Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
PROBABILITÉS SUR UN UNIVERS FINI
1EXPÉRIENCE ALÉATOIRE ET ÉVÉNEMENTS
Le concept d’expérience aléatoire n’est pas mathématique à proprement parler. On appelle ainsi toute expérience
expérience matérielle ou expérience de pensée — susceptible a priori de résultats différents quand on la répète.
L’ensemble de ces résultats observables est appelé l’univers de l’expérience étudiée et très souvent noté . Plutôt que
de résultats, on parle aussi souvent d’issues et de réalisations.
L’expérience d’un lancer de dé à 6 faces peut conduire à 6 résultats selon la face obtenue. Pour modéliser un tel
lancer, on peut donc choisir pour univers l’ensemble ¹1,6º.
L’expérience du tirage de 2 boules successivement avec remise dans une urne contenant des boules noires et des
boules blanches peut conduire à 4 résultats : NN, NB, BN et BB si on choisit d’associer « N » à la
couleur noire et « B » à la couleur blanche. Pour modéliser un tel tirage, on peut donc choisir pour univers
l’ensemble N,B2des 2-listes de N,B, i.e. l’ensemble des mots de 2 lettres sur l’alphabet N,B.
En MPSI, tous nos univers seront des ensembles FINIS. Vous étudierez certains univers infinis en deuxième année.
Cette restriction du programme aux univers finis est uniquement technique. La théorie générale des probabilités sur
un univers quelconque, pour peu qu’on la développe rigoureusement, requiert l’introduction d’objets et de techniques
sensiblement plus sophistiqués que ceux que nous aborderons ensemble. L’ennui bien sûr, c’est qu’en limitant la
taille des univers, on limite drastiquement le nombre des expériences aléatoires autorisées. Il nous sera par exemple
impossible en MPSI :
de jouer à pile ou face INDÉFINIMENT — nous tricherons un peu parfois. ..
de jouer aux fléchettes contre un disque de rayon 2Ret de calculer la probabilité d’atterrir dans le disque central
de rayon R— cette probabilité vaut intuitivement : πR2
π(2R)2=1
4, mais comment le démontrer ?
Pour une expérience aléatoire donnée, on peut bien sûr appréhender chaque résultat isolément en tant qu’ÉLÉMENT
de , mais ce qui nous intéresse généralement, ce sont des regroupements de résultats définis génériquement par une
propriété commune et appelés événements.
Dans le lancer de dé précédent, la propriété « La face obtenue est paire » est satisfaite par 3 résultats, en l’occurrence
2, 4 et 6, et sera identifiée à l’ensemble 2, 4, 6.
Dans le tirage dans l’urne précédent, la propriété « La première boule est blanche » est satisfaite par 2 résultats,
en l’occurrence BN et BB, et sera identifiée à l’ensemble BN, BB.
Plus généralement, toute partie de est appelée un événement. L’ensemble des événements de l’expérience aléatoire
étudiée est ainsi l’ensemble total P()des parties de .
Définition (Vocabulaire usuel sur les événements) Soit l’univers fini d’une certaine expérience aléatoire.
Les singletons de sont appelés les événements élémentaires de . L’événement est appelé l’événement certain et
l’événement l’événement impossible.
Pour tous événements A,B P (), l’événement ABest appelé l’événement « A ou B » et l’événement AB
l’événement « A et B ». L’événement Aest quant à lui appelé l’événement contraire de A. On dit enfin que les événe-
ments Aet Bsont incompatibles s’ils sont disjoints, i.e. si : AB=.
On appelle système complet d’événements de tout ensemble A1,...,And’événements deux à deux incompatibles
dont la réunion est l’événement certain, i.e. pour lequel : =
n
G
i=1
Ai— réunion DISJOINTE, attention !
Exemple Pour l’expérience aléatoire du lancer d’un dé à 6 faces, les événements « La face obtenue est paire » et « La
face obtenue est impaire » forment un système complet d’événements car on obtient forcément une face paire ou une face
impaire et jamais les deux en même temps.
1
Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
Plus généralement, soient l’univers fini d’une certaine expérience aléatoire et A,B P (). La paire d’événements A,A
est alors un système complet d’événements car : AA=et AA=, et il n’est pas dur de vérifier que la collection
¦AB,AB,AB,AB©en est un également.
Exemple Pour tout univers fini =ω1,...,ωn, il est clair que : =
n
G
i=1ωi, donc les événements élémentaires
ω1,...,ωnforment un système complet d’événements.
