Q] et de [Q[η] : Q].
En déduire que [K : Q] = 6.
b) On veut déterminer tous les corps L tels que Q ⊂ L ⊂ K.
Montrer que si L est un corps de ce type alors ou bien L = Q, ou bien [L : Q] = 2,
ou bien [L : Q] = 3, ou bien encore L = K.
c) On suppose que Q ⊂ L ⊂ K et que [L : Q] = 2. On veut montrer que ξ ∈ L, et on
raisonne par l’absurde. Supposons que ξ ∈
/ L. Montrer que le polynôme minimal de
2
ξ sur L divise X − 2 et en déduire qu’il est égal à X 2 − 2. En déduire la valeur de
[L[ξ] : L] = 2 puis celle de [L[ξ] : Q] et aboutir à une contradiction.
On a donc ξ ∈ L. En déduire que L = Q[ξ].
d) On suppose que Q ⊂ L ⊂ K et que [L : Q] = 3. Que vaut [K : L] ?
On veut montrer que η ∈ L, et on raisonne par l’absurde. Supposons que η ∈
/ L.
Montrer que [L[η] : L] = 2. Montrer que le polynôme minimal de ξ sur L est de degré
2 et divise X 3 − 5. En déduire que le polynôme X 3 − 5 admet une racine η 0 dans L
et que η 0 6= η. Aboutir à une contradiction en remarquant que L ⊂ R.
On a donc η ∈ L. En déduire que L = Q[η].
e) Soit L = Q[ξ + η]. Montrez successivement que L =
6 Q, que L 6= Q[ξ] et que
L 6= Q[η]. Conclure que L = K.
Exercice 3. Rappel : Si E est un ensemble fini, |E| désigne le nombre d’éléments
de E.
On se donne une action (g, x) 7→ g · x d’une groupe fini G sur un ensemble fini
X. On note Ω le nombre d’orbites de cette action.
a) Montrez que
X 1
Ω=
.
|G · x|
x∈X
Indication : on pourra calculer cette somme en sommant orbite par orbite.
b) Pour tout g ∈ G on note
Fix(g) = {x ∈ X ; g · x = x} .
Montrez que
X
g∈G
| Fix(g)| =
X
|Gx | .
x∈G
Indication : On pourra calculer de deux façons différentes le nombre d’éléments de
l’ensemble
def
A = {(g, x) ∈ G × X ; g · x = x} .
X
c) Conclure que
| Fix(g)| = |G| · Ω .
g∈G
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
107
Devoir surveillé du 16 novembre 2010
Exercice 1. p étant un nombre premier, combien y-a-t-il isomorphisme près de
groupes abéliens d’ordre p5 ?
Exercice 2. Soit G un groupe d’ordre p2 q où p et q sont des nombres premiers
distincts. On note respectivement np et nq le nombre de p-sous-groupes de Sylow
(resp. q-sous-groupes de Sylow) de G.
a) Montrer que si q < p alors np = 1.
Montrer que si p < q alors nq = 1 ou p2 .
b) Montrer, en considérant le nombre d’éléments d’ordre q et le nombre d’éléments
d’ordre premier avec q de G, que si nq = p2 alors np = 1.
c) Conclure que G admet un sous-groupe de Sylow distingué dans G. On note H ce
sous-groupe.
d) Montrer que G/H est commutatif.
Exercice 3.
a) Soient (G, ·) un groupe et Z(G) son centre. Montrer que si G/Z(G) est cyclique
alors G est commutatif.
b) Soient p un nombre premier et G un groupe non commutatif d’ordre p3 .
Montrer que Z(G) est isomorphe à Z/pZ.
Montrer que G/Z(G) est isomorphe à Z/pZ × Z/pZ.
Examen du 19 Janvier 2011
Exercice 1.
Première partie. Dans cette partie, G est un groupe fini et H, K sont deux sousgroupes distingués de G. On suppose que
|H| et |K| sont premiers entre eux et |G| = |H|.|K| .
a) Montrez que H ∩ K = {1}.
b) Montrez que pour tout h ∈ H et tout k ∈ K on a hk = kh.
c) Montrez que G est isomorphe à H × K.
