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Revue Marocaine de Rhumatologie
fond seraient [2, 3]. Ce besoin urgent de reconnaître et
de traiter la maladie le plus précocement possible afin de
prévenir ses complications a permis le développement
d’un nouvel ensemble de critères de classification de
la PR pour remplacer ceux de l’American College of
Rheumatology (ACR) datant de 1987 [5]. Ces nouveaux
critères de diagnostic, développés en 2010 [6], ont pour
objectif d’identifier les patients à une phase précoce de
leur maladie, de sorte qu’un traitement de fond approprié
puisse être initié dès que possible. En même temps, des
études ont souligné l’importance de développer des tests
de diagnostic précoce et de pronostic plus sensibles et
plus spécifiques afin que la mise en place du traitement
soit la plus appropriée en fonction de l’évolution de la
maladie [3, 4].
Dans cette mise au point, nous tâcherons de préciser
l’intérêt des marqueurs que nous recherchons dans le cadre
de la PR et dans quelle mesure ces paramètres peuvent-ils
aider le clinicien dans sa prise en charge diagnostique et
son évaluation pronostique.
DOSAGE DU FACTEUR RHUMATOÏDE (FR)
Le FR représente un auto-anticorps dirigé contre la
fraction constante des immunoglobulines G. Il peut être
de différentes classes mais en pratique quotidienne, on
ne s’intéresse généralement qu’aux IgM anti-IgG [7, 8].
Ces auto-anticorps constituent un procédé physiologique
d’élimination d’immuns complexes circulants, dans ce
cas ils sont transitoires et à taux faibles. La production
des FR est donc liée aux processus inflammatoires et n’est
pas synonyme de PR. En revanche, leurs titres élevés,
leur persistance traduisent un processus inflammatoire
chronique et probablement un dérèglement du système
immunitaire, encore une fois, non spécifique de la PR. [8]
Le FR est reconnu depuis plusieurs années comme étant
un marqueur biologique de diagnostic et de pronostic de
la PR. Il peut être détecté chez 60 à 80% des patients
atteints [9]. Toutefois, il peut être détecté dans d’autres
maladies auto-immunes, telles que le syndrome de Sjögren
(60-80%), la cryoglobulinémie mixte (50 à 60%), le lupus
systémique (20 à 30%) et dans diverses pathologies non
auto-immunes, y compris les maladies infectieuses, ainsi
que chez les sujets sains (5% à 10% avec une fréquence
qui augmente chez le sujet âgé) [10].
Malgré cela, l’utilité du FR dans le diagnostic et le pronostic
de la PR a été bien établie. C’est l’un des sept critères
révisés ACR 1987 pour la classification de la PR utilisés
pour la sélection des sujets pour des études de recherche
et d’essais cliniques [10]. Les résultats des tests du FR
doivent être interprétés en fonction de la symptomatologie
clinique et du titre. Chez les patients présentant une
arthrite indifférenciée débutante, la présence de FR à titre
élevé (> à 50 UI/mL) peut différencier les patients atteints
de PR des autres causes (spécificité de 91% à 96%), mais
elle souffre d’une faible sensibilité (45% à 54%) [11, 12].
Il a également été suggéré que des titres élevés peuvent
prédire la détérioration ultérieure de l’articulation et
donc l’installation d’une arthrite rhumatoïde érosive [11,
13]. Toutefois, ces critères ont démontré une spécificité
relativement faible de 89% avec une sensibilité de 91 à
94% pour le diagnostic de la PR établie [7]. En début de la
maladie, la sensibilité diagnostique est encore plus faible
(44 à 60%) [14]. Malgré cela, le dosage du FR reste utile
dans le diagnostic différentiel et le pronostic des patients
atteints d’arthrite puisque la production persistante à des
niveaux élevés du FR est typique de la PR et représente
un signe de progression de la maladie. La détection
supplémentaire des autres isotypes (autres que IgM), en
particulier le FR de type IgA et IgG, peut améliorer la
valeur diagnostique et pronostique du FR [8, 15]. Il est
aussi bien connu qu’une élévation du FR dans le sérum
peut précéder l’apparition de la maladie [15]. Le FR est
même parfois considéré comme un marqueur d’activité de
la maladie et son déclin sous traitement serait un signe de
bonne réponse thérapeutique. [10]
La recherche du FR peut se faire par des méthodes
d’agglutination, des méthodes automatisées (néphélémétrie,
turbidimétrie) ou des tests immunoenzymatiques (ELISA).
Les techniques d’agglutination, représentées par le test
de latex et le test de Waaler Rose (hémagglutination),
ne permettent de détecter que les IgM (les IgA et les IgG
ne sont pas agglutinantes). Les méthodes automatisées
(néphélémétrie, turbidimétrie) ou les tests immuno-
enzymatiques (ELISA) semblent offrir de meilleures
performances de sensibilité, par rapport aux méthodes
d’agglutination (latex : IgM anti-IgG humaines ; Waaler
Rose : IgM anti-IgG de lapin). Un contrôle national de
qualité réalisé en France en 1998 [16] a confirmé cette
hypothèse et a montré le manque de standardisation des
méthodes d’agglutination. La Haute Autorité de Santé
(HAS) française, préconise donc clairement depuis
2007, l’abandon des méthodes de dosages du FR par
agglutination, au profit des méthodes ELISA, de turbidimétrie
ou de néphélémétrie [17]. Malgré cela, en pratique
courante, beaucoup de médecins, même en France,
semblent garder l’habitude de demander le dosage « latex
et Waaler Rose (WR) ». Cette combinaison, associant un
J. El Bakkouri et al.
FMC