M2 Math – Topologie Alg´ebrique
Cours 1 – Homologie des complexes simpliciaux1
(version du 14 janvier 2009)
1. Complexes simpliciaux finis
Rappel de g´eom´etrie affine sur R
Soient A0,...,Ann+ 1 points de RN(net Nsont deux entiers quelconques). Le plus petit sous-espace affine
de RNcontenant tous les Aiest l’ensemble des barycentres PiλiAi, (λi)0inecrivant les n+ 1-uplets de
eels de somme 1. On le note < A0,...,An>. Les points A0,...,Ansont affinement ind´ependants si tout
point de < A0,...,An>s’´ecrit PiλiAipour un unique n+ 1-uplets de r´eels (λi) de somme 1. De fa¸con
´equivalente A0,...,Ansont affinement ind´ependants si et seulement si le sous-espace affine < A0,...,An>est
de dimension n.
Une partie Cde RNest convexe si pour tout couple de points A, B de Cle segment [A, B] est dans C. L’ensemble
{Pn
i=0 λiAi|λi0,Piλi= 1}
est la plus petite partie convexe de RNcontenant tous les Ai. On la note C(A0,...,An) et on l’appelle
l’enveloppe convexe des Ai. C’est une partie ferm´ee et born´ee de RNdonc un espace topologique compact pour
la topologie induite par celle de RN.
Un coin d’une partie convexe Cest un point Ade Cerifiant
B, C ∈ C, A [B, C](A=Bou A=C).
Lemme 1.1 Si les points Aisont affinement ind´ependants alors les coins de C(A0,...,An) sont exactement les
points Ai.
Ex. Qu’en est il si les Aine sont pas affinement ind´ependants ?
Lemme 1.2 Soit f:{A0,...,An} → RNune application. Si les points A0,...,Ansont affinement ind´ependants
alors fs’´etend de fa¸con unique en une application affine ˜
f: C(A0,...,An)RNd’image l’enveloppe convexe
des f(Ai).
L’application ˜
ferifie ˜
f(Pn
i=0 λiAi) = Pn
i=0 λif(Ai) et cette formule d´efinit ˜
fsi l’´ecriture Pn
i=0 λiAiest
unique.
Ex. Montrer par un exemple que l’hypoth`ese “les Aisont affinement ind´ependants” est n´ecessaire.
Complexe simplicial dans RN
D´ef. On appelle simplexe dans RNl’enveloppe convexe d’un ensemble fini non vide {A0,...,An}de points
affinement ind´ependants dans RN.
L’entier n= dim(< A0,...,An>) est appel´e dimension du simplexe C(A0,...,An).
Les points A0,...,Ansont d´etermin´es (`a permutation pr`es) par le simplexe C(A0,...,An) puisque ce sont les
coins du simplexe ; on les appelle les sommets du simplexe.
On appelle face d’un simplexe σtout simplexe dans RNdont les sommets sont des sommets de σ. Les faces de
σsont donc exactement les enveloppes convexes de sous-ensembles de l’ensemble des sommets de σ.
D´ef. On appelle complexe simplicial (fini) dans RNun ensemble fini Kde simplexes de RNerifiant :
toute face d’un simplexe de Kest un simplexe de K;
l’intersection de deux simplexes de Kest vide ou une face de chacun des simplexes.
On appelle sommet d’un complexe simplicial Ktout sommet d’un simplexe de K.
Ex. 1) L’ensemble des faces d’un simplexe dans RNest un complexe simplicial.
1F.X. Dehon, 9 d´ecembre 2008, dehon@unice.fr
1
2) L’ensemble form´e du simplexe C(A, B, C), du simplexe C(C, D) et de leurs faces (figure ci-dessous) est un
complexe simplicial dans R2.
