Immuno-analyse et biologie spécialisée (2013) 28, 281—286 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com REVUES GÉNÉRALES ET ANALYSES PROSPECTIVES La polyarthrite rhumatoïde : apport de la biologie au diagnostic et au suivi thérapeutique Diagnostic and predictive value of laboratory testing in rheumatoid arthritis L. Musset ∗, P. Ghillani-Dalbin Laboratoire d’immunochimie et auto-immunité, département d’immunologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière/C. Foix, AP—HP, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France Reçu le 27 mai 2013 ; accepté le 30 mai 2013 KEYWORDS Rheumatoid arthritis; Rheumatoid factor; ACPA; Anti-citrullinated protein antibody; Antinuclear antibodies MOTS CLÉS Polyarthrite rhumatoïde ; Facteur rhumatoïde ; ACPA ; Anticorps anti-protéines et peptides citrullinés ; Anticorps anti-nucléaires Summary Rheumatoid arthritis, among the most frequent autoimmune disease, is characterized by a chronic joint inflammation possibly leading to severe damage. Progression of the disease may be very quick, which demands an early diagnostic and administration of active drugs. The authors present the laboratory tests useful for the diagnosis and the therapeutic follow-up of rheumatoid arthritis © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Résumé La polyarthrite rhumatoïde (PR) est la maladie auto-immune la plus fréquente et se caractérise par une inflammation chronique des articulations pouvant conduire à leur destruction. Les formes sévères se manifestent par une évolution rapide, d’où la nécessité d’un diagnostic précoce et la mise en route le plus tôt possible d’un traitement adapté dans le but d’éviter des complications parfois irréversibles et le handicap. Cet article rapporte les examens de biologie médicale utiles pour le diagnostic, le suivi et la prise en charge thérapeutique de la polyarthrite rhumatoïde. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Polyarthrite rhumatoïde ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Musset). La polyarthrite rhumatoïde (PR) est la maladie autoimmune la plus fréquente et se caractérise par une inflammation chronique des articulations pouvant conduire 0923-2532/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.immbio.2013.05.001 282 à leur destruction. L’inflammation de la synoviale entraîne progressivement une déformation articulaire, puis une destruction de l’os et du cartilage. La PR est également une maladie systémique pouvant s’accompagner de manifestations extra-articulaires (cardiaques, pulmonaires, vasculaires, nerveuses, oculaires. . .) ayant parfois des répercutions sur le pronostic vital. Elle est présente dans tous les pays et toutes les ethnies et touche environ 0,5 % de la population. Sa cause est inconnue, mais il existe un lien avec une prédisposition génétique (HLA DRB1, sexe féminin), et des facteurs environnementaux (toxiques comme le tabac et/ou infectieux). Les formes cliniques de la PR sont multiples. Il existe des formes bénignes et des formes sévères. L’évolution habituelle se fait par poussées inflammatoires plus ou moins intenses, pouvant conduire à une aggravation des lésions, avec atteinte d’autres articulations jusque-là indemnes. Les formes sévères se manifestent par une évolution rapide, d’où la nécessité d’un diagnostic précoce et la mise en route le plus tôt possible d’un traitement adapté dans le but d’éviter des complications parfois irréversibles et le handicap. Pour traiter tôt, il faut diagnostiquer tôt. Les progrès réalisés en imagerie (échographie et IRM), en biologie médicale (auto-anticorps anti-peptides et protéines citrullinés), et en thérapeutique (biothérapies) ont considérablement changé l’approche diagnostique et la prise en charge des patients et finalement le pronostic de la maladie. Dans sa pratique quotidienne, le rhumatologue est confronté à une grande diversité de pathologies, allant du myélome aux pathologies ostéoarticulaires d’étiologies très diverses, et aux maladies auto-immunes. Cet article rapporte les examens de biologie médicale utiles pour le diagnostic, le suivi et la prise en charge thérapeutique de la PR. Critères de classification de la polyarthrite rhumatoïde Des critères de classification avaient été définis en 1987 par l’American College of Rheumatology (ACR). Ils reposaient essentiellement sur des arguments cliniques et radiologiques comme : • raideur matinale articulaire et