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Décembre 2010
www.hec.fr/eurasia
Croissance asiatique : le saut à l’élastique
L’Asie continue à
être le moteur de
l’économie
mondiale en 2010.
Singapour et
Taiwan ont connu
la plus forte
croissance, suivis
de près par la
Chine et l’Inde.
Même la
Thaïlande sort la
tête haute de la
crise politique du
printemps.
Au final,
l’ensemble du
Sud-est asiatique
enregistre des
progressions
supérieures à 6%.
L’Asie continue à être le moteur de l’économie mondiale. Tous les pays
ont rebondi de façon spectaculaire en 2010 par rapport aux scores médiocres de
2009, évidemment impactés par la sévère récession occidentale. Mais ce
rebond a sans doute atteint le sommet de sa trajectoire, pour retomber en 2011.
Le record de reprise économique en 2010 est à mettre au crédit de
Singapour, qui après une rude contraction de son activité l’année dernière
(voir tableau), enregistre cette année une croissance de son produit intérieur
brut (PIB) de +12,9%, soit 11% de plus que son niveau de 2008. Deuxième de
la liste, Taiwan, avec +9,9%, suivie de près par la Chine, encore et toujours,
qui sera à +9,7% de croissance en 2010. On trouve ensuite l’Inde, qui a atteint
une vitesse de développement de l’ordre de +8% – confirmant les bonnes
performances de 2009 – et produira des chiffres encore meilleurs en 2011,
selon toute probabilité.
Grâce à une demande intérieure qui reste large et robuste, l'Inde a bien
surmonté les effets de la crise mondiale, en grande partie parce qu’elle est
moins exposée aux vents du large. Mais c’est surtout une récolte
particulièrement bonne qui a favorisé la croissance. Cette accélération de
l’économie donne au Premier ministre Manmohan Singh une marge de
manœuvre supplémentaire pour renflouer les finances publiques et réduire le
déficit budgétaire vers la cible de 5,5% du PIB, dont on reste cependant assez
loin (-10%) en 2010.
On a d’autres surprises ailleurs en Asie. On pouvait penser que la
Thaïlande était dans le marasme à cause du grave conflit politique entre
« chemises rouges » et « chemises jaunes », sur fond de succession
monarchique. Il n’en est rien, comme si l’économie réelle était déconnectée de
la situation interne, avec +7,5% de croissance en 2010. La consommation et les
investissements ont bien résisté à la crise politique du printemps et les
exportations bénéficient d’une croissance solide. Pierre angulaire de
l’économie du pays, le tourisme thaïlandais, qui devait connaître une chute
sévère selon les augures se termine finalement en hausse de +10%.
Lensemble du Sud-est asiatique enregistre des progressions
supérieures à +6% en 2010, même dans des pays minuscules comme le Laos
ou le Cambodge. Les nouvelles sont également positives pour les économies
1
2
L’économie
japonaise se
redresse
doucement, mais
sûrement.
L’atterrissage
2010 dépendra en
grande partie du
niveau du
commerce
extérieur au cours
des prochains
mois.
La demande de
l’Occident est au
cœur du sujet,
mais les derniers
résultats sont
positifs.
En revanche, la
sous-évaluation
de nombreuses
devises asiatiques
continue à attiser
les frictions
commerciales.
Une montée
inquiétante de
l’inflation est
également de
circonstance à
travers la région.
matures de la zone, avec +2,9% pour le Japon, après la vive récession de 2009
(-5,2%) et +5,5% pour la Corée du Sud. Qui aurait dit il y a quelques mois que
le Japon dépasserait la croissance des Etats-Unis et de l’Europe cette année ?
La vigueur japonaise s'explique entre autres par une forte augmentation
de la consommation intérieure et une hausse inattendue des investissements
privés. Mais la santé de l’économie, très dépendante de son commerce
extérieur, inquiète de nouveau en cette fin d’année : les exportations se
contractent. Les entreprises du pays redoutent désormais le double impact du
fléchissement de la reprise en Occident et l'expiration des politiques de soutien
à la consommation mises en place par Tokyo. Leur indice de confiance a reculé
en décembre – la première baisse depuis près de deux ans.
L’atterrissage des économies asiatiques dépendra en grande partie du
niveau du commerce extérieur au cours des prochains mois. La croissance des
exportations de la région, particulièrement soutenue en 2009 et 2010, a été plus
modérée dernièrement. Certes, l’Asie est la seule à être repassée au-dessus de
son volume d’exportations d’avant-crise, mais elle est exposée au
ralentissement actuel des échanges mondiaux, dont elle est le centre de gravité.
La demande de l’Occident est bien entendu au cœur du sujet. Les
produits de haute technologie, en particulier électroniques, devraient bien se
tenir en 2011. Taïwan et la Corée du Sud, qui en sont les leaders, affichent
des résultats positifs. Mais les perspectives sont beaucoup plus incertaines pour
les autres secteurs.
La turbulence mondiale sur les monnaies provoque également des
dommages collatéraux en Asie. Le Baht thaïlandais s’est envolé, comme le
Ringgit malaisien, le Dong vietnamien, ou la Rupiah indonésienne. Même
chose pour le Yen japonais, pour lequel les autorités ont dû intervenir
massivement.
Le Yuan chinois devrait également s’apprécier, quelle que soit la
posture politique actuelle des autorités de Pékin, car l’écart entre la valeur du
Yuan et l’état réel de la balance des paiements chinoise devient de plus en plus
insoutenable. De combien ? C’est une question politique à laquelle la réponse
est : sans doute de l’ordre de +5% par an. Il s’y ajoute pour la Chine une
montée inquiétante de l’inflation qui en projection tendancielle est à son plus
haut niveau depuis dix ans par suite de l’afflux incontrôlé de liquidités dû au
plan de relance massif des deux dernières années.
