La polyarthrite rhumatoïde : apport de la biologie au

Immuno-analyse
et
biologie
spécialisée
(2013)
28,
281—286
Disponible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
REVUES
GÉNÉRALES
ET
ANALYSES
PROSPECTIVES
La
polyarthrite
rhumatoïde
:
apport
de
la
biologie
au
diagnostic
et
au
suivi
thérapeutique
Diagnostic
and
predictive
value
of
laboratory
testing
in
rheumatoid
arthritis
L.
Musset,
P.
Ghillani-Dalbin
Laboratoire
d’immunochimie
et
auto-immunité,
département
d’immunologie,
groupe
hospitalier
Pitié-Salpêtrière/C.
Foix,
AP—HP,
47,
boulevard
de
l’Hôpital,
75651
Paris
cedex
13,
France
Rec¸u
le
27
mai
2013
;
accepté
le
30
mai
2013
KEYWORDS
Rheumatoid
arthritis;
Rheumatoid
factor;
ACPA;
Anti-citrullinated
protein
antibody;
Antinuclear
antibodies
Summary
Rheumatoid
arthritis,
among
the
most
frequent
autoimmune
disease,
is
characte-
rized
by
a
chronic
joint
inflammation
possibly
leading
to
severe
damage.
Progression
of
the
disease
may
be
very
quick,
which
demands
an
early
diagnostic
and
administration
of
active
drugs.
The
authors
present
the
laboratory
tests
useful
for
the
diagnosis
and
the
therapeutic
follow-up
of
rheumatoid
arthritis
©
2013
Elsevier
Masson
SAS.
All
rights
reserved.
MOTS
CLÉS
Polyarthrite
rhumatoïde
;
Facteur
rhumatoïde
;
ACPA
;
Anticorps
anti-protéines
et
peptides
citrullinés
;
Anticorps
anti-nucléaires
Résumé
La
polyarthrite
rhumatoïde
(PR)
est
la
maladie
auto-immune
la
plus
fréquente
et
se
caractérise
par
une
inflammation
chronique
des
articulations
pouvant
conduire
à
leur
des-
truction.
Les
formes
sévères
se
manifestent
par
une
évolution
rapide,
d’où
la
nécessité
d’un
diagnostic
précoce
et
la
mise
en
route
le
plus
tôt
possible
d’un
traitement
adapté
dans
le
but
d’éviter
des
complications
parfois
irréversibles
et
le
handicap.
Cet
article
rapporte
les
examens
de
biologie
médicale
utiles
pour
le
diagnostic,
le
suivi
et
la
prise
en
charge
thérapeutique
de
la
polyarthrite
rhumatoïde.
©
2013
Elsevier
Masson
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droits
réservés.
Auteur
correspondant.
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:
(L.
Musset).
Polyarthrite
rhumatoïde
La
polyarthrite
rhumatoïde
(PR)
est
la
maladie
auto-
immune
la
plus
fréquente
et
se
caractérise
par
une
inflammation
chronique
des
articulations
pouvant
conduire
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2013
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http://dx.doi.org/10.1016/j.immbio.2013.05.001
282
L.
Musset,
P.
Ghillani-Dalbin
à
leur
destruction.
L’inflammation
de
la
synoviale
entraîne
progressivement
une
déformation
articulaire,
puis
une
destruction
de
l’os
et
du
cartilage.
La
PR
est
égale-
ment
une
maladie
systémique
pouvant
s’accompagner
de
manifestations
extra-articulaires
(cardiaques,
pulmonaires,
vasculaires,
nerveuses,
oculaires.
.
.)
ayant
parfois
des
réper-
cutions
sur
le
pronostic
vital.
Elle
est
présente
dans
tous
les
pays
et
toutes
les
ethnies
et
touche
environ
0,5
%
de
la
population.
Sa
cause
est
inconnue,
mais
il
existe
un
lien
avec
une
prédisposition
génétique
(HLA
DRB1,
sexe
féminin),
et
des
facteurs
environnementaux
(toxiques
comme
le
tabac
et/ou
infectieux).
Les
formes
cliniques
de
la
PR
sont
mul-
tiples.
Il
existe
des
formes
bénignes
et
des
formes
sévères.
L’évolution
habituelle
se
fait
par
poussées
inflammatoires
plus
ou
moins
intenses,
pouvant
conduire
à
une
aggravation
des
lésions,
avec
atteinte
d’autres
articulations
jusque-là
indemnes.