périarticulaire, durant au moins une heure ; • arthrite touchant trois groupes articulaires ou plus avec gonflement articulaire (genoux, coudes, poignets, metacarpophalangiennes [MCP]. . .) ; • arthrite touchant les articulations de la main : MCP, poignets, interphalangiennes proximales ; • arthrites symétriques : atteinte simultanée des mêmes groupes articulaires bilatéralement ; • présence de nodules rhumatoïdes ; • nodules sous-cutanés en regard des proéminences osseuses, des surfaces d’extension, ou des régions périarticulaires ; • modifications radiologiques avec érosions, décalcifications osseuses des mains et des poignets. Pour la biologie, seul le facteur rhumatoïde (FR) faisait partie de ces critères avec la dénomination suivante : « mise en évidence d’une quantité anormale de FR dans le sérum, par une technique dont le résultat est positif chez moins L. Musset, P. Ghillani-Dalbin Tableau 1 Fréquence des facteurs rhumatoïdes décelables par des techniques d’agglutination. Situation Fréquence de détection Sujet normal (< 65 ans) Sujet normal âgé (> 65 ans) Pathologies avec manifestations articulaires Polyarthrite rhumatoïde Syndrome de Sjögren primitif Lupus érythémateux systémique Sclérodermie systémique Hépatite chronique auto-immune Connectivite mixte Sarcoïdose Endocardite bactérienne subaiguë Pathologies sans manifestations articulaires Infections bactériennes Infections virale (EBV surtout) Infections parasitaires (leishmaniose. . .) Cirrhose biliaire primitive <5% 5—10 % 60—80 % 70—90 % 25—40 % 20—30 % 10—45 % 40—50 % 10—25 % 20—45 % 10—20 % 20—60 % 50—80 % 50—60 % D’après Cahier de formation, Bioforma (1999) [2]. de 5 % des sujets normaux ». Ces critères de classification devaient évoluer. En effet, les anomalies radiologiques sont parfois retardées de plusieurs mois par rapport aux données cliniques. Quant aux FR dénommes ainsi car ils semblaient caractéristiques de la PR, ils peuvent être décelés dans de nombreuses autres maladies, et manquent à la fois de sensibilité et de spécificité (Tableau 1). Depuis 2010, de nouveaux critères de classification ont été proposés par l’ACR et l’European League Against Rhumatism (EULAR) [1]. Ils introduisent deux critères de biologie distincts : des examens sérologiques (dosages des FR et dosage des anticorps anti-protéines citrullinées), et des marqueurs sériques d’inflammation aiguë (C-réactive protéine [CRP] et vitesse de sédimentation [VS]) (Tableau 2). De plus, le DAS28 « Disease Activity Score » devient un critère de mesure d’activité de la PR qui tient compte de l’évaluation de la douleur et du nombre de synovites sur 28 sites articulaires proposés par l’EULAR, de la valeur de la VS et de l’appréciation globale du patient sur une échelle visuelle analogique de 100 mm. Il sera utilisé pour suivre l’évolution de la PR sous traitement. Examens de biologie utiles au diagnostic de la polyarthrite rhumatoïde Depuis 2010, comme l’imagerie (échographie et IRM), la biologie a pris une part grandissante dans le diagnostic de la PR. Ces examens de biologie comprennent, d’une part, des tests de biologie générale et, d’autre part, des tests de biologie spécialisée utiles au diagnostic positif de la maladie mais également au diagnostic différentiel avec d’autres maladies auto-immunes, notamment le lupus érythémateux systémique, ou d’autres maladies infectieuse (arthrites virales, bactériennes. . .). La polyarthrite rhumatoïde 283 Tableau 2 Polyarthrite rhumatoïde : critères de classification de l’ACR/EULAR 2010 [1]. Algorithme basé sur un score obtenu en additionnant les critères de A à D. Un score total supérieur ou égal à 6/10 est nécessaire pour classer un patient comme ayant une PR définie. Critères Population cible : patients ayant au moins une articulation avec synovite non expliquée par une autre maladie A. Atteinte articulaire 1 grosse articulation 2 − 10 grosses articulations 1 − 3 petites articulations 4 − 10 petites articulations Plus de 10 articulations (avec au moins une petite articulation) B. Sérologie (au moins une mesure est requise pour la classification) FR et APPC négatifs FR ou anti-ACPA faiblement positifs (< 3 N) FR ou anti-ACPA fortement positifs (> 3 N) C. Marqueur d’inflammation aiguë (au moins une mesure est requise pour la classification) CRP et VS normales CRP ou VS anormale D. Durée des symptômes < 6 semaines ≥ 6 semaines Scores 0 1 2 3 5 0 2 3 0 1 0 1 ACR : American College of