2PROBABILITÉS SUR UN UNIVERS FINI
Définition (Probabilité sur un univers fini) Soit l’univers fini d’une certaine expérience aléatoire. On appelle
probabilité sur toute application P:P()[0,1]telle que :
P() = 1,
A,B∈ P (),AB==P(AB) = P(A) + P(B)(additivité).
Le couple (,P)est alors appelé un espace probabilisé (fini).
Les probabilités uniformes définies ci-dessous constituent l’exemple le plus naturel de probabilité sur un ensemble fini,
mais ce ne sont pas les seules probabilités que nous aurons l’occasion d’utiliser — loin de .
Définition-théorème (Probabilité uniforme) Soit un ensemble fini. L’application AP
7−|A|
||est une probabilité sur
appelé sa probabilité uniforme.
Explication Vous connaissez bien la relation : P(A) = |A|
||sous la forme suivante : Nombre de cas favorables
Nombre de cas possibles .
Exemple On lance un à 6 faces une fois. Quel espace probabilisé pour cette expérience aléatoire ? On peut choisir
pour univers l’ensemble ¹1,6ºdes résultats potentiels et pour probabilité Psur la probabilité uniforme — car à moins
que le dé soit pipé, les faces ont toutes autant de chances d’apparaître.
Si on note Al’événement « On obtient un nombre premier » et Bl’événement « On obtient un nombre pair », alors :
P(A) = P2,3,5=2,3,5
||=3
6=1
2et P(B) = P2,4, 6=2,4,6
||=3
6=1
2.
Dans ce cas particulier où : P(A) = P(B), on dit que les événements Aet Bont équiprobables. Plus généralement :
Définition (Événements équiprobables) Soient (,P)un espace probabilisé fini et A,B P (). On dit que les
événements Aet Bsont équiprobables si : P(A) = P(B).
Exemple Soit =ω1,...,ωnun univers fini de probabilité uniforme P. Les événements élémentaires ω1,...,ωn
sont alors équiprobables — de probabilité commune 1
||.
2
Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
Théorème (Propriétés des probabilités) Soient (,P)un espace probabilisé fini et A,B,A1,...,An∈ P ().
(i) Ensemble vide : P() = 0.
(ii) Complémentaire et différence : PA=1P(A)et PA\B=P(A)P(AB).
(iii) Croissance : Si : AB, alors : P(A)P(B).
(iv) Réunion : P(AB) = P(A) + P(B)P(AB). En général : Pn
[
k=1
Ak
n
X
k=1
P(Ak)(sous-additivité),
mais cette inégalité est une égalité si A1,...,Ansont DEUX À DEUX INCOMPATIBLES :Pn
G
k=1
Ak=
n
X
k=1
P(Ak).
Formule du crible : Pn
[
i=1
Ai=
n
X
k=1
(1)k+1X
1i1<...<ikn
PAi1...Aik(hors programme).
Démonstration
(i) et (ii) Comme : A=A\B(AB), alors : P(A) = PA\B+P(AB).
Ainsi : PA=P\A=P()P(A) = 1P(A), mais aussi : P() = 1P() = 11=0.
(iii) Comme : AB, alors : B=AB\A, donc : P(B) = P(A) + PB\A¾P(A) + 0=P(A).
(iv) Comme A=A\B(AB):P(A) = PA\B+P(AB), et comme AB=A\BB:
P(AB) = PA\B+P(B), ensuite il suffit de mélanger.
Pour la sous-additivité, récurrence ! Initialisation : Pour tout A1∈ P ():P(A1)P(A1)...
Hérédité : Soit nN. On suppose que pour tous A1,...,An∈ P ():Pn
[
k=1
Ak
n
X
k=1
P(Ak).
Alors pour tous A1,...,An+1∈ P ():Pn+1
[
k=1
Ak=P n
[
k=1
AkAn+1
=Pn
[
k=1
Ak+P(An+1)P n
[
k=1
AkAn+1Pn
[
k=1
Ak+P(An+1)HDR
n
X
k=1
P(Ak)+P(An+1) =
n+1
X
k=1
P(Ak).
La formule du crible sera prouvée au chapitre « Variables aléatoires sur un espace probabilisé fini ».
Nous avons rencontré plus haut l’exemple naturel et fondamental des probabilités uniformes. Le théorème qui suit décrit
l’ensemble de TOUTES les probabilités qu’on peut installer sur un ensemble fini.
