Marqueurs immunologiques de la polyarthrite rhumatoïde.

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Revue Marocaine de Rhumatologie
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La polyarthrite rhumatoïde (PR) est la plus fréquente des
maladies auto-immunes et des rhumatismes inflammatoires
chroniques humaines. Elle affecte entre 0,3 % et 1 % de la
population générale, préférentiellement les femmes, avec
un pic de prévalence entre 40 et 60 ans [1]. D’étiologie
encore inconnue, cette pathologie est caractérisée par
l’inflammation des membranes synoviales des articulations
menant à terme à une destruction du cartilage, des
tendons, des ligaments et à des érosions osseuses. Avec
les récentes avancées thérapeutiques, il devient important
de pouvoir diagnostiquer cette affection de manière
précoce et spécifique afin d’instaurer le plus rapidement
possible un traitement efficace [2, 3]. En plus des critères
cliniques et radiologiques, des marqueurs biologiques
peuvent contribuer à ce diagnostic. De nombreux auto-
anticorps associés à la PR ont ainsi été décrits [3, 4].
Durant ces dernières années, l’approche diagnostique de
la PR a subi des changements importants. Actuellement
et idéalement, on demanderait au clinicien de porter
le diagnostic de PR au stade d’«arthrite indifférenciée»
alors que les signes sont encore frustes, les radiographies
osseuses souvent muettes et les diagnostics différentiels
nombreux, c’est-à-dire dans les 6 mois suivant les
premières manifestations. A ce stade les traitements de
Résumé
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une
aection auto-immune chronique et
progressive. Elle se caractérise par une
inammation symétrique des membranes
synoviales des articulations pouvant entrainer
leur destruction. Le démarrage d’un traitement
à un stade précoce de la PR permet de limiter
l’évolution radiologique des patients. D’où
l’intérêt de pouvoir diagnostiquer la maladie à
un stade précoce.
Un bon marqueur sérologique est donc
nécessaire au début de la maladie et pendant
le suivi. En eet, les marqueurs sérologiques
peuvent aider les cliniciens à prédire le pronostic
et indiquer un traitement plus agressif.
Nous proposons à travers cet article une
analyse actualisée des diérents marqueurs
immunologiques de la PR et de leur place dans
le diagnostic et le pronostic de cette pathologie.
Mots clés : Polyarthrite rhumatoïde; Auto-
anticorps; Facteur rhumatoïde; Anti-CCP.
Abstract
Rheumatoid arthritis (RA) is a chronic,
progressive autoimmune disease. It is
characterized by symmetric inammation of
synovial membranes of the joints that can
cause their destruction. Starting treatment at
an early stage of RA can limit the radiological
outcome of patients.
A good serological marker is necessary either
at the beginning of the disease and during
follow-up. Indeed, serological markers may
help clinicians predict prognosis and indicate a
more aggressive treatment.
We propose, through this article, to make an
updated analysis of dierent immunological
markers of RA and their role in the diagnosis
and prognosis of this disease.
Key words : Rheumatoid arthritis; Auto-
antibodies; Rheumatoid factor; Anti-CCP.
FMC
Marqueurs immunologiques de la polyarthrite rhumatoïde.
The immunological markers of rheumatoid arthritis.
Jalila El Bakkouri1,2, Hassan Fellah2
1 Laboratoire d’immunologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca - Maroc.
2 Laboratoire d’immunologie, Faculté de Médecine et de Pharmacie, Casablanca - Maroc.
Rev Mar Rhum 2014; 28: 3-9
Correspondance à adresser à : Dr J. El Bakkouri
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Revue Marocaine de Rhumatologie
fond seraient [2, 3]. Ce besoin urgent de reconnaître et
de traiter la maladie le plus précocement possible afin de
prévenir ses complications a permis le développement
d’un nouvel ensemble de critères de classification de
la PR pour remplacer ceux de l’American College of
Rheumatology (ACR) datant de 1987 [5]. Ces nouveaux
critères de diagnostic, développés en 2010 [6], ont pour
objectif d’identifier les patients à une phase précoce de
leur maladie, de sorte qu’un traitement de fond approprié
puisse être initié dès que possible. En même temps, des
études ont souligné l’importance de développer des tests
de diagnostic précoce et de pronostic plus sensibles et
plus spécifiques afin que la mise en place du traitement
soit la plus appropriée en fonction de l’évolution de la
maladie [3, 4].