Les
formes
sévères
se
manifestent
par
une
évo-
lution
rapide,
d’où
la
nécessité
d’un
diagnostic
précoce
et
la
mise
en
route
le
plus
tôt
possible
d’un
traitement
adapté
dans
le
but
d’éviter
des
complications
parfois
irréversibles
et
le
handicap.
Pour
traiter
tôt,
il
faut
diagnostiquer
tôt.
Les
progrès
réalisés
en
imagerie
(échographie
et
IRM),
en
biologie
médicale
(auto-anticorps
anti-peptides
et
protéines
citrullinés),
et
en
thérapeutique
(biothérapies)
ont
consi-
dérablement
changé
l’approche
diagnostique
et
la
prise
en
charge
des
patients
et
finalement
le
pronostic
de
la
maladie.
Dans
sa
pratique
quotidienne,
le
rhumatologue
est
confronté
à
une
grande
diversité
de
pathologies,
allant
du
myélome
aux
pathologies
ostéoarticulaires
d’étiologies
très
diverses,
et
aux
maladies
auto-immunes.
Cet
article
rapporte
les
exa-
mens
de
biologie
médicale
utiles
pour
le
diagnostic,
le
suivi
et
la
prise
en
charge
thérapeutique
de
la
PR.
Critères
de
classification
de
la
polyarthrite
rhumatoïde
Des
critères
de
classification
avaient
été
définis
en
1987
par
l’American
College
of
Rheumatology
(ACR).
Ils
reposaient
essentiellement
sur
des
arguments
cliniques
et
radiologiques
comme
:
raideur
matinale
articulaire
et
périarticulaire,
durant
au
moins
une
heure
;
arthrite
touchant
trois
groupes
articulaires
ou
plus
avec
gonflement
articulaire
(genoux,
coudes,
poignets,
meta-
carpophalangiennes
[MCP].
.
.)
;
arthrite
touchant
les
articulations
de
la
main
:
MCP,
poi-
gnets,
interphalangiennes
proximales
;
arthrites
symétriques
:
atteinte
simultanée
des
mêmes
groupes
articulaires
bilatéralement
;
présence
de
nodules
rhumatoïdes
;
nodules
sous-cutanés
en
regard
des
proéminences
osseuses,
des
surfaces
d’extension,
ou
des
régions
périar-
ticulaires
;
modifications
radiologiques
avec
érosions,
décalcifica-
tions
osseuses
des
mains
et
des
poignets.
Pour
la
biologie,
seul
le
facteur
rhumatoïde
(FR)
faisait
partie
de
ces
critères
avec
la
dénomination
suivante
:
«
mise
en
évidence
d’une
quantité
anormale
de
FR
dans
le
sérum,
par
une
technique
dont
le
résultat
est
positif
chez
moins
Tableau
1
Fréquence
des
facteurs
rhumatoïdes
décelables
par
des
techniques
d’agglutination.
Situation
Fréquence
de
détection
Sujet
normal
(<
65
ans)
<
5
%
Sujet
normal
âgé
(>
65
ans)
5—10
%
Pathologies
avec
manifestations
articulaires
60—80
%
Polyarthrite
rhumatoïde
Syndrome
de
Sjögren
primitif 70—90
%
Lupus
érythémateux
systémique 25—40
%
Sclérodermie
systémique 20—30
%
Hépatite
chronique
auto-immune 10—45
%
Connectivite
mixte
40—50
%
Sarcoïdose
10—25
%
Endocardite
bactérienne
subaiguë
20—45
%
Pathologies
sans
manifestations
articulaires
Infections
bactériennes
10—20
%
Infections
virale
(EBV
surtout)
20—60
%
Infections
parasitaires
(leishmaniose.
.
.)
50—80
%
Cirrhose
biliaire
primitive
50—60
%
D’après
Cahier
de
formation,
Bioforma
(1999)
[2].
de
5
%
des
sujets
normaux
».
Ces
critères
de
classification
devaient
évoluer.
En
effet,
les
anomalies
radiologiques
sont
parfois
retardées
de
plusieurs
mois
par
rapport
aux
données
cliniques.
Quant
aux
FR
dénommes
ainsi
car
ils
semblaient
caractéristiques
de
la
PR,
ils
peuvent
être
décelés
dans
de
nombreuses
autres
maladies,
et
manquent
à
la
fois
de
sensibilité
et
de
spécificité
(Tableau
1).
Depuis
2010,
de
nouveaux
critères
de
classification
ont
été
proposés
par
l’ACR
et
l’European
League
Against
Rhumatism
(EULAR)
[1].