Rheumatology ; ACPA : anticitrullinated protein antibody ; APPC : anti-peptides ou protéines citrullinés ; CRP : C-réactive protéine ; EULAR : European League Against Rhumatism ; FR : facteur rhumatoïde ; VS : vitesse de sédimentation ; PR : polyarthrite rhumatoïde. Examens de biologie générale S’agissant d’une maladie inflammatoire chronique, un bilan sanguin simple à la recherche de marqueurs de l’inflammation est nécessaire. Ce sont au minimum un hémogramme (à la recherche d’une anémie souvent discrète), la VS à la première heure, et un dosage de CRP sérique. Éventuellement, lorsque l’électrophorèse des protéines sériques a été réalisée, on note une augmentation des alpha2-globulines en lien avec l’augmentation des protéines de l’inflammation. Examens de biologie spécialisée Aux facteurs rhumatoïdes se sont ajoutés les anticorps anti-protéines et peptides citrullinés ainsi que d’autres anticorps. Facteurs rhumatoïdes et techniques de détection Les facteurs rhumatoïdes (FR) sont des auto-anticorps, principalement d’isotype IgM (parfois d’isotype IgG ou IgA), dirigés contre le fragment Fc (la partie constante) d’IgG humaines et/ou animales. Leur détection est historiquement réalisée par deux techniques : agglutination de particules de latex recouvertes d’IgG humaines (appelée test au latex) et hémagglutination passive utilisant des IgG de lapin fixées à la surface de globules rouges de mouton (appelée test de Waaler-Rose). Selon les critères de l’ACR/EULAR de 2010, la recherche de FR doit être quantitative de sorte que les tests semi-quantitatifs (agglutination sur lame ou immunodot) ne sont plus adaptés et sont à proscrire. Les techniques aujourd’hui préconisées sont des techniques néphélémétriques, turbidimétriques, ou immunoenzymatiques (de type Elisa), voire des techniques multiplex. Ainsi, pour la prescription, les termes de « latex » et de « Waaler-Rose » sont devenus obsolètes et doivent être remplacés par le terme générique : « recherche de facteurs rhumatoïdes ». Les résultats sont exprimés en UI/mL à partir d’un étalonnage basé sur le standard de l’OMS. Le seuil de positivité varie en fonction de la technique utilisée. La présence de FR à des taux élevés (supérieur à trois fois la valeur seuil de positivité du test utilisé) a une plus grande valeur diagnostique pour la PR. Les FR d’isotype IgG ou IgA sont exceptionnellement prescrits, ils sont réalisables par technique Elisa ou multiplex. L’interprétation des résultats de la recherche de FR doit être replacée dans le contexte clinique ayant justifié sa recherche. En effet, ces IgM à activité anti-IgG ont été appelées FR car elles semblaient autrefois caractéristiques de la PR. Cette notion est fausse. Les FR peuvent être décelés dans de nombreuses autres maladies avec une fréquence variable selon la technique utilisée et les cohortes étudiées (Tableau 1) [2]. La sensibilité du test varie également en fonction du stade de la maladie, et cette sensibilité est faible au stade précoce. Cependant, même si les FR ne sont pas spécifiques de la PR, leur recherche et quantification restent utiles pour la prise en charge d’un rhumatisme inflammatoire [1,3]. Auto-anticorps anti-peptides ou protéines citrullinés Ces auto-anticorps ont reçu successivement plusieurs appellations : anti-périnucléaires (1964), anti-kératine (1979), anti-stratum corneum, anti-filaggrine (1993), anti-peptides cycliques citrullinés (anti-CCP), ou anti-peptides ou protéines citrullinés (APPC) (2000) [4,5]. Ces anticorps ont comme cible commune des épitopes citrullinés générés par la modification post-traductionnelle de différentes protéines, fréquente au cours de l’inflammation. Cette modification est nommée déimination ou citrullination et se fait grâce à une enzyme, la peptidylarginine déiminase, au sein de la membrane synoviale [6]. Techniques de détection. Tous ces anticorps reconnaissent des épitopes peptidiques centrés sur un résidu citrullyl d’où l’idée de produire un peptide de synthèse (dérivé de la filaggrine humaine) qui soit citrulliné et cyclisé. Ce concept a été breveté et commercialisé pour la fabrication des tests de détection des anticorps appelés anti-CCP. Cette production industrielle aurait pu permettre une standardisation des techniques de détection de ces anticorps. Il n’en est rien. En effet, la (pro)-filaggrine et ses variants sont absents du tissu synovial rhumatoïde et un nombre important de PR sont dites « séronégatives » vis-à-vis de ces anticorps avec ces tests dits de première génération. Ces observations ont conduit scientifiques et industriels à rechercher la présence d’anticorps contre d’autres protéines citrullinées 284 présentes dans le tissu synovial rhumatoïde. Les dépôts de fibrine, porteurs d’épitopes citrullinés sont une des caractéristiques du tissu synovial rhumatoïde et sont la cible des anticorps produits localement par les plasmocytes infiltrant ce tissu et participant au maintien de l’inflammation [6]. La vimentine citrullinée est également présente dans la synoviale des patients atteints de PR. C’est un constituant des filaments intermédiaires du cytosquelette, exprimé dans de nombreuses cellules dont les chondrocytes. D’autres sources antigéniques ont été développées pour détecter les anticorps anti-protéines citrullinées : filaggrine de rat recombinante citrullinée, fibrinogène citrulliné, vimentine citrullinée mutated citrullinated vimentin et collagène humain de type 1 citrulliné [7,8]. Les tests commercialisés aujourd’hui permettent de rechercher des anticorps antiprotéines et/ou peptides citrullinés. La composition exacte des réactifs n’est pas connue, mais le terme d’anti-CCP est trop restrictif et devrait être remplacé par anti-protéines citrullinées ou ACPA pour anti-citrullinated protein antibody tel que recommandé par l’ACR en 2010 [1]. Les ACPA sont recherchés par des techniques immunoenzymatiques de type Elisa qui permettent leur quantification. En l’absence de standardisation, les unités sont des unités arbitraires qui varient selon le réactif utilisé, mais ces chiffres permettent de différencier les patients avec un taux faible et ceux avec un taux élevé (supérieur à trois fois la valeur seuil de positivité du test utilisé). Les tests d’immunofluorescence indirecte sur cellules de muqueuse buccale (anticorps anti-périnucléaires) ou coupes d’œsophage de rat (anticorps anti-stratum corneum ou filaggrine) ne sont pratiquement plus utilisés car ils sont peu reproductibles et semi-quantitatifs. Autres auto-anticorps décrits dans la polyarthrite rhumatoïde D’autres auto-anticorps associés à la PR ont été décrits : auto-anticorps anti-alpha-énolase [9], anti-calpastatine [10], anti-glucose-6-phosphate isomérase (GPI), anti-RA 33, anti-major microtubule organizing center (MTOC), anti-peptidyl arginine déiminase (PAD). Cependant, leurs performances diagnostiques (sensibilité, spécificité) sont moins bonnes que celles des ACPA, et ils ne sont pas recherchés en pratique courante. Récemment, l’analyse protéomique de liquides synoviaux de patients atteints de PR a défini un inventaire de protéines citrullinées dans l’articulation, dénommé « citrullinome » [11]. Parmi ces protéines, l’apolipoproteine E, le myeloid nuclear differentiation antigen (MNDA) et la -actine sont montrés comme des cibles du système immunitaire dans la PR. Pour chaque protéine, il existe des épitopes citrullinés immunodominants et des tests multiplex utilisant des peptides immunodominants issus de ces trois protéines seraient plus prédictifs de PR que l’utilisation des peptides individuellement. D’autres auto-anticorps, distincts des ACPA et dirigés contre des protéines modifiées par carbamylation (modification post-traductionnelle de résidus lysine en homocitrulline) ont été rapportés [12]. Ces anticorps antiprotéines carbamylées (anti-CarP) ont été mis en évidence chez 45 % des patients avec PR. Dans cette étude, parmi les patients avec PR mais sans ACPA, 30 % avaient des anticorps anti-CarP d’isotype IgA et 16 % d’isotype IgG (35 % avaient L. Musset, P. Ghillani-Dalbin Tableau 3 Sensibilité et spécificité des anticorps anti-CCP, en fonction du stade de la maladie ([1,15]7). Sensibilité Spécificité (%) (%) Phase initiale « pré-polyarthrite 34 rhumatoïde » Phase d’état — de 6 mois 58 Phase d’état + de 12 mois 88 98 94 93 Anti-CCP : anti-peptides cycliques citrullinés. l’un ou l’autre isotype). Ainsi, la recherche de ces anticorps pourrait avoir un intérêt chez les patients séronégatifs (sans anticorps anti-protéines citrullinées) mais cette notion doit être renforcée par des études complémentaires. Autres anticorps utiles au diagnostic différentiel Les anticorps anti-nucléaires (AAN), sont des auto-anticorps dirigés contre des déterminants antigéniques du noyau mais aussi du cytoplasme des cellules de l’organisme. Ces anticorps sont successivement recherchés