À vos soins Fluctuations motrices liées à la prise de lévodopa Présentation du cas F.G. est une femme de 78 ans hospitalisée pour raideurs, chutes et troubles de la marche. La patiente souffre de la maladie de Parkinson depuis plusieurs années. Les raideurs surviennent surtout vers l’heure du dîner, en soirée et la nuit. Chez elle, F.G. prend sa médication à des heures très fixes, soit 7 heures, 11 heures, 16 heures et 21 heures. Un simple petit retard dans la prise de la médication entraîne des raideurs. Dans le cardex des infirmières, il est mentionné que les comprimés de Sinemet CRMD sont écrasés, car la patiente aurait de la difficulté à avaler, et les heures de prises des médicaments diffèrent totalement de celles auxquelles la patiente est habituée. La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative qui apparaît en moyenne vers 60 ans et dont la prévalence augmente avec l’âge. L’évolution de la maladie se fait habituellement sur une période de 10-20 ans. Elle se manifeste par la présence des signes suivants : bradykinésie (lenteur des mouvements), rigidité, tremblements au repos et akinésie (rareté des mouvements). Le diagnostic est posé lorsque deux de ces quatre signes sont présents1-3. La lévodopa représente la pierre angulaire du traitement de la maladie de Parkinson. Par contre, le traitement à long terme par ce médicament est compliqué par l’apparition de divers effets indésirables : fluctuations motrices, dyskinésie et complications neuro­ psychiatriques (confusion, hallucinations, cauchemars, troubles du sommeil)1-3. Après 5 ans de traitement par la lévodopa, 20 % à 50 % des patients développeront des complications de la motricité telles que des mouvements involontaires, une diminution de la réponse au médicament et des variations de son efficacité au cours de la journée1. Il existe actuellement deux types de complications motrices liées à la lévodopa : les fluctuations motrices (absence de réponse, réponse clinique sous-optimale, effet d’épuisement ou détérioration de fin de dose, épisodes « off » non prédictibles, phénomènes « on »/« off ») et les dyskinésies (dyskinésies de pic de dose, dyskinésies diphasiques, dystonie)2. L’effet d’épuisement ou la détérioration de fin de dose (wearing off) se manifeste par une perte d’efficacité de la lévodopa. La durée des bénéfices après la dose de médicament est de moins de quatre heures et le patient voit ses symptômes réapparaître avant la prochaine prise du médicament. La perte de l’effet tampon des cellules nigro­ striées explique cette complication. En effet, elles perdent leur capacité à emmagasiner la lévodopa et à la libérer sous forme de dopawww.monportailpharmacie.ca mine lorsque nécessaire. Au stade initial de la maladie, les concentrations fluctuantes de lévodopa dans le cerveau sont tamponnées par les neurones dopaminergiques. Cet effet bénéfique diminue au fur et à mesure que la maladie progresse en raison d’une dégénérescence dopaminergique plus importante1,2. Plusieurs solutions s’offrent pour pallier ce problème selon les données relatives au patient et selon les traitements qu’il a reçus. Chez certains patients, il est possible d’ajouter un agoniste dopaminergique (p. ex. : MirapexMD, RequipMD) afin de diminuer les périodes « off ». La dose de lévodopa doit être maintenue jusqu’à l’atteinte d’une réponse clinique de l’agoniste dopaminergique, pour ensuite être diminuée graduellement1,3,4. Les agonistes dopaminergiques peuvent entraîner plusieurs effets indésirables (délirium, hallucinations visuelles) et, par conséquent, ne sont pas recommandés chez les patients de plus de 70 ans1. Une autre solution à ce problème est l’ajout d’un inhibiteur de la catéchol-Ométhyltransférase (COMT), tel que l’entacapone (ComtanMD). Ce traitement peut réduire de façon significative les périodes « off ». L’entacapone n’est pas efficace seul comme antiparkinsonien et doit être administré en association avec la lévodopa. Il peut être recommandé de diminuer les doses de lévodopa de 15-30 % lors de l’initiation de l’entacapone si le patient présente de la dyskinésie1-4. De plus, il est possible de manipuler les doses de lévodopa afin d’améliorer l’état du patient. Il est possible d’augmenter les doses si le patient n’expérimente pas de dyskinésie, ou d’augmenter la fréquence d’administration. La formulation longue action (Sinemet CR MD) peut être utile pour les détériorations de fin de dose afin d’augmenter la durée de la réponse de 60 à 90 minutes par rapport aux comprimés Texte rédigé par Valérie Chiasson-Roussel, B. Pharm., M.Sc. Texte original soumis le 9 octobre 2007. Texte final remis le 22 octobre 2007. Révision : Sonia Lacasse, B. Pharm. Remerciements : Chantal Bélanger, B. Pharm., M.Sc., pour son aide dans la révision de cet article. Janvier 2008 vol. 55 n° 1 Québec Pharmacie À vos soins réguliers. Par contre, la biodisponibilité du Sinemet CR est moindre que celle du SinemetMD, et une augmentation des doses peut donc être nécessaire lors du passage à la formulation longue action. Le pic d’action est aussi retardé par rapport à la formulation régulière. L’ajout d’une formulation à libéra- tion contrôlée est plus efficace pour traiter les périodes « off » qui surviennent la nuit et doit être évité dans les stades avancés de la maladie, car elle peut