B
C
D
A
3) L’ensemble form´e des simplexes C(A, B, C), C(D, C, F ) et de leurs faces (figure ci-dessous) n’est pas un
complexe simplicial dans R2: les simplexes C(B, C) et C(D, C) ne s’intersectent pas suivant une face de
C(B, C).
B
A
DE
C
D´ef. Un sous - complexe simplicial d’un complexe simplicial Kdans RNest un sous-ensemble Kde K
qui est lui mˆeme un complexe simplicial dans RN. Il suffit pour cela que toute face d’un ´el´ement de Ksoit
elle-mˆeme dans K.
Morphismes entre complexes simpliciaux
D´ef. Un morphisme d’un complexe simplicial Kde RNdans un complexe simplicial Lde RNest une
application fde l’ensemble des sommets de Kdans l’ensemble des sommets de Lerifiant :
(Q) Pour tout simplexe σde K, les images par fdes sommets de σsont des sommets d’un eme simplexe τ
de L.
On ne demande pas que fsoit injective.
On observe que l’application identit´e de l’ensemble des sommets d’un complexe simplicial Kdans lui-mˆeme
erifie la condition (Q) et que si f:KLet g:LMsont des morphismes de complexes simpliciaux alors
l’application compos´ee gfde l’ensemble des sommets de Kdans l’ensemble des sommets de Merifie (Q).
On dispose donc d’une composition des morphismes entre complexes simpliciaux et du morphisme identit´e. Un
morphisme f:KLest un isomorphisme de complexes simpliciaux s’il existe g:LKtel que fget
gfsoient l’identit´e de Let l’identit´e de Krespectivement.
Ex. Kest form´e des simplexes C(A, B, C), C(C, D) et de leurs faces. Lest form´e des simplexes C(A, B, C),
C(B, C, D) et de leurs faces (figure ci-dessous).
B
C
D
A
f
A
B
C
D
L’application f:A7→ A, B 7→ B, C 7→ C, D 7→ Dest un morphisme de complexes simpliciaux bijectif sur
l’ensemble des sommets mais fn’est pas un isomorphisme. Quels sont les morphismes de Ldans K?
Soit f:KLun morphisme entre complexes simpliciaux. A tout simplexe σde K, de sommets A0,...,An,
on associe le simplexe C(f(A0), . . . , f (An)) de Lqu’on note f(σ). On note f(K) l’ensemble form´e par les f(σ),
σd´ecrivant K.
Prop. 1.3 L’ensemble f(K) est un sous-complexe simplicial de L.
Exercice. Pourquoi C(f(A0),...,f(An)) est il un simplexe ? emontrer la proposition.
Espace topologique sous-jacent `a un complexe simplicial
D´ef. Soit Kun complexe simplicial fini dans RN. La r´eunion des simplexes de Kmunie de la topologie induite
par celle de RNest une partie compacte de RN(c’est une partie ferm´ee et born´ee). On l’appelle l’espace
topologique sous-jacent `a Ket on la note |K|.
Ex. Soit Aun point de RN. Le complexe simplicial Kassoci´e au simplexe C(A) a un seul simplexe et un
seul sommet. L’espace topologique sous-jacent est form´e du seul point A. On dit (par abus de langage) que ce
complexe simplicial est un point.
2
Soit f:KLun morphisme entre complexes simpliciaux. D’apr`es le lemme 2, pour chaque simplexe σde K
la restriction de f`a l’ensemble des sommets de σs’´etend de fa¸con unique en une application affine de σdans
f(σ). Si σet σsont deux simplexes de K, les applications affines ainsi d´efinies sur σet σco¨ıncident sur σσ.
On obtient donc une application bien efinie de |K|dans |L|qu’on note |f|. L’application |f|est affine par
morceaux (“PL-map” dans les textes anglais). On observe que la restriction de |f|`a l’ensemble des sommets
de Kest ´egale `a fdonc |f|etermine f.
Lemme 1.4 L’application |f|est continue.