Ils
introduisent
deux
critères
de
biologie
distincts
:
des
examens
sérologiques
(dosages
des
FR
et
dosage
des
anticorps
anti-protéines
citrullinées),
et
des
marqueurs
sériques
d’inflammation
aiguë
(C-réactive
protéine
[CRP]
et
vitesse
de
sédimentation
[VS])
(Tableau
2).
De
plus,
le
DAS28
«
Disease
Activity
Score
»
devient
un
critère
de
mesure
d’activité
de
la
PR
qui
tient
compte
de
l’évaluation
de
la
douleur
et
du
nombre
de
synovites
sur
28
sites
articulaires
proposés
par
l’EULAR,
de
la
valeur
de
la
VS
et
de
l’appréciation
globale
du
patient
sur
une
échelle
visuelle
analogique
de
100
mm.
Il
sera
utilisé
pour
suivre
l’évolution
de
la
PR
sous
traitement.
Examens
de
biologie
utiles
au
diagnostic
de
la
polyarthrite
rhumatoïde
Depuis
2010,
comme
l’imagerie
(échographie
et
IRM),
la
bio-
logie
a
pris
une
part
grandissante
dans
le
diagnostic
de
la
PR.
Ces
examens
de
biologie
comprennent,
d’une
part,
des
tests
de
biologie
générale
et,
d’autre
part,
des
tests
de
biologie
spécialisée
utiles
au
diagnostic
positif
de
la
maladie
mais
également
au
diagnostic
différentiel
avec
d’autres
maladies
auto-immunes,
notamment
le
lupus
érythémateux
systé-
mique,
ou
d’autres
maladies
infectieuse
(arthrites
virales,
bactériennes.
.
.).
La
polyarthrite
rhumatoïde
283
Tableau
2
Polyarthrite
rhumatoïde
:
critères
de
classifi-
cation
de
l’ACR/EULAR
2010
[1].
Algorithme
basé
sur
un
score
obtenu
en
additionnant
les
critères
de
A
à
D.
Un
score
total
supérieur
ou
égal
à
6/10
est
nécessaire
pour
classer
un
patient
comme
ayant
une
PR
définie.
Critères
Population
cible
:
patients
ayant
au
moins
une
articulation
avec
synovite
non
expliquée
par
une
autre
maladie
Scores
A.
Atteinte
articulaire
1
grosse
articulation 0
2
10
grosses
articulations 1
1
3
petites
articulations
2
4
10
petites
articulations
3
Plus
de
10
articulations
(avec
au
moins
une
petite
articulation)
5
B.
Sérologie
(au
moins
une
mesure
est
requise
pour
la
classification)
FR
et
APPC
négatifs
0
FR
ou
anti-ACPA
faiblement
positifs
(<
3
N)
2
FR
ou
anti-ACPA
fortement
positifs
(>
3
N)
3
C.
Marqueur
d’inflammation
aiguë
(au
moins
une
mesure
est
requise
pour
la
classification)
CRP
et
VS
normales 0
CRP
ou
VS
anormale 1
D.
Durée
des
symptômes
<
6
semaines
0
6
semaines 1
ACR
:
American
College
of
Rheumatology
;
ACPA
:
anti-
citrullinated
protein
antibody
;
APPC
:
anti-peptides
ou
pro-
téines
citrullinés
;
CRP
:
C-réactive
protéine
;
EULAR
:
European
League
Against
Rhumatism
;
FR
:
facteur
rhumatoïde
;
VS
:
vitesse
de
sédimentation
;
PR
:
polyarthrite
rhumatoïde.
Examens
de
biologie
générale
S’agissant
d’une
maladie
inflammatoire
chronique,
un
bilan
sanguin
simple
à
la
recherche
de
marqueurs
de
l’inflammation
est
nécessaire.
Ce
sont
au
minimum
un
hémogramme
la
recherche
d’une
anémie
souvent
dis-
crète),
la
VS
à
la
première
heure,
et
un
dosage
de
CRP
sérique.
Éventuellement,
lorsque
l’électrophorèse
des
pro-
téines
sériques
a
été
réalisée,
on
note
une
augmentation
des
alpha2-globulines
en
lien
avec
l’augmentation
des
protéines
de
l’inflammation.
Examens
de
biologie
spécialisée
Aux
facteurs
rhumatoïdes
se
sont
ajoutés
les
anticorps
anti-protéines
et
peptides
citrullinés
ainsi
que
d’autres
anti-
corps.