Dans cette mise au point, nous tâcherons de préciser
l’intérêt des marqueurs que nous recherchons dans le cadre
de la PR et dans quelle mesure ces paramètres peuvent-ils
aider le clinicien dans sa prise en charge diagnostique et
son évaluation pronostique.
DOSAGE DU FACTEUR RHUMATOÏDE (FR)
Le FR représente un auto-anticorps dirigé contre la
fraction constante des immunoglobulines G. Il peut être
de différentes classes mais en pratique quotidienne, on
ne s’intéresse généralement qu’aux IgM anti-IgG [7, 8].
Ces auto-anticorps constituent un procédé physiologique
d’élimination d’immuns complexes circulants, dans ce
cas ils sont transitoires et à taux faibles. La production
des FR est donc liée aux processus inflammatoires et n’est
pas synonyme de PR. En revanche, leurs titres élevés,
leur persistance traduisent un processus inflammatoire
chronique et probablement un dérèglement du système
immunitaire, encore une fois, non spécifique de la PR. [8]
Le FR est reconnu depuis plusieurs années comme étant
un marqueur biologique de diagnostic et de pronostic de
la PR. Il peut être détecté chez 60 à 80% des patients
atteints [9]. Toutefois, il peut être détecté dans d’autres
maladies auto-immunes, telles que le syndrome de Sjögren
(60-80%), la cryoglobulinémie mixte (50 à 60%), le lupus
systémique (20 à 30%) et dans diverses pathologies non
auto-immunes, y compris les maladies infectieuses, ainsi
que chez les sujets sains (5% à 10% avec une fréquence
qui augmente chez le sujet âgé) [10].
Malgré cela, l’utilité du FR dans le diagnostic et le pronostic
de la PR a été bien établie. C’est l’un des sept critères
révisés ACR 1987 pour la classification de la PR utilisés
pour la sélection des sujets pour des études de recherche
et d’essais cliniques [10]. Les résultats des tests du FR
doivent être interprétés en fonction de la symptomatologie
clinique et du titre. Chez les patients présentant une
arthrite indifférenciée débutante, la présence de FR à titre
élevé (> à 50 UI/mL) peut différencier les patients atteints
de PR des autres causes (spécificité de 91% à 96%), mais
elle souffre d’une faible sensibilité (45% à 54%) [11, 12].
Il a également été suggéré que des titres élevés peuvent
prédire la détérioration ultérieure de l’articulation et
donc l’installation d’une arthrite rhumatoïde érosive [11,
13]. Toutefois, ces critères ont démontré une spécificité
relativement faible de 89% avec une sensibilité de 91 à
94% pour le diagnostic de la PR établie [7]. En début de la
maladie, la sensibilité diagnostique est encore plus faible
(44 à 60%) [14]. Malgré cela, le dosage du FR reste utile
dans le diagnostic différentiel et le pronostic des patients
atteints d’arthrite puisque la production persistante à des
niveaux élevés du FR est typique de la PR et représente
un signe de progression de la maladie. La détection
supplémentaire des autres isotypes (autres que IgM), en
particulier le FR de type IgA et IgG, peut améliorer la
valeur diagnostique et pronostique du FR [8, 15]. Il est
aussi bien connu qu’une élévation du FR dans le sérum
peut précéder l’apparition de la maladie [15]. Le FR est
même parfois considéré comme un marqueur d’activité de
la maladie et son déclin sous traitement serait un signe de
bonne réponse thérapeutique. [10]
La recherche du FR peut se faire par des méthodes
d’agglutination, des méthodes automatisées (néphélémétrie,
turbidimétrie) ou des tests immunoenzymatiques (ELISA).
