La spasticité refléterait une hyperactivité sélective du système gamma. Les parties polaires
des fuseaux étant alors plus contractées, la sensibilité de la partie centrale serait accrue ; suite
à une percussion, l'émission de potentiels d'action dans les fibres Ia serait plus élevée et
l'activation des motoneurones plus marquée. L'hyperréflexie en résulterait. En raison de
l'influence de la vitesse d'étirement sur le niveau de résistance offerte à la mobilisation passive
chez les spastiques, c'est la modalité dynamique de l'innervation gamma qui serait facilitée.
La rigidité serait également liée à une hyperactivité gamma mais, comme la vitesse
d'étirement l'influence peu, c'est la modalité statique de l'innervation gamma qui serait accrue.
Critique de la conception classique
La conception " classique " du tonus, expliquée par des modulations d'activité dans la boucle
du réflexe d'étirement, ne rend pas compte de certains faits cliniques et expérimentaux. Les
critiques sont cependant rares et discrètes, sans doute en raison d'un relatif manque d'intérêt
actuel pour ce sujet et de la non-reconnaissance du fait que les cliniciens et les physiologistes
donnent un sens différent au mot tonus [13].
On devrait s'attendre à toujours observer un parallélisme parfait entre résistance à la
mobilisation passive et vivacité des réflexes tendineux. Ce parallélisme existe effectivement
dans certains cas, par exemple l'ataxie sensitive ou, inversement, la spasticité. Il existe
pourtant de nombreuses exceptions, par exemple dans le syndrome cérébelleux ou encore, les
phases initiales d'un accident vasculaire cérébral. Ces observations communes, peu
conciliables avec l'hypothèse de la boucle myotatique comme substrat anatomofonctionnel du
tonus, n'ont guère reçu d'explications si ce n'est en faisant référence à une dualité bien connue
chez le chat décérébré, à savoir l'existence d'un réflexe phasique contemporain de l'étirement
rapide et d'un réflexe tonique persistant tant que le muscle est allongé. Cependant, le réflexe
tonique est très difficile à provoquer chez l'homme, et l'interprétation des divergences entre
vivacité des réflexes et résistance à la mobilisation reste douteuse.
Une autre critique provient de l'étude des activités de base dans les fibres afférentes Ia. Depuis
une vingtaine d'années, on dispose d'une technique, la microneurographie, qui permet
l'enregistrement direct chez l'homme d'une fibre nerveuse isolée au sein d'un nerf périphérique
[33]. Il est possible de reconnaître l'activité des fibres Ia, notamment en raison de leur vitesse
de conduction. La microneurographie a mis en évidence une différence essentielle entre
l'homme et le chat : chez l'homme normal, il n'existe pas de potentiels d'action parcourant les
fibres Ia en l'absence de contraction musculaire [10]. On ne peut donc envisager qu'il existe
un tonus de base lié à un certain régime d'afférences qui pourrait être modifié en plus ou en
moins. S'il n'y a pas, dans les conditions normales, de décharges Ia, on ne peut interpréter, par
exemple, l'hypotonie cérébelleuse par une réduction de ces afférences, éventuellement liée à
un hypofonctionnement du système gamma.
La microneurographie peut indirectement tester les hypothèses faisant intervenir le système
gamma : si ce dernier est hyperactif, les décharges enregistrées au niveau d'une fibre Ia
devraient être plus nombreuses et inversement. La microneurographie est beaucoup plus
spécifique de l'exploration du système gamma que les techniques proposées auparavant, telles
que la comparaison des réflexes évoqués mécaniquement (dépendant du système gamma) et
électriquement (court-circuitant le système gamma) ou la procaïnisation graduée d'un nerf
moteur. La microneurographie n'est cependant pas à l'abri des critiques car les résultats
reposent sur un échantillonnage forcément limité. Les conclusions sont, de ce fait, à apprécier