Facteurs
rhumatoïdes
et
techniques
de
détection
Les
facteurs
rhumatoïdes
(FR)
sont
des
auto-anticorps,
principalement
d’isotype
IgM
(parfois
d’isotype
IgG
ou
IgA),
dirigés
contre
le
fragment
Fc
(la
partie
constante)
d’IgG
humaines
et/ou
animales.
Leur
détection
est
his-
toriquement
réalisée
par
deux
techniques
:
agglutination
de
particules
de
latex
recouvertes
d’IgG
humaines
(appe-
lée
test
au
latex)
et
hémagglutination
passive
utilisant
des
IgG
de
lapin
fixées
à
la
surface
de
globules
rouges
de
mouton
(appelée
test
de
Waaler-Rose).
Selon
les
critères
de
l’ACR/EULAR
de
2010,
la
recherche
de
FR
doit
être
quantitative
de
sorte
que
les
tests
semi-quantitatifs
(agglu-
tination
sur
lame
ou
immunodot)
ne
sont
plus
adaptés
et
sont
à
proscrire.
Les
techniques
aujourd’hui
préconisées
sont
des
techniques
néphélémétriques,
turbidimétriques,
ou
immunoenzymatiques
(de
type
Elisa),
voire
des
techniques
multiplex.
Ainsi,
pour
la
prescription,
les
termes
de
«
latex
»
et
de
«
Waaler-Rose
»
sont
devenus
obsolètes
et
doivent
être
remplacés
par
le
terme
générique
:
«
recherche
de
facteurs
rhumatoïdes
».
Les
résultats
sont
exprimés
en
UI/mL
à
par-
tir
d’un
étalonnage
basé
sur
le
standard
de
l’OMS.
Le
seuil
de
positivité
varie
en
fonction
de
la
technique
utilisée.
La
présence
de
FR
à
des
taux
élevés
(supérieur
à
trois
fois
la
valeur
seuil
de
positivité
du
test
utilisé)
a
une
plus
grande
valeur
diagnostique
pour
la
PR.
Les
FR
d’isotype
IgG
ou
IgA
sont
exceptionnellement
prescrits,
ils
sont
réalisables
par
technique
Elisa
ou
multiplex.
L’interprétation
des
résultats
de
la
recherche
de
FR
doit
être
replacée
dans
le
contexte
clinique
ayant
justifié
sa
recherche.
En
effet,
ces
IgM
à
activité
anti-IgG
ont
été
appe-
lées
FR
car
elles
semblaient
autrefois
caractéristiques
de
la
PR.
Cette
notion
est
fausse.
Les
FR
peuvent
être
décelés
dans
de
nombreuses
autres
maladies
avec
une
fréquence
variable
selon
la
technique
utilisée
et
les
cohortes
étudiées
(Tableau
1)
[2].
La
sensibilité
du
test
varie
également
en
fonction
du
stade
de
la
maladie,
et
cette
sensibilité
est
faible
au
stade
précoce.
Cependant,
même
si
les
FR
ne
sont
pas
spécifiques
de
la
PR,
leur
recherche
et
quantifica-
tion
restent
utiles
pour
la
prise
en
charge
d’un
rhumatisme
inflammatoire
[1,3].
Auto-anticorps
anti-peptides
ou
protéines
citrullinés
Ces
auto-anticorps
ont
rec¸u
successivement
plusieurs
appel-
lations
:
anti-périnucléaires
(1964),
anti-kératine
(1979),
anti-stratum
corneum,
anti-filaggrine
(1993),
anti-peptides
cycliques
citrullinés
(anti-CCP),
ou
anti-peptides
ou
pro-
téines
citrullinés
(APPC)
(2000)
[4,5].
Ces
anticorps
ont
comme
cible
commune
des
épitopes
citrullinés
générés
par
la
modification
post-traductionnelle
de
différentes
protéines,
fréquente
au
cours
de
l’inflammation.
Cette
modification
est
nommée
déimination
ou
citrullination
et
se
fait
grâce
à
une
enzyme,
la
peptidylarginine
déiminase,
au
sein
de
la
membrane
synoviale
[6].
Techniques
de
détection.
Tous
ces
anticorps
reconnaissent
des
épitopes
peptidiques
centrés
sur
un
résidu
citrullyl
d’où
l’idée
de
produire
un
peptide
de
synthèse
(dérivé
de
la
filag-
grine
humaine)
qui
soit
citrulliné
et
cyclisé.
Ce
concept
a
été
breveté
et
commercialisé
pour
la
fabrication
des
tests
de
détection
des
anticorps
appelés
anti-CCP.