Les techniques d’agglutination, représentées par le test
de latex et le test de Waaler Rose (hémagglutination),
ne permettent de détecter que les IgM (les IgA et les IgG
ne sont pas agglutinantes). Les méthodes automatisées
(néphélémétrie, turbidimétrie) ou les tests immuno-
enzymatiques (ELISA) semblent offrir de meilleures
performances de sensibilité, par rapport aux méthodes
d’agglutination (latex : IgM anti-IgG humaines ; Waaler
Rose : IgM anti-IgG de lapin). Un contrôle national de
qualité réalisé en France en 1998 [16] a confirmé cette
hypothèse et a montré le manque de standardisation des
méthodes d’agglutination. La Haute Autorité de Santé
(HAS) française, préconise donc clairement depuis
2007, l’abandon des méthodes de dosages du FR par
agglutination, au profit des méthodes ELISA, de turbidimétrie
ou de néphélémétrie [17]. Malgré cela, en pratique
courante, beaucoup de médecins, même en France,
semblent garder l’habitude de demander le dosage « latex
et Waaler Rose (WR) ». Cette combinaison, associant un
J. El Bakkouri et al.
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test présumé sensible (latex) et un test présumé spécifique
(WR), est supposée apporter sensibilité et spécificité au
diagnostic biologique de la PR. Mais, des études ayant
évalué les performances des méthodes de dosage des FR
en vue du diagnostic précoce de la PR rapportent que la
sensibilité de la combinaison « latex/Waaler Rose » est
faible, ne dépistant que 30% des maladies rhumatoïdes
évoluant depuis moins de 1 ans [18, 19]. Les techniques
d’ELISA, de néphélémétrie et de turbidimétrie sont donc
plus sensibles et donnent des résultats plus homogènes
que les techniques d’agglutination permettant ainsi une
meilleure standardisation des résultats [8].
RECHERCHE DES ANTICORPS ANTI-
PROTÉINES/PEPTIDES CITRULLINÉS (ACPA -
ANTI-CITRULLINATED PROTEINS/PEPTIDES
ANTIBODIES)
La mauvaise spécificité du FR dans la PR a conduit à la
recherche de marqueurs biologiques plus spécifiques de
la pathologie. Dès les années 1960, on a vu apparaître
des tests basés sur l’immunofluorescence, apportant un
complément diagnostique utile à la prise en charge de
la PR, notamment par leur grande spécificité. Ces tests
recherchaient des anticorps anti-facteurs périnucléaires
(APF) [20] ou, à partir de 1980, des anticorps
improprement appelés antikératine [21]. Ils n’ont connu
qu’une diffusion limitée de par leur faible sensibilité et leur
manque de standardisation [18, 22]. Ils ont néanmoins
conduit à l’identification d’un antigène, cible de la
réactivité des sérums de patients souffrant de PR : la (pro-)
filaggrine citrullinée.
L’anticorps anti-facteur périnucléaire (APF) a donc été
découvert en 1964 dans des cellules épithéliales humaines
de la muqueuse jugale [17]. Quinze ans plus tard, Young
et al. Ont décrit des auto-anticorps capables de marquer
la couche cornée de l’épithélium de l’œsophage du
rat en immunofluorescence indirecte [23]. Pensant que
le marquage produit était dû à la reconnaissance du
principal constituant de la couche cornée, la kératine, les
auteurs baptisèrent ces anticorps « anticorps anti-kératines
» (AKA). Cette dénomination était fausse car les antigènes
reconnus ont été par la suite caractérisés et attribués (les
APF aussi) à une protéine épidermique, la filaggrine. Les
auto-anticorps décrits comme spécifiques de la PR (APF et
AKA) appartiennent donc à une même famille d’anticorps
reconnaissant des déterminants antigéniques citrullinés de
la filaggrine épidermique humaine et sont donc appelés
les anti-fillagrines [24].
La fillagrine est une molécule qui n’existe pas au sein
de l’articulation mais plusieurs travaux ont montré qu’il
pouvait exister différents substrats moléculaires (la
vimentine [25], la fibrine [26] ou d’autres encore [8,
27]) susceptibles d’être transformés in vivo par processus
de «dé-imination». Ce processus enzymatique est lié
au recrutement de macrophages qui contiennent dans
leurs granules, la peptidyl-arginine-déiminase (PAD),
enzyme de citrullination libérée au cours du processus
inflammatoire. La citrulline est un acide aminé dérivé
de l’arginine suite à l’action post-traductionnelle de la
peptidylarginine déiminase (PAD) [28]. Il existe au moins
5 sous-types de cette enzyme (PAD 1, 2, 3, 4 et 6) qui
sont exprimés de manières différentes selon les tissus [29].
