Cours d’Algèbre I Prof. E. Bayer Fluckiger Bachelor Semestre 3 24 Octobre 2011 Corrigé 5 Exercice 1 (Quelques remarques). (1) Montrer que l’intersection de deux sous-groupes H et K d’un groupe G est un sous-groupe de G. (2) Trouver deux sous-groupes H et K de S3 tels que l’ensemble HK := {hk : h ∈ H, k ∈ K} ne soit pas un sous-groupe de S3 . (3) Montrer que tout sous-groupe H d’un groupe commutatif G est normal dans G. Solution. (1) Soient x, y ∈ H ∩ K. Alors xy −1 ∈ H car H est un sous-groupe de G. De même xy −1 ∈ K car K est un sous-groupe de G. Par conséquent on a bien xy −1 ∈ H ∩ K. En particulier : • dans le cas x = 1G , on obtient y − 1 ∈ H ∩ K ; • en remplaçant y par y −1 on montre de même que xy ∈ H ∩ K. Ainsi l’intersection H ∩ K est bien un sous-groupe de G. (2) Il suffit de choisir H comme le groupe engendré par la transposition (1 2), et K comme le groupe engendré par la transposition (2 3). L’ensemble HK est un sous-ensemble à 4 éléments d’un groupe à 6 éléments. Le théorème de Lagrange montre que HK n’est pas un sous-groupe de S3 puisque 4 ne divise pas 6. On peut aussi remarquer que HK n’est stable ni par produit, ni par passage à l’inverse. (3) Soit x ∈ G. Soit h ∈ H. Alors xhx−1 = h est dans H. Par conséquent on a bien xHx−1 = H. Exercice 2 (Indicatrice d’Euler). On rappelle que l’indicatrice d’Euler ϕ : Z −→ N est une fonction telle que ϕ(m) soit le nombre d’éléments inversibles pour la multiplication dans Z/mZ. Montrer que, pour tout premier p et tout entier n ≥ 1, on a ϕ (pn ) = pn−1 (p − 1). Solution. Le nombre ϕ(pn ) est l’ordre du groupe des unités de l’anneau Z/pn Z, c’est-àdire le nombre d’entiers naturels k tels que 1 ≤ k ≤ pn et pgcd(k, pn ) = 1 (c.f. série 3). Si k est un entier naturel tel que 1 ≤ k ≤ pn , alors on a équivalence entre 2 • le nombre premier p divise k, • et pgcd(k, pn ) > 1. Comme on a pn entiers naturels dans l’intervalle [1, pn ], le nombre pn − ϕ(pn ) est donc égal au nombre de multiples de p dans l’intervalle [1, pn ], c’est-à-dire le nombre d’entiers de la forme pl avec 0 ≤ l < pn−1 . Ainsi pn − ϕ(pn ) = pn−1 et donc ϕ(pn ) = pn−1 (p − 1). Exercice 3 (Groupe des quaternions). (1) On appelle groupe des quaternions, et on note H8 , le sous-groupe de GL2 (C) engendré par les matrices i 0 0 −1 0 −i I= J= K= . 0 −i 1 0 −i 0 Montrer que H8 est un groupe d’ordre 8. Quelle est la table de la loi de groupe de H8 ? (2) Montrer que tous les sous-groupes de H8 sont normaux bien que H8 soit non commutatif (on dit que H8 est un groupe hamiltonien). Solution. (1) On calcule I 2 , J 2 , K 2 et IJ. On obtient 2 2 2 I = J = K = IJK = − 1 0 0 1 . Ces relations permettent de montrer que l’ensemble 1 0 E := ± , ±I, ±J, ±K 0 1 est un sous-groupe de GL2 (C) d’ordre 8. Celà peut se voir en calculant la table de la restriction à E de la multiplication matricielle : . 1 I J K −1 −I −J −K 1 1 I J K −1 −I −J −K I I −1 K −J −I 1 −K J J J −K −1 I −J K 1 −I K K J −I −1 −K −J I 1 −1 −1 −I −J −K 1 I J K −I −I 1 −K J I −1 K −J −J −J K 1 −I J −K −1 I −K −K −J I 1 K J −I −1 Par définition, H8 est le plus petit sous-groupe de GL2 (C) contenant I, J et K. L’ensemble E est donc égal à H8 . (2) D’après le théorème de Lagrange, un sous-groupe de H8 est d’ordre 1 ou 2 ou 4 ou 8. Par conséquent les sous-groupes de H8 sont : {1} 3 {±1} {±1, ±I} {±1, ±J} {±1, ±K} H8 Ces sous-groupes sont normaux dans H8 car : JIJ −1 = −JIJ = −JK = −I JKJ −1 = −JKJ = JI = −K KIK −1 = −KIK = KJ = −I KJK −1 = −KJK = −KI = −J IJI −1 = −IJI = IK = −J IKI −1 = −IKI = −IJ = −K. Exercice 4 (Matrices inversibles à coefficients dans un corps fini). (1) Soit p un nombre premier. Quel est l’ordre du groupe GL2 (Fp ) ? (2) Montrer que GL2 (F2 ) est isomorphe à S3 (et donc aussi au groupe des isométries d’un triangle équilatéral). Solution. a b c d (1) Première méthode (courte) : on constate qu’une matrice a est inversible si et seulement si est un vecteur colonne non nul et c b a est un vecteur colonne non colinéaire à . S’il est non nul, le d c a vecteur colonne admet exactement p vecteurs colonne colinéaires, c et donc p2 − p vecteurs non colinéaires. Ainsi, GL2 (Fp ) a (p2 − 1)(p2 − p) = p(p + 1)(p − 1)2 éléments. Seconde méthode (plus longue) : un élément de GL2 (Fp ) est une a b matrice avec a, b, c, d ∈ Fp tels que ad − bc soit inversible dans c d Fp , c’est-à-dire tels que ad 6= bc. Lorsque a = 0, celà revient à demander b 6= 0 et c 6= 0. dans ce cas on a p − 1 possibilités pour b, et p − 1 possibilités pour c et ppossibilités pour 0 b d. On a ainsi p(p − 1)2 matrices inversibles de la forme . c d 4 a b Lorsque a 6= 0 une matrice est inversible si et seulement si c d d 6= a−1 bc. Dans ce cas, on a p − 1 possibilités pour a, et p possibilités pour b et p possibilités pour c et seulement p − 1 possibilités pour d. On a b a ainsi p2 (p − 1)2 matrices inversibles de la forme avec a 6= 0. c d Par conséquent GL2 (Fp ) a p(p−1)2 +p2 (p−1)2 = p(p+1)(p−1)2 éléments. 0 (2) On note E = M2×1 (F2 ) − l’ensemble des matrices colonnes non 0 nulles de taille 2 × 1 à coefficients dans F2 . Comme E est de cardinal 3, les groupes S(E) et S3 sont isomorphes (numérotez les éléments de E). On considère l’application ϕ : GL2 (F2 ) → S(E) qui envoie une matrice M ∈ GL2 (F2 ) sur la bijection ϕ(M ) : E −→ E, X 7−→ M X. Cette application est un homomorphisme de groupe. Nous allons montrer que ϕ est bijectif. Comme GL2 (F2 ) et S3 sont finis et de même cardinal, il suffit de montrer que ϕ est injectif. a b Soient a, b, c, d ∈ F2 . On suppose que M := est dans le noyau c d de ϕ. Alors on a a a b 1 1 = = c c d 0 0 b a b 0 0 = = . d c d 1 1 1 0 Par conséquent, on a M := . L’homomorphisme de groupe ϕ est 0 1 donc bien injectif. Exercice 5 (Groupe Diédral). (1) Soit n ≥ 3. Montrer que le groupe des isométries Isom(Pn ) d’un polygône régulier Pn à n cotés est de cardinal au plus 2n. (2) Montrer que Isom(Pn ) est isomorphe au sous-groupe D2n de GL2 (R) généré par les matrices 2π cos 2π − sin 1 0 n n R := S := . 2π 0 −1 cos 2π sin n n Le groupe D2n est appelé groupe diédral (d’ordre 2n). Solution. (1) On note A1 , · · · , An les sommets de Pn , ordonnés de façon à s’assurer que les segments [Ai , Ai+1 ] sont des arêtes de Pn . 5 On s’inspire de la réponse à l’exercice 5 de la série 4. Une isométrie f de Pn envoie un sommet de Pn sur un sommet de Pn . La restriction des isométries du plan à l’ensemble E := {A1 , · · · , An } des sommets de Pn définit donc un homomorphisme de groupe ϕ : Isom(Pn ) −→ S(E). Soit f ∈ ker(ϕ). Comme ϕ(f ) est une bijection de E, l’isométrie f laisse invariant l’isobarycentre O de Pn . Comme ϕ(f ) est l’identité, la matrice de −−→ −−→ f dans le repère (O, OA1 , OA2 ) est la matrice identité. Par conséquent f est l’identité. Ainsi ϕ est injectif. Le groupe Isom(Pn ) est donc en bijection avec l’image de ϕ, dont on va borner le cardinal. Une isométrie f de Pn