Deuxième partie. Dans cette partie, p et q sont des nombres premiers distincts et
G est un groupe d’ordre p2 q. On suppose que
p 6≡ 1 mod q
;
p 6≡ −1 mod q
et q 6≡ 1 mod p .
d) Montrez que G admet un unique sous-groupe H d’ordre p2 .
e) Montrez que G admet un unique sous-groupe K d’ordre q.
f ) Montrez que G est isomorphe à H × K.
g) Montrez que G est commutatif.
Exercice 2. Dans cet exercice on note
√
√
3
ξ = 2 ; η = 5 et K = Q[ξ, η] .
108
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
a) Montrez que [K : Q] = 6.
b) Soit L un corps avec Q ⊂ L ⊂ K et [L : Q] = 2.
Montrez que ξ ∈ L. Méthode : Montrez que, si ξ n’appartenait pas à L, on aurait
[L[ξ] : L] = 2 et obtenez une contradiction.
Conclure que L = Q[ξ].
c) Soit M un corps avec Q ⊂ M ⊂ K et [M : Q] = 3.
Montrez que η ∈ M. Méthode : Supposons que η ∈
/ M. Montrez qu’alors on a
[M[η] : M] = 2. Que pouvez-vous dire du polynôme minimal de η sur M ? En déduire
que le polynôme X 3 − 5 admet une racine α dans M. Montrez que α = η et obtenez
une contradiction.
Concluez que M = Q[η].
/ Q. Méthode : Sinon, η appartiendrait à Q[ξ]
d) On pose θ = ξ + η. Montrez que θ ∈
et donc Q[η] serait contenu dans Q[ξ]. Montrez que c’est impossible.
e) Montrez par des méthodes analogues que Q[θ] 6= Q[ξ] et que Q[θ] 6= Q[η].
f ) En utilisant les questions b) et c), montrez que Q[θ] = K.
Exercice 3. On rappelle que Z[i] est le sous-anneau de C engendré par 1 et i et que
Z[i] = {a + bi : a, b ∈ Z} .
On a démontré en cours que
Z[i] est principal.
Dans cet exercice, on détermine les éléments irréductibles de Z[i].
Notations. Pour tout z = a + bi ∈ Z[i] on note
N (a + bi) = (a + bi)(a + bi) = |a + bi|2 = a2 + b2 .
Il sera utile de se rappeler que :
Pour tout z ∈ Z[i] on a N (z) ∈ N et N (z) = 0 si et seulement si z = 0 .
Pour tous z, z 0 ∈ Z[i] on a N(zz 0 ) = N (z)N (z 0 ) .
Préliminaire.
a) Montrez que z ∈ Z[i] est inversible si et seulement si N (z) = 1. Quels sont les
éléments inversibles de Z[i] ?
Deuxième partie. Dans cette partie, p est un nombre premier et on suppose qu’il
existe a, b ∈ Z, non tous les deux multiples de p, tels que a2 + b2 ≡ 0 mod p.
b) Montrez que l’idéal pZ[i] de Z[i] n’est pas premier. En déduire que p n’est pas un
élément irréductible de Z[i].
c) En déduire qu’il existe c, d ∈ Z avec c2 + d2 = p.
d) Soient c, d ∈ Z avec c2 + d2 = p. Montrez que c + di et c − di sont irréductibles
dans Z[i].
e) Soient c, d ∈ Z avec c2 + d2 = p. En utilisant la question d), montrez que les seuls
couples (c0 , d0 ) ∈ Z × Z tels que c02 + d02 = p sont
(c, d) ; (−c, d) ; (c, −d) ; (−c, −d) ; (d, c) ; (−d, c) ; (d, −c) ; (−d, −c) .
Troisième partie. Dans cette partie, p est un nombre premier et on suppose qu’il
n’existe aucun couple d’entiers (c, d) avec c2 + d2 = p.
f ) Montrez que p est un élément irréductible de Z[i].