Cette
produc-
tion
industrielle
aurait
pu
permettre
une
standardisation
des
techniques
de
détection
de
ces
anticorps.
Il
n’en
est
rien.
En
effet,
la
(pro)-filaggrine
et
ses
variants
sont
absents
du
tissu
synovial
rhumatoïde
et
un
nombre
important
de
PR
sont
dites
«
séronégatives
»
vis-à-vis
de
ces
anticorps
avec
ces
tests
dits
de
première
génération.
Ces
observa-
tions
ont
conduit
scientifiques
et
industriels
à
rechercher
la
présence
d’anticorps
contre
d’autres
protéines
citrullinées
284
L.
Musset,
P.
Ghillani-Dalbin
présentes
dans
le
tissu
synovial
rhumatoïde.
Les
dépôts
de
fibrine,
porteurs
d’épitopes
citrullinés
sont
une
des
carac-
téristiques
du
tissu
synovial
rhumatoïde
et
sont
la
cible
des
anticorps
produits
localement
par
les
plasmocytes
infiltrant
ce
tissu
et
participant
au
maintien
de
l’inflammation
[6].
La
vimentine
citrullinée
est
également
présente
dans
la
synoviale
des
patients
atteints
de
PR.
C’est
un
constituant
des
filaments
intermédiaires
du
cytosquelette,
exprimé
dans
de
nombreuses
cellules
dont
les
chondrocytes.
D’autres
sources
antigéniques
ont
été
développées
pour
détecter
les
anticorps
anti-protéines
citrullinées
:
filaggrine
de
rat
recombinante
citrullinée,
fibrinogène
citrulliné,
vimentine
citrullinée
mutated
citrullinated
vimentin
et
collagène
humain
de
type
1
citrulliné
[7,8].
Les
tests
commercialisés
aujourd’hui
permettent
de
rechercher
des
anticorps
anti-
protéines
et/ou
peptides
citrullinés.
La
composition
exacte
des
réactifs
n’est
pas
connue,
mais
le
terme
d’anti-CCP
est
trop
restrictif
et
devrait
être
remplacé
par
anti-protéines
citrullinées
ou
ACPA
pour
anti-citrullinated
protein
antibody
tel
que
recommandé
par
l’ACR
en
2010
[1].
Les
ACPA
sont
recherchés
par
des
techniques
immunoen-
zymatiques
de
type
Elisa
qui
permettent
leur
quantification.
En
l’absence
de
standardisation,
les
unités
sont
des
uni-
tés
arbitraires
qui
varient
selon
le
réactif
utilisé,
mais
ces
chiffres
permettent
de
différencier
les
patients
avec
un
taux
faible
et
ceux
avec
un
taux
élevé
(supérieur
à
trois
fois
la
valeur
seuil
de
positivité
du
test
utilisé).
Les
tests
d’immunofluorescence
indirecte
sur
cellules
de
muqueuse
buccale
(anticorps
anti-périnucléaires)
ou
coupes
d’œsophage
de
rat
(anticorps
anti-stratum
corneum
ou
filag-
grine)
ne
sont
pratiquement
plus
utilisés
car
ils
sont
peu
reproductibles
et
semi-quantitatifs.
Autres
auto-anticorps
décrits
dans
la
polyarthrite
rhumatoïde
D’autres
auto-anticorps
associés
à
la
PR
ont
été
décrits
:
auto-anticorps
anti-alpha-énolase
[9],
anti-calpastatine
[10],
anti-glucose-6-phosphate
isomérase
(GPI),
anti-RA
33,
anti-major
microtubule
organizing
center
(MTOC),
anti-peptidyl
arginine
déiminase
(PAD).
Cependant,
leurs
performances
diagnostiques
(sensibilité,
spécificité)
sont
moins
bonnes
que
celles
des
ACPA,
et
ils
ne
sont
pas
recherchés
en
pratique
courante.
Récemment,
l’analyse
protéomique
de
liquides
synoviaux
de
patients
atteints
de
PR
a
défini
un
inventaire
de
protéines
citrullinées
dans
l’articulation,
dénommé
«
citrullinome
»
[11].
Parmi
ces
protéines,
l’apolipoproteine
E,
le
myeloid
nuclear
differen-
tiation
antigen
(MNDA)
et
la
-actine
sont
montrés
comme
des
cibles
du
système
immunitaire
dans
la
PR.