Prop. 1.5 On a les ´egalit´es |IdK|= Id|K|et |gf|=|g| ◦ |f|pour f:KLet g:LMdes morphismes
entre complexes simpliciaux. En particulier si fest un isomorphisme de complexes simpliciaux alors |f|est un
hom´eomorphisme (une bijection continue dont la r´eciproque est continue).
Complexe simplicial abstrait
Ce qui suit `a pour but de montrer que les complexes simpliciaux et leurs morphismes sont des donn´ees essen-
tiellement combinatoires. Malheureusement ce qu’on gagne en clart´e est perdu en abstraction.
D´ef. Un complexe simplicial (fini) abstrait est un ensemble (fini) Kd’ensembles finis non vides v´erifiant :
pour tout ´el´ement Ade Ket pour toute partie non vide BA,Best un ´el´ement de K.
Un ´el´ement de Ks’appelle un simplexe de K. La dimension d’un simplexe AKest le nombre d’´el´ements de
Amoins 1. Les ´el´ements des simplexes de Ksont appel´es les sommets de K. L’ensemble des sommets de Kest
donc la r´eunion ensembliste des simplexes de K. Une partie Bd’un simplexe Ade Ks’appelle une face de K.
Ex. Soit n0 un entier. L’ensemble des parties non vide de {0,...,n}est un complexe simplicial qu’on
appelle simplexe standart de dimension net qu’on note [n].
D´ef. Un sous-complexe simplicial abstrait de Kest une partie Kde Kqui est elle mˆeme un complexe simplicial
abstrait.
Un morphisme d’un complexe simplicial abstrait Kdans un complexe simplicial abstrait Lest une application
de l’ensemble des sommets de Kdans l’ensemble des sommets de Lerifiant : σK, f(σ)L.
Ex. 1) Soit Sune partie finie non vide de cardinal n+ 1. L’ensemble, disons K, des parties non vides de S
est un complexe simplicial. Toute bijection {0,...,n} → Sefinit un isomorphisme du simplexe standart [n]
dans K.
2) Le simplexe standart de dimension 0 a un seul sommet ; on l’appelle aussi le point et on le note pt. Soit
Kun complexe simplicial ; l’unique application de l’ensemble des sommets de Kdans le singleton {0}efinit
l’unique morphisme de complexes simpliciaux Kpt. Nous utiliserons cette application par la suite.
ealisation
Soit Kun complexe simplicial (fini) dans RN. A chaque simplexe σde Kon associe l’ensemble Sσdes sommets
de σ. L’ensemble des Sσ,σd´ecrivant les simplexes de K, est un complexe simplicial (fini) abstrait qu’on note
K.
Dans le sens inverse soit Kun complexe simplicial (fini) abstrait et soit Sl’ensemble de ses sommets. On
consid`ere l’espace vectoriel RSdes applications de Sdans R. Si sest un ´el´ement de Son note esl’application
SRqui vaut 1 en set 0 ailleurs. La famille (es)sSest une base de RS. On identifie Savec la partie de
RSform´ee des es,secrivant S. A chaque simplexe σde Kon associe l’enveloppe convexe C(σ) des sommets
de σdans RS. L’ensemble des C(σ), σecrivant les simplexes de K, est un complexe simplicial dans RSqu’on
appelle la r´ealisation de Kdans RSet qu’on note K.
On observe que si Kest un complexe simplicial fini dans RNd’ensemble de sommets Salors la r´ealisation
dans RSdu complexe simplicial abstrait Kest canoniquement isomorphe `a K. De eme si Kest un complexe
simplicial abstrait (fini) d’ensemble de sommets Salors le complexe simplicial abstrait sous-jacent `a Kest
canoniquement isomorphe `a K. (En formule KK.)
Ex. Soit σ= C(A0,...,An) un simplexe dans RNet soit Kle complexe simplicial form´e de l’ensemble des faces
de σ(y compris σ). Alors le complexe simplicial abstrait sous-jacent `a Kest isomorphe au simplexe standart
de dimension n([n]).