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
109
Quatrième partie. Soit z ∈ Z[i] un élément irréductible. On veut montrer que z
est de l’un des deux types précédents, à multiplication par un inversible près.
g) Soit J = zZ[i] ∩ Z. Montrez que J est une idéal propre et non trivial de Z.
h) Montrez qu’il existe un nombre premier p tel que J = pZ.
i) Remarquez que p est un multiple de z dans Z[i] et déduisez-en que N (z) = p ou
p2 .
j) Conclure.
Devoir surveillé du 16 Novembre 2011
Exercice 1. Soit
G = {(x, y, z) ∈ Z3 ; x + y + z est pair} .
Montrer que G est un groupe abélien libre de type fini, en donner une base. Identifier
Z3 /G (à isomorphisme près).
Exercice 2. Le but de cet exercice est de construire un groupe ni cyclique, ni
diédral dont tous les sous-groupes sont cycliques.
On note GL(2, C) le groupe des matrices inversibles 2 × 2 à coefficients dans C.
Soient
j 0
0 i
A=
où j = exp(2iπ/3) et B =
0 j2
i 0
On note H = gp(A), K = gp(B) et G le sous-groupe de GL(2, C) engendré par A et
B.
a) Vérifier que B 2 = −I et déterminer l’ordre de A et de B.
b) Montrer que BA = A2 B et BA2 = AB. En déduire que H est distingué dans G.
c) Soit HK = {M N : M ∈ H, N ∈ K}. Montrer que HK est un sous-groupe de G.
En déduire que HK = G et que |G| = 12.
d) Donner la liste des éléments de G et leurs ordres, on vérifiera en particulier que
G admet un élément d’ordre 6.
e) Montrer que G admet trois 2-sous-groupes de Sylow.
f ) Montrer que G n’est ni cyclique ni diédral.
g) Montrer que tous les sous-groupes de G sont cycliques.
Exercice 3. Soit G un groupe d’ordre p2 q où p et q sont des nombres premiers
distincts. On note np le nombre de p-sous-groupes de Sylow et nq le nombre de
q-sous-groupes de Sylow de G.
a) Déterminer les valeurs possibles de np et nq .
b) Montrer que si p ne divise pas q − 1 et que q ne divise pas p2 − 1 alors G est
abélien.
c) On suppose q < p. Montrer que np = 1.
d) On suppose que p < q. Montrer que si nq =
6 1, alors q divise p2 − 1. En déduire
que p = 2 et q = 3.
e) On suppose p = 2 et q = 3, montrer qu’alors (np , nq ) 6= (3, 4). Indication : on
utilisera un argument de cardinalité.
110
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
f ) Montrez que dans tous les cas G admet un sous-groupe distingué propre et non
trivial.
Examen du 19 Janvier 2012
Exercice 1.
a) Soit G un groupe. Pour tout nombre premier p, notons np le nombre de sousgroupes de G d’ordre p et mp le nombre d’éléments de G d’ordre p. Montrez que
mp = (p − 1)np .
Désormais G est un groupe d’ordre 30.
b) On note n2 , n3 et n5 le nombre de sous-groupes de G d’ordre 2, 3 et 5, respectivement. Quelles sont les valeurs possibles pour n2 , n3 et n5 ?
c) En utilisant les deux premières questions, montrez que l’un au moins des nombres
n3 ou n5 est égal à 1.
d) Soient H un sous-groupe de G d’ordre 5 et K un sous-groupe de G d’ordre 3.
Montrez que l’un au moins de ces sous-groupes est distingué.
Montrez que HK est un sous-groupe de G.
e) Montrez que |HK| = 15.
f ) En déduire que HK est un sous-groupe distingué de G.
g) On note N (H) le normalisateur de H, c’est à dire
N (H) = {x ∈ G ; xHx−1 = H} .
Vérifiez que N (H) ⊃ HK et en déduire que (G : N (H)) ≤ 2.
Méthode : On rappelle que tout groupe d’ordre 15 est abélien. Ce résultat a été
vu en cours et on pourra l’utiliser sans le démontrer.
h) Pour y, z ∈ G, à quelle condition a-t-on yHy −1 = zHz −1 ?
