cette énumération que nous terminerons en rappelant que Berlin, capitale dési-
gnée, est à 80 kilomètres de la frontière polonaise.
Cependant l'Allemagne a besoin, avant tout, que se poursuive l'unification des
Douze dans le cadre tracé par les Traités de Luxembourg et de Maastricht
entre 1985 et 1992. Les contributions que nous publions dans le présent cahier
sous la plume de deux des banquiers les plus importants d'Allemagne le rap-
pellent opportunément. L'Europe de l'Ouest est de loin le partenaire commer-
cial le plus important de la République fédérale, et la sécurité intérieure et exté-
rieure du territoire allemand est aujourd'hui inextricablement mêlée à celle de
ses associés de la Communauté, de l'UEO et … malgré des pannes d'alluma-
ge…du Traité de Schengen. Mais ces nombreuses interdépendances, dont la
plus considérable est celle qui s'est tissée entre l'Allemagne et les États-Unis,
constituent un ensemble complexe et difficilement compréhensible pour la
masse des citoyens qui sont aussi et avant tout des consommateurs de pro-
duits de communication. Le monde simple, simplifié et simplifiant de la Guerre
froide était beaucoup plus accessible et intelligible pour l'électeur moyen. D'où
l'attrait que risquent d'exercer sur beaucoup d'esprits inquiets – et indirecte-
ment aussi sur des groupements politiques et sur des personnalités politiques
de type plus traditionnel (mais qui redoutent la concurrence des nouveaux
venants) – les partis habiles à manier des armes empoisonnées comme la
xénophobie, l'exploitation des scandales (que la démocratie étale alors que
les régimes totalitaires les cachent) ou la crainte de perdre le cher Deutsche
Mark, symbole d'une sécurité que l'on croyait assurée à jamais et qui, soudain,
apparaît comme fragilisée. Dans les grandes négociations de ces derniers
mois comme aussi dans celles qui sont en cours, le rôle de l'Allemagne grandit
sur la base de tous ces éléments positivement ou négativement pesants, mais
ils devient en même temps de plus en plus difficile à assumer. L'Allemagne a
un besoin impérieux de ne pas voir se diviser et s'affronter ses deux alliés
essentiels, les États-Unis et la France. D'où le rôle majeur qu'elle a joué dans
la crise du GATT. Mais les Balkans se situent dans son voisinage immédiat :
la Slovénie a fait partie pendant dix siècles du Saint Empire et de l'Empire autri-
chien, mais pendant quatre ans seulement de l'Empire français…
Cependant il y a près de dix mille soldats français en Croatie et en Bosnie, et
aucun militaire allemand. L'opinion allemande a été au moins aussi mobilisée
contre les agressions serbes que l'est actuellement l'opinion française, mais
il ne peut être question, ne fût ce qu'à cause des souvenirs de la dernière guer-
re, d'une participation allemande directe aux opérations qui ont failli s'y enga-
ger et dans lesquelles les Français ont failli tenir un rôle important. Les esprits
en Allemagne ne sont pas encore mûrs pour de tels développements, les dif-
ficultés auxquelles s'est heurtée la participation allemande aux sanctions de
l'ONU en Somalie l'ont bien montré.
Avec une force armée réduite à quelque 300 000 hommes et naturellement
dépourvue d'armes nucléaires, l'Allemagne si puissante que soit (ou fut) son
économie (car cette puissance-là aussi est en train de diminuer), n'est pas un
partenaire militaire de premier rang. Et pourtant elle assume le Secrétariat
général de l'Alliance atlantique…
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