Pour
chaque
protéine,
il
existe
des
épitopes
citrullinés
immunodominants
et
des
tests
multiplex
utilisant
des
peptides
immunodomi-
nants
issus
de
ces
trois
protéines
seraient
plus
prédictifs
de
PR
que
l’utilisation
des
peptides
individuellement.
D’autres
auto-anticorps,
distincts
des
ACPA
et
diri-
gés
contre
des
protéines
modifiées
par
carbamylation
(modification
post-traductionnelle
de
résidus
lysine
en
homocitrulline)
ont
été
rapportés
[12].
Ces
anticorps
anti-
protéines
carbamylées
(anti-CarP)
ont
été
mis
en
évidence
chez
45
%
des
patients
avec
PR.
Dans
cette
étude,
parmi
les
patients
avec
PR
mais
sans
ACPA,
30
%
avaient
des
anticorps
anti-CarP
d’isotype
IgA
et
16
%
d’isotype
IgG
(35
%
avaient
Tableau
3
Sensibilité
et
spécificité
des
anticorps
anti-CCP,
en
fonction
du
stade
de
la
maladie
([1,15]7).
Sensibilité
(%)
Spécificité
(%)
Phase
initiale
«
pré-polyarthrite
rhumatoïde
»
34
98
Phase
d’état
de
6
mois 58
94
Phase
d’état
+
de
12
mois 88
93
Anti-CCP
:
anti-peptides
cycliques
citrullinés.
l’un
ou
l’autre
isotype).
Ainsi,
la
recherche
de
ces
anticorps
pourrait
avoir
un
intérêt
chez
les
patients
séronégatifs
(sans
anticorps
anti-protéines
citrullinées)
mais
cette
notion
doit
être
renforcée
par
des
études
complémentaires.
Autres
anticorps
utiles
au
diagnostic
différentiel
Les
anticorps
anti-nucléaires
(AAN),
sont
des
auto-anticorps
dirigés
contre
des
déterminants
antigéniques
du
noyau
mais
aussi
du
cytoplasme
des
cellules
de
l’organisme.
Ces
anti-
corps
sont
successivement
recherchés
par
une
technique
de
dépistage
(par
immunofluorescence
indirecte
sur
cellules
humaines
de
type
HEp-2),
puis
identifiés
à
l’aide
de
tests
spécifiques.
Le
dépistage
renseigne
sur
le
titre
des
anticorps
et
leur
aspect
de
fluorescence.
En
cas
de
positivité
(>
1/80e),
et
quel
que
soit
l’aspect,
l’identification
est
réalisée
par
des
tests
spécifiques
(Elisa,
multiplex,
immunodots.
.
.),
toutes
ces
techniques
ayant
pour
but
d’identifier
la
ou
les
cibles
antigéniques
reconnues
par
ces
AAN.
Ces
anticorps
peuvent
être
quantifiés,
selon
la
technique
utilisée,
mais
en
l’absence
de
standardisation,
les
résultats
sont
expri-
més
en
unités
arbitraires
(UA).
Les
AAN
sont
principalement
recherchés
au
cours
de
maladies
auto-immunes
non
spéci-
fiques
d’organes.
Ils
sont
positifs
dans
40
à
50
%
des
cas
de
PR.
Il
n’existe
pas
des
AAN
spécifiques
de
la
PR
et
la
pré-
sence
des
AAN
ne
constitue
pas
un
critère
diagnostique
de
PR.
Néanmoins,
leur
mise
en
évidence
chez
un
patient
por-
teur
d’une
polyarthrite
encore
inclassée
peut
orienter
vers
un
diagnostic
de
maladie
auto-immune,
donc
de
PR.
Dans
ce
cas,
la
recherche
d’anticorps
anti-ADN
natif
est
en
général
négative.
Valeur
diagnostique
des
anti-protéines
citrullinées
et
interprétation
des
résultats
La
valeur
diagnostique
des
ACPA
varie
en
fonction
de
leur
taux,
du
stade
et/ou
de
la
durée
d’évolution
de
la
mala-
die,
des
populations
témoins
étudiées,
du
seuil
de
positivité
choisi
et
des
méthodes
de
détection
utilisées
(Tableau
3)
[8,13—16].
Néanmoins,
la
caractéristique
commune
de
ces
tests
est
leur
grande
spécificité
diagnostique,
allant
de
93
à
98
%.
En
dehors
de
la
PR,
ils
peuvent
être
détectés
chez
des
patients
atteints
de
lupus
(13
%),
de
syndrome
de
Gougerot-
Sjögren
(3—8
%),
de
sclérodermie
systémique
(10—15
%),
d’hépatite
auto-immune
de
type
I
(9
%)
ou
d’hépatites
chro-
niques
(25
%)
[14,17].