En déduire qu’il existe au maximum 2 sous-groupes de G qui sont conjugués à H.
i) Montrez que n5 ≤ 2.
En déduire que n5 = 1 et que H est un sous-groupe distingué de G.
j) Montrez de même que n3 = 1 et que K est un sous-groupe distingué de G.
√ √
Exercice 2. Dans tout cet exercice, on note K = Q[ 2, 3].
√
a) Quels sont les conjugués de √2 dans C ?
Quels sont les conjugués de 3 dans C ?
En déduire que K est une extension galoisienne de Q
b) Déterminez [K : Q].
c) Combien existe-t-il de d’automorphismes distincts de K au dessus de
√Q ? √ Pour chacun de ces automorphismes σ, donnez la valeur du couple σ( 2), σ( 3) .
√
√
d) On pose α = 2 + 3. Pour chaque automorphisme σ de K au dessus de Q,
donnez la valeur de σ(α).
Montrez que toutes ces valeurs sont deux à deux distinctes.
e) Quel est le degré de α sur Q ?
En déduire que K = Q[α].
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
111
f ) Que pouvez-vous dire sur le polynôme
√
√
√
√
√
√
√
√
P (X) = (X − 2 − 3)(X + 2 − 3)(X − 2 + 3)(X + 2 + 3) ?
Exercice 3.
Convention. On rappelle que C[X, Y ] est identifié à C[X][Y ], c’est à dire à
l’anneau des polynômes à coefficients dans l’anneau C[X] et en la variable Y .
On considère donc C[X] comme le sous-anneau de C[X, Y ] = C[X][Y ] formé des
polynômes constants.
Tout polynôme appartenant à C[X] appartient donc aussi à C[X, Y ].
Question préliminaire a) Montrez que tout polynôme P (X, Y ) ∈ C[X, Y ] peut
s’écrire sous la forme
P (X, Y ) = Q(X, Y )(X 2 + Y 2 − 1) + R(X)Y + S(X)
avec Q(X, Y ) ∈ C[X, Y ], R(X) ∈ C[X] et S(X) ∈ C[X].
Méthode : Utilisez la convention ci-dessus et faire une division euclidienne en la
justifiant.
Question préliminaire b) Soient ξ et η ∈ C. Montrez que tout polynôme P (X, Y ) ∈
C[X, Y ] peut s’écrire sous la forme
P (X, Y ) = A(X, Y )(Y − η) + B(X)(X − ξ) + α
avec A(X, Y ) ∈ C[X, Y ], B(X) ∈ C[X] et α ∈ C.
Méthode : Utilisez la convention ci-dessus, faire une division euclidienne en la
justifiant, puis une seconde division euclidienne.
Question préliminaire c) Si ξ et η sont des nombres complexes, on note
Jξ,η = {P (X, Y ) ∈ C[X, Y ] : P (ξ, η) = 0} .
Montrez que Jξ,η est un idéal maximal de C[X, Y ].
Méthode Déterminez un homomorphisme θ : C[X, Y ] → C surjectif de noyau
Jξ,η .
Montrez que Jξ,η est l’idéal de C[X, Y ] engendré par X − ξ et Y − η.
Méthode : Utilisez la question préliminaire b).
Notation. Dans la suite de cet exercice, I est l’idéal de C[X, Y ]. engendré par
X 2 + Y 2 − 1.
Le but de cet exercice est de démontrer
(*) Les idéaux premiers de C[X, Y ] contenant I sont I lui-même et les idéaux
Jξ,η où ξ, η sont des nombres complexes vérifiant ξ 2 + η 2 = 1.
d) Montrez que le polynôme X 2 + Y 2 − 1 est irréductible dans C[X, Y ].
e) Montrez que I est un idéal premier de C[X, Y ].
f ) Soient ξ et η ∈ C avec ξ 2 + η 2 = 1. Vérifiez que Jξ,η ⊃ I et que Jξ,η 6= I.
En déduire que l’idéal I de C[X, Y ] n’est pas maximal.
Notation. Dans la suite, J est un idéal premier de C[X, Y ], contenant I et distinct
de I.