Théorème (Détermination d’une probabilité sur les événements élémentaires) Soient =ω1,...,ωnun univers
fini et p1,...,pn[0, 1]des réels pour lesquels :
n
X
i=1
pi=1. Il existe une et une seule probabilité Psur telle que
pour tout i¹1, nº:Pωi=pi. Précisément, pour tout A∈ P ():P(A) = X
1in
ωiA
pi.
Démonstration
Analyse : Soit Pune probabilité sur telle que pour tout i¹1, nº:Pωi=pi. Dans ces
conditions, pour tout A∈ P ():P(A) = PG
1in
ωiAωi=X
1in
ωiA
Pωi=X
1in
ωiA
pi=
n
X
i=1
A(ωi)pi.
Synthèse : Pour tout A∈ P (), posons : P(A) =
n
X
i=1
A(ωi)pi.
Pour tout A∈ P ():P(A)[0, 1]car : 0 P(A)
n
X
i=1
pi=1.
En outre : P() =
n
X
i=1
(ωi)pi=
n
X
i=1
pi=1.
Également, pour tout j¹1, nº:Pωj=
n
X
i=1
{ωj}(ωi)pi=
n
X
i=1
δi j pi=pj.
Enfin, pour tous A,B P ()incompatibles : AB=A+BAB=A+B, donc :
P(AB) =
n
X
i=1
AB(ωi)pi=
n
X
i=1
A(ωi)pi+
n
X
i=1
B(ωi)pi=P(A) + P(B).
3
Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
Exemple On lance une fois un dé pipé à 6 faces qui donne la face « 1 » avec probabilité 1
4et les autres faces avec probabilité
3
20. Pour modéliser ce lancer, on peut choisir pour univers l’ensemble ¹1,6ºdes résultats possibles de l’expérience et pour
probabilité Pla probabilité définie par : P1=1
4et pour tout k¹2, 6º:Pk=3
20. Il s’agit bien là d’une
probabilité car :
6
X
k=1
Pk=1
4+5×3
20 =1. Attention tout de même si cette vérification nous garantit que Pest
une probabilité, elle ne garantit pas l’adéquation de Pà la réalité qu’elle est censée décrire.
L’événement A« On obtient une face impaire » a pour probabilité : P(A) = P1+P3+P5=1
4+2×3
20 =11
20.
Exemple Une urne contient 3nboules numérotées de 1 à 2navec, pour tout k¹1, nº, exactement 2 boules indiscer-
nables de numéro 2ket exactement une boule de numéro 2k1. On tire de cette urne une boule au hasard et on regarde
son numéro. Pour modéliser ce tirage, on peut choisir pour univers l’ensemble ¹1,2nºde tous les numéros possibles et
pour probabilité Pla probabilité définie pour tout k¹1, nºpar : P2k=2
3net P2k1=1
3n. Il s’agit
bien là d’une probabilité car :
2n
X
k=1
Pk=
n
X
k=1
P2k+
n
X
k=1
P2k1=
n
X
k=1
2
3n+
n
X
k=1
1
3n=1.
L’événement A« On tire une boule de numéro pair » a pour probabilité : P(A) =
n
X
k=1
P2k=
n
X
k=1
2
3n=2
3.
3PROBABILITÉS CONDITIONNELLES
A
B
Soit un univers fini de probabili uniforme P. Dans ce contexte, tout événement A P ()
a pour probabilité : P(A) = |A|
||.
Faisons maintenant l’hypothèse qu’un certain événement B P ()est réalisé avec : P(B)>0. Cette hypothèse
modifie a priori la possibilité qu’ont les autres événements de de se réaliser eux-mêmes. Par exemple, sous l’hypothèse
que Best réalisé, on a bien envie de dire que Best réalisé « avec probabilité 1 » et que Bl’est « avec probabilité nulle »,
mais rien ne garantit pourtant que : P(B) = 1 et PB=0. Que faire alors ? De même que nous avons introduit
au départ une probabilité Psur pour mesurer la vraisemblance des événements de , nous sommes obligés d’introduire
une nouvelle probabilité PBsur pour mesurer la nouvelle vraisemblance des événements de sous l’hypothèse que Best
réalisé. On appelle PBla probabilité conditionnelle sur sachant B. Avec cette probabilité, il devient vrai que : PB(B) = 1
et PBB=0.