De
nombreux
travaux
ont
montré
que
leur
présence
chez
des
patients
atteints
d’un
rhumatisme
inflammatoire
débutant,
encore
non
classé,
est
un
marqueur
prédictif
du
développement
d’une
PR
surtout
lorsque
le
titre
est
élevé.
C’est
dans
ce
contexte
clinique
qu’ils
doivent
être
La
polyarthrite
rhumatoïde
285
prescrits.
Il
a
été
montré
que
ces
anticorps
apparaissent
très
précocement,
voire
même
précèdent
de
plusieurs
années
le
début
de
la
maladie
[6—8,13].
Les
ACPA
apparaissent
plus
précocement
que
les
FR
lors
d’une
PR
[16,17].
Deux
tiers
des
sérums
de
PR
sans
FR
contiennent
des
ACPA.
La
valeur
prédictive
positive
des
deux
anticorps
associés
est
estimée
en
moyenne
entre
91
et
100
%.
La
présence
simultanée
de
FR
et
d’ACPA
est
parti-
culièrement
prédictive
d’une
progression
rapide
de
la
PR
et
de
l’apparition
d’érosions.
Aussi,
il
est
recommandé
de
rechercher
en
parallèle
les
FR
et
les
ACPA,
selon
les
recom-
mandations
internationales
[1,3].
En
effet,
ces
deux
familles
d’anticorps
ne
sont
pas
recouvrantes.
Ils
sont
une
aide
pour
le
clinicien
et
orientent
la
prise
en
charge
thérapeutique.
En
pédiatrie,
les
ACPA
sont
également
utiles
car
ils
sont
présents
dans
les
formes
polyarticulaires
d’arthrite
juvénile
idiopathique
souvent
associées
aux
FR.
Quant
à
leur
valeur
pronostique,
les
ACPA
sont
associés
le
plus
souvent
aux
formes
sévères
et
actives
de
la
PR.
Leur
présence
chez
des
patients
ayant
une
PR
récemment
décou-
verte
est
un
marqueur
prédictif
du
développement
d’une
PR
érosive.
Ils
sont
corrélés
à
certains
paramètres
de
sévérité
(force
de
prise,
raideur
matinale
des
articulations,
index
fonctionnel,
érosions
articulaires,
déformations
des
mains,
présence
de
nodules
sous-cutanés)
et
aux
paramètres
de
l’inflammation
(VS,
CRP).
Examens
de
biologie
utiles
lors
du
suivi
thérapeutique
Le
traitement
de
la
PR
repose
sur
deux
lignes
thérapeu-
tiques
:
les
anti-inflammatoires
qui
visent
à
maîtriser
les
manifestations
inflammatoires
articulaires
(traitement
sus-
pensif)
et
les
traitements
de
fond
dont
le
but
est
d’obtenir
une
rémission
(ou
à
défaut
un
contrôle
de
l’activité
de
la
maladie),
de
prévenir
les
lésions
structurales
et
le
handi-
cap
fonctionnel,
de
limiter
les
conséquences
psychosociales
et
d’améliorer
ou
de
préserver
la
qualité
de
vie
du
patient
[1,3,18].
Les
modalités
thérapeutiques
diffèrent
en
fonc-
tion
du
stade
évolutif
de
la
maladie
(stade
initial
ou
stade
d’état).
En
première
intention,
en
l’absence
de
contre-
indication
(néphropathie,
hépatopathie,
leucopénie,
désir
de
grossesse,
infection.
.
.),
il
est
recommandé
de
débuter
le
traitement
de
fond
par
le
méthotrexate.
D’autres
trai-
tements
de
fond
peuvent
être
proposés
en
alternative
:
le
léflunomide
ou
la
sulfasalazine.
L’existence
initiale
de
signes
de
sévérité
(lésions
structurales
par
exemple)
peut
faire
envisager
en
première
intention
un
traitement
plus
intensif
:
soit
une
biothérapie
par
anti-TNF
de
préférence
en
asso-
ciation
avec
le
méthotrexate,
soit
l’association
de
plusieurs
traitements
de
fond.
La
prévention
des
effets
indésirables
doit
être
systématique.
Ces
traitements
exigent
tous,
au
minimum,
une
surveillance
hématologique
par
numération
(risque
d’agranulocytose,
de
thrombopénie)
et
hépatique
par
dosage
des
transaminases
(risque
de
cytolyse).