112
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
g) Montrez qu’il existe deux polynômes R(X) et S(X) ∈ C[X], non tous les deux
nuls, tels que le polynôme R(X)Y + S(X) appartienne à J.
Vérifiez que le polynôme F (X) = R(X)2 (1 − X 2 ) − S(X)2 appartient à J.
h) Montrez que le polynôme F (X) n’est pas identiquement nul.
i) Montrez que le polynôme F (X) n’est pas constant.
En déduire qu’il existe ξ ∈ C tel que le polynôme X − ξ appartienne à J.
j) On montre de même qu’il existe η ∈ C tel que le polynôme Y − η appartienne à
J. (Ne pas recopier la démonstration !)
Montrer que ξ 2 + η 2 = 1.
Montrer que J ⊃ Jξ,η .
Montrer qu’en fait on a J = Jξ,η .
k) Conclure en montrant l’affirmation (*) ci-dessus.
Examen du 23 janvier 2013
Exercice 1. Soient p et q deux nombres premiers distincts et G un groupe d’ordre
p2 q 2 .
a) Soient H un sous-groupe de G d’ordre p2 et K un sous-groupe de G d’ordre q 2 .
Montrez que H ∩ K = {1G }. Montrez que tout élément de G s’écrit de façon
unique sous la forme g = hk avec h ∈ H et k ∈ K.
b) On suppose désormais que q > p2 . Montrez que G admet un unique sous-groupe
H d’ordre q 2 . Montrez que ce sous-groupe est distingué.
c) Désormais, on suppose de plus que q 6= 1 mod p et que q 6= −1 mod p. Montrez
que G admet un unique sous-groupe K d’ordre p2 . Montrez que ce sous-groupe est
distingué.
d) Montrez que hk = kh pour tout h ∈ H et tout k ∈ K.
e) Montrez que G est commutatif.
Exercice 2. Soit K un corps de caractéristique zéro et K un corps algébriquement
clos contenant K. Soient encore L et L0 deux extensions galoisiennes de K, contenues
dans K.
a) Montrez que LL0 est une extension galoisienne de K.
b) Montrez que Gal(LL0 /L0 ) ∩ Gal(LL0 /L) est le groupe trivial.
c) Montrez que Gal(LL0 /K) est isomorphe à un sous-groupe de Gal(L/K)×Gal(L0 /K).
Méthode : Définir deux homomorphismes r : Gal(LL0 /K) → Gal(L/K) et r0 : Gal(LL0 /K) →
Gal(L0 /K), déterminez leur noyau et considérez l’homomorphisme r×r0 : Gal(LL0 /K) →
Gal(L0 /K) × Gal(L0 /K).
Exercice 3.
Dans tout cet exercice, K est un corps de caractéristique zéro.
On se donne un entier n strictement positif et on suppose que K contient une
racine racine primitive nième de l’unité η.
Soit L une extension galoisienne de K telle que le groupe Gal(L/K) est cyclique
d’ordre n.
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
113
Soit σ un générateur de ce groupe. On note
k fois
σ
◦0
= id et σ
◦k
z
}|
{
= σ ◦ σ · · · ◦ σ pour tout entier k ≥ 1 .
a) Rappelez pourquoi le polynôme X n − 1 est scindé dans K et indiquez ses racines.
b) On considère σ comme une application K-linéaire de L dans lui-même.
Remarquez que l’application linéaire σ ◦n de L dans lui-même est l’identité.
Quelles sont les valeurs propres possibles de σ ?
Il est bien connu que les propriétés que l’on vient de montrer impliquent que
l’application linéaire σ est diagonalisable ; vous admettrez ce résultat sans démonstration.
def
c) Déterminer l’espace propre E1 = {ξ ∈ L : σ(ξ) = ξ}.
d) Montrez que tous les espaces propres de σ sont de dimension 1. Indication : Soient
α et β sont non nuls et appartenant au même espace propre Eλ de σ. Que vaut
σ(αβ −1 ) ? Conclure en utilisant la question c).
e) En déduire que η est une valeur propre de σ.
f ) Soit ξ ∈ L un vecteur propre associé à cette valeur propre, c’est à dire tel que
ξ 6= 0 et σ(ξ) = ηξ. Soit a = ξ n .