Pour contenir la hausse des prix notamment alimentaires, qui
évoluent encore plus vite – la Banque centrale chinoise a augmenté cinq fois
cette année les taux de réserves obligatoires des banques et a relevé pour la
première fois en près de trois ans ses taux d’intérêt. Le gouvernement devrait
également sommer les banques à ralentir le rythme des prêts accordés, dont le
montant aurait déjà dépassé le plafond des 7 500 milliards de yuans fixé par les
autorités pour 2010.
De même, le gain affiché par le PIB indien s'accompagne de tensions
inflationnistes, point noir du pays. L’inflation en Inde reste deux fois
supérieure aux niveaux fixés par la Banque centrale, en dépit d’un
Si l’empire du
Milieu a
enregistré un
niveau record
pour ses
exportations le
mois dernier…
on ne peut pas
en dire autant du
Japon, comme
pour d’autres
pays de l’ASEAN.
En outre, les
perspectives
demeurent
incertaines…
…ce qui
n’empêchera pas
l’Asie de rester la
région la plus
enviable du
monde, et de loin.
Rendez-vous le
mercredi 2 février
pour en parler
davantage !
ralentissement depuis le début de l’année (lorsque la hausse des prix dépassait
les 10% sur un an).
Pour l’instant, la conjoncture asiatique est positive, à commencer par
celle de la Chine. Les exportations chinoises ont progressé en novembre 2010
d’un niveau record de +35% en général et depuis janvier de +42% avec les
pays de la région. Ces chiffres tombent alors que s'est ouverte à Pékin une
importante réunion annuelle sur la politique économique du pays. C’est au
cours de cette dernière que doivent se décider les grandes orientations du pays
pour l'année à venir, ainsi que les finalités du douzième plan quinquennal
(2011-2015).
Si les excédents de la balance courante chinoise ont plus que doublé, on
ne peut pas en dire autant du Japon, où les performances de fin d’année sont
décevantes, comme pour certains pays de l’ASEAN. Les échanges du Japon
avec ses principaux partenaires commerciaux – la Chine, les Etats-Unis, et
l’Union européenne – avaient pourtant joué jusqu’à présent un rôle non-
négligeable dans la reprise du pays. Mais la fin des plans de relance de crise
fera sentir son impact un peu partout. Sans stimulation nouvelle, le niveau
général d’activité devrait fléchir.
Les perspectives sont partout à un tassement de l’activité en 2011, à
l’exception notable de l’Inde, qui a des chances d’être le champion de la
croissance l’an prochain, pour la première fois devant la Chine. Dès le dernier
trimestre de 2010, les indicateurs ont basculé. Pas de beaucoup, certes, mais les
signes d’érosion son bel et bien là : cinq économies de la région sont en recul
par rapport au trimestre précédent, parmi lesquelles l’Indonésie, la Malaisie et
les Philippines.
« La prévision est un art difficile, surtout quand elle concerne
l’avenir ! » dit le sage proverbe chinois ! En l’état actuel de nos tableurs, la
croissance du Sud-est asiatique devrait passer de +7,1% en 2010 à +4,6% en
2011. Celle de la Chine de +9,7% à +7,5%. Celle du Japon, de +2,9% à
+1,3%. Celle de la Corée du Sud de +5,5% à +3,2%. L’Inde sortira son
épingle du jeu à +8,1%, confirmant une poussée autochtone qui commence à
porter ses fruits.
Malgré ces perspectives en demi-teinte, l’Asie restera la région la plus
enviable du monde, et de loin. Plus que jamais, le basculement de l’économie
mondiale se confirme en faveur de l’Asie.
Rendez-vous le mercredi 2 février à notre grand colloque annuel
« l’Asie en 2011 », où toutes ces perspectives seront examinées à la loupe par
les plus grands praticiens et experts de l’Asie. Nous entrerons dans l’année du
lièvre ! Joyeux Noël de la part de toute l’équipe Eurasia.
J.G & E.L
A NOTER SUR VOTRE AGENDA
« L’ASIE EN 2011 »
Colloque annuel d’HEC Eurasia Institute
Le mercredi 2 février 2011
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Croissance asiatique : le saut à l’élastique (en %)
2009
2010
2011
Sud-est asiatique
1,3
7,1
4,6
Vietnam 5,3 6,7 5,6
Thaïlande -2,5 7,5 3,6
Malaisie -1,7 6,4 4
Philippines 0,9 6,2 4
Indonésie 4,5 5,8 5,9
Singapour -1,3 12,9 3,3
Nord-est asiatique
9
6,5
7,7
Chine 8,7 9,7 7,5
Taiwan -1,9 9,9 3
Hong Kong -2,8 6,3 3
Corée du Sud 0,3 5,5 3,2
Asie du Sud
6,6
7,5
7,2
Inde 7,2 7,9 8,1
Japon -5,2 2,9 1,3
Source : Goldman Sachs Global Economics, 4th Quarter 2010
Balance budgétaire et dette publique (en % du PIB) en 2010
Balance budgétaire
Dette publique
Thaïlande -1 45
Malaisie -7 49
Philippines -3,5 69
Indonésie -3 30
Singapour -2,5 ND
Chine -2 ND
Taiwan -2 50
Hong Kong -3 ND
Corée du Sud -1 33
Inde -3 ND
Japon -10 226,5
Source : Goldman Sachs Global Economics, 4th Quarter 2010 4
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