par une technique de dépistage (par immunofluorescence indirecte sur cellules humaines de type HEp-2), puis identifiés à l’aide de tests spécifiques. Le dépistage renseigne sur le titre des anticorps et leur aspect de fluorescence. En cas de positivité (> 1/80e ), et quel que soit l’aspect, l’identification est réalisée par des tests spécifiques (Elisa, multiplex, immunodots. . .), toutes ces techniques ayant pour but d’identifier la ou les cibles antigéniques reconnues par ces AAN. Ces anticorps peuvent être quantifiés, selon la technique utilisée, mais en l’absence de standardisation, les résultats sont exprimés en unités arbitraires (UA). Les AAN sont principalement recherchés au cours de maladies auto-immunes non spécifiques d’organes. Ils sont positifs dans 40 à 50 % des cas de PR. Il n’existe pas des AAN spécifiques de la PR et la présence des AAN ne constitue pas un critère diagnostique de PR. Néanmoins, leur mise en évidence chez un patient porteur d’une polyarthrite encore inclassée peut orienter vers un diagnostic de maladie auto-immune, donc de PR. Dans ce cas, la recherche d’anticorps anti-ADN natif est en général négative. Valeur diagnostique des anti-protéines citrullinées et interprétation des résultats La valeur diagnostique des ACPA varie en fonction de leur taux, du stade et/ou de la durée d’évolution de la maladie, des populations témoins étudiées, du seuil de positivité choisi et des méthodes de détection utilisées (Tableau 3) [8,13—16]. Néanmoins, la caractéristique commune de ces tests est leur grande spécificité diagnostique, allant de 93 à 98 %. En dehors de la PR, ils peuvent être détectés chez des patients atteints de lupus (13 %), de syndrome de GougerotSjögren (3—8 %), de sclérodermie systémique (10—15 %), d’hépatite auto-immune de type I (9 %) ou d’hépatites chroniques (25 %) [14,17]. De nombreux travaux ont montré que leur présence chez des patients atteints d’un rhumatisme inflammatoire débutant, encore non classé, est un marqueur prédictif du développement d’une PR surtout lorsque le titre est élevé. C’est dans ce contexte clinique qu’ils doivent être La polyarthrite rhumatoïde prescrits. Il a été montré que ces anticorps apparaissent très précocement, voire même précèdent de plusieurs années le début de la maladie [6—8,13]. Les ACPA apparaissent plus précocement que les FR lors d’une PR [16,17]. Deux tiers des sérums de PR sans FR contiennent des ACPA. La valeur prédictive positive des deux anticorps associés est estimée en moyenne entre 91 et 100 %. La présence simultanée de FR et d’ACPA est particulièrement prédictive d’une progression rapide de la PR et de l’apparition d’érosions. Aussi, il est recommandé de rechercher en parallèle les FR et les ACPA, selon les recommandations internationales [1,3]. En effet, ces deux familles d’anticorps ne sont pas recouvrantes. Ils sont une aide pour le clinicien et orientent la prise en charge thérapeutique. En pédiatrie, les ACPA sont également utiles car ils sont présents dans les formes polyarticulaires d’arthrite juvénile idiopathique souvent associées aux FR. Quant à leur valeur pronostique, les ACPA sont associés le plus souvent aux formes sévères et actives de la PR. Leur présence chez des patients ayant une PR récemment découverte est un marqueur prédictif du développement d’une PR érosive. Ils sont corrélés à certains paramètres de sévérité (force de prise, raideur matinale des articulations, index fonctionnel, érosions articulaires, déformations des mains, présence de nodules sous-cutanés) et aux paramètres de l’inflammation (VS, CRP). Examens de biologie utiles lors du suivi thérapeutique Le traitement de la PR repose sur deux lignes thérapeutiques : les anti-inflammatoires qui visent à maîtriser les manifestations inflammatoires articulaires (traitement suspensif) et les traitements de fond dont le but est d’obtenir une rémission (ou à défaut un contrôle de l’activité de la maladie), de prévenir les lésions structurales et le handicap fonctionnel, de limiter les conséquences psychosociales et d’améliorer ou de préserver la qualité de vie du patient [1,3,18]. Les modalités thérapeutiques diffèrent en fonction du stade évolutif de la maladie (stade initial ou stade d’état). En première intention, en l’absence de contreindication (néphropathie, hépatopathie, leucopénie, désir de grossesse, infection. . .), il est recommandé de débuter le traitement de fond par le