Vérifiez que σ(a) = a.
En déduire que a ∈ K.
g) Quels sont les conjugués de ξ dans L ?
En déduire que ξ est de degré n sur K.
Conclure que L = K[ξ].
Exercice 4.
Question préliminaire a) Soit ξ ∈ C un nombre algébrique. Montrez que l’idéal
{P (X) ∈ Q(X) : P (ξ) = 0} de Q[X] admet un générateur Pm à coefficients entiers
et primitif (on rappelle que cela signifie que les coefficients de Pm sont premiers entre
eux dans leur ensemble). Montrez que Pm est unique à multiplication par −1 près.
Question préliminaire b) Soient H un groupe abélien libre de type fini et (Gn )n≥1
une suite croissante de sous groupes non triviaux de H et G = ∪n≥1 Gn .
Montrez que G est un groupe abélien libre de type fini.
Montrez qu’il existe n0 tel que Gn = G pour tout n ≥ n0 .
Définition. On dit qu’un nombre complexe ξ est un entier algébrique s’il est racine
d’au moins un polynôme unitaire à coefficients entiers.
c) Montrez que si ξ ∈√Q, alors ξ est un entier algébrique si et seulement si ξ ∈ Z.
Montrez que (1 + 5)/2 est un entier algébrique.
d) Dans cette question, ξ est un entier algébrique. On veut montrer que le groupe
abélien (Z[ξ], +) est libre de type fini.
Pour tout entier n ≥ 0, on note Gn le sous-groupe de (C, +) engendré par
{1, ξ, ξ 2 , . . . , ξ n }.
Vérifier que la réunion de ces groupes est égale à Z[ξ].
Déterminez un entier n0 ≥ 0 tel que Gn = Gn0 pour tout n ≥ n0 .
Conclure.
e) Soit z ∈ C. On suppose que le groupe (Z[ξ], +) est libre de type fini. Montrez que
ξ est un entier algébrique.
114
ARCHIVES : SUJETS D’EXAMENS ET DE PARTIELS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES
Méthode : Utilisez la question b) avec les groupes Gn définis comme dans la
question précédente et H = Z[ξ].
f ) Soit ξ un entier algébrique. Montrez que Z[ξ] ∩ Q = Z.
Méthode : Raisonner par l’absurde en supposant qu’il existe un élément de r ∈ Z[ξ]
appartenant à Q \ Z. Écrire r = p/q avec p, q entiers premiers entre eux et q > 1.
Utilisez le théorème de Bézout pour montrer que 1/q appartient à Z[ξ]. Utilisez
ensuite la conclusion de la question d) et la question b) avec H = Z[ξ] et Gn = q −n Z.
g) Dans cette question, ξ ∈ C est un nombre algébrique. Montrez que ξ est un entier
algébrique si et seulement si le polynôme Pm (X) défini dans la question a) peut être
choisi unitaire.
Méthode pour la partie seulement si : Par hypothèse, il existe un polynôme unitaire
P (X) admettant ξ pour racine. Montrez qu’il existe un polynôme Q(X) ∈ Z[X] et
un nombre entier b 6= 0 tels que P (X) = Pm (X)b−1 Q(X) et montrez que b = ±1.
h) Cette question est indépendante des questions f ) et g).
Soient ξ1 et ξ2 deux entiers algébriques. Soient P1 (X) et P2 (X) ∈ Z[X] deux
polynômes unitaires admettant respectivement z1 et z2 comme racines, et soient enfin
d1 = deg(P1 ) et d2 = deg(P2 ).
Montrez que {ξ1k1 ξ2k2 : 0 ≤ k1 < d1 , 0 ≤ k2 < d2 } est un système générateur de
Z[ξ1 , ξ2 ].
De la question e), déduire que ξ1 + ξ2 et ξ1 ξ2 sont des entiers algébriques.
Conclure que l’ensemble des entiers algébriques est un sous-anneau de C.
En déduire une nouvelle démonstration du résultat de la question f).
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