induire des effets indésirables telles la dyskinésie et la psychose1-4. Il est aussi très important de respecter les heures de prise de la médication du patient, SPatiente hospitalisée pour des chutes et des troubles de l’équilibre depuis quelques semaines. Elle se plaint aussi de raideur vers l’heure du dîner, en soirée et la nuit. Ces raideurs ont entraîné au moins deux chutes et la patiente a de la difficulté à effectuer ses activités quotidiennes. O Femme de 78 ans présentant une maladie de Parkinson. La patiente a aussi des antécédents d’accident vasculaire cérébral, d’hypertension avec hypotension orthostatique, d’hypothyroïdie, de reflux gastro-œsophagien, d’arthrose, d’anxiété, de polyneuropathie et de dyspepsie fonctionnelle. La patiente prend sa médication en dosette à la maison qu’elle gère elle-même. Elle prend son Sinemet à des heures très précises (7 heures, 11 heures, 16 heures et 21 heures). Médication à la maison : nLopresorMD 50 mg bid n AAS 80 mg die n RestorilMD 30 mg hs prn n ColaceMD 100-200 mg hs prn n MotiliumMD 10 mg tid n PantolocMD 40 mg die n SynthroïdMD 0,025 mg die Doses de Sinemet prises à la maison : n Sinemet 100/25 mg 2,5 comprimés à 7 heures n Sinemet CR 100/25 mg 2 comprimés à 11 heures n Sinemet 100/25 mg 2 comprimés à 16 heures n Sinemet 100/25 mg 1,5 comprimé à 21 heures ALa patiente présente une détérioration en fin de dose, qui est une fluctuation motrice liée à l’utilisation à long terme de la lévodopa1-4. L’ajout d’un agoniste dopaminergique n’est pas recommandé chez les personnes âgées de plus de 70 ans, en raison de leurs effets indésirables1,2. L’ajout d’entacapone serait une solution possible, mais l’ajout de ce nouveau médicament pourrait entraîner de nouveaux effets indésirables (dyskinésie, diarrhée, vomissement, nausée)1. Par contre, pour cette patiente, une manipulation des doses de lévodopa serait une bonne solution, car elle tolère bien le médicament. La prise d’un Sinemet CR et d’un Sinemet à courte action vers 11 heures pourrait améliorer les raideurs vers l’heure du dîner. L’ajout d’une dose de lévodopa en soirée ainsi qu’une redistribution des doses de Sinemet CR, particulièrement une au coucher qui permettra de réduire les raideurs en soirée et la nuit, sont indiqués. P n n n n n Discuter avec le médecin d’un ajustement des doses de lévodopa : − 7 h : Sinemet 100/25 mg 2,5 comprimés − 11 h : Sinemet CR 100/25 mg 1 comprimé et Sinemet 100/25 mg 1 comprimé − 16 h : Sinemet 100/25 mg 2 comprimés − 20 h : Sinemet100/25 mg ½ comprimé − 21 h : Sinemet CR 100/25 mg 1 comprimé et Sinemet 100/25 mg 1 comprimé Instaurer un système d’automédication, à l’hôpital, avec une dosette, afin que la patiente ait ses comprimés aux bonnes heures. Vérification quotidienne de la prise de médicament et du soulagement des raideurs. Suivi des effets indésirables de la lévodopa (tolérance digestive, hypotension orthostatique liée à la prise de lévodopa [suivi de la pression couchée/debout]). Indiquer aux infirmières de ne pas écraser le Sinemet CR (seul le Sinemet CR 200/50 mg est sécable, mais les deux ne s’écrasent pas). Québec Pharmacie vol. 55 n° 1 Janvier 2008 car un simple petit retard dans l’administration peut entraîner un déséquilibre du Parkinson. En pratique, l’ajustement des doses de lévodopa est souvent la première option choisie. Enfin, il est important de travailler en relation étroite avec une nutritionniste. En effet, les acides aminés contenus dans les protéines du régime alimentaire peuvent concurrencer la lévodopa pour l’absorption intestinale et le transport au cerveau. Donc, il pourrait y avoir des bénéfices à diminuer la quantité de protéines ingérées dans la journée ou à redistribuer les protéines alimentaires durant la journée. Par contre, les bénéfices obtenus sont de courte durée et il faut s’assurer de respecter les besoins en protéines du patient. Une autre solution serait la prise de la lévodopa une heure avant ou après la prise de nourriture dans un estomac vide, si le patient le tolère2. n Références 1.Mallet L. La maladie de Parkinson. Dans : Mallet L, Grenier L, Guimond J, Barbeau G. Manuel des soins pharmaceutiques en gériatrie. Les Presses de l’Université Laval 2003. 301-29. 2. Olanow CW, Watts RL, Koller WC. An algorithm (decision tree) for the management of Parkinson’s disease (2001) : Treatment Guidelines. Neurology 2001; 56(suppl 5) :S1-S88. 3. Djaldetti R, Melamed E. Management of response fluctuations : Practical guidelines. Neurology 1998; 51 (Suppl 2) : S36-S40. 4. Lang AE, Lozano AM. Parkinson’s Disease : Second of two parts. New England Journal of Medicine 1998; 339 (16) : 1130-1143. Question de formation continue 1) Lequel de ces énoncés est faux ? A. L’effet bénéfique d’une dose de Sinemet à libération régulière est de quatre heures. B. Les agonistes dopaminergiques ne sont pas des agents de choix chez les personnes âgées en raison de leurs effets indésirables. C. L’ajout d’entacapone est une solution efficace pour améliorer la détérioration de fin de dose liée à la lévodopa. D. Il est préférable de prendre la lévodopa avec une source d’acides aminés pour augmenter son absorption. E. L’ajout de Sinemet CR au coucher est efficace pour traiter les périodes « off » pendant la nuit. Veuillez reporter votre réponse dans le formulaire de la page 38