Dans un environnement inflammatoire (comme dans les
articulations des patients atteints de PR), PAD 2 et PAD 4
sont présentes en abondance. L’action de ces enzymes,
dont l’activité dépend de concentrations élevées en
calcium, conduit probablement à la citrullination locale
de protéines présentes au niveau de l’articulation, telles
la fibrine et la vimentine. Les épitopes citrullinés produits
au sein de l’articulation inflammatoire sont exposés
par les allèles HLA associés à la PR (HLA DRB1*0401,
DRB1*0404, par exemple). Les complexes HLA-peptides
citrullinés conduiraient à une réponse immunitaire
inappropriée, s’accompagnant d’inflammation chronique
et de destruction osseuse.
Les ACPA sont donc une caractéristique de la PR et peuvent
être évalués en utilisant différents substrats citrullinées.
a- Anti-peptides cycliques citrullinés (anti-CCP)
Le peptide cyclique citrulliné (CCP) est un peptide de
synthèse construit à partir de la filagrine. La recherche
d’anticorps anti-CCP par méthode Elisa s’est développée ces
dernières années. Les trousses Elisa de première génération
commercialisées (CCP1) utilisaient comme antigènes des
variants cycliques de peptides citrullinés dérivés de la
séquence de la filaggrine humaine. Mais l’hypothèse selon
laquelle la filaggrine n’est probablement pas à l’origine
de la réponse humorale, puisque cette protéine n’est pas
présente dans les articulations, a conduit à choisir d’autres
peptides citrullinés à partir de banques protéiques en utilisant
des sérums de patients atteints de PR pour sélectionner
les peptides les plus spécifiques. Ces peptides ont ensuite
été cyclisés pour permettre une meilleure exposition de
l’antigène. Les trousses de deuxième génération (CCP2)
ainsi obtenues permettent la détection d’anticorps dits anti-
peptides cycliques citrullinés (anti-CCP) avec une sensibilité
et une spécificité élevées pour la PR [3, 4, 30, 31].
Marqueurs immunologiques de la polyarthrite rhumatoïde.
6
Revue Marocaine de Rhumatologie
- Intérêt diagnostique des anti-CCP
Selon les recommandations de l’HAS, les tests
d’immunofluorescence (AKA) mise en œuvre pour
la recherche des anticorps antiprotéines et peptides
citrullinés, doivent être abandonnés au profit des méthodes
ELISA, plus performantes et mieux standardisées [32].
Le test, de deuxième génération (CCP2), est issu de recherches
intenses pour optimiser les performances diagnostiques
[33]. De 2003 à 2005, la source antigénique, unique pour
ces coffrets, ne pouvait qu’améliorer la standardisation
inter laboratoires. Selon les données de la littérature, la
sensibilité moyenne des trousses dosant les anticorps anti-
CCP2 est proche de 70 % et la spécificité supérieure à
95 % [34]. Selon la même étude, les chiffres de sensibilité
chuteraient toutefois en dessous de 50 % dans le cadre du
diagnostic précoce de la PR [34]. En revanche, 20 à 30 %
des patients qui n’ont pas de FR présenteraient des anticorps
anti-CCP2 [8, 35]. Inversement, on retrouve des FR chez
plus d’un tiers des patients qui n’ont pas d’anticorps anti-
CCP2 [8, 35]. Il apparaît donc que le dosage des FR reste
utile au diagnostic de la PR, notamment pour les formes
débutantes, soit en combinaison d’emblée, soit peut-être en
seconde intention, en l’absence d’anticorps anti-CCP2.
Il a été démontré que chez les patients atteints d’arthrite
précoce, les tests anti-CCP sont presque aussi sensible que
FR, et encore plus spécifique (Sn 41% à 67%, Sp 96%
à 98%) [11, 36]. Il y a un chevauchement considérable
dans les résultats des tests pour les patients à haut
titre de FR et d’anti-CCP et donc, par conséquent, la
recherche d’anticorps anti-CCP pourrait ne pas fournir
des informations diagnostiques utiles chez les patients
présentant des niveaux élevés de FR. Cependant, chez les
patients ayant des taux faibles de FR, les anticorps anti-
CCP doivent être recherchés car ils restent très spécifiques
de la PR, et peuvent donc diagnostiquer un sous-ensemble
supplémentaire de patients séronégatifs au FR [11, 12].