Le
traite-
ment
de
la
douleur
(par
antalgiques
ou
anti-inflammatoires
non
stéroïdiens)
doit
être
instauré
et
adapté
en
fonction
de
son
intensité.
Il
existe
différents
algorithmes
en
fonction
de
l’activité
et
de
l’évolutivité
de
la
PR.
L’emploi
de
drogues
ciblées,
telles
que
les
anti-TNF-,
anti-cytokines
(IL1
et
IL6),
anti-lymphocytes
B
CD20+
et
anti-CTLA4-Ig,
bloque
ou
freine
les
détériorations
structurales
radiographiques
articulaires
et
induit
une
rémission
prolongée
dans
30
%
des
cas.
Dans
tous
les
cas,
l’efficacité
clinique
est
jugée
sur
des
cri-
tères
d’activité
cliniques
(nombre
d’articulations
gonflées,
nombre
d’articulations
douloureuses,
durée
de
la
raideur
matinale,
niveau
global
d’activité
évalué
par
le
patient,
niveau
global
d’activité
jugé
par
le
médecin)
;
des
critères
biologiques
(VS
et
CRP)
et
le
calcul
du
DAS28.
L’évolution
du
titre
des
FR
et
des
ACPA
ne
semble
pas
être
corrélée
à
l’évolution
clinique.
Leur
normalisation
n’est
pas
un
objectif
thérapeutique.
La
répétition
de
leurs
dosages
n’est
pas
actuellement
recommandée
en
dehors
de
proto-
coles
ou
d’essais
thérapeutiques.
Enfin,
en
cas
d’utilisation
de
drogues
ciblées
(anti-TNF-
,
anti-CD20.
.
.),
la
présence
d’auto-anticorps
dirigés
contre
ces
médicaments
pourrait
inhiber
leur
efficacité
[19].
Tou-
tefois,
les
études
réalisées
à
ce
jour
font
état
de
résultats
non
consensuels
notamment
quant
à
l’activité
inhibitrice
de
ces
anticorps
sur
la
molécule
utilisée.
Ces
dosages
mis
au
point
et
commercialisés
ne
sont
pas
de
pratique
courante,
et
des
essais
cliniques
prospectifs
sont
en
cours.
À
noter
qu’au
cours
de
ces
biothérapies
ciblées,
utilisées
dans
le
traite-
ment
de
la
PR
ou
non,
la
production
des
AAN,
anti-ADN
natif
ou
anti-cardiolipides
a
été
rapportée
par
plusieurs
équipes,
impliquant
alors
une
prise
en
charge
et
une
surveillance
particulière
[20].
D’autres
auto-anticorps
non
spécifiques
de
la
PR
sont
parfois
observés
:
anti-Ro/SS-A,
anti-cytoplasme
des
polynu-
cléaires
neutrophiles
(ANCA),
traduisant
souvent
la
présence
de
certaines
manifestations
cliniques
ou
d’authentiques
syndromes
de
chevauchement
avec
une
autre
affection
auto-immune.
Conclusion
La
recherche
des
ACPA
constitue
à
ce
jour
le
marqueur
diag-
nostique
le
plus
spécifique
et
le
plus
précoce
de
la
PR.
La
recherche
des
FR
reste
néanmoins
d’actualité
car
ces
deux
familles
d’auto-anticorps
apportent
des
informations
non
redondantes
en
pratique
clinique.
En
effet,
il
existe
de
rares
cas
de
PR
avec
FR
positifs
sans
ACPA.
La
présence
d’ACPA
chez
des
patients
présentant
une
arthrite
débutante
permet
non
seulement
de
contribuer
au
diagnostic
précoce
d’une
PR
mais
aussi
de
prédire
une
évolution
péjorative
et
ainsi
de
mettre
en
place
plus
rapidement
des
traitements
adaptés
susceptibles
de
contrôler
la
maladie
et
d’éviter
l’apparition
de
lésions
articulaires
irréversibles.
Déclaration
d’intérêts
Les
auteurs
déclarent
ne
pas
avoir
de
conflits
d’intérêts
en
relation
avec
cet
article.
Références
[1]
Aletaha
D,
Tuhina
N,
Silman
AJ,
et
al.
2010
Rheumatoid
Arthri-
tis
Classification
Criteria.
Arthritis
Rheum
2010;62:2569—81.
[2]
Clot
J,
Pasquali
JL.
Les
facteurs
rhumatoïdes
:
méthodes
de
détection
et
interprétation.
Cahier
de
formation,
Bioforma
1999;13:13—24.
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