
 
Partenariat social : la fin de l’exception allemande ? 
René Lasserre
 
Le  système  de  relations  du  travail  tel  qu’il s’est  reconstruit  en 
République fédérale après la Seconde Guerre mondiale a longtemps fait 
figure  de  modèle  en  Europe  et  dans  le  monde  occidental.  Il  semblait 
pouvoir résoudre la quadrature du cercle en parvenant à la fois à garantir 
aux salariés ouest-allemands un niveau de rémunération et des standards 
sociaux  élevés  et  par  là-même  la  paix  sociale,  tout  en  assurant  une 
excellente  compétitivité  des  entreprises  et  un  niveau  élevé  d’emploi. 
Même  si,  sur  ce  dernier  front,  les  performances  du  pays  se  sont 
sensiblement  détériorées  avec  l’apparition  d’un  chômage  durable  à  la 
suite  des  chocs  pétroliers,  le    artenariat  social n’en  pas moins continué 
d’apparaître  comme  l’un  des  principaux  ressorts  de  la  capacité 
d’adaptation dont l’économie allemande  a fait preuve  face à la nouvelle 
donne de l’économie mondiale au cours des années 80. Et si des doutes 
se  sont  dès  cette  époque  exprimés  sur  la  viabilité  à  long  terme  du 
« modèle  social  allemand »,  ils  portaient  davantage  sur  la  dérive 
programmée  de  l’Etat  providence  et  le  coût  croissant  de  la  protection 
sociale que sur le système de relations professionnelles proprement dit et 
sur l’efficacité de celui-ci à réguler les conditions de rémunération et de 
travail aussi bien au niveau global qu’à celui des entreprises.  
Ce n’est qu’à partir du tournant des années 90, sous l’effet conjugué 
de  l’unification, de l’accélération  du processus de globalisation  et d’une 
intégration  économique  de  plus  en  plus  poussée  du  marché  européen 
que  se  manifestent  des  symptômes  de  crise  tangibles  dans  le 
fonctionnement  des  mécanismes  de  régulation  sociale  au  sein  de 
l’Allemagne désormais unifiée. Cette crise du partenariat social allemand 
a fait l’objet, au cours des vingt dernières années écoulées, de multiples 
analyses et surtout d’évaluations contradictoires.  En Allemagne, comme 
en  Europe  et  aux  Etats-Unis,  elle  a  souvent  été  placée  au  centre  des 
interrogations et du débat sur la compétitivité du « site Allemagne » : le 
partenariat  social  générait  des  contraintes  et  des  rigidités  qui 
constituaient  l’un  des  handicaps  majeurs  de  l’économie  allemande  à 
s’adapter  aux  impératifs  de  coût  et  de  flexibilité  de  la  globalisation.  A 
l’inverse, l’analyse que nous en proposerons ici tendra à montrer que le 
système allemand de relations sociales a fait preuve, dans le réajustement 
et  la  réarticulation  de  ses  mécanismes  de  régulation,  d’une  singulière 
adaptabilité  qui  a  permis  aux  entreprises  allemandes  de  surmonter  les 
 
 Professeur  d’études  allemandes  contemporaines  à  l’Université  de  Cergy-Pontoise, 
Directeur du CIRAC