Comment calculerons-nous à présent PB(A)pour un événement A∈ P ()quelconque ? Maintenant qu’on sait que Best
réalisé, on peut toujours garder comme univers si on veut, mais n’est plus l’ensemble des résultats possibles de l’expé-
rience modélisée, c’est Bnotre nouvel ensemble de tous les cas possibles. Quant à l’ensemble des cas favorables à la réalisation
A
AB
B
de A, cet ensemble n’est plus Atout entier, mais sa restriction AB. Finalement, sous l’hypothèse
que Best réalisé, la probabilité PB(A)de Avaut : PB(A) = |AB|
|B|=
|AB|
||
|B|
||
=P(AB)
P(B).
Par rapport à P, la probabili conditionnelle APB
7−P(AB)
P(B)se présente comme une probabilité d’oubli, une émanation
de Paveugle à tout ce qui dépasse le cadre B. La division par P(B)nous garantit l’égalité : PB(B) = 1 selon laquelle « B
est tout » — un nouvel univers apparent. En outre : PB=0. En résumé :
Conditionner, c’est redimensionner l’ensemble des résultats possibles.
Nous venons de travailler avec une probabilité uniforme par simplicité d’exposition, mais les probabilités conditionnelles
peuvent être définies dans n’importe quel contexte probabiliste conformément à la définition suivante.
4
Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
Définition (Probabilité conditionnelle) Soient (,P)un espace probabilisé fini et B P ()un événement pour
lequel : P(B)>0.
Pour tout A∈ P (), on appelle probabilité conditionnelle de A sachant B le réel : P(A|B) = PB(A) = P(AB)
P(B).
L’application PB:P()[0,1]est une probabilité sur appelée sa probabilité conditionnelle sachant B (issue
de P).
Démonstration Il s’agit de montrer que PBest une probabilité sur .
Pour tout A∈ P ():PB(A)[0,1]car par croissance de P: 0 P(AB)P(B).
Ensuite : PB() = P(B)
P(B)=P(B)
P(B)=1.
Enfin, pour tous A,A∈ P ()incompatibles, ABet ABsont également incompatibles, donc :
PB(AA) = P(AA)B
P(B)=P(AB)(AB)
P(B)=P(AB) + P(AB)
P(B)=PB(A) + PB(A).
Théorème (Formule des probabilités totales) Soient (,P)un espace probabilisé fini et A1,...,Anun système
complet d’événements de de probabilités strictement positives. Pour tout B∈ P ():P(B) =
n
X
i=1
PAi(B)P(Ai).
Démonstration Comme : B=B=B
n
G
i=1
Ai=
n
G
i=1
(BAi)alors :
P(B) = Pn
G
i=1
(BAi)=
n
X
i=1
P(BAi) =
n
X
i=1
PAi(B)P(Ai).
Explication Vous avez déjà rencontré la formule des probabilités totales auparavant, mais sans doute à travers
des arbres de probabilité. Voilà comment vous vous l’êtes sans doute représentée pour n=3 :
A3
A2
A1
B
B
B
B
B
B
P(A3)
P(A2)
P(A1)
PA3B
PA3(B)
PA2B
PA2(B)
PA1B
PA1(B)
P(B) = PA1(B)P(A1) + PA2(B)P(A2) + PA3(B)P(A3)
À partir d’aujourd’hui, vous gardez le droit de penser en termes d’arbres de probabili si cela vous aide, mais UN ARBRE DE
PROBABILITÉ NE SERA PLUS CONSIDÉRÉ COMME UNE PREUVE BIEN FORMALISÉE. Pourquoi ? Parce qu’il faut un jour apprendre
à maîtriser le formalisme de la formule des probabilités totales si on veut pouvoir résoudre des problèmes un peu plus
compliqués que ceux auxquels vous avez jusqu’ici été confrontés.
Exemple Dans une classe de 40 étudiants — 25 filles et 15 garçons — le professeur principal se propose de désigner
brutalement deux délégués provisoires. Il prend une liste de la classe, ferme les yeux et pointe au hasard un premier nom
avec la pointe de son stylo, puis de même un deuxième. Avec quelle probabilité le deuxième nom tiré est-il celui d’un garçon ?
En effet Notons G1(resp. G2) l’événement « Le premier (resp. deuxième) nom tiré est celui d’un garçon ».
Nous cherchons P(G2). De quelles informations disposons-nous ?
P(G1) = 15
40 =3
8,PG1=25
40 =5
8,PG1(G2) = 14
39 et PG1(G2) = 15
39.
Or G1,G1est un système complet d’événements de probabilités strictement positives, donc d’après la formule
des probabilités totales : P(G2) = PG1(G2)P(G1) + PG1(G2)PG1=14
39 ×3
8+15
39 ×5
8=3
8.
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