Innover sous pression temporelle :
le rôle clé des start-ups internes au sein d’un groupe
industriel innovant
!
Introduction
Innover prend du temps. La littérature souligne que innovation et pression temporelle sont
généralement considérés comme antinomiques (Amabile, Hadley & Kramer, 2002). Leur combinaison
ne peut être envisagée que sous certaines conditions de gestion particulières (Amabile et al., 2002) et
dans certains environnements (Kessler & Bierly, 2002). Pourtant, certains auteurs préconisent que la
gestion de processus d’innovation sous contrainte, notamment financière et de connaissances, (Keupp
& Gassmann, 2013) peut inciter les entreprises à développer des produits et des services plus radicaux.
Rares sont les recherches ayant considéré la pression temporelle comme une opportunité pour innover
(Kach, Azadegan & Dooley, 2012).
La relation entre la vitesse et l’innovation a pour sa part fait l’objet de nombreux développements
(Stalk et Hout, 1990 ; Kessler et Chakrabarti, 1996 ; Kessler et Chakrabarty, 1999 ; Chen et al., 2010)
portant essentiellement sur les déterminants de la rapidité au sein des projets de développement des
nouveaux produits (Garel, 1999). Selon une méta-analyse récente (Chen et al., 2010) ces déterminants
distinguent rarement les innovations radicales nécessitant généralement l’intégration de connaissances
et de routines nouvelles, des innovations incrémentales fondées sur des processus connus, donc plus
rapides à mettre en œuvre. La majorité des recherches utilisent des données mono-sources,
généralement statiques (enquête ad-hoc, base de données officielles) et portent rarement sur des études
longitudinales (Kach et al., 2012), ce qui limite grandement la compréhension de la relation entre
innovation radicale et vitesse dans le contexte dynamique et global de l’innovation. En outre, les
facteurs explicatifs de la vitesse des projets d’innovation sont de nature différente de ceux qui
influencent l’organisation globale de l’innovation (Chen et al., 2010). Les recherches portant sur la
vitesse au niveau de l’organisation de l’innovation sont rares (Calantone, Garcia & Drödge, 2003).
Pourtant, une vision d’ensemble des portefeuilles et des programmes d’innovation permet d’envisager
différents rythmes de développements selon l’enjeu stratégique de certains projets. La majorité des
recherches centrées sur la vitesse des projets de développement de produits ne donne pas accès à cette
vision d’ensemble.
En outre, certains déterminants de l’innovation rapide apparaissent contradictoires (Chen et al., 2010).
Certains auteurs ont tenté de les structurer sous forme de forces centrifuges d’une part, qui produisent
de la nouveauté, et de forces centripètes d’autre part, qui permettent d’intégrer cette nouveauté
(Sheremata, 2000 ; 2002 ; Atuahene-Gima, 2003), d’autres auteurs parlent de stratégies d’actions
ouvertes et fermées (Gebert, Boerner & Kearney, 2010). Dans la lignée des travaux sur les paradoxes
organisationnels (Lewis, 2000), ces auteurs postulent que sous certaines conditions d’équilibre, ces
forces intégratives et génératives peuvent être combinées pour faciliter l’innovation rapide. Mais cette
littérature ne propose aucune forme organisationnelle concrète pour assurer cette combinaison. Bien
que théoriquement fondées, ces forces sont étudiées à un niveau d’abstraction tel qu’il apparait
difficile de les opérationnaliser (Lewis, 2000, Gebert, Boerner & Kearney, 2010) où à niveau trop
restrictif, celui du projet (Sheremata, 2000, Atuahene-Gima, 2003) pour offrir une compréhension de
l’organisation globale de l’innovation.
La littérature sur l’organisation ambidextre nous permet d’envisager cette combinaison au niveau de
l’organisation globale de l’innovation. Dans cette perspective, il est possible de mener de front ces