La méthode la plus fréquemment utilisée pour la détection
des anticorps anti-CCP est l’ELISA.
- Intérêt prédictif
Les anticorps anti-CCP sont souvent présents avant même la
manifestation de la symptomatologie typique de l’arthrite
rhumatoïde. Des études montrent que le test anti-CCP2
peut être positif très longtemps (jusqu’à 14 ans) avant
la manifestation des symptômes arthritiques, et permet
l’identification de patients à haut risque de développer
une arthrite rhumatoïde [37,38]. Ces observations ont
donné le projet de nouveaux critères permettant d’estimer
le risque de future PR chez des patients présentant une
arthrite indifférenciée. Une version simplifiée de ces
critères prédictifs a été proposée par Yanome et al. avec
quatre critères diagnostiques (anti-CCP2, FR, CRP, «plus
de 3 articulations tuméfiées»), elle permet d’estimer le
risque dans les 24 mois suivant le début des symptômes
(spécificité 98%; valeur prédictive positive 95%) [39].
- Intérêt pronostique
L’anti-CCP2 peut très bien être utilisé comme marqueur
pronostique. La validité de ce test pour prédire l’évolution
vers des lésions articulaires érosives au stade initial de
l’arthrite rhumatoïde a été confirmée par plusieurs études
d’évolution. La présence d’anticorps anti-CCP et de FR dans
le sérum de patients souffrant d’arthrite rhumatoïde est
significativement associée à une progression radiologique
importante [40].
Sur la base de ces données confirmant leur rôle prédictif
et pronostique, les anti-CCP ont été inclus en tant que
nouveau critère sérologique de classification de PR depuis
l’année 2010 [6, 41].
b- Anticorps anti-kératine (AKA)
La recherche des AKA a depuis longtemps son indication
dans le diagnostic de la PR. Elle est réalisée par
immunofluorescence indirecte sur coupe d’oesophage
de rat. Cependant, ces tests sont moins sensibles que la
recherche d’anti-CCP pour diagnostiquer la PR. Aussi, ils
ne permettent pas d’établir le pronostic d’évolution de la
maladie [40].
Les performances des AKA étant donc inférieures à
celle des anti-CCP. Leur recherche est progressivement
abandonnée au profit des anti-CCP qui représentent une
alternative plus efficace.
c- Anticorps anti-vimentine citrullinée
Pour répondre à la question des patients atteints de PR
séronégative, pour lesquels la recherche des anti-CCP et
du FR reste négative, d’autres ACPA comme les anticorps
anti-vimentine mutés citrullinés (anti-MCV-mutated
citrullinated vimentin) ont été étudiés [42, 43].
La vimentine est une protéine humaine qui a été observée
dans la synoviale des patients atteints de PR. C’est un
constituant des filaments intermédiaires du cytosquelette
de très nombreuses cellules et qui est plus fortement
exprimé dans les cellules mésenchymateuses comme les
cellules endothéliales, les fibroblastes, les chondrocytes,
les macrophages... La citrullination de la protéine se
produit en particulier dans les macrophages subissant une
J. El Bakkouri et al.
FMC
7
Revue Marocaine de Rhumatologie
apoptose. Cette protéine citrullinée appelée auparavant
l’antigène Sa est maintenant connue comme sous le nom de
MCV. L’Ag recombinant de la vimentine mutée citrullinée
(MCV) a été proposé comme une cible antigénique plus
sensible des ACPA. [42]
Alors que la détection immuno-enzymatique des anticorps
anti-MCV donne des performances diagnostiques
similaires aux tests de deuxième génération d’anti-CCP
(sensibilité de 64% à 84% et spécificité de 79% à 96%)
[10, 11, 43], des études évaluant la recherche des
anticorps anti-MCV ont montré un intérêt meilleur dans la
prévision de la progression et de l’activité de la maladie
par rapport aux anti-CCP [10, 44]. Aussi, il a été rappor
que les anti-MCV ont été retrouvés chez 12 à 15% des
patients atteints de PR et ayant des anti-CCP négatifs [44].