envoie le sommet A1 sur un sommet Ai de Pn . On a au plus n possibilités pour f (A1 ). L’isométrie f envoie l’arête [A1 , A2 ] sur une arête de Pn . Par conséquent, f (A2 ) est soit Ai−1 soit Ai+1 . l’image de A1 étant fixée, on a donc au plus 2 choix pour l’image de A2 . De même [f (A2 ), f (A3 )] est une arête de Pn différente de [f (A1 ), f (A2 )]. Ainsi si les images de A1 et A2 ont été fixées, on a un seul choix pour l’image de A3 . De même, par récurrence, on montre que si les images de Ai−1 et Ai ont été fixées, alors on a un seul choix pour l’image de Ai+1 . On en déduit donc que Isom(Pn ) a au plus 2n éléments. (2) On considère un repère orthonormé du plan de centre l’isobarycentre de Pn et dont un axe est la médiatrice du segment [An , A1 ]. La matrice R est la matrice de la rotation de centre O et d’angle 2π qui est une isométrie de n Pn . La matrice S est la matrice de la symétrie axiale d’axe la médiatrice du segment [An , A1 ] qui est une isométrie de Pn . Par conséquent Dn est bien isomorphe à un sous-groupe G de Isom(Pn ). La matrice R est d’ordre n, la matrice S est d’ordre 2 et n’appartient pas au groupe engendré par R. D’après le théorème de Lagrange, le cardinal de Dn est donc au moins 2n. Comme le cardinal de Isom(Pn ) est au plus 2n, les groupes G et Isom(Pn ) doivent être égaux. Exercice 6 (Indice d’un sous-groupe). Soient H et K deux sous-groupes d’un groupe G. (1) Soit x ∈ G. Montrer que la classe à gauche de x modulo H ∩ K est l’intersection de la classe à gauche de x modulo H et de la classe à gauche de x modulo K. (2) Montrer que, si K est d’indice fini dans G, alors [H : H ∩ K] ≤ [G : K]. (3) Montrer que, si H et K sont tous deux d’indices finis dans G, alors on a [G : H ∩ K] ≤ [G : H].[G : K]. (4) On suppose [G : H] = 2. Soit x ∈ G. Montrer que x2 ∈ H. (5) Soit A une partie non vide de G. Montrer qu’on a équivalence entre : • il existe un sous-groupe H de G tel que A soit une classe à droite modulo H ; • il existe c ∈ G tel que pour tout a, b ∈ A on ait ab−1 c ∈ A. 6 Solution. (1) On a bien x(H ∩ K) ⊂ (xH) ∩ (xK). Soit y ∈ (xH) ∩ (xK). Alors, il existe h ∈ H et k ∈ K tels que y = xh = xk. Comme x a un unique inverse, on doit avoir h = k ∈ H ∩ K. Ainsi x(H ∩ K) = (xH) ∩ (xK) (2) Soient x, y ∈ H avec x(H ∩ K) 6= y(H ∩ K). Alors y ∈ / x(H ∩ K). D’après la question précédente, on a donc y ∈ / xH ou x ∈ / xK. Cependant H est un sous-groupe de G et x, y ∈ H donc y = x(x−1 y) ∈ xH. Par conséquent on ay∈ / xK, i.e. xK 6= yK. Ainsi G/K a bien au moins autant d’éléments que H/(H ∩ K). (3) Soit x, y ∈ G. Si x(H ∩ K) 6= y(H ∩ K), alors y ∈ / x(H ∩ K). D’après la question précédente, on a donc y ∈ / xH ou y ∈ / xK i.e. (yH, yK) 6= (xh, xK). On a donc une injection de G/(H ∩ K) dans (G/H) × (G/K), d’où l’inégalité [G : H ∩ K] ≤ [G : H].[G : K]. (4) Par définition de [G : H], l’ensemble G/H est de cardinal 2. On a donc deux classes égales parmis les trois classes H, xH et x2 H. Si H = xH, alors x ∈ H et donc x2 ∈ H. si xH = x2 H, alors x = x−1 (x2 ) ∈ H et donc x2 ∈ H. Si H = x2 H, on a bien sur x2 ∈ H. (5) Dire que A est une classe à droite modulo un sous-groupe H de G signifie que A = Hc pour un certain c ∈ G et un certain sous-groupe H de G, c’est-à-dire que Ac−1 est un sous-groupe de G. Par définition d’un sous-groupe de G, A est une classe à droite modulo un sous-groupe de G si et seulement si pour tout a, b ∈ A on a ab−1 c = (ac−1 )(bc−1 )−1 c ∈ A.