méthotrexate. D’autres traitements de fond peuvent être proposés en alternative : le léflunomide ou la sulfasalazine. L’existence initiale de signes de sévérité (lésions structurales par exemple) peut faire envisager en première intention un traitement plus intensif : soit une biothérapie par anti-TNF␣ de préférence en association avec le méthotrexate, soit l’association de plusieurs traitements de fond. La prévention des effets indésirables doit être systématique. Ces traitements exigent tous, au minimum, une surveillance hématologique par numération (risque d’agranulocytose, de thrombopénie) et hépatique par dosage des transaminases (risque de cytolyse). Le traitement de la douleur (par antalgiques ou anti-inflammatoires non stéroïdiens) doit être instauré et adapté en fonction de son intensité. Il existe différents algorithmes en fonction de l’activité et de l’évolutivité de la PR. L’emploi de drogues ciblées, telles que les anti-TNF-␣, anti-cytokines (IL1 et IL6), anti-lymphocytes B CD20+ et anti-CTLA4-Ig, bloque ou freine 285 les détériorations structurales radiographiques articulaires et induit une rémission prolongée dans 30 % des cas. Dans tous les cas, l’efficacité clinique est jugée sur des critères d’activité cliniques (nombre d’articulations gonflées, nombre d’articulations douloureuses, durée de la raideur matinale, niveau global d’activité évalué par le patient, niveau global d’activité jugé par le médecin) ; des critères biologiques (VS et CRP) et le calcul du DAS28. L’évolution du titre des FR et des ACPA ne semble pas être corrélée à l’évolution clinique. Leur normalisation n’est pas un objectif thérapeutique. La répétition de leurs dosages n’est pas actuellement recommandée en dehors de protocoles ou d’essais thérapeutiques. Enfin, en cas d’utilisation de drogues ciblées (anti-TNF␣, anti-CD20. . .), la présence d’auto-anticorps dirigés contre ces médicaments pourrait inhiber leur efficacité [19]. Toutefois, les études réalisées à ce jour font état de résultats non consensuels notamment quant à l’activité inhibitrice de ces anticorps sur la molécule utilisée. Ces dosages mis au point et commercialisés ne sont pas de pratique courante, et des essais cliniques prospectifs sont en cours. À noter qu’au cours de ces biothérapies ciblées, utilisées dans le traitement de la PR ou non, la production des AAN, anti-ADN natif ou anti-cardiolipides a été rapportée par plusieurs équipes, impliquant alors une prise en charge et une surveillance particulière [20]. D’autres auto-anticorps non spécifiques de la PR sont parfois observés : anti-Ro/SS-A, anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), traduisant souvent la présence de certaines manifestations cliniques ou d’authentiques syndromes de chevauchement avec une autre affection auto-immune. Conclusion La recherche des ACPA constitue à ce jour le marqueur diagnostique le plus spécifique et le plus précoce de la PR. La recherche des FR reste néanmoins d’actualité car ces deux familles d’auto-anticorps apportent des informations non redondantes en pratique clinique. En effet, il existe de rares cas de PR avec FR positifs sans ACPA. La présence d’ACPA chez des patients présentant une arthrite débutante permet non seulement de contribuer au diagnostic précoce d’une PR mais aussi de prédire une évolution péjorative et ainsi de mettre en place plus rapidement des traitements adaptés susceptibles de contrôler la maladie et d’éviter l’apparition de lésions articulaires irréversibles. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Aletaha D, Tuhina N, Silman AJ, et al. 2010 Rheumatoid Arthritis Classification Criteria. Arthritis Rheum 2010;62:2569—81. [2] Clot J, Pasquali JL. Les facteurs rhumatoïdes : méthodes de détection et interprétation. Cahier de formation, Bioforma 1999;13:13—24. 286 [3] Haute Autorité de Santé. Polyarthrite rhumatoïde (PR) : diagnostic et prise en charge initiale. Septembre 2007. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c 606479/polyarthriterhumatoide-diagnostic-et-prise-en-charge-initiale [4] Sebbag M, Simon M, Vincent C, Masson-Bessiere C, Girbal E, Durieux JJ, et al. The antiperinuclear factor and the so-called antikeratin antibodies are the same rheumatoid arthritisspecific autoantibodies. J Clin Invest 1995;95:2672—9. [5] Fabien N, Goetz J, Sordet C, Humbel RL, Sibilia J. Groupe d’étude de l’auto-immunité. 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