En outre, la présence des anticorps anti-MCV pourrait
être associée à une PR plus active et plus sévères et donc
leur recherche permettrait de mieux classer patients en
bons ou mauvais répondeurs et de prédire la progression
radiographique chose que la recherche des anti-CCP ne
permet pas [45]. Cependant, une conclusion définitive
sur l’utilité diagnostic et prédictive supplémentaire des
anti-MCV par rapport aux anti-CCP dans la PR ne peut
être tirée vu la taille limitée de l’échantillon de patients
inscrits dans la majorité des études publiées ce qui entrave
certainement les résultats et l’interprétation des données.
d- Autres ACPA
Des études récentes ont souligné la bonne performance
diagnostique d’anticorps ciblant des antigènes citrullinés
autres que le CCP et le MCV.
Un nouveau peptide viral citrulliné nommé VCP2 (Viral
citrullinated peptide) dérivé du virus d’Epstein-Barr
protéine codée par le virus EBNA-2 [46] a été identifié.
Il a été démontré que les trois isotypes des anticorps anti-
VCP2 sont de bons et sensibles outils diagnostic, étant
détectés presque exclusivement chez les patients atteints
de PR par rapport à des sujets témoins et des patients
souffrant d’autres maladies auto-immunes [47]. Aussi, les
anticorps anti-VCP2 sembleraient avoir une concordance
élevée; les anti-CCP et leur présence serait associée à un
risque plus élevé de maladie érosive [48].
En outre, d’autres auto-anticorps dirigés contre les autres
auto-antigènes citrullinés et ayant une sensibilité et une
spécificité élevées pour la PR ont été décrits, tels que ceux
dirigés contre la fibrine et le fibrinogène, l’alpha-énolase
et collagène de type II. Comme ça a été montré pour les
anti-CCP, ils peuvent également être détectés au début
de la PR et prédire la progression radiologique de la PR
[10]. Cependant, des tests commerciales standardisés à
la recherche de ces auto-anticorps ne sont pas disponibles
pour le moment pour le diagnostique de routine. Aussi,
il reste à démontrer si ces auto-anticorps fournissent des
informations supplémentaires par rapport aux anti-CCP.
MARQUEURS NON SPÉCIFIQUES
Certains paramètres immunologiques, non spécifiques de
la PR, trouvent une place légitime dans la mise en place
diagnostique de la maladie.
a- Anticorps antinucléaires (ANA- antinuclear
antibodies)
La recherche d’AAN a d’abord une utilité externe de
diagnostic différentiel. Si la présence d’Ac anti-SSA peut
s’associer à la PR dans le cadre d’un syndrome de Sjögren
secondaire, les autres spécificités d’ANA permettront
généralement d’identifier d’autres connectivites (lupus,
polymyosites, connectivites indifférenciées…) qui peuvent
se révéler par des arthralgies inflammatoires. [8, 11]
b- Anticorps anti-neutrophiles cytoplasmiques
(ANCA)
La recherche des ANCA (anti-neutrophil cytoplasmic
antibodies), observés dans certaines vascularites et
glomérulonéphrites, s’inscrit dans la même démarche
de diagnostic différentiel car ces vascularites peuvent
s’accompagner, elles aussi, de douleurs articulaires de
rythme inflammatoire. On notera que les vascularites
rhumatoïdes ne s’accompagnent pas d’ANCA [48].
c- C-réactive protéine (CRP), vitesse de
sédimentation (VS) et l’électrophorèse des
protéines sériques (EPP)
Dans le cadre de douleurs articulaires chroniques, un
premier bilan biologique simple à pour but l’appréciation
du syndrome inflammatoire. Il est exploré au mieux par
le dosage sérique de la CRP dont le taux peut s’élever
considérablement au cours de la PR. La VS à la 1ère
heure est aussi un teste simple et utile. La réalisation
de l’électrophorèse des protéines sériques note une
augmentation des alpha-2-globulines (en lien avec les
protéines de l’inflammation) et peux aider à surveiller
l’émergence d’un composant monoclonal, complication
fréquente des maladies inflammatoires chroniques et auto-
immunes. [8]
L’évaluation du contexte inflammatoire au cours d’une
arthropathie a certes un intérêt diagnostique mais plus
Marqueurs immunologiques de la polyarthrite rhumatoïde.
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