Les d´efinitions sont telles que pour tout couple K, L de complexes simpliciaux abstraits on a une bijection
canonique entre l’ensemble des morphismes de Kdans Let l’ensemble des morphismes de la r´ealisation de K
dans celle de L.
3
A un complexe simplicial abstrait Kon associe l’espace topologique |K|qu’on note encore |K|. Il est clair qu’un
morphisme KLinduit une application continue |K| → |L|.
Triangulation d’un espace topologique
D´ef. Soit Xune partie de RN. Une triangulation `a isomorphisme affine pr`es de X(triangulation PL) est un
complexe simplicial fini K(abstrait ou dans RN) et une bijection f:|K| Xtels que pour chaque simplexe
σKla restriction de f`a |σ|est affine. Une partie de RNadmettant une triangulation PL est appel´ee
polytope. Par d´efinition mˆeme l’espace topologique sous-jacent `a un complexe simplicial est un polytope.
Ex. Consid´erons les deux triangulations PL suivantes Ket Ldu mˆeme polytope form´e de deux rectangles
pleins non coplanaires s’intersectant suivant un cˆot´e commun.
A
B
C
D
F
EA
B
C
D
F
E
Les deux triangulations PL sont minimales. Les complexes simpliciaux Ket Lne sont pas isomorphes bien que
les polytopes sous-jacents soient les emes.
D´ef. Soit Xun espace topologique. Une triangulation `a hom´eomorphisme pr`es de Xest un complexe
simplicial fini K(abstrait ou dans RN) et un hom´eomorphisme |K| → X.
Il n’est pas vrai que tout espace topologique compact est triangulable (`a hom´eomorphisme pr`es). Parmis les
triangulations d’un espace topologique triangulable, on peut consid´erer celles dont le nombre de simplexes est
minimal, qu’on appellera triangulation minimale. Idem pour les triangulations PL d’un polytope.
Ex. 1) Soient A, B, C trois points non align´es de R2. Consid´erons le complexe simplicial Kform´e des segments
C(A, B), C(B, C), C(A, C) et de leurs faces. L’espace topologique sous-jacent `a Kest hom´eomorphe au cercle
S1de sorte qu’on obtient une triangulation de S1.
Exercice : Expliciter un tel hom´eomorphisme. Montrer que la triangulation obtenue est minimale.
2) Plus g´en´eralement consid´erons le complexe simplicial, not´e [n], form´e des faces du simplexe standart [n]
de dimension strictement inf´erieure `a n. Alors |[n]|est hom´eomorphe `a la sph`ere Sn.
3) Consid´erons le complexe simplicial abstrait repr´esent´e ci-dessous
C E
D FB
A A
B
K={{A, B, D},{A, C, D},{C, D, F },{C, E, F },{E, F, B},{E, A, B}et les faces de ces simplexes}.
L’espace topologique sous-jacent `a Kest hom´eomorphe au cylindre S1×[0,1] et la triangulation ainsi obtenue
est minimale.
4) Le complexe simplicial repr´esent´e ci-dessous est-il une triangulation du ruban de Moebius ?
C E BA
B D F A
Quelques questions non ´el´ementaires
1. Un espace topologique triangulable est compact et admet une stratification par des espaces hom´eomorphes
`a des parties convexes de Rn. La eciproque est-elle vrai ?
2. Soit Kun complexe simplicial abstrait (fini). Quel est le plus petit entier Ntel que Kse r´ealise dans RN
(i.e. soit isomorphe au complexe simplicial abstrait sous-jacent `a un complexe simplicial dans RN) ?
Ce qui pr´ec`ede montre que Nest inf´erieur ou ´egal au nombre de sommets de Kmoins 1. D’autre part Nest
sup´erieur ou ´egal au maximum des dimensions des simplexes de K.
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